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29/02/2024

AMIRA HASS
Gaza et Israël, un nouveau jeu d’association de mots

 Amira Hass, Haaretz, 26/2/2024
Traduit par Fausto Giudice,
Tlaxcala

Leurs morts reposent sur la place. Des réalisations tactiques impressionnantes. Aujourd’hui, nous avons tué des dizaines de terroristes. L’armée a tué des policiers qui protégeaient les camions d’aide des pillards. Et ainsi de suite

Ghetto de Varsovie, Pologne, avril 1943


École de l’UNRWA, ghetto de Gaza, février 2024

Assiégés. Ils le sont - pas nous. Le parking de longue durée de l’aéroport international Ben-Gourion explose de voitures. Nous les bombardons. Laissons-les apprendre une leçon. Affamés. Entassés les uns sur les autres. Environ 50 000 personnes par kilomètre carré.

Qui compte ? Les atrocités du 7 octobre. Les blessés. Les bombardés. Les assoiffés. Ce sont eux. Nos otages. Bombardés. C’est nous qui les bombardons. Ils boivent de l’eau contaminée. Que boivent les otages ? Quatre cents personnes font la queue pour des toilettes. Diarrhée. Il n’y a ni eau ni papier toilette. Les prix sont très élevés. Comment les otages se débrouillent-ils ? Il n’y a pas non plus de serviettes hygiéniques. Avec quoi les otages se débrouillent-ils ?

Un père pleure en portant son bébé mort. Vous ne le verrez pas à la télévision israélienne. Le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, marche en tongs dans un tunnel. Oui, on l’a vu à la télévision israélienne. Avec ses enfants. Quelque 10 000 enfants palestiniens ont été tués. Peut-être 11 000 déjà. Combien de bébés ? Qui peut les compter ? Nous les avons bombardés. Nous les avons tués. Une fille en robe rose. Un garçon qui aimait les glaces. Des linceuls en plastique bleu. Une fosse commune. Des linceuls en tissu blanc.

Ici reposent leurs morts sur la place. Des réalisations tactiques impressionnantes, déclare le porte-parole de l’armée. Nous nous efforçons de ne pas blesser les civils innocents. Aujourd’hui, nous avons tué des dizaines de terroristes. L’armée a tué des policiers qui protégeaient les camions d’aide des pillards. Un soldat est tué lors d’un affrontement avec des terroristes à Gaza. Ils protégeaient leur maison. Y avait-il une maison ?

Laissons les forces de défense israéliennes terminer leur travail à Gaza. Nos soldats savent travailler. Le mouvement ouvrier semble être de retour. Drapeau rouge. Ligne rouge. Ne pas s’arrêter au rouge. Franchissez les lignes rouges. Combien y en a-t-il ? Qui peut les compter ? Nous sommes à court de mots. Le silence. L’indifférence. Que sont 10 000 enfants morts ?

Nous ne vous oublierons pas, enfants des communautés israéliennes proches de Gaza. Un œil pour un œil. Des milliers d’yeux pour un œil. Des milliers d’enfants blessés.

Un enfant amputé d’un membre. Bombes intelligentes. Des obus stupides. Le président Isaac Herzog écrit un vœu sur un obus. Un garçon couvert de poussière tremble de partout. Où est sa mère ? Il a peur et elle lui manque. Une fille tremble de tous ses membres. Où est son père ? Il cherche des moyens de quitter Gaza. L’horreur et la mort comme moyen d’expulsion. Vous ne le verrez pas à la télévision israélienne. Il y a les médias sociaux. Des soldats devenus fous. Pourquoi téléchargent-ils des photos compromettantes d’eux-mêmes ?

La Cour internationale de justice a rejeté la demande de l’Afrique du Sud d’émettre une injonction contre une offensive terrestre à Rafah. Il est encore temps. Washington fournira plus d’armes à Israël. Il n’y a plus de temps. Les USA vérifient les cas où des civils palestiniens ont pu être tués par leurs munitions. Et le monde reste immobile. On ne peut pas comparer. La guerre se poursuivra pendant de nombreux mois, a déclaré Benjamin Netanyahou. Où va-t-il trouver tant de jeunes qui vont tuer ? Et se faire tuer ?

À Miami. Le fils du premier ministre. Une presse voyeuriste. Le journalisme sérieux. Le journal de droite Makor Rishon. « Vos frères iront à la guerre et vous resterez les bras croisés », lit-on dans une publicité sponsorisée par des réservistes s’adressant à la communauté ultra-orthodoxe ; elle a été publiée ce mois-ci dans Makor Rishon, le journal « pour les gens qui pensent différemment ». L’annonce mentionne le nombre de diplômés des écoles religieuses sionistes qui ont été tués dans les combats.

Ailleurs dans ce numéro, il est écrit : « 1 962 ans après l’abattage de la dernière génisse rouge par Ismaël Ben Phiabi (un grand prêtre), et après une décennie d’efforts de l’Institut du Temple pour obtenir une génisse rouge pure par une multitude de moyens qui n’ont pas encore fait leurs preuves, il semble qu’ils se rapprochent de l’objectif, qui pourrait même être atteint dans un avenir prévisible ».

Où était le rédacteur en chef ? C’était le titre d’un article d’Arnon Segal, « The Red Heifer Status Report », Le rapport de situation de la Génisse Rouge. Les cendres d’une génisse rouge ont été utilisées pour purifier un juif qui est entré en contact avec un cadavre, et permettront aux juifs de se déplacer sur Al-Aqsa/le Mont du Temple et, avec l’aide de Dieu, de construire le troisième Temple.

« Le prochain point à l’ordre du jour concerne cinq vaches rouges importées des USA ; elles sont élevées au centre d’accueil des visiteurs à Tel Shiloh3, rapporte Segal. Tel Shiloh, la ville antique, est Khirbet Seilun, à partir de laquelle le village de Qaryut s’est développé au nord-est de Ramallah, en Cisjordanie. Khirbet Seilun faisait partie du village, dont les habitants ont été expulsés. Comme les Palestiniens à Susya. L’archéologie expulse.

Les colons, aidés par l’armée, ont également expulsé les habitants de Qaryut de leurs sources. Les troupeaux de génisses juives casher expulsent les bergers de leurs terres et les agriculteurs de leurs sources d’eau. L’industrie du lait et de la viande comme outil d’expulsion. L’abattage casher. Les mitsvot [les 613 prescription de la Torahs]. Le peuple élu. Les génisses rouges pour les sacrifices. Certaines des cinq vaches, rapporte Segal, « ont atteint l’âge de 2 ans et sont aptes à être utilisées comme génisses rouges, mais elles ont franchi la ligne d’arrivée avec quelques poils blancs ».

Après les bombardements, quelques cheveux blanchissent sur la tête des enfants de Gaza. Linceuls blancs. Linceuls bleus. Un charnier. Les FDI fouillent les cimetières. Ramène les corps dans des camionnettes. La ligne d’arrivée. La ligne rouge.

Le rabbin Azaria Ariel, de l’Institut du Temple, a déclaré à Segal : « Le Saint, béni soit-il, décide. Ce n’est pas pour rien qu’Il a placé le Temple là où il se trouve. Il existe une sensibilité particulière à cet égard : pour déplacer quelque chose à cet endroit par les voies naturelles, un large consentement du peuple d’Israël sera nécessaire ».

C’est ce qu’il a dit, et il nous a laissés dans l’expectative. Déplacer « quelque chose ». Qu’est-ce que cela signifie ? Quelque chose comme le Dôme du Rocher ? Quelque chose comme la Mosquée du Sud (Al-Aqsa) ? Et « par les voies naturelles ». Qu’est-ce que cela signifie ? Un tremblement de terre ? Une attaque aérienne ? Un explosif puissant ? « La terre ouvrit sa gueule et les engloutit, eux et leurs familles » (Nombres 16:32) Miracles.

Des miracles. Par la main de Dieu. Par la main d’Allah. L’un est grand et l’autre est plus grand. Tout est écrit dans les saintes écritures.

 

17/02/2024

AMIRA HASS
Non, cher lecteur, l’occupation israélienne de Gaza n’a pas été “annulée” en 2005

Amira Hass, Haaretz, 12/2/2024
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Le mini-État qui a déçu : Réponse au lecteur S., qui demande pourquoi « la résistance la plus forte » est apparue « à l’endroit où Israël avait annulé l’occupation ».

Ariel Sharon arpente le Néguev occidental à la recherche d’endroits où reloger les personnes évacuées des colonies de Gaza, 2005. Photo : Avi Ohayon/GPO

S., qui vit dans une communauté de la frontière de Gaza, m’a posé plusieurs questions que d’autres m’ont également posées. Avec son accord, je publie ici une première réponse à sa lettre. Il a écrit :

« Je suis un lecteur régulier de Haaretz et de vos articles. En tant qu’habitant d’une communauté frontalière de Gaza, j’essaie de comprendre votre point de vue sur ce qui s’est passé dans la bande de Gaza depuis le désengagement. Pourquoi, selon vous, la résistance la plus forte a-t-elle émergé de l’endroit où Israël a annulé l’occupation ?

« Pendant des années, les gens ont crié que tous les problèmes majeurs provenaient de l’occupation. Et ici, une petite expérience visant à annuler l’occupation a été menée. Les Palestiniens auraient pu y construire un mini-État modèle. Au lieu de cela, ils ont préféré investir l’argent dans une guerre contre Israël. Avez-vous une explication à cela ? »

Shalom lecteur S.,

Tout d’abord, l’occupation israélienne n’a pas été annulée. Israël a continué à contrôler de manière autoritaire la vie des habitants de la bande de Gaza et les options de développement de Gaza, bien après le démantèlement par Israël des colonies et des bases militaires qui s’y trouvaient. Deuxièmement, conformément aux accords d’Oslo, dont Israël est signataire, la bande de Gaza n’est pas une entité distincte, mais une partie intégrante du territoire palestinien occupé en 1967.

Selon les Palestiniens et l’opinion internationale, ce territoire était censé devenir l’État palestinien. Le fait qu’Israël ait séparé la population de Gaza de celle de la Cisjordanie et que les Israéliens aient continué à traiter une bande de Gaza isolée, d’une superficie de 365 kilomètres carrés et dépourvue de ressources, comme une entité distincte, constitue en soi une preuve du contrôle israélien sur ce territoire - et de la chutzpah israélienne par-dessus le marché.

Je ne peux pas citer ce que j’ai écrit dans des centaines, voire des milliers d’articles. Je serai donc brève : le Premier ministre Ariel Sharon n’a pas consulté les dirigeants de l’Autorité palestinienne au sujet du désengagement et n’a pas non plus coordonné sa mise en œuvre avec ce gouvernement autonome limité qui, en 2005, n’était pas encore divisé entre le Fatah et le Hamas. Sharon a suivi une voie progressive qu’Israël avait tracée dès le début des années 1990, tout en s’efforçant de dissimuler sa gravité et son importance au cours du processus d’Oslo : créer un régime d’interdictions et de restrictions à la liberté de mouvement des Palestiniens, tout en créant des enclaves palestiniennes. Le 15 janvier 1991, Israël a entamé cette politique globale, dont le résultat immédiat, qui s’est aggravé au fil des ans, a été de couper la population de Gaza de la Cisjordanie et du monde.

Sharon a poursuivi le travail de ses prédécesseurs. Le siège draconien imposé à Gaza par le Premier ministre Ehud Olmert en 2007 était un changement quantitatif, mais pas un changement d’essence. Cette politique cohérente indique la prévision qui sous-tend l’action : il ne s’agit pas d’une expérience visant à annuler l’occupation, mais de l’un des moyens d’empêcher la création de l’État palestinien sur la base du plan que l’Organisation de libération de la Palestine et la communauté internationale avaient en tête.

Le maintien de la domination israélienne sur la bande de Gaza, jusqu’au 7 octobre, s’est manifesté de plusieurs manières. La première est le contrôle total du registre de la population palestinienne, qui inclut les résidents de Gaza. C’est Israël qui décide qui est autorisé à porter une carte d’identité de résident de Gaza ou de Cisjordanie. Chaque détail - y compris le lieu de résidence - inscrit sur la carte d’identité, techniquement  délivrée par l’Autorité palestinienne, doit être approuvé par Israël. Même les natifs de Gaza, dont Israël a révoqué le statut de résident avant 1994, ne peuvent le renouveler sans l’approbation d’Israël.

La séparation de la Cisjordanie (et d’Israël) a gravement endommagé les capacités de développement économique de la bande de Gaza. En tout état de cause, la bande de Gaza se trouve dans une situation de détérioration ou de stagnation économique depuis 1967 en raison des mesures délibérées adoptées par Israël. Israël contrôle non seulement les postes-frontières mais aussi l’espace aérien et maritime de Gaza, ce qui signifie qu’il ne permet pas aux Gazaouis d’exercer leur droit à la liberté de mouvement par mer et par air.

Israël utilise également ce contrôle pour restreindre l’industrie de la pêche palestinienne, empêcher les Palestiniens d’utiliser les réserves de gaz découvertes dans les eaux de Gaza et contrôler les fréquences sans fil nécessaires au développement technologique. En contrôlant les importations et les exportations, il limite la capacité et la faisabilité de la production nationale. Israël continue de contrôler les revenus provenant des paiements douaniers. L’Égypte - que ce soit par crainte que les habitants de Gaza ne s’y installent, par opposition politique à la séparation de Gaza de la Cisjordanie ou par obéissance aux diktats israéliens - n’a pas ouvert la frontière de Rafah à la libre circulation des Palestiniens et des étrangers.

Que ce soit délibérément ou par inadvertance, la démarche unilatérale de Sharon a affaibli l’Autorité palestinienne, qui s’en tenait à la voie des négociations. Il a ainsi récompensé le mouvement Hamas, qui affirme que seule la “lutte armée” - qu’il a pratiquée pendant la seconde Intifada, tout en améliorant ses capacités militaires - peut contraindre l’armée israélienne à se retirer, et non des négociations et la signature d’un accord.

C’est ce que pensaient et pensent encore de nombreux Palestiniens. Il n’est pas étonnant que quelques mois après le désengagement, en janvier 2006, le Hamas ait remporté la majorité des sièges aux élections du parlement palestinien (mais pas la majorité des voix de l’électorat).

Il faut d’abord répondre à la question de savoir pourquoi Israël a tout fait pour empêcher la création du petit État palestinien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Ensuite, nous pourrons tenter d’expliquer pourquoi les habitants du “mini-État” assiégé et coupé du monde qu’il a façonné à Gaza se sont sentis comme des prisonniers à vie, alors que leurs frères de Cisjordanie vivent sous la domination violente de l’entreprise de colonisation en pleine expansion. Ensuite, à la première occasion, nous pourrons parler de l’illusion, de la chimère ou du projet de lutte armée.

Tjeerd Royaards, Pays-Bas 

AMIRA HASS
Si l’armée israélienne envahit Rafah, qu’adviendra-t-il des plus de 1,5 million de Palestiniens qui s’y abritent ?

Amira Hass, Haaretz, 10/2/2024
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Une invasion israélienne de Rafah entraînera un exode massif et paniqué de près d’un million de civils palestiniens vers une zone de sécurité désignée de la taille de l’aéroport Ben- Gourion. On ne sait toujours pas comment l’armée israélienne compte concilier cette situation avec l’ordonnance de la CIJ selon laquelle Israël doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les actes de génocide.

Des tentes pour les Palestiniens déplacés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, vendredi. Photo : Saleh Salem / Reuters

Comme Yahya Sinwar, ses proches collaborateurs et les militants du Hamas n’ont jamais été retrouvés dans la ville de Gaza, ni à Khan Younès, l’armée israélienne envisage d’étendre son opération terrestre à la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. L’armée agit ainsi parce qu’elle suppose que Sinwar et ses aides se cachent dans les tunnels situés sous cette région méridionale de la bande de Gaza, et qu’ils y retiennent probablement les otages israéliens qui sont encore en vie.

La plupart des habitants de la bande de Gaza, soit 1,4 million de personnes, sont concentrés à Rafah. Des dizaines de milliers de personnes continuent de fuir vers la ville depuis Khan Younès, où les combats se poursuivent. L’idée qu’Israël envahisse Rafah et que des combats aient lieu entre et près des civils terrifie les habitants de la ville et les personnes déplacées à l’intérieur du territoire. La terreur qu’ils ressentent est renforcée par la conclusion que personne ne peut empêcher Israël de réaliser ses intentions - pas même la décision de la CIJ qui ordonne à Israël de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les actes de génocide.

Les correspondants militaires en Israël rapportent et supposent que l’armée a l’intention d’ordonner aux résidents de Rafah de se rendre dans une zone sûre. Depuis le début de la guerre, l’armée brandit cet ordre d’évacuation comme une preuve qu’elle agit pour éviter tout dommage aux « civils non impliqués ».

Toutefois, cette zone de sécurité, qui a été bombardée et l’est encore par Israël, se rétrécit progressivement. La seule zone de sécurité qui subsiste vraiment, et que les FDI désignent maintenant pour les masses de personnes à Rafah, est Al-Mawasi, une zone côtière du sud de Gaza d’environ 16 kilomètres carrés.

On ne sait toujours pas par quelles mesures verbales les FDI et leurs experts juridiques entendent réconcilier cette compression de tant de civils avec les ordonnances édictées par la CIJ.

« La zone humanitaire désignée par l’armée est à peu près de la taille de l’aéroport international Ben-Gourion (environ 16km2 ) », ont conclu les journalistes de Haaretz Yarden Michaeli et Avi Scharf dans leur rapport publié en début de semaine. Le rapport, intitulé « Les habitants de Gaza ont fui leurs maisons. Ils n’ont nulle part où retourner », révèle l’étendue de la dévastation dans la bande de Gaza, telle qu’elle a été capturée par les images satellites.

Des Palestiniens à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, jeudi. Photo : Mohammed Abed / AFP

La comparaison avec l’aéroport international Ben-Gourion invite à imaginer une densité au- delà de tout ce qui est imaginable, mais les commentateurs de la télévision israélienne ne vont pas beaucoup plus loin que l’intuition profonde que l’invasion terrestre de Rafah « ne sera pas si simple ».

Même si c’est difficile, il faut imaginer ce qui attend les Palestiniens à Rafah si le plan de l’armée est mis en œuvre. Nous devons le faire non pas tant pour des considérations humanistes et morales, qui, après le 7 octobre, ne sont plus très pertinentes pour la majorité du public israélo-juif, mais en raison des implications militaires, humanitaires et - éventuellement - juridiques et politiques qui sont certainement attendues si nous nous engageons dans cette voie.

La compression

Même si « seulement » un million de Palestiniens fuient pour la troisième et quatrième fois vers Al-Mawasi - une zone qui est déjà pleine de Gazaouis déplacés - la densité sera d’environ 62 500 personnes par kilomètre carré.

Cela se passera dans une zone ouverte, sans gratte-ciel pour loger les réfugiés, sans eau courante, sans intimité, sans moyens de subsistance, sans hôpitaux ni cliniques médicales, sans panneaux solaires pour recharger les téléphones, alors que les organisations d’aide devront traverser des zones de combat ou s’en approcher pour distribuer les petites quantités de nourriture qui parviennent à entrer dans la bande de Gaza.

Il semble que la seule position dans laquelle cet espace étroit pourrait accueillir tout le monde serait qu’ils soient tous debout ou à genoux. Peut-être faudra-t-il former des comités spéciaux qui détermineront les modalités de couchage par roulement : quelques milliers de personnes s’allongeront tandis que les autres resteront debout. Le bourdonnement des drones en haut et en bas, les cris des bébés nés pendant la guerre et dont les mères n’ont pas de lait ou n’en ont pas assez, seront la bande sonore inquiétante.

D’après ce que nous avons vu pendant les raids terrestres des FDI et les batailles dans la ville de Gaza et à Khan Younès, il est clair que l’opération terrestre à Rafah, si elle se déroule finalement, durera de nombreuses semaines. Israël croit-il que la CIJ considérera la compression de centaines de milliers ou d’un million de Palestiniens sur un petit morceau de terre comme une « mesure » appropriée pour empêcher un génocide ?

La marche de l’évasion

Environ 270 000 Palestiniens vivaient dans le district de Rafah avant la guerre. Le million et demi de personnes qui y vivent actuellement souffrent de la faim et de la malnutrition, de la soif, du froid, des maladies et des infections qui se propagent, des poux dans les cheveux et des éruptions cutanées, de l’épuisement physique et mental et d’un manque chronique de sommeil. Ils s’entassent dans les écoles, les hôpitaux et les mosquées, dans les quartiers de tentes qui ont vu le jour à Rafah et dans ses environs, et dans les appartements qui abritent des dizaines de familles déplacées.

Des dizaines de milliers d’entre eux sont blessés, y compris ceux dont les membres ont été amputés à la suite des attaques de l’armée ou des opérations chirurgicales qui ont suivi. Tous ont des parents et des amis - enfants, bébés et parents âgés - qui ont été tués au cours des quatre derniers mois.

Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, jeudi. Photo : Ibraheem Abu Mustafa / Reuters

Les maisons de la plupart d’entre eux ont été détruites ou gravement endommagées. Tous leurs biens ont été perdus. Ils n’ont plus d’argent en raison des prix élevés et exorbitants des denrées alimentaires. Beaucoup n’ont échappé à la mort que par chance, et ont été témoins de l’effroyable spectacle des cadavres. Ils ne pleurent pas encore les morts, car le traumatisme persiste. Les manifestations de soutien et de solidarité s’accompagnent de disputes et de bagarres. Certains perdent la mémoire et la raison à cause de toutes ces souffrances.

Comme elle l’a fait dans d’autres zones de la bande de Gaza, afin de préserver l’effet de surprise, l’armée israélienne émettra un avertissement environ deux heures avant l’invasion terrestre de Rafah. Les habitants disposeront ainsi d’une fenêtre de quelques heures ce jour-là pour évacuer la ville.

Imaginez ce convoi de réfugiés et la panique générale des populations fuyant vers Al-Mawasi à l’ouest. Pensez aux vieillards, aux malades, aux handicapés et aux blessés qui auront la « chance » d’être transportés dans des charrettes tirées par des ânes ou des brouettes de fortune et dans des voitures fonctionnant à l’huile de cuisine.

Tous les autres, malades ou en bonne santé, devront partir à pied. Ils devront probablement laisser derrière eux le peu qu’ils ont réussi à collecter et à emporter lors des déplacements précédents, comme des couvertures et des bâches en plastique pour s’abriter, des vêtements chauds, un peu de nourriture et des articles de base tels que des petits réchauds.

Destructions à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, jeudi. Photo : Ibraheem Abu Mustafa / Reuters

Cette marche forcée passera probablement par les ruines de certains des bâtiments qu’Israël a bombardés il y a peu, ou par les cratères créés sur la route par les attaques. Tout le convoi restera alors immobile jusqu’à ce qu’une déviation soit trouvée. Quelqu’un va trébucher, une roue de charrette va s’enliser dans la boue. Et tous, affamés, assoiffés, effrayés par l’imminence de l’attaque ou le pilonnage attendu des chars, continueront à avancer. Les enfants pleureront et se perdront. Les gens se sentiront mal. Les équipes médicales auront du mal à atteindre ceux qui ont besoin de soins.

Seuls 4 kilomètres séparent Rafah d’Al-Mawasi, mais il faudra plusieurs heures pour les franchir. Les marcheurs seront coupés de toute communication, ne serait-ce qu’en raison de l’encombrement du convoi et de la surpopulation. Ils se disputeront l’endroit où ils souhaitent planter leur tente. Ils se battront pour savoir qui sera le plus proche d’un bâtiment ou d’un puits. Ils s’évanouiront de soif et de faim.

L’image suivante va se répéter plusieurs fois au cours des prochains jours : un cortège de Palestiniens affamés et apeurés se met à fuir en panique à chaque fois que les FDI annoncent une nouvelle zone dont les habitants sont censés être évacués, tandis que les chars et les troupes d’infanterie avancent vers eux. Les bombardements et les troupes au sol se rapprochent des hôpitaux qui fonctionnent encore. Les chars les encercleront et tous les patients et les équipes médicales devront être évacués vers la zone surpeuplée d’Al-Mawasi.

L’opération au sol

Il est difficile de savoir combien d’entre eux décideront de ne pas partir. Comme nous l’avons appris avec ce qui s’est passé dans les districts du nord de Gaza et à Khan Younès, un nombre important d’habitants préfèrent rester dans une zone destinée à une opération terrestre. Parmi eux, des dizaines de milliers de Gazaouis déplacés, malades ou gravement blessés qui sont hospitalisés, des femmes enceintes et d’autres personnes décideront de rester dans leurs propres maisons, dans celles de leurs proches ou dans des écoles transformées en abris. Le peu d’informations qu’ils recevront de la zone de concentration d’Al-Mawasi suffira à les décourager.

Les soldats et les commandants des FDI interprètent cependant l’ordre d’évacuation différemment : toute personne qui reste dans une zone désignée pour une invasion terrestre n’est pas considérée comme un civil innocent ; elle n’est pas considérée comme « non impliquée ».

L’hôpital Hamad de Gaza endommagé par un bombardement israélien la semaine dernière.

Tous ceux qui restent chez eux et sortent pour aller chercher de l’eau dans une installation municipale qui fonctionne encore ou dans un puits privé, les équipes médicales appelées à soigner un patient, une femme enceinte qui se rend à l’hôpital voisin pour accoucher, tous ceux-là, comme nous l’avons vu pendant la guerre et lors des campagnes militaires passées, sont criminalisés aux yeux des soldats. Les abattre et les tuer est conforme aux règles d’engagement de l’armée israélienne.

Selon l’armée, ces tirs sont effectués conformément au droit international, car ces personnes ont été averties qu’elles devaient partir. Même lorsque les soldats pénètrent dans les maisons pendant les combats, les habitants de Gaza, principalement des hommes, risquent d’être tués par des tirs. Un soldat qui tire sur quelqu’un parce qu’il s’est senti menacé ou parce qu’il a obéi à un ordre, cela n’a pas d’importance. C’est arrivé dans la ville de Gaza, et cela pourrait arriver à Rafah.

De même que les équipes d’aide ne sont pas autorisées ou ne peuvent pas se rendre dans le nord de la bande de Gaza pour distribuer de la nourriture, elles ne pourront pas le faire dans les zones de combat à Rafah. Le peu de nourriture que les habitants ont réussi à sauver s’épuisera progressivement.

Ceux qui resteront chez eux seront contraints de choisir le moindre des deux maux : sortir et risquer les tirs israéliens ou mourir de faim à la maison. La plupart d’entre eux souffrent déjà d’un manque cruel de nutriments. Dans de nombreuses familles, les adultes renoncent à la nourriture pour que leurs enfants puissent être nourris. Il y a un réel danger que beaucoup meurent de faim dans leur maison alors que les combats font rage à l’extérieur.

Les bombardements

Depuis le début de la guerre, l’armée a bombardé des bâtiments résidentiels, des espaces ouverts et des voitures dans tous les endroits qu’elle avait définis comme « sûrs » (que les habitants n’étaient pas tenus de quitter). Peu importe que les attaques visent des installations du Hamas, des responsables du groupe ou d’autres membres qui séjournaient avec leur famille ou qui étaient sortis de leur cachette pour leur rendre visite : ce sont presque toujours des civils qui sont tués.

Les bombardements ne se sont pas arrêtés à Rafah non plus. Dans la nuit de jeudi à vendredi, deux maisons ont été bombardées dans le quartier de Tel al-Sultan, à l’ouest de Rafah. Selon des sources palestiniennes, 14 personnes ont été tuées, dont cinq enfants.

Des Palestiniens pleurent leurs proches dans un hôpital de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, jeudi. Photo : Ibraheem Abu Mustafa / Reuters

Les sources ont également indiqué qu’une mère et sa fille ont été tuées lors d’une attaque israélienne contre une maison dans le nord de Rafah le 7 février et qu’un journaliste a été tué avec sa mère et sa sœur dans l’ouest de Rafah la veille. Le 6 février également, ont ajouté les sources, six policiers palestiniens ont été tués lors d’une attaque israélienne alors qu’ils sécurisaient un camion d’aide dans l’est de Rafah.

Ces attaques montrent que les soi-disant calculs des dommages collatéraux approuvés par les experts juridiques des FDI et le bureau du procureur de l’État sont extrêmement permissifs. Le nombre de Palestiniens non impliqués qu’il est « permis » de tuer en échange de l’atteinte d’une cible de l’armée est plus élevé que dans toutes les guerres précédentes.

Les habitants de Rafah craignent que les FDI n’appliquent ces critères permissifs à Al-Mawasi et n’attaquent là aussi si une cible se trouve dans la zone, parmi les centaines de milliers de personnes qui s’y abritent. C’est ainsi qu’un refuge annoncé devient un piège mortel pour des centaines de milliers de personnes.

21/10/2023

AMIRA HASS
Sans eau ni électricité en provenance d'Israël, les habitants de Gaza risquent la déshydratation et les maladies

Amira Hass, Haaretz, 18/10/2023
Traduit par Fausto Giudice,
Tlaxcala

Même en « temps normal », 90 % de l’eau du robinet de Gaza est impropre à la consommation, et la situation empire en temps de guerre.

 

Des Palestiniens collectent de l’eau dans le camp de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza, pendant les bombardements israéliens du mardi 17 octobre 2023. Photo : Hatem Moussa /AP

La famille de mon amie M. a décidé de ne pas fuir vers le sud, mais de rester dans sa maison du quartier de Tel al-Hawa, dans la ville de Gaza. Ils n’ont nulle part où aller dans le sud, personne avec qui être, m’a dit M..

Il est également difficile de partir avec une mère âgée et un fils handicapé en fauteuil roulant, et de vivre avec eux dans l’une des écoles gérées par l’UNRWA (l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine), transformées en refuges pour des centaines de milliers de personnes.

Selon les estimations de l’ONU, plus d’un million de personnes ont été déracinées de leurs maisons et ont fui vers la partie sud de la bande de Gaza, en raison des bombardements directs, suivis de l’annonce par l’armée israélienne de l’obligation d’évacuer les lieux. Mais il reste encore un nombre inconnu de familles qui, comme celle de M., ont décidé de ne pas quitter la partie nord de la bande et de rester chez elles. Certaines d’entre elles sont allées chercher refuge dans les hôpitaux de Gaza, m’a écrit M., un jour avant que l’hôpital Al Ahli ne soit touché.

« Ce soir, nous avons été sauvés d’une trentaine de bombes et de missiles lancés sur le quartier », m’a-t-elle envoyé par texto le matin du 16 octobre, avant de poursuivre : « La Hajja (la mère de M.) dit : ‘Dieu soit loué, nous avons encore une goutte d’eau à boire’ ».

 

Des Palestiniens collectent de l’eau dans le camp de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza, pendant les bombardements israéliens, le 17 octobre 2023. Photo : AP Photo/Ali Mohmoud

Même en temps « normal », la bande de Gaza souffre d’une pénurie d’eau chronique. Environ 90 % de l’eau des robinets n’est pas potable. La majorité des 2,2 millions d’habitants dépendent de l’eau qui a été dessalée et purifiée dans des installations spéciales et qui est vendue ou distribuée dans des conteneurs et à des fontaines spéciales dans les villes. Seule une petite catégorie de personnes peut se permettre d’acheter de l’eau minérale en bouteille.

La situation s’aggrave pendant les guerres. Aujourd’hui en particulier, outre le danger physique que représentent à chaque instant les bombardements israéliens, outre la terreur, le deuil et la crainte constante du sort des parents et des amis, la soif et la conscience de la nécessité de boire avec parcimonie sont constamment présentes à l’esprit de chacun des habitants de la bande de Gaza.

L’annonce par Israël que « l’approvisionnement en eau du sud de la bande a été renouvelé », à la demande des USA, environ une semaine après que le ministre de l’énergie, Israel Katz, a ordonné l’arrêt de toutes les fournitures d’électricité, d’eau et de carburant, a donné l’impression erronée qu’il s’agissait d’un geste significatif. Mais ce n’est pas le cas.


Des Palestiniens transportent leurs bouteilles d’eau après que les autorités israéliennes ont cessé de leur fournir de l’électricité, de l’eau et de la nourriture, dans la bande de Gaza, le 17 octobre 2023. Photo : Ali Jadallah / Anadolu via AFP

La consommation annuelle d’eau à Gaza est d’environ 110 millions de mètres cubes. Selon Gisha, le centre des droits de l’homme qui se concentre sur la situation à Gaza et qui est en contact permanent avec les services des eaux des villes de Gaza, cela représente environ 85 % de la quantité nécessaire aux besoins humains.

Cette eau provient de trois sources. La première est l’aquifère côtier, dont environ 85 millions de mètres cubes sont pompés chaque année grâce à quelque 300 forages et puits. Il s’agit du seul réservoir d’eau de la bande de Gaza et il est pompé à l’excès depuis des décennies, en raison de la croissance démographique. Cet aquifère est contaminé par l’eau de mer et l’intrusion d’eaux usées ; son eau n’est donc pas potable et doit être purifiée. Dans de nombreux endroits, elle n’est même pas propre à la toilette. Très peu de personnes peuvent se permettre de se laver avec de l’eau purifiée achetée.

Une deuxième source est constituée par trois stations de dessalement de l’eau de mer établies grâce aux dons de la communauté internationale et en collaboration avec l’Autorité palestinienne. Elles produisent environ 8 millions de mètres cubes d’eau par an et, en temps normal, approvisionnent environ 300 000 personnes dans la bande de Gaza.

Des enfants palestiniens remplissent des récipients d’eau provenant de robinets publics pendant le conflit avec Israël à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 11 octobre 2023.Photo : REUTERS/Ibraheem Abu Mustafa

La troisième source est l’eau de la compagnie nationale israélienne Mekorot. L’Autorité palestinienne la paie (par le biais d’une déduction automatique des frais de douane qu’Israël applique aux marchandises importées destinées à la zone palestinienne). Il y a environ deux ans, la quantité achetée était de 15 millions de mètres cubes par an et, selon Gisha, à la veille de la guerre, la quantité est passée à environ 18 millions de mètres cubes par an.

Mais l’utilisation de ces trois sources d’eau dépend d’un approvisionnement régulier en électricité et de la constitution de stocks de carburant pour faire fonctionner les générateurs. Par conséquent, même en temps « normal » l’approvisionnement en eau est irrégulier et n’est pas quotidien, car l’approvisionnement en électricité ne répond pas non plus aux besoins de la bande de Gaza. Israël vend à la bande 120 mégawatts d’électricité par jour.

Cet approvisionnement a été interrompu sur les instructions de Katz dès le début de la guerre. La centrale électrique locale, qui dépend du carburant, produit 60 mégawatts supplémentaires par jour et a cessé de fonctionner à la fin de la semaine dernière. Le carburant utilisé par les propriétaires des grands générateurs de quartier, qui fournissaient de l’électricité pendant plusieurs heures par jour, est épuisé. (Les besoins quotidiens totaux de la bande de Gaza sont d’environ 500 mégawatts).

Les trois installations de dessalement de l’eau de mer ont également fermé, faute de carburant et d’électricité - la dernière a fermé dimanche, selon le rapport de l’ONU. Plusieurs installations privées ou publiques de purification de l’eau disposent peut-être encore d’un stock de diesel pour leurs générateurs, mais il sera lui aussi épuisé d’ici quelques jours, voire quelques heures.

Quant aux camions qui livrent l’eau purifiée encore disponible, ils ont de plus en plus de mal à atteindre les quartiers résidentiels car les routes sont bombardées. L’agence de presse AP a rapporté qu’en l’absence d’électricité, la plupart des zones n’ont pas d’eau courante, et l’eau qui coule du robinet environ 30 minutes par jour est une eau salée, contaminée et impropre à la consommation. Les gens achètent encore de l’eau dans les stations d’approvisionnement municipales, mais celle-ci se raréfie également. Les bouteilles d’eau purifiée des magasins encore ouverts s’épuisent.

Des Palestiniens se rassemblent pour collecter de l’eau, dans un contexte de pénurie d’eau potable, à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 15 octobre 2023.Photo : Mohammed Salem/REUTERS

Les Nations unies ont confirmé que Mekorot avait repris l’acheminement de l’eau vers la station de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Gisha dit ne pas savoir combien d’eau il y a, mais il n’y a aucun moyen de savoir quelle part de cette quantité limitée atteint même les habitants, alors qu’il n’y a ni électricité ni carburant. Tout cela est d’autant plus grave que les infrastructures hydrauliques ont été endommagées par les bombardements.

Étant donné que la plupart des habitants du nord de la bande s’entassent dans le sud par tous les moyens possibles, la quantité d’eau qui se trouve dans les infrastructures, ou que les familles stockaient dans des conteneurs sur le toit ou dans des jerricans dans la maison avant la guerre, doit servir à deux fois plus de personnes. Dans les écoles et les bâtiments publics où s’entassent des centaines de déracinés du nord, le problème est bien plus grave.

En raison du manque d’eau courante et de la promiscuité qui règne dans toutes les maisons et tous les bâtiments publics remplis de réfugiés, les gens essaient d’utiliser les toilettes le moins possible. C’est aussi une raison pour boire moins.

Les habitants disent qu’ils essaient de boire environ un demi-litre par jour. Les gens se douchent au maximum une fois par semaine. Dans les bâtiments publics, il est également impossible de se doucher. En l’absence d’eau purifiée en quantité suffisante, les hôpitaux sont obligés de nettoyer les plaies avec de l’eau salée et polluée (quand il y en a).

Les installations de traitement des eaux usées fermeront également bientôt, si ce n’est déjà fait, et les quantités d’eaux usées qui s’accumuleront et créeront des lacs dans la bande et se déverseront dans la mer augmenteront le risque de maladies et d’épidémies. C’est pourquoi le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a qualifié la crise actuelle de l’eau dans la bande de Gaza de question de vie ou de mort. En début de semaine, il a prévenu que si le carburant et l’eau ne parvenaient pas rapidement dans la bande de Gaza, « les gens commenceraient à mourir de déshydratation sévère ».