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23/01/2023

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
L’esprit de Minsk souffle sur le Venezuela

 Sergio Rodríguez Gelfenstein, 18/1/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L'expérience m'a appris que tous les politiciens ne peuvent pas devenir des hommes d'État, il y a une distance entre les deux. Fondamentalement, la différence vient de la capacité que certaines personnes développent pour gérer et diriger un pays “contre vents et marées”. Dans ce cadre, il existe deux domaines qui forgent les conditions permettant de transformer n'importe quel politicien en homme d'État : la sécurité et la défense, en général la gestion et la direction des forces armées, et l'orientation de la politique étrangère.

Dans le passé, les relations extérieures étaient gérées sans équivoque par les ministères des affaires étrangères en utilisant l'art de la diplomatie. Cette fonction a perdu de sa force et de sa validité ces derniers temps, lorsque la technologie permet aux chefs d'État de communiquer de manière directe et presque sûre sans que les questions passent par les ministères des affaires étrangères et les ambassades et sans qu'il soit nécessaire d'organiser des réunions directes en face à face qui entraînent des dépenses énormes et une perte de temps utile pendant les voyages. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de liens entre pays amis.

Mais lorsque le domaine discuté émane de perspectives différentes en termes de philosophie, de politique, de culture et, en général, d'intérêts nationaux de chaque pays, le contact personnel et l’impression directe fournie par les dirigeants jouent un rôle fondamental dans la prise de décision et la signature d'accords.

La diplomatie est l'art de la tromperie subtile et de l'hypocrisie naturelle de ceux qui doivent souvent feindre une amitié absente lorsqu'ils recherchent des informations et élaborent des plans de coopération qui contribuent à la défense, au développement et à la durabilité du projet politique du pays qu'ils représentent. Malgré le fait que les pays médiocres recourent à la banalité des représentants diplomatiques qui, dans l'exercice de leurs fonctions, ne visent pas les objectifs fixés, mais plutôt le trivial, le superficiel, le puéril et l'insignifiant, la diplomatie continue d'être un instrument valable pour atteindre les objectifs stratégiques de l'État.

Dans ce domaine, le rôle des dirigeants est fondamental. Jusqu'à présent, des valeurs universellement reconnues telles que l'honneur, la confiance, la dignité, le respect et l'honnêteté, entre autres, ont été mises sur la table pour traiter les accords et les différences. Mais la crise même du système international émanant de la société capitaliste mondiale - qui a, entre autres, un caractère éthique profond - a commencé à rendre ces valeurs moins crédibles. Au contraire, on tente de minimiser le rôle de la diplomatie pour renforcer l'instrument de la force en tant que mécanisme permettant d'imposer et d'exacerber les intérêts des pays puissants au détriment de la paix mondiale, de la gouvernabilité et de la recherche d'accords pour résoudre les grands problèmes qui affligent l'humanité.


Cela est devenu évident suite aux déclarations de l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel, qui a fait savoir que les accords de Minsk de 2014 étaient une tentative de donner du temps à l'Ukraine, afin que le pays puisse être renforcé pour servir de bélier de l'OTAN contre la Russie. Mme Merkel a déclaré : « Nous savions tous qu'il s'agissait d'un conflit gelé, que le problème n'était pas résolu, mais c'est précisément cela qui a donné un temps précieux à l'Ukraine ». En d'autres termes, l'Occident n'a pas utilisé la diplomatie pour la paix, mais pour la guerre.

L'ancien président français François Hollande s'en est fait l'écho : « Oui, Angela Merkel a raison sur ce point ». Hollande a déclaré que l'armée ukrainienne d'aujourd'hui est en fait mieux entraînée et mieux protégée sur le plan matériel, ce qui est « à l'honneur des accords de Minsk, qui ont donné cette possibilité à l'armée ukrainienne ».

Ces confessions ont provoqué d'innombrables commentaires... et aussi des silences. En Europe même, le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré que ces déclarations changeaient radicalement l'image des faits [concernant l'Ukraine] et soulevaient la question de la confiance. Il a ajouté que pour lui, c'était un signe qu'il ne devait pas faire confiance.

Vucic est le dirigeant d'un pays qui a connu une sécession à la suite d'une action directe de l'OTAN, qui n'a pas trouvé de meilleur moyen que d'inventer un pays pour gagner le territoire qu'elle voulait contrôler dans les Balkans. Dans ce contexte, il était inévitable que le ministre serbe des Affaires étrangères établisse une nette similitude entre les accords de Minsk et les traités de Bruxelles qui définissent les relations entre la Serbie et la république autoproclamée du Kosovo et qui, selon lui, « se sont révélés frauduleux ».

L'ancien vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache a déclaré que les aveux de Merkel et de Hollande mettaient en doute la parole des politiciens européens. Strache, un politicien d'extrême droite, a déclaré que la franchise de Mme Merkel sur le sujet était effrayante, ajoutant que « de cette manière, les dirigeants européens ne font que détruire toute base de confiance à leur égard ».

Cependant, malgré toutes ces certitudes, l'ONU, qui sous Guterres est devenue un appendice des politiques usaméricaines, européennes et de l'OTAN, est restée silencieuse, comme on pouvait s'y attendre. Le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, avec l'argument éhonté que cela devrait être laissé à « l'analyse historique des journalistes, des anciens fonctionnaires et des historiens », a refusé de commenter les déclarations de Merkel et de Hollande, donnant encore plus de poids à l'idée que l'ONU a aujourd'hui un Secrétaire général pour la guerre, pas pour la paix.

L'accord nucléaire avec l'Iran connu sous le nom de Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), que Joe Biden, pendant sa campagne électorale, a promis de réintégrer, après qu’il eut été signé par Obama et abandonné par Trump, doit être placé dans un autre domaine de la même question. Biden a nommé Robert Malley envoyé spécial en Iran pour superviser les négociations menant au renouvellement du JCPOA. Cependant, Malley a fait le contraire.

Pepe Escobar, journaliste et analyste géopolitique brésilien spécialisé dans l'Asie occidentale et centrale, a affirmé que le JCPOA « était essentiellement un clone de l'accord de Minsk », permettant à Washington de gagner du temps pour remodeler sa politique à l'égard de l'Iran et de l'Asie occidentale. Dans ce cas, selon Escobar, « Téhéran n'est jamais tombé dans le piège » car le leader iranien, l'ayatollah Seyyed Ali Khamenei, qu'il décrit comme « un habile stratège géopolitique », a toujours été clair sur le fait qu'il ne fallait jamais faire confiance aux USA car « il savait intuitivement que celui qui succéderait à Obama - la fauconne Hillary ou, comme cela s'est produit, Trump - ne respecterait finalement pas ce qui avait été signé et ratifié par les Nations unies ».


Carlos Latuff

Une telle pratique, qui, comme on peut le constater, est devenue monnaie courante dans la politique étrangère usaméricaine, s'installe maintenant au Venezuela et dans les négociations qui ont eu lieu au Mexique entre le gouvernement et le secteur terroriste de l'opposition soutenu par Washington. Dans cette mesure, le Venezuela devrait prendre note de ce qui s'est passé car, en réalité, ces réunions sont l'expression d'une négociation indirecte entre les gouvernements de Caracas et de Washington, gérée de cette manière par ce dernier parce qu'il n'a pas trouvé le moyen de justifier à son opinion publique que sa politique de renversement du président Maduro a échoué lamentablement et qu'il doit maintenant négocier avec celui qui tient réellement les rênes du pouvoir dans le pays.

Pour ce faire, il utilise le secteur le plus rétrograde, le plus violent et le plus antidémocratique de l'opposition vénézuélienne, tout en recourant à toutes les ressources et à tous les instruments de son arsenal, le dernier en date étant l'élimination du “gouvernement provisoire” et le maintien d'un “parlement provisoire”, tous deux inconstitutionnels et inexistants dans la pratique. En fait, ce qui s'est produit, c'est un changement dans la direction de la bande criminelle, tout en maintenant la pratique de l'infraction sous une autre apparence. Cette décision a été reprise par la majorité du secteur terroriste, notamment parce que Guaidó n'a pas procédé à une distribution efficace et équitable des ressources obtenues grâce au vol.

Néanmoins, Washington continue à “exiger” que les pourparlers aient lieu au Mexique. Rendus aveugles, sourds et muets par le fait de ne pas avoir d'ambassade à Caracas, ils s'accrochent à la seule chose qu'ils ont pour “maintenir” leur présence politique au Venezuela. Tout cela se produit à un moment où les mesures coercitives adoptées à l'encontre de la Russie ont été inversées et ont généré un véritable désastre économique pour eux et leurs alliés. Ils ne peuvent pas non plus expliquer à leur opinion publique pourquoi ils ont été contraints de céder et d'accepter qu'une compagnie pétrolière usaméricaine commence à opérer au Venezuela.

C'est pourquoi ils insistent pour que leurs pions continuent à jouer la comédie au Mexique. Ce sont les USA qui peuvent faire appliquer l'accord visant à débourser les 3,2 milliards de dollars séquestrés, et non l'opposition terroriste, puisque ce sont eux qui ont négocié. Mais non, comme à Minsk, à Bruxelles et dans le cas du JCPOA, il a été évident que Washington gagne du temps pendant qu'il réalise ce qui est maintenant son objectif après l'échec du recours à la violence et au terrorisme : essayer d'unifier l'opposition, billets verts aidant, pour qu'elle aille aux élections de 2024 avec un seul candidat.

La patience des Vénézuéliens est à bout. Ils n'attendront pas six ou trois ans, lorsque Biden ne sera plus à la tête de l'administration, pour qu'il avoue (comme Merkel et Hollande à propos de Minsk) qu'il ne faisait que gagner du temps au Mexique. Il n'est pas nécessaire d'attendre pour savoir que le sénile Biden, comme tous les présidents usaméricains, est un menteur : nous savons que la diplomatie américaine ne repose pas sur des valeurs ou des principes, mais uniquement sur l'imposition et la force. Le Venezuela, son peuple et son gouvernement les connaissent déjà, ont appris et sauront comment agir.