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13/02/2022

ALEXIS OKEOWO
Les portraits de Somalien·nes en exil dans la poésie pop de Warsan Shire

Alexis Okeowo, The New Yorker, 14/2/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans son nouveau recueil, la poétesse mêle vers et reportages pour faire entendre les voix de la diaspora somalienne.

Les « hymnes à la résilience » de Shire ont commencé sur Tumblr, où elle est devenue une star. Photographie de Tracy Nguyen pour The New Yorker

Par une journée humide à Londres, vers 2013, la poétesse Warsan Shire a branché un magnéto tandis que son oncle parlait de sa jeunesse en Somalie, de sa vie de réfugié et de son addiction au khat, un stimulant aux feuilles amères. Shire, qui a trente-trois ans, des boucles sombres et un front haut, s'est assise avec lui dans sa chambre d'une pension de famille du nord-ouest de Londres, où vivent plusieurs hommes immigrés. Son oncle avait perdu la plupart de ses dents à cause de son addiction au khat. « Quand vous mâchez du khat, vous ne dormez pas, ça vous empêche de dormir », m'a dit Shire récemment. « Je lui ai demandé ce que ça faisait de faire ça ». Il lui a répondu : « Quand tu es défoncé, c'est comme si tu construisais, avec tes mots et tes rêves, ces tours massives de ce que tu vas faire demain, comment tu vas arranger ta vie. Et puis le soleil se lève, et les tours ont été renversées. Et vous faites ça tous les jours et vous n'arrivez jamais à rien, parce que vous vous mentez constamment à vous-même ».

Lorsque son oncle était adolescent, il a obtenu une bourse pour étudier à l'étranger ; les membres de sa famille parlaient de lui comme d'un garçon très prometteur. Mais lorsqu'une guerre civile a éclaté en Somalie, au début des années 90, il a perdu sa bourse. Il a émigré en Angleterre, mais ne s'est jamais marié ni n'a eu d'enfants. Les parents de Shire étaient également partis en Angleterre en tant que réfugiés de Somalie, et au fil des ans, elle a souvent parlé avec son oncle de son passé. Dans la pension, en sirotant du qaxwo (café somalien, épicé à la cannelle et à la cardamome), il lui a dit qu'il avait l'impression d'avoir « raté sa vie » et d'être « maudit par la guerre ».

Une grande partie de la poésie de Shire s'est concentrée sur les expériences des femmes immigrées. Ces dernières années, cependant, elle est devenue plus curieuse de la vie intérieure des hommes de sa famille. « Il y a toujours eu cette chose que je trouvais particulièrement triste chez certains des hommes autour desquels j'ai grandi », m'a-t-elle dit. « Ils portaient ces costumes, qui étaient un peu trop grands et qui pendaient sur les poignets, et ils avaient l'air de petits garçons qui jouent à se déguiser pour aller à un entretien d'embauche auquel ils ne seront jamais acceptés. Quelque chose dans tout cela m'a fait penser à la futilité de leur vie dans ce nouveau monde. Ils n'ont leur place nulle part ». Le premier recueil complet de Shire, « Bless the Daughter Raised by a Voice in Her Head » [Bénissez la fille élevée par une voix dans sa tête], sortira en mars. Dans un poème, « My Loneliness Is Killing Me » [Ma solitude me tue], elle décrit sa rencontre avec son oncle à la pension de famille, alors que de la musique pop somalienne est diffusée en fond sonore : « De la vapeur s'élève du qaxwo amer de larmes, soigneusement / roulant du tabac de la même couleur que ses mains / Il chante en même temps. Seul cette fois, seul à chaque fois ». Vers la fin de la visite, son oncle lui dit : « Ma fille, sois plus forte que la solitude que ce monde va te présenter ». Shire cite cette phrase dans la dernière strophe de son poème, et elle a inspiré le titre. « Tous ces hymnes à la résilience », m'a-t-elle dit. « J'ai juste pensé, ce sont les chansons pour le réfugié ».

Shire fait partie d'une génération de jeunes poètes qui ont attiré un large public en publiant initialement leur poésie sur la toile. Elle s'est d'abord fait connaître grâce à Tumblr, et compte aujourd'hui quatre-vingt mille adeptes sur Twitter, et cinquante-sept mille autres sur Instagram, des chiffres plus proches de ceux de la star d'une série FX que de ceux d'une poétesse. Elisa Ronzheimer, spécialiste de littérature à l'université de Bielefeld, en Allemagne, m'a dit que la poésie de Shire produit « quelque chose de valeur dans ce terrain intermédiaire qui n'est pas super hermétique, mais qui n'est pas non plus ce que je considère comme de la culture pop ».  Shire est surtout connuE pour avoir collaboré avec Beyoncé, en 2016, sur « Lemonade », un album visuel dans lequel la musique de la chanteuse est entrecoupée de la poésie de Shire. Le poète Terrance Hayes m'a dit : « Shire possède une manière féroce de dire la vérité féroce à la Sylvia Plath ». Hayes enseigne à l'université de New York, et il est frappé par le nombre de ses étudiants qui sont des inconditionnels de l’œuvre de Shire. « Elle ne touche pas seulement des gens qui suivent Beyoncé », dit-il. « Ce sont aussi des gens qui veulent devenir poètes et qui étudient ce qu'elle fait ».

12/01/2022

MEDEA BENJAMIN/NICK DAVIES
Hé, les USA ! Vous avez largué combien de bombes aujourd'hui ?

Medea Benjamin et Nicolas J. S. Davies, CodePink, 10/1/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Pentagone a enfin publié son premier Airpower Summary depuis l'entrée en fonction du président Biden il y a près d'un an. Ces rapports mensuels sont publiés depuis 2007 pour documenter le nombre de bombes et de missiles largués par les forces aériennes dirigées par les USA en Afghanistan, en Irak et en Syrie depuis 2004. Mais le président Trump avait cessé de les publier après février 2020, entourant de secret la poursuite des bombardements usaméricains.

Août 2021 : une frappe de drone US à Kaboul a tué 10 civils afghans. Photo : Getty Images

Au cours des 20 dernières années, comme le documente le tableau ci-dessous, les forces aériennes usaméricaines et alliées ont largué plus de 337 000 bombes et missiles sur d'autres pays. Cela représente une moyenne de 46 frappes par jour pendant 20 ans. Ce bombardement sans fin n'a pas seulement été mortel et dévastateur pour ses victimes, mais il est largement reconnu comme portant gravement atteinte à la paix et à la sécurité internationales et diminuant la position de l'USAmérique dans le monde.

Le gouvernement et l'establishment politique usaméricains ont remarquablement réussi à maintenir le public usaméricain dans l'ignorance des conséquences horribles de ces campagnes de destruction massive à long terme, ce qui leur a permis de maintenir l'illusion du militarisme usaméricain comme force du bien dans le monde dans leur rhétorique politique intérieure.

Aujourd'hui, même face à la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan, ils redoublent d'efforts pour vendre ce récit contrefactuel au public usaméricain afin de rallumer leur vieille guerre froide avec la Russie et la Chine, augmentant ainsi de façon spectaculaire et prévisible le risque de guerre nucléaire.       

Les nouvelles données Airpower Summary révèlent que les USA ont largué 3 246 bombes et missiles supplémentaires sur l'Afghanistan, l'Irak et la Syrie (2 068 sous Trump et 1 178 sous Biden) depuis février 2020.

La bonne nouvelle est que les bombardements usaméricains sur ces 3 pays ont considérablement diminué par rapport aux plus de 12 000 bombes et missiles qu'ils ont lâchés sur eux en 2019. En fait, depuis le retrait des forces d'occupation usaméricaines d'Afghanistan en août, l'armée US n'a officiellement mené aucune frappe aérienne dans ce pays, et n'a largué que 13 bombes ou missiles sur l'Irak et la Syrie - ce qui n'exclut pas des frappes supplémentaires non signalées par des forces sous le commandement ou le contrôle de la CIA.

Les présidents Trump et Biden ont tous deux le mérite d'avoir reconnu que des bombardements et une occupation sans fin ne pouvaient pas assurer la victoire en Afghanistan. La rapidité avec laquelle le gouvernement mis en place par les USA est tombé aux mains des talibans une fois le retrait usaméricain engagé a confirmé que 20 ans d'occupation militaire hostile, de bombardements aériens et de soutien à des gouvernements corrompus n'ont finalement servi qu'à ramener le peuple afghan, las de la guerre, sous la coupe des talibans.

La décision insensible de Biden de faire suivre 20 ans d'occupation coloniale et de bombardements aériens en Afghanistan par le même type de guerre de siège économique brutale que les USA ont infligée à Cuba, à l'Iran, à la Corée du Nord et au Venezuela ne peut que discréditer davantage l'USAmérique aux yeux du monde.

Il n'y a eu aucune demande de reddition de comptes pour ces 20 années de destruction insensée. Même avec la publication des Airpower Summaries, l'horrible réalité des guerres de bombardement usaméricaines et les pertes massives qu'elles infligent restent largement cachées au peuple usaméricain.

De combien des 3 246 attaques documentées dans l'Airpower Summary depuis février 2020 étiez-vous au courant avant de lire cet article ? Vous avez probablement entendu parler de l'attaque de drone qui a tué 10 civils afghans à Kaboul en août 2021. Mais qu'en est-il des 3 245 autres bombes et missiles ? Qui ont-ils tué ou mutilé, et quelles maisons ont-ils détruites ?

26/12/2021

ANTONIO MAZZEO
La holding Leonardo débarque en Somalie : sa fondation promeut la langue italienne et forme l'armée

Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 23/12/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Leonardo entend renforcer sa présence dans la Corne de l'Afrique et confie l'affaire à l’ex- ministre de l'Intérieur Marco Minniti (Pd), à la tête de la fondation Med-or formée par la holding du complexe militaro-industriel italien pour promouvoir des projets de « coopération »et des échanges culturels et académiques avec les pays de la Méditerranée dite élargie (Med) et du Moyen et Extrême-Orient (Or).

Rome, le 21 décembre 2021 : Signature d'un Protocole d'accord entre la fondation Med-or et la République fédérale de Somalie

Le 21 décembre 2021, un Protocole d'accord a été signé à Rome entre la fondation Med-or et la République fédérale de Somalie pour la « promotion de la langue italienne en Somalie et le soutien à l'enseignement supérieur, par l'octroi de bourses et de cours de formation professionnelle ».

Marco Minniti et le Ministre somalien des Affaires Étrangères Abdisaid Muse Ali ont signé l'accord, mais aussi le Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale Luigi Di Maio, le Ministre somalien de l'Éducation Abdullahi Abukar Ha Hai et l'ensemble de l'État-Major de Leonardo S. P.A., le président Luciano Carta (Général à la retraite de la Garde des finances), le PDG Alessandro Profumo, le directeur général Valerio Cioffi et Letizia Colucci, directrice générale de la fondation Med-or étaient présents à l'événement.

« La Somalie est un pays stratégique dans l'équilibre complexe de l'Afrique de l'Est et est un partenaire clé pour nous dans la Corne de l'Afrique », a déclaré l’ex-ministre Minniti. « L'intérêt et l'engagement de Med-or envers l’ancienne colonie italienne sont conformes à ce qui a été fait ces dernières années. Nous consoliderons la coopération dans de nombreux domaines et les relations communes, avec les institutions somaliennes ».

Le Mémorandum signé avec la République de Somalie fait suite à deux autres projets promus et financés en Afrique par la Fondation Leonardo : le premier avec l'Université Polytechnique Mohammed VI de Rabat (financement de quelques bourses à la LUISS “Guido Carli ” de Rome, destinées aux étudiants marocains) ; le second avec la livraison à la République du Niger d'une cinquantaine de concentrateurs d'oxygène pour certains établissements de santé engagés dans la prise en charge des patients COVID-19.