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24/01/2022

Birmanie/Myanmar : TotalEnergies s'en va, les autres restent

Le revirement spectaculaire de la major française TotalEnergies en Birmanie

Au lendemain du coup d’État de février 2021, la compagnie n’avait pas l’intention de quitter le Myanmar. La répression dans le pays, la pression des ONG et celle des actionnaires l’ont amenée à annoncer son retrait du pays.

Adrien Pécout et Julien Bouissou, Le Monde, 22/1/2022

SÉVERIN MILLET

C’est la fin d’une aventure de trois décennies qui aura fait couler beaucoup d’encre. Après avoir commencé en 1992 ses opérations d’exploration du champ gazier de Yadana, au large de la Birmanie, TotalEnergies (ex-Total) a finalement annoncé son désengagement du pays, vendredi 21 janvier, citant un « contexte qui ne cesse de se dégrader en matière de droits humains ». Le départ sera « effectif au plus tard à l’issue » d’un délai de préavis de six mois. Près d’un an après le coup d’Etat de la junte militaire, le 1er février 2021, l’entreprise américaine Chevron a également annoncé, dans la foulée, qu’elle quittait le pays.

Pendant ces onze mois, les tractations entre Washington, Paris, plusieurs ONG de défense des droits de l’homme et les compagnies pétrolières ont conduit TotalEnergies à un revirement spectaculaire. Au lendemain du coup d’Etat birman, le groupe français n’a pas l’intention de quitter le pays, bien au contraire. Le 3 avril 2021, Le Journal du dimanche publie une tribune de Patrick Pouyanné, PDG de la major pétrolière, dont le titre laisse peu de place au doute : « Pourquoi Total reste en Birmanie ».

La position de Total devient vite intenable

Quelques semaines plus tard, Le Monde révèle un montage financier autour de MGTC, la société propriétaire du gazoduc sous-marin de 346 kilomètres, enregistrée aux Bermudes et dont Total est le premier actionnaire (à hauteur de 31 %) et l’opérateur. Dans ce système, des millions de dollars provenant des ventes du gaz étaient détournés des caisses de l’Etat birman au profit de la MOGE, une société contrôlée par les militaires et actionnaire du même champ gazier (15 % des parts). Le groupe français annonce peu après, fin mai 2021, qu’il suspend le versement de dividendes, dont ceux à la junte birmane.

Au fil des mois, la situation se détériore au Myanmar (l’autre nom du pays) et la position du groupe français devient intenable. Les ONG dénombrent près de 1 000 civils tués par l’armée en à peine un semestre. Aung San Suu Kyi, l’ancienne dirigeante qui s’était opposée au coup d’Etat militaire, est condamnée à l’automne suivant à quatre ans de prison, une peine finalement ramenée à deux ans.

Lors d’une conférence donnée fin août 2021, devant le Medef, Patrick Pouyanné ne cache pas la difficulté de sa situation. « Le Myanmar, ce n’est rien du tout vu les emmerdes que j’ai en face, pardon pour le mot : c’est 1 % de la production de Total et rien en résultat », lâche-t-il, avant de conclure qu’aucune des solutions n’est « vraiment bonne ».

21/06/2021

La junte birmane vend des ressources à ses voisins en échange de « légitimité »

Lin Htet Myat, The Irrawaddy, 15/6/2021
Traduit par Fausto Giudice

Lin Htet Myat est un analyste birman des politiques publiques, focalisé sur la gouvernance économique et les projets de partenariat public-privé au Myanmar.

Depuis le coup d'État du 1er  février contre le gouvernement élu de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), l'armée du Myanmar (également connue sous le nom de Tatmadaw) s'est heurtée à des manifestations publiques nationales inattendues et au Mouvement de désobéissance civile (MDC) des fonctionnaires. Ces manifestations ont perturbé l'économie et le secteur public, poussant le pays au bord de l'effondrement de l'État et de la guerre civile. Aujourd'hui, le Conseil d'administration de l'État (SAC) de la junte tente de stabiliser la situation en vendant les ressources du pays à ses voisins amis, la Chine et la Thaïlande.

Des Karens se rassemblent pour s'opposer à la construction de barrages sur la rivière Salween, dont le barrage de Hatgyi, à Hpapun, dans l'État Karen, le 14 mars.

Lors de son voyage dans l'État Karen le 31 mai, le chef de la junte, le généralissime Min Aung Hlaing, a annoncé un plan visant à reprendre le projet controversé du barrage de Hatgyi pour la production d'électricité. Les promoteurs du projet sont l'Autorité de production d'énergie de Thaïlande (EGAT), Sino-hydro, IGE Company Limited, qui appartient au frère de l'actuel commandant en chef de la marine, et le ministère de l'Énergie et de l'Électricité (MOEE). Le barrage est situé dans une zone de conflit de l'État Karen où des combats ont récemment éclaté entre l'armée du Myanmar et des brigades de l'Armée de libération nationale karen (KNLA), la branche armée de l'Union nationale karen (KNU).

09/05/2021

Birmanie : vers des sanctions énergiques contre les généraux ?

 Francis Christophe


 Francis Christophe , Asialyst, 3/5/2021

Ancien journaliste à l'AFP et de Bakchich, ancien enquêteur pour l'Observatoire Géopolitique des Drogues, Christophe est journaliste indépendant. Auteur du livre "Birmanie, la dictature du Pavot" (Picquier, 1998), il est passionné par les "trous noirs de l'information". La Birmanie fut, de 1962 à 1988 le pays répondant le mieux à cette définition. Aucune information ne sortait de cette dictature militaire autarcique, archaïque, guerroyant contre ses minorités, clamant dans le désert sa marche sur la voie birmane vers le socialisme. 
Les Occidentaux le savent. Le talon d’Achille des généraux putschistes en Birmanie est énergétique. Ils sont sous perfusion financière d’un montage complexe autour de l’exploitation d’un immense champ gazier. Le tout conçu et mis en œuvre par Total en partenariat avec Chevron. La France et les États-Unis ont donc une arme décisive entre leurs mains. Si Paris ne semble toujours pas vouloir actionner ce levier, un groupe bipartisan au Sénat à Washington a demandé à Joe Biden des sanctions là où ça fait mal pour la junte birmane.

Le général birman Min Aung Hlaing, chef de la junte qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi par le coup d'État du 1er  février 2021. (Source : Le Devoir)

Toutes les parties concernées par le maelstrom birman ont découvert le 28 avril, le franchissement d’une étape décisive dans la saga trentenaire des sanctions contre les juntes successivement au pouvoir en Birmanie. Une dépêche de l’agence Reuters, reprise par certains médias internationaux, annonce la suspension d’une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête des généraux putschistes du 1er février. Cette dépêche expose quelques singularités survenues la semaine dernière au Sénat des États-Unis, surprenant des analystes chevronnés consultés par Asialyst.