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21/04/2022

ANTONIO MAZZEO
ITALIE-ÉGYPTE : Enrico Letta et le PD découvrent qu’Al Sissi est un dictateur (mieux vaut tard que jamais)

Antonio Mazzeo , Pagine Esteri, 20/4/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

C’est le mantra du jour : il faut diversifier les origines et les sources d'approvisionnement en énergie afin de ne pas avoir à dépendre de l'ours russe après l'agression brutale contre l'Ukraine. Ainsi, les responsables gouvernementaux et les dirigeants d'ENI, la société géante détenue à 30% par l'État italien, intensifient leurs voyages et leurs contacts dans les principaux pays producteurs d'hydrocarbures, en Afrique et au Moyen-Orient. La nouvelle d'un accord sur le gaz avec l'Égypte du dictateur Al Sissi a provoqué quelques crampes d'estomac parmi les forces politiques de centre-gauche, presque en même temps que l'énième arrêt de la procédure pénale contre les responsables présumés de la mort du jeune chercheur Giulio Regeni, en raison du refus des autorités du Caire de coopérer avec les juges italiens. Le secrétaire du Parti Démocrate, Enrico Letta, a exprimé « de nombreux doutes » quant aux futures livraisons de gaz égyptien à ENI, car « l'affaire Regeni est un symbole de la nécessité de défendre les droits de l'homme et de faire justice » et « notre gouvernement doit être beaucoup plus fort et exigeant envers les Égyptiens ». (1)

 Letta semble n'avoir découvert qu'aujourd'hui les activités de la holding énergétique à l'ombre des pyramides. Un coup d'œil aux bilans et aux communiqués de presse d'ENI aurait suffi pour vérifier que celui d'aujourd'hui n'est qu'un des innombrables contrats signés dans le pays d'Afrique du Nord après le prétendu refroidissement des relations diplomatiques, économiques et militaires entre Rome et Le Caire dû à la tromperie égyptienne dans l'enquête sur le meurtre de Giulio Regeni. Le secrétaire du Parti démocrate semble également avoir manqué les fréquentes visites en Égypte du puissant PDG Claudio Descalzi et des dirigeants d'ENI, dont certaines se sont terminées par des tête-à-tête fraternels avec le président Al-Sissi. En réalité, plutôt que de diversifier, le gouvernement Draghi semble vouloir augmenter le volume des importations de gaz et de pétrole en provenance de ses partenaires stratégiques consolidés, l'Égypte en tête. Quant à la méchante Russie, comme nous le verrons, au-delà des récits main stream, la "nouvelle" campagne d'ENI en territoire égyptien repropose un certain pragmatisme et une certaine hypocrisie du modèle italien  de politique industrielle.

Le dernier acte de l’Egyptian connection a eu lieu au Caire le 13 avril, lorsque le directeur général d'ENI, Guido Brusco, et le président d'EGAS, la holding gazière publique égyptienne, ont signé un accord-cadre visant à "maximiser" les exportations de GNL (gaz naturel liquéfié). « Cet accord vise à promouvoir l'exportation de gaz égyptien vers l'Europe, et en particulier vers l'Italie, dans le cadre de la transition vers une économie à faible émission de carbone », rapporte la note du bureau de presse d'ENI. « Les parties ont convenu d'accroître la valeur des réserves de gaz égyptiennes en augmentant les activités gérées conjointement. ENI optimisera également les campagnes d'exploration dans les blocs existants et les zones nouvellement acquises dans les régions du delta du Nil, de la Méditerranée orientale et du désert occidental ». Le groupe italien vise à s'approvisionner en GNL pour un total de trois milliards de mètres cubes d'ici à la fin de 2022. (2)

Le même jour, le 13 avril, ENI a annoncé la découverte de nouveaux champs de pétrole et de gaz dans la concession de Meleiha, dans le désert occidental, pour environ 8 500 barils/jour d'équivalent pétrole. Plus précisément, les hydrocarbures ont été identifiés dans trois puits (Nada, Meleiha SE et Deep Emry) dans les formations d'Alam El Bueib, Khatatba et Matrouh. (3)

D'autres découvertes importantes de pétrole et de gaz dans le désert ont été officialisées le 26 octobre 2021, toujours à Meleiha (puits Jasmine dans les formations de Khatatba et d'Alam El Bueib) et dans la concession " sœur " de South West Meleiha (un puits dans la localisation de Bahariya), à environ 130 kilomètres au nord de l'oasis de Siwa. Globalement, les ressources de ces trois découvertes permettraient de fournir 6 300 barils de pétrole léger et 200 000 mètres cubes de gaz associé par jour.

Dans la concession South West Meleiha, d'une superficie de 3 013 km², ENI détient une participation de 100% en tant que groupe entrepreneur par l'intermédiaire de sa filiale IEOC (International Egyptian Oil Company). Les hydrocarbures extraits sont ensuite transportés et traités dans l'usine de Melehia de l'Agiba Petroleum Company, une autre société détenue à parts égales par ENI-IEOC et la compagnie pétrolière d'État égyptienne EGPC (Egyptian General Petroleum Corporation). Dans la concession de Meleiha, ENI - toujours par le biais de l'IEOC - détient une participation de 76 %, tandis que les 24 restants sont entre les mains de la société privée russe Lukoil. « IEOC et Lukoil constituent le groupe entrepreneur de la concession à laquelle participe l'Egyptian General Petroleum Corporation au nom du gouvernement égyptien », précise la holding italienne. (4)