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21/04/2022

GIDEON LEVY
Tous les Israéliens sont complices de l’occupation

Gideon Levy, Haaretz, 21/4/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT- Le mardi 19 avril, des colons juifs emmenés par leurs députés du parti Sionisme religieux, ont effectué une « marche de Pessah » vers Homesh, le lieu emblématique des colons juifs en Cisjordanie. Avec 3 autres colonies (Ganim, Kadim, Sa-Nur), Homesh, située sur les terres palestiniennes du village de Burqa, au nord de Naplouse, a été évacuée et démantelée en 2005 dans le cadre du « Désengagement de Gaza ». Depuis lors, une série de tentatives de réinstallation de colons ont eu lieu, dont il reste aujourd’hui une yeshiva (école religieuse) et un « avant-poste ». J’ai respecté l’utilisation du terme « occupation » [כִּיבּוּשׁ, kibush] par l’auteur, désignant dans le langage courant israélien israélien l’occupation depuis 1967 de Jérusalem-Est, la Cisjordanie, Gaza et le Golan syrien, avec un sens implicite : que le territoire appelé Israël (la Palestine de 1948) ne serait pas sous occupation.-FG

 Nous tous, chaque Israélien, avons défilé à Homesh l’autre jour. Chacun d’entre nous, chaque Israélien, a participé à la parade du drapeau à Jérusalem mercredi. Nous tous, chaque Israélien, sommes des colons. Il n’y a pas d’autre façon de décrire la réalité. Quiconque pense qu’il ne s’agit que d’une petite minorité violente de colons avec laquelle la plupart des gens n’ont aucun lien, quiconque pense qu’il s’agit d’une partie éloignée de la terre, d’une arrière-cour sombre qui n’a aucun lien avec la vitrine, se ment complètement à lui-même.

Des Israéliens participant à la marche sur Homesh regardent les villages palestiniens voisins. Photo : Amir Levy

Comme il est agréablement faux de penser que ça ne peut pas être nous, que c’est eux ; comme il est agréablement faux de penser que nous, les éclairés, n’avons aucun lien avec cela, que le gouvernement ne fait que céder à leur folie.

Dans toute extorsion, il y a l’extorqueur et l’extorqué. Ce n’est pas nous, ce sont ces autres personnes avec les grandes calottes et les longues papillotes, avec les femmes en foulard et les écoles religieuses pour filles. Qu’est-ce que Homesh a à voir avec nous ? Ou le Mont du Temple ? Il est vrai que la plupart des Israéliens n’ont jamais mis les pieds dans l’un ou l’autre de ces endroits, et que beaucoup n’ont probablement aucune idée de l’endroit où se trouve Homesh, mais la vérité est que nous sommes tous là. Nous portons tous la responsabilité.

Chaque drapeau provocateur de Homesh, et tous ceux qui sont brandis sur le Mont du Temple, portent nos noms à tous. On ne peut pas s’asseoir à Tel Aviv en sirotant un café au lait de soja, en gloussant et en se plaignant : « Qu’est-ce qui va se passer avec ces colons ? Ils ruinent ‘notre’ pays ».  On ne peut pas non plus siéger dans un gouvernement qui supervise tout cela et dire que c’est un gouvernement de changement. Si quelqu’un a encore besoin de la preuve qu’il n’y a aucune différence entre ce gouvernement et ses prédécesseurs, il suffit de regarder Homesh.

Benny Gantz aurait dû fermer Homesh. Omer Bar-Lev aurait dû disperser les drapeaux. Yair Lapid est aussi monté à Homesh. Nitzan Horowitz a également participé à la marche des drapeaux et Merav Michaeli a également frappé des vieillards avec des bâtons sur la place de la mosquée. Ils sont partie prenante de toutes ces choses. Idit Silman et Itamar Ben-Gvir ne marchent jamais seuls. Il y a les FDI qui les protègent, la police israélienne qui ne les arrête pas et un gouvernement qui ne lève pas le petit doigt. Par conséquent, nous étions tous à Homesh.

C’est ce qu’on appelle être complice d’un crime. Pas seulement le fait de ne pas empêcher un crime, ce qui est aussi un délit pénal, mais l’aide à la commission du crime lui-même. L’article 26 du Code Pénal stipule : « est considéré comme partie au délit celui qui, présent ou non au moment où le délit est commis, accomplit ou omet d’accomplir un acte quelconque dans le but de permettre ou d’aider une autre personne à commettre le délit ». Faut-il en dire plus ? La manifestation provocatrice à Homesh était méprisable. C’est l’apartheid dans sa forme la plus pure et une gifle au visage de la Haute Cour de Justice. Elle témoigne d’un plus grand mépris de la loi que ce qu’impliquent les accusations portées contre Benjamin Netanyahou.

19/12/2021

GIDEON LEVY
Crime et châtiment à Homesh, colonie juive en Cisjordanie

 

Gideon Levy, Haaretz, 18/12/2021
Photos de Majdi Mohammed/AP Photo
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Homesh est le crime, le meurtre de Yehuda Dimentman est le châtiment. La plupart des Israéliens voient cela différemment, parce que c'est ce qu'on leur dit : un beau jour, un étudiant de yeshiva est assassiné sans qu'il y ait faute de sa part, uniquement parce qu'il était juif et que ses tueurs assoiffés de sang étaient nés pour tuer. Les Palestiniens sont toujours dans le rôle des méchants,  les Juifs sont toujours les victimes.

 

Des soldats israéliens se tiennent entre des Palestiniens et des colons juifs suite à une attaque de colons contre le village de Burqah en Cisjordanie, vendredi.

 


C'est une version réconfortante, mais elle n'a aucun lien avec la réalité. S'il existe un endroit en Cisjordanie où une attaque ne sort pas de nulle part, sans raison ni contexte, c’est bien Homesh. S'il existe un endroit où les Palestiniens n'ont aucun moyen de récupérer leurs terres, sauf par la violence, c’est bien Homesh. Et s'il existe un endroit où les colons, la droite, le gouvernement et l'armée font tout ce qu'ils peuvent pour provoquer ce bain de sang, c’est bien Homesh. Le sang de Dimentman est aussi sur leurs mains.

« Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? », s’est lamenté le colon Ariel Danino de Kumi Uri sur Twitter. Kumi Uri est un avant-poste dont les habitants attaquent aussi les soldats et les policiers. Et voilà pourquoi : le gouvernement israélien a décidé d'évacuer Homesh lors du désengagement de Gaza en 2005. Huit ans plus tard, la Haute Cour de justice a ordonné à l'État d'annuler les ordres d'appropriation et de fermeture de la zone émis à l'encontre des Palestiniens. Les colons, soutenus par l'armée, le gouvernement et la droite, y ont établi une yeshiva.


Pendant des années, nous avons essayé d'approcher Homesh à plusieurs reprises. Des colons armés et masqués sortaient toujours de cette pure maison de la Torah et nous chassaient en nous menaçant. Leur rabbin regardait de loin et n'intervenait pas. Lorsque nous y sommes venus après l'arrêt de la Haute Cour avec quelques propriétaires terriens de Burqah, ils n'ont pas osé sortir de leur voiture. Je n'ai jamais vu de Palestiniens aussi effrayés que ce groupe d'agriculteurs, qui depuis 35 ans n'ont pas été autorisés à aller sur leurs terres. Pendant un moment, il y a eu l'espoir qu'une justice tardive serait rendue, puis lorsqu'ils ont été soi-disant autorisés à revenir, ils n'ont pas osé quitter leur voiture par peur des colons.

27/08/2021

GIDEON LEVY
Ligoté, enchaîné, battu, suspendu à un arbre : un adolescent palestinien brutalement attaqué par des colons

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 26/8/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La semaine dernière, dans la colonie de Homesh, censée avoir été évacuée, un adolescent palestinien a été saisi par des colons et soumis à des violences physiques pendant plus de deux heures. Il s'agit d'une pratique régulière sur ce site dont le tribunal a depuis longtemps ordonné l'ouverture aux Palestiniens.

Tareq Zubeidi est allongé sur son lit en acier dans un coin du salon faiblement éclairé, recouvert jusqu'au cou d'une couverture synthétique et fixant le plafond. Garçon pâle de 15 ans, sans barbe, son sourire est doux, sa voix chuchotante. S'il est touché par inadvertance sur les jambes, surtout autour des genoux, il se dresse d'un bond comme s'il avait été mordu par un serpent et son visage devient blanc de douleur. Deux grandes cicatrices rondes sont gravées dans la plante de ses pieds, ce qui explique pourquoi il lui est impossible de se tenir debout. Son visage était couvert lorsque les colons lui ont infligé ces blessures, mais il est convaincu que l'une d'entre elles a été causée par une brûlure, probablement avec un briquet tenu sous un pied jusqu'à ce que la chair soit roussie, tandis que l'autre a reçu des coups avec une barre de fer. Tareq est alité depuis ce matin d'horreur de mardi dernier, et reste traumatisé par cet événement.

 

Tareq Zubeidi, 15 ans, cette semaine. Les colons lui ont donné des coups de pied, dit-il, alors qu'il était allongé sur le sol, puis l'ont placé sur le capot de la voiture, l'attachant avec une chaîne.

 Le grand village de Silat al-Daher se trouve sur la route Naplouse-Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Surplombant le village depuis une haute colline, on trouve des vestiges de la colonie de Homesh, censée avoir été évacuée, qu'Israël a démantelée en principe dans le cadre du processus dit de désengagement en 2005. Dans le même temps, la Haute Cour de justice a ordonné à l'État d'annuler les ordonnances militaires de saisie et de fermeture qui avaient interdit aux Palestiniens d'accéder au site - mais rien de tout cela n'a de rapport avec la réalité.

Un groupe appelé "Homesh d’abord" a établi une yeshiva sur le site peu après les évacuations : ses étudiants sont parmi les plus violents des colons. Quiconque a déjà essayé d'approcher Homesh sait de quoi - et surtout de qui - il s'agit. La décision de la Haute Cour a depuis longtemps été foulée aux pieds ici et personne ne s'en soucie. L'organisation israélienne de défense des droits humains B'Tselem a recensé pas moins de sept agressions violentes de Palestiniens par des colons de la yeshiva de Homesh depuis mars 2020. À une occasion, ils ont attaqué un groupe de femmes et un nourrisson, à une autre ils ont matraqué un fermier avec des bâtons et des pierres, à une troisième ils ont cassé la jambe d'un berger avec des pierres, et à deux reprises ils ont attaqué des maisons et des véhicules à la périphérie du village. Néanmoins, la semaine dernière, le 17 août, un groupe de jeunes de Silat al-Daher a décidé d'organiser un pique-nique et un barbecue près de Homesh, dans le bosquet qui constitue le poumon vert du village.