Affichage des articles dont le libellé est Changement climatique. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Changement climatique. Afficher tous les articles

08/02/2024

ANITA GOLDMAN
L’héritage de la guerre de Gaza perdurera pendant des générations

Anita Goldman, Dagens Nyheter, 8/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Anita Goldman (Göteborg, 1953) est une journaliste, écrivaine et animatrice d’ateliers d’écriture suédoise qui a vécu 17 ans en Israël. Livres

La bande de Gaza contient déjà des millions de tonnes de ferraille, de ciment pulvérisé, de tuyaux, de plastiques et de produits chimiques. Pendant des décennies, les humains, le sol et la Méditerranée seront empoisonnés. Mettre fin à la guerre devient de plus en plus impossible, écrit Anita Goldman.

Morad Kotkot, Palestine

Le premier champ de bataille - et de loin le plus grand - de l’ultraviolence moderne se trouve au centre de l’Europe, où plus de trois cent mille hommes sont morts et un demi-million d’autres ont été blessés ou ont subi des attaques au gaz. Avant la fin de la bataille, plus de quarante millions d’obus avaient été tirés. Ces obus, ainsi que des pièces de fusil brisées et des masses de corps humains, ont été laissés dans le sol lorsque la bataille de Verdun entre les Allemands et les Français pendant la Première Guerre mondiale a finalement pris fin.

Des deux côtés de la frontière, dans la Somme et à Ypres, en Belgique, où les destructions ont également pris des proportions apocalyptiques, de bonnes terres agricoles ont été réutilisées avec succès. Mais aujourd’hui encore, les agriculteurs locaux sont confrontés à des « récoltes de fer » - des obus et des métaux qui ont été enterrés pendant plus de cent ans et que l’on retrouve aujourd’hui.

À Verdun, le terrain était plus haché et plus escarpé, les dégâts étaient totaux – « un désert biologique », comme l’appelle l’auteur Cal Flyn. De vastes étendues de terre sont toujours interdites. Au lieu de cela, des forêts ont été plantées et elles sont toujours là, sombres et denses. Mais il y a une ouverture, une clairière, dans la forêt. Flyn la décrit dans son livre « Islands of abandonment. Life in a post-human landscape » [à paraître sous le titre “À l'abandon - comment la nature reprend ses droits” aux éditions Paulsen le 18/4/2024]. Ici, après la fin de la guerre, deux cent mille armes chimiques : gaz moutarde, gaz lacrymogène, phosgène, ont été rassemblées dans une grande fosse commune et incendiées. Le site s’appelle toujours Place à Gaz et la zone Zone Rouge. En 2017, cent ans plus tard, des scientifiques allemands ont testé le sol et ont trouvé des niveaux élevés d’arsenic et de métaux lourds.

Dans la bande de Gaza, l’une des zones les plus densément peuplées au monde, on estime que pas moins de 15 millions de tonnes de matériaux de construction pulvérisés sont aujourd’hui éparpillés. Comparé à l’attaque du World Trade Center, qui a laissé un million de tonnes de décombres à Ground Zero, l’ampleur de cette catastrophe est énorme. Près de trois mille personnes sont mortes ce jour-là, le 11 septembre 2001. Depuis lors, jusqu’à dix mille personnes ont été diagnostiquées avec un cancer et des maladies respiratoires et pulmonaires graves, conséquence directe du cocktail toxique de poussière, d’amiante et de produits chimiques répandus dans Manhattan. Le nombre de personnes décédées à la suite du 11 septembre est plus élevé que lors de l’attaque terroriste elle-même.

Comme toujours, les chiffres des dommages collatéraux sont incertains. Tant et tant de personnes et d’autres êtres vivants meurt à la guerre. Mais combien de personnes meurent de la guerre ? Des toxines résiduelles dans le sol, l’air, les corps, les esprits ? La question est de savoir combien de temps il faut continuer à compter. Quand la guerre se termine-t-elle ? Quand les personnes, le sol et la végétation se rétablissent-ils ? L’après-guerre, c’est pour quand ?

À Gaza, il y a donc quinze millions de tonnes de débris de la civilisation - ciment, amiante, produits d’étanchéité, produits chimiques ménagers et industriels, verre, fils et appareils électroniques brûlés, et produits chimiques PCB (terme générique désignant diverses substances toxiques et persistantes). Lorsque toutes ces substances sont libérées et réduites en poussière et en poudre, elles libèrent des fibres microscopiques qui pénètrent facilement dans les corps humains fragiles. Qui nettoiera les masses inimaginables de poussière de construction ? Disposeront-ils des équipements de protection appropriés ? Et si les gigantesques montagnes de toxines sont effectivement enlevées (on peut supposer qu’une grande partie sera déversée dans la Méditerranée, qui sera à son tour empoisonnée), quelle quantité de toxines a pénétré dans le sol ? Et dans les poumons de la jeune population de Gaza ? Les questions sont nombreuses.

À cela s’ajoutent les émissions de la guerre elle-même. Selon un article paru dans The Guardian, on estime que la guerre menée par Israël au cours des deux derniers mois a eu un « coût climatique » équivalent à l’émission de cent cinquante mille tonnes de carbone. Mais là on parle d’émissions dues aux bombardements aériens, aux chars et autres véhicules de guerre, ainsi qu’à l’explosion des roquettes et des pièces d’artillerie.

Gaza est bien sûr, à juste titre, au centre de l’attention de nombreuses personnes, mais des situations similaires se sont produites à plusieurs reprises ces dernières années en Irak et en Syrie, où un tiers des bâtiments et un quart des forêts du pays ont été détruits. La situation d’après-guerre dans les pays belligérants est souvent si chaotique et les besoins si énormes que la mesure et la collecte de ce type d’informations ne se réalisent jamais. Par exemple, qui comptabilisera la pollution et les émissions dues à la guerre en Ukraine ?

L’Ukraine ne possède pas seulement certaines des meilleures terres agricoles du monde. Elle abrite également pas moins d’un tiers de la biodiversité européenne. Elle est aussi aujourd’hui l’un des pays les plus minés au monde. Un tiers du pays doit être débarrassé des mines, des bombes à fragmentation et des vieilles roquettes. Et la guerre n’est pas terminée, loin s’en faut.

J’ai déjà écrit sur le lien entre la militarisation, le réarmement et la crise climatique, sur l’énorme empreinte carbone de l’armée usaméricaine et sur la transparence minimale des émissions militaires : beaucoup de choses sont sous le sceau du Secret Défense. Les chiffres sont notoirement difficiles à obtenir. Même dans les pays démocratiques, l’armée est soumise à des exigences de déclaration différentes de celles de la société civile. L’Association suédoise pour la paix et l’arbitrage a montré dans le rapport “Frikortet. En granskning av Försvarets klimat¬arbete” [Carte blanche : un examen du travail de la Défense sur le climat] de 2020, comment les forces armées suédoises - la deuxième plus grande autorité de Suède - ne rendent pas compte des émissions et de l’impact sur le climat de la même manière que les autres autorités.

Depuis la publication de mon article il y a un an et demi, le débat sur la sécurité suédoise est devenu de plus en plus fébrile. Mais les effets de l’armement et de la guerre sur l’environnement et le climat sont à peine mentionnés. Malgré l’excitation de l’actualité, la conversation est très démodée, voire obsolète. Mais il est absurde de parler de sécurité aujourd’hui sans tenir compte de la politique écologique et climatique.

Un ami usaméricain m’envoie par courrier électronique un article sur la nouvelle édition de mon roman  Om jag så måste resa till Los Alamos[ Si je dois me rendre à Los Alamos] qui traite de la création de la bombe atomique au Nouveau-Mexique, aux USA. L’article concerne les Tularosa Basin Downwinders, une organisation locale qui lutte pour la reconnaissance et l’indemnisation des personnes ayant souffert de maladies causées par l’essai nucléaire “Trinity” du 16 juillet 1945. Les Downwinders se considèrent comme les victimes parce que les radiations ont été transportées par le vent depuis le site d’essai jusqu’à leurs communautés. Personne n’a été prévenu à l’avance, personne n’a été évacué, même lorsque les retombées ont recouvert de “neige” leurs fermes, leurs maisons et leurs puits.

Les autorités n’ont jamais pris de mesures. Aujourd’hui, quatre générations plus tard, le taux de cancer est très élevé. De nombreux habitants sont d’origine latino-américaine ou autochtone, des groupes socio-économiquement défavorisés qui ne sont pas écoutés. Et les personnes touchées au Nouveau-Mexique ne représentent qu’une fraction des centaines de milliers de personnes touchées directement ou indirectement par l’extraction d’uranium et les essais nucléaires aux USA, dans les îles Marshall et ailleurs.

Quand une guerre se termine-t-elle ?

Selon le professeur Shlomo Mendelovich, directeur du principal hôpital psychiatrique d’Israël, jusqu’à six cent mille nouveaux cas de stress post-traumatique pourraient être apparus en Israël depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Une enquête de la Banque mondiale réalisée en juillet 2023, avant la guerre actuelle, a révélé que 71 % de la population de Gaza était dépressive. Les chiffres doivent être très élevés aujourd’hui. Quand la guerre prendra-t-elle fin pour toutes ces personnes traumatisées ?

La nouvelle épigénétique montre que les traumatismes peuvent être transmis génétiquement. Peut-être l’esprit humain est-il le reflet de la nature dont il fait partie. Si la guerre demeure et continue d’agir sur la terre pendant au moins cent ans, alors elle demeure et agit en nous qui vivons sur et de la terre. Le nombre de personnes qui meurent dans les guerres peut être calculé par la suite. Mais pour les nombreuses personnes qui souffrent et meurent de la guerre, il se peut qu’il n’y ait jamais d’après.

L’héritage de la guerre perdure donc pendant des générations. Fixer un point final, dire que c’est fini et lancer des confettis blancs de joie, deviendra de plus en plus impossible à l’ère de la crise climatique et des guerres hypermodernes.

 Enrico Bertuccioli, Italie

07/11/2023

GUSTAVO PETRO
Pour qui sonne le glas ? Le glas sonne pour toi

Gustavo Petro, Président de la Colombie, 27-10-2023

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

 

Une réaction du président colombien au vote de la résolution de l’AG de l’ONU du 27 octobre demandant une trêve humanitaire en Palestine, contre laquelle ont vote 14 pays, dont les îles Marshall, Fiji, Nauru, la Micronésie, la Papouasie Nouvelle-Guinée et Tonga

 

Ce que la puissance militaire barbare du Nord a déchaîné sur le peuple palestinien est le prélude de ce qui sera déchaîné sur tous les peuples du Sud lorsque la crise climatique nous laissera sans eau ; le prélude de ce qui sera déchaîné sur l'exode des populations qui, par centaines de millions, iront du Sud vers le Nord. 

 


 

Des [représentants de] peuples insulaires au bord de l'abîme à cause de la montée des eaux ont voté aujourd'hui contre une trêve dans la barbarie israélienne en Palestine. Pensent-ils sauver leurs nations ?

 

Un monde de consommation et de richesse basé sur l'utilisation intensive de combustibles fossiles est construit sur la puissance militaire du Nord, c'est-à-dire sur ce qui fait monter le niveau de la mer et entraîne des milliards de personnes dans une vie catastrophique, une ère d'extinction. Cette puissance militaire sert à défendre cette richesse et cette consommation qui se fait par la mort des autres.

 

Les premiers à disparaître seront les peuples insulaires vivant au niveau de la mer. Pourquoi certains ont-ils voté pour la barbarie aujourd'hui ?

 

Un sondage en Colombie dit que les jeunes se droitisent.

N'est-ce pas la droite qui nie le changement climatique, qui proclame qu'il faut continuer à consommer du charbon et du pétrole comme si de rien n'était et qui conduit la terre à détruire la vie, c'est-à-dire à détruire surtout la vie de ceux qui sont aujourd'hui des jeunes et des enfants ?

 

La droite conduit les jeunes d'aujourd'hui, non plus à la fête de la nature, de la connaissance, de l'art et de l'intensité de la vie, mais à la catastrophe climatique de demain, où les jeunes d'aujourd'hui vivront plus mal que les vieux d'aujourd'hui, si les changements que la droite rejette ne sont pas mis en œuvre.

 

N'est-ce pas la droite aujourd'hui qui applaudit à la barbarie des bombardements d'enfants et à la destruction de la justice dans le monde ? Quel genre de vie les jeunes qui se disent de droite vont-ils avoir avec une droite qui détruit la vie, la justice et applaudit à la mort des enfants ? Elire ceux qui tueront vos enfants demain ? Où va notre capacité au suicide et à l'omnicide ?

 

 

Pourtant, aujourd'hui, 120 nations de la planète, dont la Colombie, ont voté pour la paix. Aujourd'hui, de puissantes [sic] nations du Nord ont voté avec nous. L'Espagne, la France, la Belgique, la Norvège et la Suisse ont voté, et presque toute l'Amérique latine a voté ensemble, sauf là où les mafias ont progressé. L'Afrique et l'Asie ont voté en majorité. Et le monde commence à s'unir en sachant que glas qui sonne ce soir en Palestine ne sonne pas pour eux, il sonne pour nous, il sonne pour toi.

 

 José Vico @josevico4

27 octobre

L'ambassadeur palestinien s'effondre en lisant une lettre, moi aussi.

 


 

05/08/2023

GIANFRANCO LACCONE
Le climat, la guerre et la faim

Gianfranco Laccone, ClimateAid.it, 3/8/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Je ne sais pas si les déclarations d’António Guterres (SG de l’ONU) - « Plus de faim et de migrations du fait de l’urgence climatique. Nous devons agir maintenant » -, au lendemain du sommet “Faim Zéro de la FAO, seront d’une quelconque utilité, alors que même la voix du Pape sur ces questions semble se perdre dans le vide. Le fait est que cette semaine, les inquiétudes concernant l’évolution de la guerre en Ukraine ont pris une place plus importante dans les médias (c’est la seule raison pour laquelle le blocus commercial des céréales a fait la une), dépassant même les préoccupations concernant le changement climatique : dans ce cas, après la semaine caniculaire, en Italie, le dicton populaire semble s’être réalisé : “Passata la festa, gabbato lo santo !” [La fête passée, adieu le saint].

Seul le front négationniste semble pouvoir faire la part des choses, sous l’aile noire de la conspiration : le changement climatique, la faim, la guerre, les migrations et le commerce des céréales sont des thèmes bidons, qui ne servent qu’à détourner l’attention de la réalité. Mais on ne sait pas ce qu’est cette réalité, et même la nostalgie d’une époque mythique meilleure semble se perdre dans le ressentiment à l’égard des générations passées, coupables de ne pas avoir laissé un héritage positif.

 

Malheureusement, les grands problèmes ne sont pas le résultat d’une conspiration qui, si elle existait, pourrait encore être déjouée en sauvant l’humanité comme dans les films de science-fiction, mais une réalité qui a longtemps été sous-estimée par les gouvernements qui ont caché la poussière de la pollution et de la production de CO2 sous le tapis du “progrès”, en espérant que les choses se résoudraient ensuite d’elles-mêmes.  Aujourd’hui, les problèmes arrivent tous en même temps et ne seront pas résolus par des interventions individuelles spécifiques ; il faut s’attaquer à l’ensemble des problèmes, en établissant des priorités quant au lieu et au moment de l’intervention, mais en tenant compte de tous les aspects.  Cela décourage les institutions et pousse les gouvernements à la guerre : quoi de mieux que le “tous contre tous” lorsque la colère monte et que l’on ne sait pas quoi faire ?

 

La situation du commerce des céréales, depuis l’embargo commercial mis en place sur le gaz dans le cadre du conflit en cours jusqu’à la fin de l’accord sur les céréales entre la Russie, la Turquie et l’Ukraine, est un cas exemplaire du mouvement irrationnel des acteurs politiques.

 

Après l’invasion de l’Ukraine, l’OTAN a demandé des représailles commerciales par le biais d’un embargo sur le commerce du gaz, ce à quoi la Russie a répondu en bloquant les ports et en mettant fin au flux commercial de céréales de l’Ukraine vers le reste du monde.

 

L’impact de l’embargo sur le gaz a été moins dévastateur à court terme ; l’embargo sur la vente des céréales ukrainiennes, déclenché par la Russie en réaction - mais en réalité comme sa conséquence logique - à la guerre en cours et de l’occupation des ports, a plutôt semblé être une démarche de recherche de consensus de la part des belligérants : les pays tiers victimes de la crise alimentaire et menacés d’“émeutes du pain”, contrairement à ce que beaucoup imaginent, seront plus reconnaissants envers les pays qui leur viennent en aide (Turquie et Russie) et se montreront tièdes dans leur solidarité avec l’autre camp (même si nombre de leurs gouvernements se maintiennent grâce à l’aide militaire usaméricaine). D’autre part, si l’on analyse les données commerciales, moins de 10 % du blé vendu par l’Ukraine parvient aux pays en “crise alimentaire”, tandis que 57 % est acheté par les pays qui gèrent les chaînes d’approvisionnement agroalimentaires ; la défense de l’accord profite donc à nos réseaux commerciaux. Les démarches des parties impliquées sont contradictoires, car tout embargo, lorsqu’il concerne la production ou les achats sur la base d’échanges multiples, doit pour réussir envisager une solidarité entre les pays exportateurs (ou importateurs) : sans discipline forte, la contrebande, plus ou moins déguisée, se développe, et l’absence de solidarité est à l’ordre du jour. Il ne suffit pas dans le cas de l’alimentation, mais aussi dans celui du gaz, d’avoir un quasi-monopole de l’achat ou de la vente du produit ; le pouvoir alimentaire ou gazier n’est accordé aux pays leaders qu’à des prix de plus en plus élevés, et il n’est pas sûr qu’au final les comptes s’équilibrent.

 

Damien Glez

Même s’il est paré de hautes valeurs morales, l’embargo est une action similaire au siège et à d’autres qui ont caractérisé les guerres des siècles passés, avec une forte valeur politique et commerciale en plus. Ce n’est que dans certaines situations qu’il a été efficace, sinon il a été très difficile à gérer et s’est avéré être, au mieux, comme n’importe quelle autre action de propagande, ou a très facilement atteint l’effet inverse.

 

La guerre en cours en Ukraine semble avoir pris cette direction et Kissinger lui-même, qui dans sa vie de secrétaire d’État usaméricain a collectionné les victoires et les défaites, semble être arrivé à ces conclusions, disant dans une interview récente espérer un accord entre les parties belligérantes et mettant en garde contre la diabolisation de l’ennemi avec lequel il sera nécessaire de parvenir à un accord.

 

Il est de plus en plus évident que les politiques de développement ont causé des problèmes environnementaux dont le poids augmente de jour en jour, et parmi les premières conséquences, il y a l’impact climatique sur les cultures vivrières réparties sur la planète (je rappelle que l’occidentalisation du monde a entraîné la diffusion planétaire d’exploitations agricoles et de plantations qui n’étaient autrefois répandues que dans quelques zones limitées, au détriment d’espèces plus adaptées et plus résistantes). Mais le problème de fond reste le comportement social de l’homme, le marché aux règles inadaptées au vivant et surtout la superficialité avec laquelle sont utilisés les résultats des études et des recherches.

 

Je cite un passage du résumé des prévisions conjointes de l’OCDE et de la FAO sur la production agricole 2018/2027, dont les gouvernements auraient dû tirer les conclusions qui s’imposent :

« Pour presque tous les produits agricoles, les exportations devraient rester concentrées dans les groupes stables des principaux pays fournisseurs. Un changement notable est la présence émergente de la Fédération de Russie et de l’Ukraine sur les marchés céréaliers mondiaux, qui devrait se poursuivre. La forte concentration des marchés d’exportation pourrait accroître la sensibilité des marchés mondiaux aux chocs de l’offre dus à des facteurs naturels et à des mesures de politique agricole (à lire comme le changement climatique et les guerres commerciales).

 

« Les Perspectives agricoles 2018-2027, en tant que scénario de référence, supposent que les politiques actuellement en place se poursuivront à l’avenir. Outre les risques traditionnels qui pèsent sur les marchés agricoles, les incertitudes concernant les politiques commerciales agricoles et les inquiétudes quant à la possibilité d’un renforcement du protectionnisme au niveau mondial sont de plus en plus grandes. Le commerce agricole joue un rôle important dans la sécurité alimentaire, ce qui souligne la nécessité d’un environnement qui crée des conditions favorables pour les politiques commerciales ».

Pour ceux qui savent lire ce genre de documents, la prédisposition à la confrontation entre deux pays aux marchés émergents est évidente : la Russie et l’Ukraine, ainsi que la nécessité d’un environnement favorable au commerce.

 

Ce qui a été fait au lieu de ça est visible par tout le monde.

 

16/05/2023

GIANFRANCO LACCONE
Qui sème le vent récolte la tempête
Les catastrophes agricoles ne tombent pas du ciel

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


Depuis quelque temps, on évoque à grands cris le danger de disparition de la production agricole italienne : de ceux lancés lors de la journée nationale des fruits et légumes (Adieu aux 100 millions de plantes fruitières ! ), à l'appel au soutien de la production nationale de blé dur lancé par une organisation d'agriculteurs des Pouilles, jusqu'aux déclarations faites il y a quelques jours à Macfrut (une importante foire des fruits et légumes qui se tient à Rimini), devant le président Mattarella auquel, paradoxalement, on a exposé les problèmes causés par la sécheresse qui a frappé l'agriculture de la région ces derniers mois, au moment même où se produisaient des pluies diliuviennes qui auraient fait tomber en deux jours la quantité de pluie qui aurait du tomber au cours des mois précédents.


Au cours des 15 dernières années, 100 000 hectares de cultures fruitières auraient disparu. Mais quelle en est la cause ? On ne parle pas de l'utilisation des terres agricoles à d'autres fins, de l'urbanisation effrénée et, à la base, du système économique du marché libre qui, en visant le profit maximum, concentre la production là où elle est la plus rentable, souvent en dehors de l'Italie.

 

C'est cette même concurrence effrénée qui amène du blé bon marché (et de moins bonne qualité) dans les produits de grande consommation (pâtes, boulangerie et biscuits), qui met les agriculteurs (italiens et polonais) en crise, mais pas l'industrie alimentaire - dominée par les marques italiennes - qui, hier, exploitait les produits d'autres parties du monde et qui, aujourd'hui, exploite les lots importés d'Ukraine. Vous souvenez-vous de la campagne visant à libérer les céréales bloquées dans le port d'Odessa ? Elles étaient censées être envoyées aux populations nécessiteuses d'Afrique, mais il est presque certain qu'elles ont fini par devenir un produit d'exportation pour le monde entier, y compris pour nous, bien sûr.

 

Certaines questions telles que la disparition des cultures ou la crise de certains secteurs sont dangereusement utilisées pour protéger un système de marché (la véritable cause de la crise), même avec des motifs “écologiques”, craignant une dégradation de l'environnement en raison de la réduction de la capacité d'absorption du CO2 : une plante adulte capte 100/250 g de poussière et de smog par an, et moins de plantes signifie moins de dépollution. Un discours valable s'il s'agissait de plantes sans intervention humaine ; mais un verger ne naît pas avec un impact nul, car la quantité de smog créée pour obtenir une production agricole (entre celle nécessaire aux intrants productifs et celle nécessaire à leur distribution) réduit fortement la capacité d'absorption : les agriculteurs et les populations vivant dans les zones à plus forte concentration productive le savent bien.  C'est pourquoi il est essentiel de développer un discours agroécologique, dans lequel la réduction des intrants (et donc la réduction des polluants) est combinée à une présence accrue des plantes sur le territoire.

 

Motivées par de nobles objectifs “écologiques”, il y a aussi les demandes très pressantes, aujourd'hui, de soutien aux zones touchées par des “catastrophes environnementales”, de création de réservoirs qui serviraient à collecter et à régimenter l'eau, et de subventions visant à protéger l'agriculture, considérée comme la gardienne de la terre. Là aussi, il y a des incohérences et des non-dits qu'il convient de clarifier, en démystifiant certains clichés.


 

Les inondations d'il y a quelques jours ont touché la région de l'Émilie-Romagne, à la pointe de la production agricole italienne. Le fait que cette région ait été touchée en dit long sur la faiblesse du système mis en place. De même que le Covid a frappé de plein fouet la région de Lombardie, dotée du système de santé le plus “avancé”, montrant ainsi l'incapacité à protéger la masse des populations avec un tel système, aujourd'hui les dégâts causés par un événement qui n'était en rien imprévisible, montrent l'incapacité des systèmes hautement productifs à protéger le territoire et, avec lui, les populations qui y habitent. Il s'agit de repenser l'ensemble du système de production, en éliminant de la perspective la présence de territoires avec des zones cultivées avec un seul type de culture, voire avec une seule variété, pire, avec des plantes toutes dérivées d'un seul clone.  La solution proposée par les partisans de cette planification consiste, en se déchargeant de toute responsabilité, à augmenter les investissements et la dépendance vis-à-vis de mécanismes gérés par d'autres (comme dans le cas de la gestion de l'eau et des réservoirs) en augmentant leur présence sur le territoire : c'est comme si, face à un plafond troué, on augmentait le nombre de bassins sous les trous.

 

Il serait nécessaire de réduire la pression de la production, de différencier la production et les cultures, en insérant dans la même zone des plantes aux systèmes racinaires plus ou moins profonds, aux comportements différents face aux précipitations et aux températures, capables d'atteindre concrètement la résilience ; au lieu de cela, nous sommes toujours à la recherche de quelque chose qui représente la solution finale, à vendre aux agriculteurs par le biais d'une marque brevetée.

 

Le discours économique est encore plus déformé. Une région, un secteur productif, entre en crise : on en cherche alors les raisons parmi les causes “naturelles” (une maladie, une sécheresse, une inondation) et il est inutile d'ajouter que dans ces cas-là, on classe la région comme “touchée par une catastrophe naturelle”, ce qui est suivi par la déclaration de l'état d'urgence et le décompte des dommages, sans aucune autre mesure qui tende à supprimer les causes profondes. Pour les situations de crise qui ne peuvent être attribuées à des causes “naturelles”, on cherche frénétiquement le coupable, presque toujours un agent extérieur, un ennemi de nos productions qui, il va sans dire, sont les meilleures ; enfin, tout cela est une attaque contre notre façon d'être, contre le label “Made in Ital”, fleuron de nos exportations, et contre la culture italienne.

 

Même si le discours semble paradoxal et peut faire sourire, il est proposé dans des termes similaires par des représentants autorisés du monde agroalimentaire qui, face au changement climatique, ne savent pas comment mieux manifester leur surprise face à ce soi-disant “événement tragique” auquel, de temps en temps, même les animaux contribueraient, expression de cette “nature sauvage” que notre civilisation cherche à dominer.

 

Sans la moindre ironie, certains ont attribué ces derniers jours l'effondrement des digues en Émilie-Romagne aux ragondins et aux porcs-épics qui, par leurs tunnels, auraient sapé les travaux de remise en état. Les entreprises, le système de la chaîne d'approvisionnement, la recherche frénétique de l'exportation de la production sont les outils proposés au lieu de garantir une meilleure qualité et une sécurité des revenus pour la vente locale des produits. Quant à la propension écologique des entreprises, elle se réduit souvent à la recherche de compensations adéquates par des contributions extraordinaires ou des “titres” pour pouvoir nettoyer ou polluer ailleurs.

 

L'agriculture italienne n'a pas d'ennemis extérieurs qui la mettent en danger, elle est elle-même, conduite de manière hyper-productive et exportatrice, la cause des dangers qui la minent. C'est ce type d'agriculture qui est le danger, et pour en éliminer les causes, il faut au moins avoir l'humilité d'admettre les erreurs du passé, les sous-estimations, le manque de prévision et de planification et, enfin, le manque d'entretien, principal élément de conservation de ce qui existe. La situation d'alternance de périodes de sécheresse et d'épisodes nuageux est une manifestation du changement climatique, et il est nécessaire de pouvoir vivre avec de telles situations, qui devraient se succéder au cours des prochaines décennies.

Les seuls qui semblent s'en préoccuper sont les jeunes de Fridays For Future ou Ultima Generazione [Last Generation] dont les actions, même si on ne les partage pas entièrement, sont les seules à signaler l'absence, sur ce terrain, des institutions et des organisations sociales (syndicats de travailleurs et de patrons).


 

 

31/03/2023

GIANFRANCO LACCONE
L’ère des mythes ne s’arrête jamais : du colosse de Rhodes au pont du détroit de Messine
Mussolini l'a rêvé, Melosalvini va le faire

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 30/3/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

C’est une Arlésienne typiquement italienne : le pont sur le Détroit de Messine, qui relierait sur 3,3 km la botte à la Sicile, qui, ainsi, « cesserait d’être une île ». La première tentative fut faite par le consul romain Lucius Caecilius Metellus durant l’été de l’an 250 av. J.C., pour transférer son armée et les 104 éléphants capturés au Carthaginois Hasdrubal durant la Bataille de Palerme. L’historien Strabon raconte : « ayant fait rassembler à Messine un grand nombre de tonneaux vides, il les fit disposer en ligne sur la mer, attachés deux par deux de manière à ce qu’ils ne puissent ni se toucher ni se heurter. Sur les tonneaux, il forma un passage de planches recouvertes de terre et d’autres matériaux et fixées à des parapets en bois sur les côtés, afin que les éléphants ne tombent pas dans la mer ». La mer déchaînée entre Charybde et Scylla balaya rapidement le pont flottant et on procéda à la navigation par bateaux. D’autres projets chimériques virent le jour sous Charlemagne, sous les rois normands, sous les Bourbon de Naples. En 1866, le ministre des travaux publics du Royaume d’Italie, Stefano Jacini, chargea l’ingénieur Alfredo Cottrau, responsable des chemins de fer, de concevoir le « lien stable » entre la Calabre et la Sicile. Celui-ci proposa de cultiver en travers du détroit un banc de moules géant qui en cinquante ans constituerait l’assise naturelle d’un pont. L’Arlésienne est réapparue dans les 1950 et 1960, puis 1980 et 1990. Berlusconi, Bettino Craxi & Co. ont régulièrement relancé le projet et « étudié » des contre-projets de tunnel : concours, études de faisabilité, signature de contrats et tout le tintouin, ont permis de dilapider au fil des ans quelques centaines de millions (p. ex. 78 000 euros dépensés en un an en photocopies et « travaux héliographiques »).  Berlusconi dixit à propos de la « Huitième merveille du monde » : « Nous construirons le pont, de sorte que si l’on a un grand amour de l’autre côté du détroit, on puisse s’y rendre même à quatre heures du matin, sans attendre les ferries... » Puis on a cru l’Arlésienne enterrée. Il n’en était rien : le gouvernement melosalvinien vient de la ranimer. Un Grand Projet Inutile caractérisé qui fait se lécher les babines à Cosa Nostra et à la N’drangheta, à l’affût des deux côtés du détroit. Et dans une zone sismique qui a connu le séisme le plus meurtrier de l’histoire, qui a fait 120 000 morts (estimation) en 1908. Mussolini l'a rêvé [«Après la victoire, je jetterai un pont sur le détroit de Messine, de sorte que la Sicile perdra sa physionomie insulaire...», 1941], Melosalvini va le faire. En 3 mots, Boia chi molla -FG

Parmi les récentes décisions du gouvernement figure, entre autres, le lancement de la procédure de construction du « pont sur le détroit de Messine », un projet qui, en raison de son ampleur, pourrait engager l’État, les forces politiques et la société italienne pendant des décennies et qui aura un impact sur notre vie et celle des générations suivantes.  Le fait qu’il ait été mentionné en marge et parmi d’autres décisions prises, décisions certes importantes mais peut-être de moindre impact sur l’avenir de la population, montre une certaine sous-estimation et également un manque de perspective dans lequel se meuvent les actions de ceux qui gouvernent.



Les gouvernements italiens n’ont pas toujours agi avec une telle insouciance : la décision (1959) de créer un mégacentre sidérurgique à Tarente, mythiquement considéré comme le plus grand et le plus moderne de la planète, a été prise à l’issue d’un débat national, impliquant l’opposition politique et les syndicats, qui a recueilli le consensus de personnes d’orientations culturelles différentes, proposant une perspective imaginaire et concrète à la société, une idée de bien-être et de vie confortable grâce aux méga-machines industrielles qui conduiraient l’Italie. Bien plus tard, certains de ceux qui avaient soutenu l’usine sidérurgique de Tarente se rendront compte que c’était une erreur et essaieront de trouver n’importe quelle solution pour éviter les problèmes créés par le mégacentre, qui tuait ses travailleurs et produisait des effets contraires aux attentes qu’il avait suscitées. Cette décision, que nous considérons aujourd’hui comme erronée et mortelle pour la région concernée et l’ensemble du système italien, était le produit d’une culture qui a façonné l’imagination de plusieurs générations et le mode de vie de toutes les classes. Il était difficile d’avoir une idée différente et les rares personnes (comme moi) qui la professaient étaient considérées avec une certaine condescendance ; c’était, disait-on, notre formation spécialisée qui nous conduisait à des conclusions catastrophiques sur la nature de l’industrie sidérurgique. Le temps est un grand sculpteur et il est impitoyable dans les images qu’il produit.   

J’ai évoqué l’affaire du « monstre d’acier » dont on ne sait plus comment se débarrasser (mais on pourrait en citer d’autres plus éloignés, comme Tchernobyl ou la défunte mer d’Aral) pour souligner l’aspect du mythe qui a précédé et soutenu une telle intervention, un mythe qu’il ne faut pas sous-estimer, même dans ses effets à long terme.

Et c’est de mythes que je voudrais parler, pour évoquer le rapport entre la construction du pont sur le détroit de Messine et le changement climatique, un fait inéluctable qui conditionnera l’esprit avec lequel nous affronterons les temps à venir.  Je ne m’attarderai donc pas sur les raisons rationnelles pour et contre un tel ouvrage, car elles ne pèseront pas sur les décisions finales et sur la volonté de soutenir toute décision au-delà de toute limite. Pensez-vous qu’Hitler était rationnel lorsqu’il pensait faire la guerre d’un petit État sur deux fronts (est et ouest) ? Que Napoléon ou Alexandre le Grand étaient rationnels en pensant partir avec une poignée d’hommes à la conquête de territoires démesurés et inconnus ?  Et je ne parlerai pas des mythes liés à la victoire des hommes sur les hommes (comme ceux évoqués), mais de ceux qui visent à exalter la grandeur des œuvres humaines sur la Nature, corollaire du mythe de Prométhée dérobant aux dieux le secret du feu, représenté aujourd’hui par le « vol » du secret de l’atome ou de celui de l’ADN. Sans une culture qui sanctionne la fin d’un « mythe », on ne peut songer à éviter une manière d’agir liée à celui-ci et, inversement, les mythes doivent être maniés avec précaution, car ils sont annonciateurs, surtout dans leur chute, de douloureuses transitions d’époque. L’absence d’une telle culture conduit à la défaite et à un sentiment de frustration, comme cela s’est produit en Italie pour ceux qui ne se sont pas résignés au résultat d’un référendum populaire qui, le 8 novembre 1987, a éliminé la perspective de créer des centrales nucléaires dans le pays.  Aujourd’hui, on voudrait reproposer une voie aussi dépassée, et reproposer le passé comme avenir est toujours l’indice de perspectives limitées. Aujourd’hui, alors que le mythe du progrès vacille et que le mythe de l’industrie créatrice de richesses s’est certainement étiolé, quel mythe alimentera la perspective d’un pont sur le détroit de Messine ? Et que deviendrait cette œuvre, quel sens aurait-elle pour la postérité ?

20/03/2023

JEFFREY SACHS
La crise bancaire globale et l'économie mondiale

Jeffrey Sachs (bio) , 19/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La crise bancaire qui a frappé la Silicon Valley Bank (SVB) la semaine dernière s'est propagée. Nous nous souvenons avec effroi de deux contagions financières récentes : la crise financière asiatique de 1997, qui a entraîné une profonde récession en Asie, et la grande récession de 2008, qui a provoqué un ralentissement mondial. La nouvelle crise bancaire frappe une économie mondiale déjà perturbée par les pandémies, la guerre, les sanctions, les tensions géopolitiques et les chocs climatiques.


Emad Hajjaj

La crise bancaire actuelle trouve son origine dans le resserrement des conditions monétaires par la Fed (Réserve Fédérale US) et la Banque centrale européenne (BCE) après des années de politique monétaire expansionniste. Ces dernières années, la Fed et la BCE ont maintenu des taux d'intérêt proches de zéro et ont inondé l'économie de liquidités, notamment en réponse à la pandémie. L'argent facile a entraîné une inflation en 2022, et les deux banques centrales resserrent à présent leur politique monétaire et augmentent les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation.

Les banques comme la SVB reçoivent des dépôts à court terme et les utilisent pour réaliser des investissements à long terme.

Les banques paient des intérêts sur les dépôts et visent des rendements plus élevés sur les investissements à long terme. Lorsque les banques centrales augmentent les taux d'intérêt à court terme, les taux payés sur les dépôts peuvent dépasser les revenus des investissements à long terme. Dans ce cas, les bénéfices et le capital des banques diminuent. Les banques peuvent avoir besoin de lever davantage de capitaux pour rester sûres et opérationnelles. Dans des cas extrêmes, certaines banques peuvent faire faillite.

Même une banque solvable peut faire faillite si les déposants paniquent et tentent soudainement de retirer leurs dépôts, un événement connu sous le nom de panique bancaire (“bank run”). Chaque déposant se précipite pour retirer ses dépôts avant les autres déposants. Comme les actifs de la banque sont immobilisés dans des investissements à long terme, la banque n'a pas les liquidités nécessaires pour fournir de l'argent liquide aux déposants paniqués. Le SVP a succombé à un tel bank run et a été rapidement reprise par le gouvernement usaméricain. 

Les retraits massifs de capitaux sont un risque courant, mais ils peuvent être évités de trois manières. Premièrement, les banques doivent conserver suffisamment de capital pour absorber les pertes. Deuxièmement, en cas de bank run, les banques centrales devraient fournir aux banques des liquidités d'urgence, mettant ainsi fin à la panique. Troisièmement, l'assurance des dépôts par l'État devrait calmer les déposants. 

12/02/2023

GIANFRANCO LACCONE
Mais le changement climatique est aussi une question sanitaire

Gianfranco Laccone, ClimateAid.it, 9/2/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

La relation très étroite entre le changement climatique et la situation sanitaire préoccupe les institutions internationales depuis des décennies, produisant des rapports de plus en plus alarmants sur l’influence sur la santé des populations de la planète. Aujourd’hui, elles le font de manière plus consciente et articulée, renforcés par l’expérience amère de la période la plus dramatique de la pandémie. Le tremblement de terre catastrophique entre la Turquie et la Syrie (bien que non imputable au climat, mais apportant des changements collatéraux dans ce domaine également), montre que tout cela ne suffit pas pour changer les comportements afin de vivre, même en présence du changement climatique. Aujourd’hui, plus personne ne doute de l’évolution climatique, après avoir constaté la hausse des températures, les "événements" extrêmes dans les régions les plus riches de la planète (dont les gouvernements se croyaient, à tort, indemnes de ces phénomènes et présumaient de toute façon les contrôler) et la montée des océans qui érodera les côtes peuplées des continents.

Mais cette reconnaissance tardive et partielle a empêché une réaction adéquate et la situation actuelle condamne d’emblée les plus faibles de la planète : les femmes, les pauvres et les minorités.

Osama Hajjaj, Jordanie

Ce qui est en vigueur actuellement est ce qui a été produit par les règles économiques qui ont été établies depuis les années 1980 : on théorise qu’il faut laisser la solution des problèmes, y compris les problèmes environnementaux, à l’action des « forces du libre marché» sans intervention publique et, en fait, la philosophie de l’homo homini lupus [l’homme, un loup pour l’homme] est sanctionnée, de plus en plus soutenue par l’utilisation des armes, des groupes criminels et de la corruption qui dominent le commerce. La santé de l’espèce humaine n’échappe pas à cette fatalité, bien que l’assemblée des Nations unies, en lançant les 17 objectifs de développement durable, ait inclus la « santé et le bien-être » comme troisième point, après ceux de la lutte contre la pauvreté et la faim. Si l’espèce humaine fait cavalier seul en essayant de ne pas atteindre les objectifs prévus, alors qu’elle les a planifiés avec des cibles à atteindre et des indicateurs pour les évaluer, le changement climatique complique leur réalisation, en exacerbant bon nombre des problèmes évalués lors de la promulgation de l’Agenda 2030.  Le récent rapport sur la relation entre le climat et la santé publié par Lancet, le “Lancet Countdown on health and climate change”, souligne la fréquence croissante des vagues de chaleur et des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les incendies, les inondations et les sécheresses, qui constituent la base de la propagation des maladies infectieuses. Si l’on ajoute à ces “bases” la diffusion du CO2 dans l’atmosphère, élément essentiel à la formation des macromolécules, donc des virus, qui sont une forme de ces agrégats, on obtient un tableau que l’on peut résumer schématiquement comme suit :

 

Réchauffement climatique et stress thermique, avec des conséquences directes (coups de chaleur) et indirectes (aggravation de pathologies préexistantes).

Pollution de l’air, incendies et troubles respiratoires, entraînant des maladies respiratoires et de l’asthme.

Augmentation de la propagation des maladies infectieuses à transmission vectorielle, c’est-à-dire la propagation d’infections telles que la dengue, le Zika, le chikungunya et le paludisme, avec l’élargissement de leur zone de présence et la prolongation des conditions de transmission.

Les inondations, la qualité de l’eau et le risque de contamination bactérienne augmentent, mais il y a aussi des effets indirects, car la malnutrition qui en résulte provoque des diarrhées et donc une réduction de la capacité de l’individu à se nourrir.

 

Il est clair que le changement climatique est aussi une question de santé, qui ne peut être abordée avec quelques médicaments, mais en développant des systèmes de prévention des vagues de chaleur et des événements extrêmes et en préparant les systèmes de santé à leur impact. Cela soulève des questions délicates et lourdes de conséquences, comme, par exemple, les co-bénéfices qui peuvent être obtenus avec une meilleure nutrition et une amélioration des transports, mais aussi avec une meilleure organisation du système de santé et une formation professionnelle adéquate des opérateurs. Et c’est là que les problèmes se posent, car pour parvenir à des soins de santé préventifs, aussi capables d’atténuer les effets du changement que de s’y adapter, il est nécessaire de renforcer la médecine d’urgence et de catastrophe. Il semble toutefois que dans la majorité des pays (y compris l’Italie), nous suivons obstinément la direction opposée, en fermant les hôpitaux de zone et les “salles d’urgence”  De la même manière, la direction opposée est également parcourue en ce qui concerne la formation professionnelle : il y a peu de médecins par rapport aux besoins, les universités réduisent le nombre d’inscriptions en médecine et se tournent vers une médecine capable de produire des profits, les pratiques médicales traditionnelles sont abandonnées et oubliées, alors que, surtout dans la phase de soins primaires, elles pourraient être utilement combinées avec les pratiques médicales, élargissant ainsi la cible et la zone d’intervention.