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11/12/2021

CARLOS FIGUEROA
Vargas Llosa et le néofascisme

Carlos Figueroa, La Hora, 9/12/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Carlos Figueroa Ibarra (Ciudad de Guatemala, 1952) est un sociologue, professeur et chercheur à l’Université de Puebla (Mexique), spécialisé dans le prolétariat rural au Guatemala puis dans la violence qui a marqué l’histoire de ce pays, à laquelle il a consacré de nombreux livres et articles. Ses parents ont été assassinés en juin 1980 par la dictature du général Romeo Lucas García. Menacé de mort par l’Armée secrète anticommuniste, un escadron de la mort organisé par les services de renseignement, il a passé une grande partie de sa vie au Mexique.


Mario Vargas Llosa est perçu par les gauches comme quelqu'un qui a viré à droite. Il est certainement suffisamment intelligent pour ne pas répéter les affirmations ultradroitières, courantes de nos jours. Il se décrit lui-même comme un « démocrate », l'un des euphémismes par lesquels la droite néolibérale veut travestir sa véritable affiliation. Son dernier roman, Tiempos Recios [Temps sauvages], consacré au renversement de Jacobo Árbenz au Guatemala (1954) et à l'assassinat ultérieur (1957) de celui qui l’avait renversé, Castillo Armas, révèle que son agenda est distinct de celui de la droite néo-fasciste. Le but du roman est de reprocher à la droite anticommuniste d'avoir offert la figure historique d'Árbenz à la gauche.

Il est néanmoins indubitable que, face à l'avancée de la gauche, la droite néolibérale préférera tout autre scénario au triomphe de la gauche. En ce moment, au Chili, les perspectives du néofasciste José Antonio Kast ne sont pas brillantes. Après des prédictions optimistes sur sa candidature après qu’il eut remporté de justesse les primaires, les récents sondages donnent gagnant le candidat de gauche Gabriel Boric avec une marge de 5 à 13% des voix. Compte tenu de l'histoire électorale du Chili, il serait inusité que Boric l'emporte au second tour : jamais un candidat perdant au premier tour n'a gagné au second.

Mais la peur inonde la droite à l'intérieur et à l'extérieur du Chili. Alors qu'ils célébraient « la fin du cycle des gouvernements progressistes », il semble qu'une nouvelle vague du même genre se prépare. Dans une réunion en ligne organisée par le parti de Kast, Vargas Llosa a déclaré que « ce serait une véritable tragédie pour l'Amérique latine si la gauche continuait à gagner les élections ». Mais qui est le candidat que Vargas Llosa considère comme préférable à la tragédie d'une gauche victorieuse ?


Kast est le fils d'un officier nazi qui a réussi à se réfugier en Italie, puis au Chili. Il est le frère de Miguel Kast, l'un des « Chicago Boys » qui ont concocté la recette néolibérale de la dictature de Pinochet. En outre, Miguel était associé à la Direction nationale des renseignements (DINA), la police secrète de la dictature de Pinochet. Son autre frère a été mentionné comme participant à l'interrogatoire de prisonniers après le coup d'État de 1973.

Parenté mise à part, Kast défend l'héritage de Pinochet, un nouvel « état d'urgence » avec le pouvoir de faire des descentes dans les maisons et d'espionner les communications, des fossés (sinon des murs) pour empêcher les migrants d'entrer dans le pays, la fermeture de l'Institut national des droits de l'homme, un plan international contre les « radicaux de gauche » (nouveau Plan Condor) [lire Chili : le candidat Kast et l'opération Condor, par Roberto Pizarro Hofer], l'abrogation de la loi sur l'avortement, la suppression du ministère de la Femme, la fermeture de la FLACSO-Chili [Faculté latino-américaine des sciences sociales], la lutte contre l'État interventionniste. Défense de la Constitution de Pinochet, du christianisme et du marché libre.

Le projet de Kast est de défendre le néolibéralisme par la répression autoritaire. Pendant quarante ans, les néolibéraux ont prétendu être des partisans de la démocratie. Maintenant que leur modèle est en crise, la conflagration sociale chilien de 2019 le révèle, ils se réfugient dans une droite qui enlève son masque démocratique. Vargas Llosa est en phase avec ça.

 
Sa littérature                                            Son compte en banque
Eneko

 

29/11/2021

JUAN PABLO CÁRDENAS S.
Chili : Kast ou Boric, bonnet blanc ou rose bonnet ?

 Juan Pablo Cárdenas S., Política y Utopía, 28/11/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Juan Pablo Cárdenas Squella (Santiago, 1949) est un journaliste et universitaire chilien, qui fut un opposant démocrate-chrétien au régime Pinochet, persécuté  pour ces raisons, y compris après le "retour de la démocratie".

Si, avec un si grand nombre de candidats à la présidence au premier tour de l’élection, les abstentionnistes étaient plus nombreux que les votants, rien ne permet de penser que la situation pourrait changer maintenant et que davantage de personnes encore n'hésiteront pas à voter pour l'une des deux options en lice. C'est-à-dire, pour José Antonio Kast ou Gabriel Boric. Ce sera sûrement confirmé : celui qui sera élu Président de la République n’aura pas rallié plus de 20 ou 25 % du nombre total de citoyens.Ainsi, la démocratie sera la plus touchée lors de ces élections. Il est incontestable que le pays se soucie beaucoup plus des questions de sécurité et des exigences socio-économiques que de la stabilité d'un régime qui, en quarante ans, n'a d'ailleurs pas atteint les normes démocratiques qui existent dans les autres pays du monde. Là où il y a une plus grande égalité sociale, une diversité de presse et une institutionnalité plus complète. Dans lequel les branches du gouvernement, par exemple, disposent d'une réelle autonomie, le présidentialisme n'est pas aussi étouffant, et la probité et la transparence règnent au Parlement et dans le système judiciaire. [On peut toujours rêver, NdT]

Un pays ravagé par la peur de la criminalité ordinaire, par le phénomène croissant du trafic de drogue et par les actions désordonnées de la violence politique, peut difficilement consolider la paix sociale, qui est la grande aspiration du peuple. En même temps, bien sûr, que le droit au travail, à des salaires et des pensions décents, et que la discrimination, la xénophobie et le racisme cessent, comme ils s'expriment sans aucun doute dans notre cohabitation sociale tendue. Non seulement en Araucanie [terre mapuche, NdT], mais sur l'ensemble du territoire.

Il sera très difficile pour le candidat Kast de se défaire de son passé pinochetiste, de son fort conservatisme et des nombreuses craintes que sa position d'extrême droite suscite. Il lui sera encore plus difficile de se séparer de certains de ses partisans qui n'hésitent pas à justifier de graves violations des droits humains et, pour couronner le tout, à prôner la libération de génocidaires et de tortionnaires condamnés par les tribunaux chiliens et internationaux.

Il sera également difficile pour le candidat Boric de se distancier de ses propres déclarations, comme celle de favoriser l'amnistie ou le pardon pour ceux qui, au moment de l’explosion sociale, ont commis de graves troubles et ont même mis le feu à des stations de métro et à certaines églises [sic, NdT]. Même s'ils ont été détenus arbitrairement pendant si longtemps dans l'attente d'un acquittement ou d'une condamnation.