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07/05/2021

Des parties jusqu'ici censurées du journal intime de Ben Gourion sont rendues publiques : « Harceler les réfugiés palestiniens pour qu’ils aillent vers l’Est »

  عوفر اديريت עופר אדרת Ofer Aderet
Haaretz, 6/5/2021

Traduit par Fausto Giudice
Les journaux de David Ben Gourion, écrits entre 1948 et 1953, révèlent de nombreux secrets : la surveillance des juifs mizrahi (arabes), la tentative de faire partir les réfugiés palestiniens et les détails des viols commis par les soldats n'en sont que quelques-uns.

Dans l'une des pages de son journal, David Ben Gourion détaille les cibles surveillées par les agences de renseignement du jeune Israël, qui n'a pas encore un an. La liste, écrite de la main de Ben-Gourion, comprend des « sécessionnistes » (membres des milices Irgoun et Lehi, qui ne se sont pas pliés à l'autorité des institutions élues du Yishouv*), des « Juifs Mizrahi » (plus précisément les immigrants nord-africains vivant dans des camps de transit), des « partis politiques » (ses rivaux politiques) et le parti communiste israélien, Maki. Ben Gourion a établi cette liste après une réunion avec Isser Harel, le premier chef du Mossad et du service de sécurité Shin Bet, qui s'était plaint de ne pas avoir reçu suffisamment de fonds ou de personnel. Depuis que Ben Gourion a rédigé cette liste en 1949, elle est restée cachée dans son journal intime. Ce n'est que récemment, 72 ans après sa composition et 48 ans après la mort de son auteur, qu'elle a été rendue publique. L'Institut Akevot pour la recherche sur les conflits israélo-palestiniens, qui s'est battu pour obtenir la déclassification de documents conservés dans les archives gouvernementales, est à l'origine de ce développement. Akevot a demandé à l'Institut de recherche Ben- Gourion, propriétaire du journal, de lever la censure sur de larges pans du journal, car il n'y a aucune raison perceptible de les soustraire à l'examen du public en 2021. 
 « Les choses ne vont pas bien dans le Néguev. Une fois de plus, nos soldats (marocains) ont attrapé deux jeunes femmes arabes, les ont violées et tuées » 
Après vérification auprès des Archives d'État d'Israël, dont dépend l'Institut de recherche Ben-Gourion, ce dernier a accédé à la demande et a levé la censure sur certains documents. Dans un premier temps, les parties du journal couvrant les années 1948 à 1953 qui avaient été expurgées ou noircies ont été restaurées. La lecture de la version non censurée ne révèle aucun secret d'État, mais permet au lecteur de mieux comprendre divers événements historiques, sans oublier la façon dont l'auteur les a pensés et ressentis. Le 26 septembre 1948, Ben Gourion écrit sur les réfugiés palestiniens qui ont fui ou ont été expulsés de leurs maisons pendant la « guerre d'indépendance d'Israël ». Ben Gourion raconte une conversation qu'il a eue avec Yosef Weitz, le directeur du département des terres et du boisement du Fonds national juif. Les deux hommes, semble-t-il, étaient préoccupés par les tentatives de ces réfugiés de retourner dans leurs foyers en Israël. 

Pages manuscrites du journal intime de David Ben-Gourion. Photo Archives d'État d'Israël 
 

« Il y a des cas de réfugiés de Ramle et de Lod qui ont atteint Gaza en passant par Ramallah, croyant que de Gaza il sera plus facile de retourner à Ramle ou Lod. Que devons-nous faire ? », dit le journal, qui ne précise pas s'il cite Weitz ou s'il exprime la pensée de Ben Gourion.

La réponse se trouve dans la deuxième moitié de la phrase : « Nous devons les "harceler" sans relâche... Nous devons harceler et motiver les réfugiés du sud pour qu'ils se déplacent également vers l'est, puisqu'ils n'iront pas vers la mer et que l'Égypte ne les laissera pas entrer », écrit-il pour pousser ces Palestiniens vers la Jordanie. « Qui va s'occuper de ce harcèlement ? » se demande Ben Gourion dans son journal, répondant : « Shiloah, avec l'aide du comité de Weitz ».