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10/03/2024

Stop aux attaques sionistes, islamophobes et étatiques contre Dar al Janub à Vienne, Autriche !

Original : Stop the Zionist, Islamophobic and State Attacks Against Dar al Janub!
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Dar al Janub a besoin de votre soutien, signez la lettre de solidarité à la fin de l’appel !

Après 20 ans d’existence, l’association autrichienne Dar al Janub (Maison du Sud) - Union pour l’antiracisme et la politique de paix - est menacée d’interdiction. Dar al Janub[i] (DaJ) a été fondée en 2003 dans le contexte des manifestations contre les guerres menées par les USA en Irak et en Afghanistan. Alors que les voix anti-impériales étaient de plus en plus marginalisées dans les universités et les médias autrichiens, Dar al Janub a toujours été un lieu où des personnes d’horizons politiques, idéologiques et nationaux différents pouvaient se rassembler pour pratiquer la solidarité internationale en remettant en question les discours hégémoniques sur le Sud global. Pour ce faire, nous avons créé une scène pour les voix marginalisées. En 2004, nous avons organisé notre premier “grand” événement : l’exposition « Aidun - nous reviendrons » en souvenir de la Nakba palestinienne. Dar al Janub a publié des déclarations politiques et organisé des manifestations, des événements d’information, des missions d’enquête en Palestine et dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, ainsi que des conférences internationales. Nous avons essayé de soutenir les femmes musulmanes et migrantes en organisant des cours d’allemand et d’arabe, des ateliers de lutte contre le racisme, des festivals et des événements sportifs, ainsi que des services de garde d’enfants pour les femmes issues de l’immigration. Notre objectif principal a toujours été de repenser les structures racistes et de renforcer la solidarité internationale avec les peuples du Sud.


 

Connectez-vous à Google pour signer la lettre


Les méthodes de réduction au silence, d’isolement et d’encapsulation 

Il est bien connu que le travail de solidarité avec la Palestine est particulièrement difficile dans des pays comme l’Autriche, qui ont été directement impliqués dans le génocide de peuples et de communautés marginalisés en Europe. Les attaques contre Dar al Janub n’étaient donc pas surprenantes. La critique de notre association à l’égard de l’État-colonisateur européen d’Israël et la solidarité avec le peuple palestinien ont suscité la colère des personnes et des institutions qui sympathisent avec le projet sioniste et en tirent profit. Après 1990, au niveau culturel, dans la majorité des cas, les personnes ayant une attitude de gauche/progressiste ont tourné leur “antifascisme” dans le sens d’une compatibilité avec le sionisme. Des membres de la DaJ ont été qualifiés à plusieurs reprises d’antisémites et des invités renommés à des conférences ont été humiliés publiquement par des articles diffamatoires dans les journaux. Ce type de diffamation nous accompagne depuis 20 ans - mais pas seulement nous.

Une méthode assez courante pour faire taire les voix du Sud à Vienne a été le retrait des espaces publics ou universitaires, en qualifiant les événements d’antisémites et/ou de menace potentielle et en leur refusant les espaces d’expression publique à l’intérieur ou à l’extérieur des universités. En 2018, l’université de Vienne a interdit un événement public avec le vétéran du Black Panther Party et de la Black Liberation Army Dhoruba Bin Wahad[ii] et a continué à le faire en 2022[iii]. Le même traitement a été réservé à Ronnie Kasrils[iv], l’un des camarades de Nelson Mandela dans la lutte contre l’apartheid sud-africain. Une nouvelle mesure préoccupante de nos jours est le dépôt de poursuites-bâillons (“Strategic Lawsuits Against Public Participation” : “ Poursuites stratégiques contre la participation publique”) contre des activistes. Un membre de BDS-Autriche, par exemple, fait actuellement l’objet d’un tel procès[v]. Pour l’utilisation du logo de la ville de Vienne, 40 000 euros de dédommagement sont demandés. Pour citer le professeur anticolonialiste Ward Churchill, il semble que de nombreux “petits Eichmann”[vi] s’emploient à couvrir des politiques injustes par une série de diffamations. C’est une évolution que l’on peut observer partout dans le monde aujourd’hui, mais en ce qui concerne la réévaluation incomplète par l’Autriche de son passé nazi, ces tactiques de diffamation sont très efficaces. Elles dominent le discours et le poussent encore plus loin dans la direction de la criminalisation.

 

La fiche infamante de DPI

 

 La préparation de la criminalisation et des interdictions 

« Le prochain niveau, c’est maintenant ! » - En 2021, l’université de Vienne et le centre autrichien de documentation sur l’islam politique (DPI) ont publié une « carte de l’islam » [vii], qui montre plus de 600 lieux musulmans ou affiliés à l’islam en Autriche. Depuis 2022, DaJ est également mentionné sur cette « carte » stigmatisante.

Ce projet et le DPI lui-même sont une construction du parti chrétien-démocrate (ÖVP) et du Parti vert. Bien avant la mise en œuvre de la « carte de l’islam », le parti social-démocrate (SPÖ) a présenté des lois spéciales contre les musulmans en 2017. Il semble que le soutien politique inconditionnel d’Israël, combiné à la stigmatisation des musulmans, fasse partie de l’agenda politique de tous les partis en Autriche.       

Récemment, en décembre 2023, une étude douteuse et non scientifique[viii] de la fondation DPI (« Centre de documentation sur l’islam politique », en allemand : « Dokumentationsstelle Politischer Islam »), financée par le gouvernement actuel, a décrit Dar al Janub comme un « groupe extrémiste de gauche et antisémite » qui soutient « différents groupes classés comme organisations terroristes »[ix]. L’ « étude » ne cite pas explicitement les groupes spécifiques qui seraient soutenus par Dar al Janub, elle n’explique pas non plus pourquoi les activités de Dar al Janub devraient être considérées comme antisémites et laisse de côté notre coopération de plusieurs années avec des groupes juifs comme Women in Black[x] ou Jewish Voices for a Just Peace à Vienne[xi], ainsi que nos contacts avec les représentants de Neturei Karta[xii] en Autriche, jusqu’à ce qu’ils soient exclus et expulsés de toutes les institutions juives traditionnelles en Autriche, ce qui les a contraints à quitter l’Autriche.

Après la publication de l’étude du DPI, les journaux publics et privés et les chaînes de télévision ont adopté sa condamnation volontairement et sans esprit critique. DaJ a été étiqueté comme une sorte de groupe antisémite et conspirateur de sympathisants de la terreur. Des médias[xiii] et des hommes politiques[xiv][xv] de tous bords demandent publiquement au gouvernement de la ville d’annuler le contrat de location des salles de notre centre social[xvi]. Les murs, les portes et les fenêtres de notre centre ont été à plusieurs reprises barbouillés de slogans racistes ou attaqués à l’acide. En outre, certains membres de DaJ ont été intimidés et ont même reçu des menaces de mort après avoir été dénoncés et affichés avec leur visage non censuré et leur nom complet dans l’émission de télévision publique nationale ORF.

 L’histoire toxique de l’Autriche

On ne peut comprendre cette dynamique sans se pencher sur l’histoire contemporaine de l’Autriche et sur la manière dont les cent dernières années ont façonné la manière dont l’Autriche traite non seulement les personnes “autres”, mais aussi les opinions “autres”. L’État autrichien considère son soutien inconditionnel à Israël comme une « raison d’État » et le justifie par sa « responsabilité historique » en raison de l’implication de l’Autriche dans le génocide des Juifs. Dans le même temps, d’autres minorités victimes du génocide, comme les Roms et les Sintis, sont confrontées à un racisme structurel et individuel sans être défendues. L’Autriche fait la distinction entre les victimes dignes et indignes et, par conséquent, ses politiques de lutte contre l’ « islam politique » et l’ « antisémitisme » sont généralement accompagnées d’une touche réactionnaire visant à criminaliser les personnes et les associations musulmanes critiques. Ces politiques créent une atmosphère intimidante, en particulier pour les musulmans qui sont classés en bons, c’est-à-dire apolitiques, et en mauvais, c’est-à-dire politiques et non démocratiques.

 Un autre exemple de cette politique est l’ « Opération Louxor », l’une des plus grandes actions policières de l’histoire post-fasciste autrichienne.  Après 21 000 heures d’observation, 960 policiers ont effectué des descentes dans une soixantaine d’appartements, d’entreprises et de salles d’associations dans différentes villes d’Autriche et 30 personnes ont été immédiatement arrêtées et interrogées. Cependant, les résultats de cette gigantesque entreprise ont été plutôt minimes. En fin de compte, aucune personne n’a été légalement condamnée. L’un des magazines d’information autrichiens les plus influents, Profil[xvii], a qualifié l’opération de « scandale politique mettant en cause les pouvoirs publics » et a conclu dans un article qu’« aujourd’hui, deux ans et demi plus tard, il ne reste pas grand-chose des condamnations ». Pourtant, il reste beaucoup de séquelles de ces accusations : des petits enfants traumatisés qui ont été arrachés à leur lit la nuit lors de cette action policière, emmenés dans le froid sous la menace d’une arme, une diffamation qui a entraîné des pertes d’emploi et une communauté intimidée qui, pendant des années, n’a plus osé exercer le droit de réunion garanti par la Constitution, des universitaires qui ont quitté le pays parce que le climat politique autrichien avait été empoisonné. Un climat politique qui devient aujourd’hui encore plus répressif avec la guerre d’Israël contre la population de la bande de Gaza.

OPÉRATION LOUXOR : SCÉNARIO D'UN SCANDALE

On peut se demander pourquoi le gouvernement de droite de l’ÖVP et des Verts a dépensé/gaspillé tant de ressources pour un résultat pratiquement nul. Peut-être par pur opportunisme :

En effet, l’opération Louxor n’a eu lieu que parce que, d’une part, le climat social et politique était mûr - les musulmans et les migrants étaient considérés comme les “autres” orientaux. D’autre part, l’État autrichien et son gouvernement voulaient prouver au niveau international qu’ils étaient prêts à prendre des mesures dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » afin que l’Autriche soit parfaitement préparée à affronter les prochaines décennies de guerre et de crise.


Selon l'enquête de profil, l'Opération Louxor a été déclenchée sur l'incitation des Émirats Arabes Unis [lire l'enquête en français ici]

La police viennoise a adopté des mesures strictes à l’encontre de l’“islam politique”, un ennemi politique construit de longue date[xviii]. Il semble que ces mesures aient été bien accueillies afin d’intimider davantage, de réduire les droits des citoyens et de diviser les musulmans autrichiens entre les bons et tranquilles musulmans et les mauvais “musulmans politiques”. Sebastian Kurz, l’ancien chancelier autrichien, souhaitait obtenir les voix de l’énorme réservoir d’électeurs d’extrême droite (environ 30 %) et l’opération Louxor a été présentée de manière médiatiquement efficace comme une grande attaque contre la terreur et l’“islam politique”.

La construction de l’islam politique et l’opération Louxor n’ont pas été les seules mesures visant à gagner du pouvoir politique au profit de programmes racistes antimusulmans : “cours sur les valeurs” obligatoires et racistes pour les migrants, amendements restrictifs à la loi autrichienne sur l’islam, fermeture de mosquées et interdiction du port du foulard pour les enseignants des écoles et des jardins d’enfants : toutes ces mesures ont été accompagnées d’une couverture médiatique raciste qui a conduit à une augmentation significative de l’islamophobie et du racisme antimusulman au cours des dix dernières années. Selon le Centre de documentation sur l’islamophobie et le racisme antimusulman (Dokustelle Islamfeindlichkeit & antimuslimischer Rassismus)[xix], la croisade du gouvernement contre l’islam dit “politique” est une tentative de faire taire les voix critiques au sein des communautés musulmanes et les autres voix critiques qui s’opposent aux mesures gouvernementales racistes, restrictives et d’exploitation[xx].

La fabrication de l’image de Dar al Janub

« Derrière la façade », affirme l’article de presse diffamatoire[xxi], Dar al Janub « cache une vision du monde qui attribue tout le bien au Sud et tout le mal à l’Occident ». Afin de démontrer à quel point l’“agenda caché” de DaJ est dangereux, les médias ont montré la photo d’un de nos membres rencontrant Ismaïl Haniyeh, membre du bureau politique du Hamas, dans la bande de Gaza. Le DPI et les médias négligent le fait que la photo a été prise en 2011, lorsque Dar al Janub a participé à une délégation internationale[xxii] apportant de l’aide humanitaire à la bande de Gaza assiégée. Dans cette logique, DPI devrait également condamner l’ancienne députée britannique Claire Short pour avoir rejoint cette délégation et le journal britannique The Guardian devrait être placé sur la liste des organisations terroristes, pour avoir publié un article[xxiii] d’Ismaïl Haniyeh en 2012.

 En Autriche, la coalition des politiques, des médias et de la recherche sous contrat tente d’étiqueter Dar al Janub comme une organisation terroriste qui collabore avec le Hamas. Lisa Fellhofer, directrice du DPI, insinue en outre : « L’engagement social et la liberté d’expression ont été utilisés par les membres de Dar al Janub pour dévaloriser d’autres personnes, ce qui constitue la base de la radicalisation ». Lisa Fellhofer et son institut financé par le gouvernement tentent de nous convaincre que tous les efforts déployés par Dar al Janub au cours de ses 20 années d’existence - organisation d’expositions en souvenir de la Nakba, organisation de missions d’enquête dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban, organisation d’un projet social de deux ans à Naplouse soutenant une société de bienfaisance sociale locale, etc. - n’avaient qu’un seul but, celui de « dévaloriser les autres ». En d’autres termes, une bande de partisans terroristes radicaux et antisémites déployaient tous ces efforts dans le seul but de cultiver et d’exercer leur vision antisémite du monde. Comme le décrit Dhoruba bin Wahad, à l’ère des médias sociaux, « la perception devient réalité ». Une image suffit à stigmatiser 20 ans de travail politique et social comme étant illégal[xxiv].

Dar al Janub, tel qu’il est dans la réalité

En fait, Dar al Janub a pratiqué quelque chose qui n’est pas si familier à de nombreux politiciens, journalistes, employés d’ONG et “scientifiques” sous contrat comme Fellhofer : nous avons travaillé et continuons à travailler sans être payés pour une cause en laquelle nous croyons. De plus, nous avons rassemblé notre propre argent et celui de nos amis et familles pour garantir que les coûts de notre local et de tout ce que nous avons organisé (conférences, etc.) soient couverts. En fait, cela nous a permis de devenir indépendants du financement de l’État et ce n’est qu’à travers ce processus que nous avons compris ce qu’est réellement la liberté d’expression et comment elle pourrait être. Nous n’avons reçu de financement que dans la phase initiale de notre association[xxv], que nous avons rendue totalement transparente ; tout a été donné à ceux qui en avaient besoin. Toute personne intéressée par ce qui s’est passé avec l’argent reçu peut consulter notre page d’accueil, où tous nos projets et financements externes sont archivés.

En ce qui concerne l’accusation de dévaloriser les gens, nous aimerions savoir quelles personnes auraient dû être dévalorisées par notre travail. Des dirigeants politiques criminels ? Des PDG cupides ? Des journalistes impitoyables ? Honnêtement, nous ne comprenons pas pourquoi les profiteurs de l’exploitation et de la guerre prennent toujours si mal le fait d’être critiqués pour les crimes et les génocides qu’ils commettent ou soutiennent. Nous avons peut-être critiqué leurs actions, mais ils se sont dévalorisés eux-mêmes en agissant de la sorte.

Ce n’est pas Dar al Janub qui a divisé le monde, réduit en esclavage des millions de personnes, colonisé plus de 90 % de la planète et qui poursuit toujours ces guerres et ces crimes, en prétendant toujours agir pour la plus grande cause (« Foi, Civilisation, Commerce, Sécurité, Justice, Démocratie »...). Ils utilisent ces termes respectés pour justifier leurs crimes et ce sont eux qui dévaluent et sacrifient nos valeurs éthiques communes et le bien-être des générations futures pour leur propre profit.

Dar al Janub s’est toujours opposé à toutes les formes de racisme parce que le racisme est l’une des causes profondes de la division de notre monde entre oppresseurs et opprimés. Dar al Janub tente de repenser l’histoire, le présent et l’avenir afin de trouver la paix et l’égalité pour tous, et pas seulement pour quelques privilégiés.

06/03/2024

MICHAEL LESHER
La larme du rabbin

Michael Lesher, off-Guardian, 29/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Jusqu’à très récemment, je pensais ne plus pouvoir être choqué par les nouvelles concernant la sauvagerie d’Israël à l’encontre de la population piégée de Gaza - ou par le soutien sans faille de ma communauté juive orthodoxe à chacune de ces atrocités.

J’avais vu les corps déchiquetés d’enfants palestiniens.

J’avais vu les restes bombardés des derniers hôpitaux de Gaza en état de marche et les patients qui avaient été tués à l’intérieur.

J’avais vu des Gazaouis sans défense assassinés de sang-froid par des tireurs d’élite israéliens alors qu’ils tentaient de récupérer un peu d’eau potable.

J’avais lu des articles sur des médecins contraints d’amputer des membres sans anesthésie, sur des mères incapables de sauver leurs petits des bombes ou de la maladie, et sur des juifs israéliens « religieux » qui bloquaient délibérément les camions tentant d’acheminer un filet de fournitures vitales à Gaza et qui dansaient littéralement dans la rue lorsqu’ils réussissaient à le faire.

Mais ensuite, j’ai vu quelque chose qui m’a ébranlé encore plus profondément que tout cela.


 J’ai vu un rabbin essuyer une larme.

Ce rabbin appartenait à un groupe religieux résolument antisioniste, Neturei Karta, et il parlait à un intervieweur des crimes israéliens et de la manière dont tout juif authentiquement religieux devait les rejeter. Rien de surprenant à cela. Mais pendant qu’il parlait, l’interviewer a partagé avec lui une vidéo d’un récent carnage dans lequel des enfants palestiniens blessés appelaient en vain leurs parents assassinés. Et - oui - tout en regardant cette scène horrible, le rabbin a tamponné une larme avec les jointures d’une main.

C’était un geste parfaitement naturel. Et pourtant, il m’a choqué - et au début, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi.

Puis j’ai compris ce qui m’avait tant troublé dans cette larme : malgré toutes les horreurs de la campagne génocidaire d’Israël à Gaza, qui dure maintenant depuis près de cinq mois, c’était la première fois que je voyais un rabbin orthodoxe - ou, d’ailleurs, l’un de mes coreligionnaires juifs orthodoxes - montrer le moindre signe d’émotion face aux souffrances infligées aux Palestiniens par ce qu’on appelle l’État juif.

Oh, ils peuvent se passionner pour des choses qui n’ont probablement jamais eu lieu : bébés israéliens décapités, femmes israéliennes victimes de viols collectifs. Mais face aux preuves indéniables de crimes réels commis contre des femmes et des bébés, tous les rabbins orthodoxes qui se sont exprimés publiquement sur le sujet se sont instantanément mis en mode apologie.

C’est la faute du Hamas qui a riposté. Les victimes des vidéos exagéraient probablement leurs blessures. La guerre, c’est la guerre. Et de toute façon, ce ne sont que des Palestiniens, où est le problème ? Malgré toute l’émotion qu’ils ont manifestée face aux tragédies humaines de Gaza, les rabbins n’étaient peut-être que des machines à calculer.

Et ce, quand ils ne célébraient pas activement le massacre.

Noach Isaac Oelbaum, un éminent rabbin new-yorkais, s’est récemment exclamé devant un large public de juifs orthodoxes : « Les mots de la Torah sont nos armes [contre Gaza]. Chaque [page du Talmud que nous étudions] est un missile ; chaque [commentaire de] Tosfos [commentaires médiévaux du Talmud, NdT] est une roquette ; et chaque [chapitre de Psaumes que nous récitons] est une bombe ».

Aucun antisémite n’a jamais calomnié la Torah de manière aussi succincte, mais le rabbin Oelbaum n’était pas le seul à associer le judaïsme à des crimes contre l’humanité : le grand rabbin du Royaume-Uni, Ephraim Mirvis, a tenu à appeler à l’extermination en déclarant que « le Hamas [lire : Gaza] ne peut pas être autorisé à continuer à continuer d’exister », tandis qu’en Israël, la déclaration publique du rabbin Meir Mazuz selon laquelle les habitants de Gaza sont des « animaux » qui méritent de mourir de faim était si typique de l’attitude des juifs orthodoxes qu’elle a été à peine remarquée par la presse.

22/02/2024

GIDEON LEVY
Israël impute son discrédit à tout le monde sauf à lui-même

Gideon Levy, Haaretz, 22/2/2024
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Peu de pays ont autant besoin d’honneur et de fierté nationaux qu’Israël. Qu’il s’agisse des Jeux olympiques, de l’Eurovision ou du championnat du monde de backgammon, chaque victoire israélienne en 16e de finale d’un championnat de badminton suscite la « fierté nationale ». Chaque médaille au championnat de taekwondo en Albanie « apporte de l’honneur ». Une médaille d’or au concours de cerceaux en groupe de gymnastique rythmique le place sur la carte du monde, le championnat européen de planches de surf RSX rehausse son statut parmi les nations. Une ex- Israélienne représentant le Luxembourg à l’Eurovision de cette année ? « La fierté bleue et blanche ».

Des Palestiniens conduisent une charrette tirée par un âne sur une route de plage détruite dans la ville de Gaza, lundi 19 février. Photo : Kosay Al Nemer/Reuters

 Il est peu probable qu’il existe un autre pays dans lequel des réalisations aussi mineures soient considérées comme aussi importantes. C’est comme si quelqu’un, quelque part dans le monde, avait une meilleure opinion du Kazakhstan parce que l’un de ses athlètes a un jour remporté une compétition de patinage artistique. En Israël, cela est considéré comme un événement national qui mérite un appel du président.

Ce désir puéril de reconnaissance pourrait être touchant, voire émouvant - un jeune pays qui fait son chemin - si Israël n’avait pas renoncé à son honneur sur les questions importantes. Si l’on fait abstraction de ses succès sportifs et de l’Eurovision, Israël est un pays sans honneur. Peut-être s’imagine-t-il qu’Eden Golan se produisant à Malmö couvrira ce qui se passe à Khan Younès. Mais, bien sûr, c’est un faux espoir.

Il est difficile de croire qu’un pays si soucieux de son honneur agisse comme s’il ne se souciait pas de sa position internationale. La guerre dans la bande de Gaza a abaissé le statut d’Israël à un niveau sans précédent, mais Israël a fermé les yeux et l’esprit une fois de plus, de manière puérile, en espérant que s’il ignore la réalité, il pourra ignorer le déshonneur. Il ne fait rien pour améliorer son statut et sa dignité et retrouver un peu de fierté.

Il est difficile de penser à d’autres pays dont la conduite les a conduits à La Haye à deux reprises en l’espace de quelques semaines pour génocide et pour des délibérations sur ce qui est clairement une occupation illégale. Et Israël ? Il pense que le crachat sur son visage est de la pluie. Il accuse le juge maudit, l’antisémitisme, l’hypocrisie et la méchanceté du monde. Il ne veut pas contester les accusations qui pèsent sur lui. Ce n’est même pas une question d’intérêt. Toutes les grandes chaînes de télévision du monde ont retransmis les séances du tribunal de La Haye cette semaine, alors que seul Israël les a ignorées. Ni intéressant, ni important. Si nous fermons les yeux, ils ne nous verront pas. Si nous ignorons La Haye, La Haye disparaîtra.

Mais La Haye vit et respire, et ses procédures auraient dû causer un grand embarras et une grande honte à Israël. Après que le monde a vu Gaza, a vu et s’est effondré - il n’y a pas d’être humain qui ne réagisse pas de la sorte - les audiences de La Haye ont suivi. Incisives, fondées et sérieuses sur l’accusation de génocide, et plus encore sur l’occupation. Mais Israël n’en tient pas compte.

Israël envahira Rafah, même si cela signifie que sa position aux yeux du monde se dégrade davantage. Il ne participera pas aux délibérations de La Haye sur l’occupation. Cela ne fera que montrer qu’il n’a pas de ligne de défense. Israël a renoncé à ce qui lui restait de dignité. Il se moque d’être un pays ostracisé, marginalisé (si le monde entier est contre nous, peu importe notre comportement) tant que cela ne se traduit pas par des mesures concrètes à son encontre.

Mais au-delà du pont aérien d’armes usaméricain, du veto du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’absence de sanctions jusqu’à présent, le pays, tout comme une personne, dispose d’un atout important : sa bonne réputation. Israël y a renoncé. Peut-être a-t-il désespéré du monde, peut-être a-t-il découvert qu’il pouvait se passer de sa bonne réputation. Cela ne fait certainement pas partie des facteurs qu’il prend en considération avant et après chaque guerre.

Il n’y a pas si longtemps, ce même monde était amoureux de l’État d’Israël, lorsqu’il agissait en tant que membre de la famille des nations. Le monde est peut-être cynique et n’aime que le pouvoir, comme Israël se le dit, mais il y a aussi la justice, le droit international et les considérations morales, la société civile et l’opinion publique, et ils sont importants - au moins autant que l’« honorable » troisième place à l’Eurovision 2023.

 

Pedripol, Espagne

 

30/12/2023

GIDEON LEVY
Il n’y a pas moyen d’“expliquer” le degré de mort et de destruction à Gaza

Gideon Levy, Haaretz, 28/12/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Il n’y a pas moyen d’“expliquer” la conduite d’Israël dans la bande de Gaza. La destruction, le massacre, la famine et le siège dans des dimensions aussi monstrueuses ne peuvent plus être expliqués ou justifiés, même par une machine de propagande efficace comme la diplomatie publique israélienne (hasbara).


Des drapeaux israéliens flottent à côté des décombres de bâtiments détruits à Gaza, vus depuis le sud d’Israël, Samedi dernier. Photo : Violeta Santos Moura / Reuters

Le mal ne peut plus être caché par la propagande. Même la combinaison gagnante israélienne de victimisation, de Yiddishkeit, de peuple élu et d’Holocauste ne peut plus brouiller l’image. Personne n’a oublié les horribles événements du 7 octobre, mais ils ne peuvent justifier ce à quoi nous assistons à Gaza. Le propagandiste qui pourrait expliquer l’assassinat de 162 enfants en un jour - un chiffre rapporté par les médias sociaux cette semaine - n’est pas encore né, sans parler de l’assassinat de quelque 10 000 enfants en deux mois.

Israël est déjà en train de mettre en place son nouveau “Yad Vashem”. Des centaines de fonctionnaires juifs des USA sont acheminés par navette aérienne vers les kibboutzim incendiés du sud. Natan Sharansky s’est également rendu à Kfar Azza cette semaine, pour voir et montrer à ces antisémites ce qu’ils nous ont fait.

Désormais, aucun invité officiel ne pourra atterrir en Israël sans être contraint de passer par le kibboutz Be’eri. Et par la suite, s’il ose tourner son regard vers la bande de Gaza, il sera taxé d’antisémitisme. Attendre les bus de Birthright avec un soldat surveillant chacun d’entre eux, fusil tchèque dégainé. Eux aussi sont déjà en route pour Nir Oz.

Il est très douteux que cela serve à quelque chose. La hasbara est désormais une machine immorale. Quiconque se contente d’être choqué par ce qui nous a été fait tout en ignorant ce que nous avons fait depuis n’a ni intégrité ni conscience. On ne peut pas ignorer Gaza et n’être choqué que par Kfar Azza. Bien sûr, il est obligatoire de dire et de montrer au monde ce que le Hamas nous a fait. Mais l’histoire ne fait que commencer. Elle ne s’arrête pas là. Ne pas raconter sa suite est un acte méprisable.

À côté des terribles souffrances israéliennes, qu’il ne faut pas sous-estimer, la bande de Gaza connaît aujourd’hui des souffrances bien plus grandes. Elles sont d’une ampleur énorme et provoque le désespoir. Elles n’ont pas d’explication et n’en ont pas besoin. Il suffit de lire les rapports provenant de Gaza et diffusés dans le monde entier, à l’exception d’un minuscule État dont les yeux sont fermés et le cœur scellé.


Des Palestiniens prient devant les corps de personnes tuées lors de bombardements israéliens avant de les enterrer dans une fosse commune dans la ville de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le mois dernier. Photo Mohammed Dahman / AP

La hasbara israélienne est une mystification. Elle raconte une histoire qui n’est pas toute la vérité. En cachant plus de la moitié de la vérité, la hasbara aurait dû être considérée comme une activité honteuse. Mais ce n’est pas le cas. En Israël, une figure grotesque comme Noa Tishbi [“hasbariste” de choc, ex-“envoyée spéciale chargée de combattre l’antisémitisme et la délégitimation d’Israël” du gouvernement Lapid-Gantz, NdT] est devenue l’héroïne du moment. L’attaque ridicule contre Benny Gantz, qui a assisté à une fête en son honneur dans la maison du père endeuillé Eyal Waldman et a été photographié souriant, un verre dans une main et Tishbi dans l’autre, n’a pas compris l’essentiel.

Le fait est que les imposteurs, ici, sont transformés en héros. La navigation sur le compte X de Tishbi vous fera vomir. Une autre Nataly Dadon [mannequin, influenceuse, NdT], mais avec de la poussière d’Hollywood, du new age, des embrassades, des larmes et des sourires Colgate, du kitsch et de la mort en provenance directe de la zone proche de la frontière gazaouie. La nation juive est le peuple indigène d’Israël, nous sommes d’ici, dit la femme qui a émigré loin d’ici. Dès qu’elle a atterri à l’aéroport Ben Gourion, elle a dû courir se mettre à l’abri, en se filmant bien sûr pour faire trembler le cœur de tous les “amis d’Israël” et les faire pleurer.

Et les bijoux, oh les bijoux sur Tishbi : deux étoiles de David, pas une, juste pour être sûr ; un collier Chai et une carte du fleuve à la mer, le tout en or. Un quart de million d’adeptes. Hanoukka est une fête sioniste. Tel Aviv est une ville attaquée. « Il faut imaginer à quoi ressemblera le Moyen-Orient une fois le Hamas vaincu », dit-elle à Piers Morgan de TalkTV.

Vous voulez savoir à quoi ressemblera le Moyen-Orient ? Gaza détruite, deux millions de sans-abri et en face d’eux, également couvert de cicatrices et battu, un État d’apartheid dont Tishbi n’a même pas entendu parler.

 

26/11/2023

GIDEON LEVY
Est-il permis de se réjouir de la joie des Palestinien·nes libérés des prisons israéliennes ?

 Gideon Levy, Haaretz, 26/11/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Ce week-end a été marqué par des montagnes russes qui n’ont laissé personne indifférent. Les images des otages libérés, des vieilles femmes et des petits enfants, étaient dignes d’un millier de telenovelas à la fin heureuse.

Emad Hajjaj, Jordanie

Voir Emilia, six ans, pleurer ; voir Ohad, neuf ans, frissonner ; voir la libération d’Hannah Katzir, déclarée morte par le Djihad islamique palestinien, et de Yaffa Adar, qui a survécu à la captivité à l’âge de 85 ans, et avoir la gorge nouée.

Le fait que tous soient en bon état de santé est un motif de soulagement et de bonheur. C’est à cela que ressemble la joie nationale, mélangée au chagrin, à l’anxiété et à la déconfiture qui ont prévalu en Israël depuis le 7 octobre. Qu’ils reviennent tous, tout simplement.

Israël dans sa joie mitigée, et les Palestiniens dans leur joie mitigée. Est-il permis de se réjouir de leur joie ? Qui a même le droit de se réjouir dans ce pays ? La police des émotions a fixé des limites : Les Palestiniens ne peuvent pas se réjouir.

Des représentants de la police israélienne ont visité les maisons des personnes libérées à Jérusalem-Est, avertissant les occupants de s’abstenir de toute manifestation de joie. Nous avons le droit de nous réjouir du retour de nos enfants ; ils n’ont pas le droit de se réjouir du retour des leurs. Mais l’interdiction ne s’arrête pas là. Nous n’avons pas non plus le droit de les regarder se réjouir.

Le lendemain du retour des otages, le soleil s’est levé sur Gaza. C’était le premier matin depuis 50 jours consécutifs que le ciel de Gaza n’était pas couvert de panaches de fumée et de poussière dus aux bombardements. Les gens ne fuyaient pas pour sauver leur vie, tentant impuissants d’échapper aux bombes qui pouvaient tomber à tout moment sans avertissement. Les enfants, inquiets la nuit, mouillent encore leur lit (pour ceux qui en ont un), mais moins qu’avant. Est-il permis de se réjouir de cela en Israël ?

Enterrement de personnes tuées lors du bombardement israélien de l'hôpital Al Shifa, dans une fosse commune dans la ville de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, mercredi 22 novembre 2023. Mohammed Dahman/AP Photo

À une heure de route des hôpitaux où les familles ont été réunies, suscitant une joie nationale, des scènes similaires ont été observées à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Un père qui n’avait pas vu sa fille depuis huit ans l’a retrouvée dans une étreinte déchirante. Une femme a couru hystériquement vers sa fille, incarcérée depuis sept ans.

J’ai vu la mère de Malek Salman, de Beit Safafa, étreindre sa fille en pleurant et en criant. “Mama, mama”, a crié Malek, et j’ai ressenti de la joie. Est-ce une transgression ? Un défaut psychologique ? Un défaut moral ?

Trente-neuf femmes et mineurs palestiniens ont également quitté la prison pour retrouver leur famille et la liberté. Certains ont été condamnés pour des attaques à l’arme blanche, la possession d’un couteau ou une tentative de meurtre, d’autres pour des jets de pierres ou des peccadilles mineures. Aucun n’est innocent du crime de résistance violente contre l’occupation, et l’État était en droit de les juger et de les punir [sic]. Mais ce sont aussi des êtres humains.

Les enfants sont certainement des enfants, même lorsqu’il s’agit de jeunes lanceurs de pierres, condamnés en Israël à des peines de prison disproportionnées et à des conditions bien pires que les accusés juifs de leur âge. J’ai également été heureux de les voir sortir libres. Je sais que ce n’est pas permis.

Dans l’un des moments exceptionnels de la couverture télévisée péniblement unilatérale en Israël, Channel 13 News a montré un très bref moment de joie palestinienne au retour d’une fille. Almog Boker, journaliste de terrain dans l’âme, qui, de guerre en guerre, devient de plus en plus nationaliste et ne peut prononcer le mot Hamas sans y adjoindre le mot “nazis”, s’est écrié, indigné : “Nous ne devons pas montrer çà !”

Le journaliste Raviv Drucker a tenté de le convaincre qu’il est important de montrer que les Palestiniens sont heureux afin de révéler leur vrai visage - après avoir échoué à le persuader que tout doit être rapporté, tout simplement parce que c’est la raison d’être du journalisme.

Boker pense qu’en temps de guerre, les seules choses qui doivent être montrées sont celles qui servent les intérêts d’Israël. Et en effet, dans les médias israéliens, non seulement la souffrance de Gaza est bannie de l’écran, mais la joie des parents au retour de leur fille de prison l’est aussi, de peur que nous ne soyons tentés de penser qu’ils sont aussi des êtres humains, avec des sentiments et tout le reste.

C’est l’époque des grandes fluctuations émotionnelles. Les montagnes russes montent et descendent, et il est normal d’y laisser une petite place pour la petite joie des Palestiniens. La guerre, nous répète le gouvernement, n’est que contre le Hamas.

 

Kenny Tosh, Nigeria 

20/10/2023

ILAN PAPPÉ
Mes chers amis israéliens, voici pourquoi je soutiens les Palestiniens

Ilan Pappé, Palestine Chronicle, 10/10/2023

Italiano:  Cari amici israeliani, ecco perché sostengo i palestinesi
Português:
Meus amigos israelenses: é por isto que eu apoio os palestinianos

 

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il nest pas toujours facile de s’en tenir à sa boussole morale, mais si elle pointe vers le nord - vers la décolonisation et la libération - alors elle vous guidera très probablement à travers le brouillard de la propagande vénéneuse.


Il est difficile de maintenir sa boussole morale lorsque la société à laquelle on appartient - dirigeants et médias confondus - prend le dessus et attend de vous que vous partagiez avec elle la même fureur vertueuse avec laquelle elle a réagi aux événements de samedi dernier, le 7 octobre.

Il n’y a qu’une seule façon de résister à la tentation de se joindre à eux : si vous avez compris, à un moment de votre vie - même en tant que citoyen juif d’Israël - la nature coloniale du sionisme et si vous avez été horrifié par ses politiques à l’encontre du peuple autochtone de Palestine.

Si vous avez pris conscience de cela, vous ne vacillerez pas, même si les messages empoisonnés décrivent les Palestiniens comme des animaux ou des “animaux humains” [Yoav Gallant, ministre de la Défense]. Ces mêmes personnes insistent pour décrire ce qui s’est passé samedi dernier comme un “Holocauste”, abusant ainsi de la mémoire d’une grande tragédie. Ces sentiments sont véhiculés, jour et nuit, par les médias et les hommes politiques israéliens.

C’est ce sens moral qui m’a conduit, ainsi que d’autres membres de notre société, à soutenir le peuple palestinien par tous les moyens possibles ; et qui nous permet, en même temps, d’admirer le courage des combattants palestiniens qui se sont emparés d’une douzaine de bases militaires, surmontant l’armée la plus puissante du Moyen-Orient.

Par ailleurs, des personnes comme moi ne peuvent s’empêcher de poser des questions sur la valeur morale ou stratégique de certaines des actions qui ont accompagné cette opération.

Parce que nous avons toujours soutenu la décolonisation de la Palestine, nous savions que plus l’oppression israélienne se poursuivrait, moins la lutte de libération aurait de chances d’être “stérile” [au sens d’inoffensive] - comme cela a été le cas dans toutes les luttes de libération justes du passé, partout dans le monde.

Cela ne signifie pas que nous ne devrions pas garder un œil sur le tableau d’ensemble, ne serait-ce qu’une minute. Ce tableau est celui d’un peuple colonisé luttant pour sa survie, à un moment où ses oppresseurs ont élu un gouvernement déterminé à accélérer la destruction, voire l’élimination du peuple palestinien - ou même de sa revendication à être un peuple.

Le Hamas se devait d’agir, et rapidement.

Il est difficile d’exprimer ces contre-arguments parce que les médias et les politiciens occidentaux se sont ralliés au discours israélien et à la narration, aussi problématique soit-elle.

Je me demande combien de ceux qui ont décidé de revêtir le Parlement de Londres et la Tour Eiffel de Paris [et la Porte de Brandenbpourg à Berlin, et Palazzo Chigi à Rome] des couleurs du drapeau israélien comprennent vraiment comment ce geste apparemment symbolique est reçu en Israël.

Même les sionistes libéraux, dotés d’un minimum de décence, ont interprété cet acte comme une absolution totale de tous les crimes commis par les Israéliens contre le peuple palestinien depuis 1948, et donc comme une carte blanche pour poursuivre le génocide qu’Israël est en train de perpétrer contre la population de Gaza.

Heureusement, les événements de ces derniers jours ont suscité des réactions différentes.

Comme par le passé, de larges pans des sociétés civiles occidentales ne se laissent pas facilement berner par cette hypocrisie, qui s’est déjà manifestée dans le cas de l’Ukraine.

Nombreux sont ceux qui savent que depuis juin 1967, un million de Palestiniens ont été emprisonnés au moins une fois dans leur vie. Et avec l’emprisonnement, viennent les abus, la torture et la détention permanente sans procès.

Ces mêmes personnes connaissent également l’horrible réalité qu’Israël a créée dans la bande de Gaza lorsqu’il a bouclé la région, imposant un siège hermétique, à partir de 2007, accompagné du meurtre incessant d’enfants en Cisjordanie occupée. Cette violence n’est pas un phénomène nouveau, puisqu’elle est le visage permanent du sionisme depuis la création d’Israël en 1948.

Grâce à cette même société civile, mes chers amis israéliens, votre gouvernement et vos médias finiront par se tromper, car ils ne pourront pas revendiquer le rôle de victimes, recevoir un soutien inconditionnel et s’en tirer avec leurs crimes.

Le tableau d’ensemble finira par apparaître, en dépit de la partialité inhérente aux médias occidentaux.

La grande question, cependant, est la suivante : chers amis israéliens, serez-vous en mesure de voir clairement ce même tableau d’ensemble ? Malgré des années d’endoctrinement et d’ingénierie sociale ?

Et, ce qui n’est pas moins important, serez-vous capables d’apprendre l’autre leçon importante - celle que l’on peut tirer des événements récents - à savoir que la force seule ne peut pas trouver l’équilibre entre un régime juste d’une part et un projet politique immoral d’autre part ?

Mais il existe une alternative. En fait, il y en a toujours eu une :

Une Palestine dé-sionisée, libérée et démocratique, du fleuve à la mer ; une Palestine qui accueillera les réfugiés et construira une société qui ne discrimine pas sur la base de la culture, de la religion ou de l’appartenance ethnique.

Ce nouvel État s’efforcerait de corriger, dans la mesure du possible, les maux du passé, en termes d’inégalité économique, de vol de propriété et de déni de droits. Cela pourrait annoncer une nouvelle ère pour l’ensemble du Moyen-Orient.

Il n’est pas toujours facile de s’en tenir à sa boussole morale, mais si elle pointe vers le nord - vers la décolonisation et la libération - alors elle vous guidera très probablement à travers le brouillard de la propagande vénéneuse, des politiques hypocrites et de l’inhumanité, souvent perpétrées au nom de “nos valeurs occidentales communes”.