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28/09/2022

JOHN PILGER
En Ukraine, les USA sont en train de nous entraîner dans une guerre contre la Russie
Un article de 2014 plus actuel que jamais

John Pilger, The Guardian, 13/5/2014

Pourquoi tolérons-nous la menace d’une nouvelle guerre mondiale qui se mènerait en notre nom ? Pourquoi tolérons-nous les mensonges qui justifient ce risque ? L’ampleur de notre endoctrinement, comme l’a écrit Harold Pinter, est « un tour d’hypnose brillant, spirituel même et couronné de succès », comme si la vérité « ne s’était jamais produite, alors même qu’elle se produisait ».


Un militant pro-russe avec une douille d'obus et un paquet-repas de fabrication usaméricaine tombés d'un véhicule blindé de l'armée ukrainienne lors de l'attaque d'un barrage routier le 3 mai 2014 à Andreïevka, dans l'oblast de Zaporijjia, en Ukraine. Photo : Scott Olson/Getty

Chaque année l’historien usaméricain William Blum publie son “résumé actualisé du bilan de la politique étrangère US” qui montre que, depuis 1945, les USA ont tenté de renversé plus de 50 gouvernements, la plupart démocratiquement élus , ont pratiqué une ingérence grossière dans les élections de 30 pays, bombardé la population civile de 30 pays, utilisé des armes chimiques et biologiques  et tenté d’assassiner des dirigeants étrangers.

Dans bien des cas la Grande-Bretagne joué le rôle de collabo. Le degré de souffrance humaine, pour ne pas parler de la criminalité, n’est jamais reconnu en Occident, malgré la soi-disant présence des technologies de communication les plus avancées, et des journalistes les plus libres du monde. Que les victimes les plus nombreuses du terrorisme – de “notre” terrorisme, soient des musulmans, ça, on ne peut pas le dire. Que le djihadisme extrémiste, à l’origine du 11 septembre, fut créé comme arme de la politique étrangère britannique (Opération Cyclone en Afghanistan) est occulté. En avril le département d’État usaméricain a noté que, à la suite de la campagne de l’OTAN de 2011, « la Libye est devenue un sanctuaire pour les terroristes ».

Le nom de “notre” ennemi a évolué au fil des années, du communisme à l’islamisme, mais il s’agit en général de n’importe quelle société indépendante du pouvoir de l’Occident et occupant des territoires stratégiques ou riches en ressources. Les leaders de ces pays gênanes sont généralement violemment mis à l’écart, comme les démocrates Muhammad Mossadegh en Iran et Salvador Allende au Chili, ou bien ils sont assassinés comme Patrice Lumumba au Congo. Ils font tous l’objet d’une campagne médiatique de caricature et de diabolisation – pensez à Fidel Castro, Hugo Chavez, et maintenant Vladimir Poutine.

Le rôle de Washington en Ukraine n’est différent que par ce qu’il implique pour nous tous. Pour la première fois depuis l’ère Reagan, les USA menacent d’entraîner le monde dans une guerre. Avec l’Europe de l’est et les Balkans devenus des bases militaires de l’OTAN, le dernier « état-tampon » frontalier de la Russie, est dévasté. Nous, les Occidentaux, soutenons des néo-nazis dans un pays ou les nazis ukrainiens nazis avaient soutenu Hitler. Après avoir orchestré le coup d’État de février contre le gouvernement démocratiquement élu à Kiev, Washington a échoué dans sa tentative de récupérer la base navale libre de glace, historiquement et légitimement russe de Crimée. Les Russes se sont défendus, comme ils l’ont toujours fait contre chaque invasion occidentale depuis presque un siècle.

Mais l’encerclement militaire par l’OTAN s’est accéléré, en même temps que des attaques orchestrées par les USA contre les Russes ethniques d’Ukraine. Si Poutine peut être poussé à aller les aider, son rôle prédéfini de “paria” justifiera une guerre de guérilla sous la houlette de l’OTAN susceptible de se propager à l’intérieur de la Russie elle-même.

Au lieu de cela, Poutine a a déconcerté le parti de la guerre en cherchant un terrain d’entente avec Washington et l’UE, en retirant ses troupes de la frontière ukrainienne et en incitant les Russes ethniques d’Ukraine orientale à abandonner le référendum provocateur du week-end. Ces russophones bilingues – un tiers de la population de l’Ukraine – ont longtemps souhaité l’avènement d’une fédération qui reflète la diversité ethnique du pays et qui soit à la fois autonome et indépendante vis-à-vis de Moscou. La plupart ne sont ni des « séparatistes » ni « des rebelles » mais simplement des citoyens souhaitant vivre en sécurité dans leur pays.

Comme les ruines de l’Irak et de l’Afghanistan, l’Ukraine a été transformée en un parc d’attractions de la CIA – dirigé par le directeur de la CIA John Brennan à Kiev, avec des “unités spéciales” de la CIA et du FBI qui mettent en place une “structure de sécurité” afin de superviser les attaques sauvages contre ceux qui se sont opposés au coup d’État de février. Regardez les vidéos, lisez les témoignages oculaires du massacre d’Odessa. Des voyous fascistes amenés en bus ont brulé le siège central des syndicats, tuant 41 personnes bloquées à l’intérieur. Regardez les policiers présents les laissant agir. Un médecin a décrit sa tentative d’aller aider les gens, « mais j’ai étais stoppé par des nazis pro-ukrainiens. L’un deux m’a violemment poussé, en me promettant que bientôt ce serait mon tour à moi et aux autres Juifs d’Odessa… Je me demande pourquoi le monde entier reste silencieux. »

Les Ukrainiens russophones se battent pour leur survie. Quand Poutine a annoncé le retrait des troupes russes de la frontière, le secrétaire à la défense de la junte, à Kiev – un des membres fondateurs du parti fasciste « Svoboda », a déclaré que les attaques contre « les insurgés » allaient continuer. Dans un style orwellien, la propagande occidentale a rejeté la faute sur Moscou « qui orchestre le conflit et la provocation », selon William Hague, le secrétaire britannique aux Affaires étrangères. Son cynisme n’a d’égales que les grotesques félicitations d’Obama à la junte pour sa « retenue remarquable » à la suite du massacre d’Odessa. Illégale et fasciste, la junte est décrite par Obama comme « légalement élue ». Ce qui compte ce n’est pas la vérité, a dit un jour Henry Kissinger, mais “ce qui est perçu comme vrai”.

Dans les médias usaméricains les atrocités d’Odessa ont été minimisées : une affaire « louche » et une « tragédie » dans laquelle des « nationalistes » (néo-nazis) ont attaqué des « séparatistes » (des personnes en train de collecter des signatures pour un référendum sur une Ukraine fédérale). Le Wall Street Journal de Rupert Murdoch a blâmé les victimes – « Un incendie meurtrier en Ukraine probablement allumé par les rebelles, selon le gouvernement ». La propagande en Allemagne est digne de la guerre froide, avec la Frankfurter Allgemeine Zeitung mettant en garde ses lecteurs contre la Russie et sa “guerre non déclarée”. Pour les Allemands, le fait que Poutine soit le seul dirigeant à condamner la montée du fascisme au 21ème siècle relève d’ une ironie sournoise.

Un poncif populaire veut que “le monde ait changé” à la suite du 11 septembre. Mais qu’est ce qui a changé ? Selon le fameux lanceur d’alerte Daniel Ellsberg, un coup d’État silencieux a eu lieu à Washington et un militarisme rampant est maintenant aux commandes. Le Pentagone dirige en ce moment des « opérations spéciales » – des guerres secrètes – dans 124 pays. Aux USA, une montée de la pauvreté et une hémorragie de la liberté sont les corollaires historiques d’un état de guerre perpétuel. Ajoutez à cela le risque de guerre nucléaire, et une question s’impose : pourquoi est-ce qu’on tolère ça ?