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29/09/2021

ANTONIO MAZZEO
Mafia à Milazzo : comment la Baie de Saint-Antoine est devenue la Baie de Tonton Saro, le boss de la province de Messine

Antonio Mazzeo, Stampalibera, 7/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

On raconte qu'en janvier 1221, un navire en provenance du Maroc et à destination du Portugal fut poussé par une tempête vers la côte de la Sicile orientale, puis fit naufrage entre les villes de Tusa et Caronia. Parmi les passagers se trouvaient plusieurs frères franciscains, dont le missionnaire portugais Fernando Martins de Bulhões. Il réussit miraculeusement à se sauver et atteignint à cheval l'extraordinaire promontoire de Capo Milazzo, trouvant refuge pour quelques jours dans une petite grotte. Après sa mort le 13 juin 1231, le frère a été canonisé comme un saint et est maintenant connu et vénéré dans le monde entier comme Antoine de Padoue.

Trois siècles plus tard, un ermite plaça une image du saint à l'intérieur de la grotte de Capo Milazzo, la transformant en lieu de culte. À la fin du XVIIe siècle, une petite église décorée de marbres polychromes et de bas-reliefs fut construite. Depuis lors, c'est un lieu de pèlerinage et un endroit populaire pour les mariages. La crique verte et turquoise qui se trouve devant elle est connue dans le monde entier sous le nom de Baie de Saint-Antoine. Avec l'ancienne église, la longue plage et les falaises abruptes, elle offre une vue imprenable sur les sept îles Éoliennes et les couchers de soleil sur la mer Tyrrhénienne.

En raison de sa beauté extraordinaire et de la valeur de son paysage naturel, Capo Milazzo est une zone de protection spéciale (ZPS) en vertu des directives de l'UE et est inclus dans le réseau Natura 2000. Depuis mars 2019, le promontoire est une " aire marine protégée " et la Baie de Sant'Antonio est en zone B : la pêche sous-marine et l'utilisation de jet-skis sont interdites, mais l'amarrage, le " transport de passagers " et, avec certaines restrictions, la navigation à moteur, l'ancrage et la " pêche récréative et sportive " restent autorisés. Les écologistes demandaient des contraintes plus strictes pour préserver l'un des plus importants biens communs de l'île. Cependant, les pressions et les intérêts pour la monétisation de la baie et du Cap ont été nombreux depuis les temps anciens, si bien qu'en fin de compte l'option douce a prévalu, ce qui déplaît toutefois à tout le monde, aux ardents défenseurs du chef-d'œuvre naturel et aux propriétaires de dériveurs et de voiliers.

Ceux qui regardent le paradis de la baie et du promontoire ont du mal à imaginer qu'une partie des terrains et des bâtiments, dont certains ont une grande valeur historique et architecturale, sont en mains privés. Les restes de l'ancienne "tonnarella" [madrague] sur la plage de Sant'Antonio seraient également en mains privées, tout comme la tour octogonale voisine de la fin du XIXe siècle et la tour sarrasine, vraisemblablement utilisée au Moyen Âge comme tour de guet. Mais tous ces touristes, italiens et étrangers, qui découvriront que le copropriétaire de cette beauté incomparable est l'un des personnages les plus notoires et les plus controversés de l'histoire criminelle de l'île et du continent, un maillon entre la mafia, les francs-maçons, les services secrets, la subversion d'extrême droite et les appareils institutionnels dévoyés, seront certainement étonnés et choqués.

 


Et ici, c’est moi qui commande !

On raconte que cet été, l'avocat Rosario Pio Cattafi, de Barcellona Pozzo di Gotto, s'est rendu dans les bureaux de la zone marine protégée de Capo Milazzo et de la Fondation Baron Giuseppe Lucifero de S. Nicolò (une institution publique d'assistance et de bienfaisance qui possède de vastes terrains sur le promontoire) pour demander l'autorisation de traverser le sentier qui traverse la baie de Saint-Antoine, actuellement interdit à cause des glissements de terrain sur la crête rocheuse. M. Cattafi aurait expliqué qu'il est le propriétaire légal d'une partie du terrain situé sous le sanctuaire et qu'il devait procéder, avec quelques techniciens, à une inspection de l'ancienne tour sarrasine. "La tour est aussi ma propriété", a-t-il expliqué à ses interlocuteurs incrédules.

Le capo dei capi - comme l'ont surnommé les magistrats de la Direction anti-mafia du district - est le patron de la Baie de Saint-Antoine et veut restaurer ses bâtiments ? Il semble vraiment s'agir de l'une des nombreuses légendes d'une province où beaucoup de gens croient encore que la mafia n'existe pas mais lui attribuent l'omnipotence et l'omniscience. Une enquête sur les biens immobiliers auprès de l'Agenzia delle Entrate permet de lever les doutes et les incertitudes. Selon la note de transcription émise le 2 novembre 2020, la propriété de quatre parcelles de "pâturage" d'une superficie de 4,59 hectares sur le promontoire de Capo Milazzo appartient à parts égales à l'avocat M. Cattafi et à une femme âgée de plus de 90 ans, originaire de la commune de Merì mais résidant à Barcellona Pozzo di Gotto, Mme Mattia Gitto. La copropriété a été sanctionnée par un jugement du tribunal de la ville de Longano du 20 juin 2002, il y a presque 20 ans, rendu par un juge honoraire, l'avocat Egisto Antonino Paratore.