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22/02/2024

De Gaza à Malmö : la bataille de l’Eurovision Horror Show

Fausto Giudice, Tlaxcala, 22/2/2024

Elle s’appelle Eden Golan – tout un programme – et risque d’entrer dans l’histoire comme Gaza Hell. Elle a 20 ans et a deux passeports : russe et israélien. Née à Kfar Saba, une ville israélienne édifiée sur les ruines du village palestinien du même nom, d’un père letton et d’une mère ukrainienne, elle a passé 13 ans de sa courte vie en Russie, où elle a commencé une carrière de chanteuse de variété. Elle vient d’être sélectionnée pour représenter Israël à l’Eurovision 2024, qui aura lieu en mai prochain à Malmö en Suède. Il y a de fortes chances qu’elle n’y mette jamais les pieds. Explication.

Ce sont les Islandais qui ont lancé le mouvement : en décembre dernier, la Société des Auteurs et Compositeurs (FTT), représentant 440 artistes islandais (l’Islande compte 375 000 habitants) ont lancé un appel à la RÚV, la Radiodiffusion nationale, pour qu’elle ne participe pas à lEurovision tant qu’Israël en ferait partie. Les Finlandais ont suivi : 1400 artistes ont demandé la même chose à leur chaîne publique. Les musiciens et artistes norvégiens (350), suédois (1005) et danois (300) ont lancé des appels similaires dans le courant du mois de janvier, imités par les Irlandais, dont 15 000 personnes ont signé l’appel.

C’est qu’Israël est considérée comme faisant partie de l’Europe dans divers domaines : football et autres sports, musique et autres arts. Il ne manque que le domaine politique : l’UE n’a jamais examiné la demande faite il une quarantaine d’années par le charismatique leader radical italien Marco Pannella d’accueillir Israël.

Israël a participé au concours Eurovision depuis 1973 ; elle en a été l’hôte en 1979, 1999 et 2019 et a remporté quatre fois la première place, en 1978, 1979, 1998 et 2018.

L’Union européenne de radio-télévision (UER/EBU), qui organise ce concours, a répondu la même chose à toutes demandes d’exclusion d’Israël : « LEurovision n’est pas un concours entre gouvernements, mais entre artistes. Il ne fait pas de politique ». C’est au nom de cet argument qu’elle a exclu la Russie en 2022, quelques jours après le déclenchement de l’invasion (ou de l’opération militaire spéciale, selon les goûts) de l’Ukraine. Commentant cette décision, Martin Österdahl, superviseur exécutif de lEurovision, avait déclaré : « Lorsque nous disons que nous ne sommes pas politiques, ce que nous devrions toujours défendre, ce sont les valeurs fondamentales et suprêmes de la démocratie ».

Eden Golan a été sélectionnée au cours d’un événement organisé par la Société publique de radiodiffusion israélienne (KAN), où elle a chanté I Don't Want To Miss A Thing” du groupe Aerosmith, sur une scène remplie de chaises vides représentant les Israéliens captifs à Gaza, les fameux otages qui sont au centre de la dramaturgie mise en scène par Israël. KAN a ensuite annoncé que la chanson qu’elle présenterait à Malmö avait pour titre « October Rain » [Pluie d’Octobre]. La direction de l’UER a aussitôt fait savoir qu’elle examinerait le texte de la chanson pour voir s’il avait un contenu politique, auquel cas celle-ci serait rejetée. Le ministre israélien de la Culture Miki Zohar a aussitôt qualifié cette annonce de « scandaleuse » et KAN a fait savoir qu’en cas de rejet, elle ne proposerait pas d’autre texte. De plus, Eden Golan ne participera pas à la cérémonie d’inauguration de Malmö, pour des « raisons de sécurité » et parce qu’elle coïncidera avec Yom Hachoa, le Jour de la Shoah.

Il y a donc de fortes chances qu’Israël se retrouve de fait exclu de ce grand moment de spectacle marchand qui est un véritable horror show.

Questions : si jamais Eden Golan était retenue et devait se produire sur la scène de de l’Arena de Malmö, arborant le ruban jaune de la campagne israélienne « Bring Them Home », qu’en penseraient les organisateurs de ce concours « apolitique » ? Et que pensent ces mêmes organisateurs du fait que la chanteuse s’est produite dans plusieurs grands événements en Russie, dont l’un en Crimée après son annexion (ou sa libération selon les goûts) par la Russie ? Ne devrait-elle pas être frappée par les mesures d’exclusion de la Russie de l’Eurovision ?

En attendant, la guerre des images et des discours sur tous les médias en ligne bat son plein. Et les valeureux Scandinaves continuent leur combat. Ci-dessous, des photos de deux actions devant le siège de la NRK, la radio-télévision publique norvégienne à Marienlyst (Oslo) en janvier. Les activistes ont annoncé qu’ils et elles feraient des sit-in tous les jours pour exiger de la NRK qu’elle ne diffuse pas le concours si Israël y participe.


27 janvier 2024


                                                31 janvier 2024 : “Oui à une fête populaire”

 

“Non au génocide”

 

23/12/2023

INGA BRANDELL
La Terre Sainte n’est pas damnée

Inga Brandell, Svenska Dagbladet, 19/12/2023

Original: Det heliga landet är inte bortom räddning
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Inga Brandell est professeure émérite de Sciences politiques à l’université de Södertörn à Stockholm, en Suède. Bibliographie

Le conflit entre Israël et la Palestine ressemble de plus en plus à une tragédie grecque, avec sa spirale de confrontation vers une destruction mutuelle. Peut-être y a-t-il quelque chose à apprendre de l’intervention des dieux dans les drames antiques - ou du voyage des paysans de Dalécarlie vers Jérusalem dans le roman classique de Selma Lagerlöf ?

Nuages de fumée après un bombardement israélien sur Gaza. Photo : Ariel Schalit/AP

Le monde entier assiste à une nouvelle tragédie. Une guerre asymétrique postmoderne avec à la fois des éléments d’intelligence artificielle et de barbarie. C’est autre chose que les paysans dalécarliens débarquant en Palestine au début des années 1880, dans la grande épopée de Selma Lagerlöf, Jérusalem [Jérusalem en Dalécarlie et Jérusalem en Terre Sainte], découvrirent : un pays “négligé”, où on utilisait, à leur grand étonnement, des outils archaïques pour cultiver la terre. Pourtant, depuis des siècles, la paix y régnait. Les Dalécarliens étaient venus voir la Terre sainte et marcher sur les pas de Jésus. Ils voulaient aussi faire le bien par leur comportement et être un exemple pour tous les chrétiens en proie à la discorde, en travaillant à la réconciliation entre eux.

Mais au cours du siècle dernier, avant et après la création d’Israël en 1948, de nombreuses vies ont été anéanties par les armes, la violence et les explosifs dans ce qui était la Palestine. La férocité et l’ampleur de l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre, puis de l’assaut israélien sur Gaza, dépassent tout ce qui a précédé. La répression de la Grande Révolte Arabe par le Mandat britannique dans les années 1930, ou la perte de vies humaines, le déracinement et la fuite, dans la guerre de 1948 et dans les innombrables guerres et attaques qui ont suivi, n’ont rien à voir avec le nombre de morts depuis le 7 octobre.

Cela rappelle plutôt la chute de Jérusalem en 1099. La ville musulmane a été prise par les croisés chrétiens. Leurs propres récits et les sources musulmanes décrivent comment le sang a coulé dans les rues. Un siècle plus tard, les croisés ont été vaincus par les forces de Saladin et la Palestine a été incorporée aux royaumes musulmans, arabes puis turcs, jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale.

Dans le récit de Selma Lagerlöf, on rencontre des Américains, des Allemands, des Russes, des Arméniens et des dames britanniques à Jérusalem. Les habitants qui apparaissent sont - comme il est dit - des Turcs, des Mahométans, des Juifs, des Bédouins et des Syriens, c’est-à-dire des Arabes chrétiens. Il en est de même, en 1922, lorsque la Société des Nations confie aux Britanniques le mandat sur la Palestine après la défaite ottomane lors de la Première Guerre mondiale. À l’époque, ni les Palestiniens ni les Israéliens n’existaient. Pour renforcer ses alliances, la Grande-Bretagne avait fait des promesses contradictoires sur le sort des provinces ottomanes : d’un côté, un royaume arabe, de l’autre, un “foyer national” pour les Juifs en Palestine.


 Marie Bonnevie dans le rôle de Gertrud dans l’adaptation cinématographique de Jérusalem de Selma Lagerlöf, réalisée par Bille August en 1996. Photo : SF

Ce qui était déjà en cours, mais qui n’apparaît pas dans la Jérusalem de Lagerlöf, c’est la question nationale. La Palestine sur laquelle la Grande-Bretagne a régné pendant quelques décennies est donc devenue une société de plus en plus divisée sur le plan “national” par les politiques du Mandat. Cependant, le contexte politique des forces opposées, celles qui allaient devenir les Israéliens et celles qui allient devenir les Palestiniens, différait considérablement.

Le sionisme, mouvement laïque juif créé pour donner un pays aux Juifs, a été fondé dans le sillage de l’affaire Dreyfus en France et des pogroms en Russie. Dans ses notions et dans sa réalité, le sionisme était imprégné de cette origine européenne.

Mais dans le monde arabophone, la question dominante était la poursuite de la colonisation. L’Égypte a obtenu son indépendance en 1919, mais l’influence de la Grande-Bretagne y est restée forte. À l’ouest, tous les pays arabes sont soumis à des puissances coloniales : au lieu d’un royaume arabe dans la région gouvernée par les Ottomans turcs, celle-ci est divisée en mandats gouvernés par les deux puissances européennes. Le pouvoir de mandat ne devait être exercé que jusqu’à ce que les peuples puissent exercer leur droit à l’autodétermination. Il n’est pas surprenant que les habitants aient continué à y voir une colonisation : de plus en plus de Juifs européens ont immigré en Palestine sous la protection du Mandat.

En 1947, alors que tous les pays sous mandat ont accédé à l’indépendance, à l’exception de la Palestine, la Grande-Bretagne abandonne et confie le problème aux Nations unies nouvellement créées. La situation en Europe est difficile, la politique nazie d’éradication totale de la population juive européenne est claire, tout comme les conditions innommables dans lesquelles elle a été mise en œuvre. Les réfugiés apatrides, les survivants juifs, ne veulent pas retourner dans les régions et les pays d’où ils viennent.

Après l’immigration sous le mandat britannique, les Juifs représentaient environ un tiers de la population totale de la Palestine, le reste étant principalement composé de musulmans, de chrétiens et d’“autres”, comme l’indiquent les statistiques de l’ONU. Aucune distinction n’a été faite dans le recensement entre les Juifs qui étaient déjà présents à l’époque de Selma Lagerlöf et qui parlaient l’arabe, peut-être le turc, et ceux qui étaient arrivés parlant des langues européennes.

À l’automne 1947, les travaux de l’ONU aboutissent à une résolution proposant la division de la Palestine en deux États. Selon leurs propres termes : un État juif et un État arabe. La proposition était accompagnée d’une carte montrant l’État arabe dans une belle couleur jaune et l’État juif en bleu. À l’Assemblée générale, la Suède, les USA, l’Union soviétique et la France se joignent à la majorité en faveur de la résolution. Les États arabes, qui souhaitaient que le territoire du mandat devienne un État indépendant, ont tous voté contre. La Grèce, la Turquie et Cuba ont également voté contre. Le Royaume-Uni s’est abstenu.

 

Le plan de partage des Nations unies pour la Palestine de 1947.

Six mois plus tard, le jour où les Britanniques évacuent leurs troupes, l’État d’Israël est proclamé. Lors de la demande d’adhésion à l’ONU, la Suède vote en faveur de ce pays, alors qu’une crise vient d’éclater à la suite de l’assassinat de Folke Bernadotte à Jérusalem.

Sans l’antisémitisme européen et le modèle européen d’État-nation, la création de l’État d’Israël ne peut être expliquée. Sans la colonisation le long de la Méditerranée et l’incorporation antérieure des pays arabes dans des empires musulmans multinationaux, on ne peut expliquer ni le nationalisme palestinien ni son écho dans le reste de la région. Lorsqu’une première résolution des Nations unies appelant à un “cessez-le-feu humanitaire” pendant la guerre actuelle a été adoptée par l’Assemblée générale le 26 octobre, la Suède s’est abstenue, tout comme l’Allemagne, tandis que la France et l’Espagne ont voté pour et l’Autriche contre. On peut y voir des considérations à la fois historiques et de politique intérieure.

Il ne fait aucun doute que le Hamas est anti-israélien et anti-juif. Mais c’est aussi une organisation idéologiquement anti-chrétienne, anti-athée et anti-polythéiste. Sayyid Qutb (1906-1966), le penseur égyptien qui influence encore les mouvements les plus radicaux de l’islam, avait une vision sombre du monde. Celui-ci est caractérisé par la corruption, le mercantilisme et la perte de toutes les vraies valeurs. La seule solution est de revenir à la parole révélée de Dieu et de combattre tous les faux musulmans, en particulier les dirigeants des pays musulmans, et tous ceux qui ne se soumettent pas à la vérité. Qutb ne prend pas position sur la manière de mener le combat - par la persuasion et la conversion ou par la force des armes.

C’est autre chose que l’antisémitisme européen qui, avec un noyau de croyances chrétiennes, a atteint son paroxysme lors de la fusion avec l’établissement “scientifique” moderne d’une hiérarchie des races. Bien sûr, l’antisémitisme européen a dépassé les frontières de l’Europe, comme lorsque les “Protocoles des Sages de Sion”, un faux produit par la police secrète tsariste, ont circulé en traductions arabes. Mais l’antisémitisme n’est pas né de ces sociétés.

Parallèlement, l’islam se perçoit fortement comme le successeur et l’héritier des religions juive et chrétienne. La rencontre avec le nationalisme palestinien laïc a conduit à l’arrêt, à la suite d’une décision centrale en 2006, des attentats suicides à la bombe lancés par le Hamas - bien que les tirs de roquettes sur Israël, qui constituent également une forme de terreur contre la population civile, se soient poursuivis. En 2017, après de longues discussions, le Hamas a également modifié sa charte, laissant entrevoir une reconnaissance des frontières de 1967, ce qui constitue un pas en avant vers la reconnaissance de l’État d’Israël.

 Toutes les aspirations à la réconciliation et à l’unité que portaient les paysans dalécarliens de Lagerlöf, ainsi que le droit au foyer et à la propriété que Folke Bernadotte défendait dans son rapport à l’ONU, ont disparu. Après Grozny, Alep et Mariupol, c’est au tour de Gaza, de Khan Younès et peut-être de Rafah d’être réduites en ruines. Une tragédie à grande échelle et aux effets incalculables.

Une tragédie également dans un sens plus précis, comme l’a souligné le spécialiste de la littérature William Marx dans le journal français Le Monde. Dans la Grèce antique, à une époque où la Méditerranée était en guerre permanente, le théâtre et la littérature se sont développés. Là, les spectateurs de l’Antigone de Sophocle pouvaient éprouver de l’empathie, comprendre et compatir à la fois avec Créon et son souci de maintenir les règles communes de l’État et l’exigence totalement opposée mais tout aussi irréfutable d’Antigone d’accomplir son premier devoir et sa première préoccupation : enterrer son frère assassiné.

Nous, les peuples du monde, regardons sur nos écrans les Israéliens et les Palestiniens souffrir et nous entendons le chœur, les commentateurs, expliquer et souligner. Nous pouvons penser que beaucoup de choses n’allaient pas dans le processus qui a conduit à la situation actuelle. Mais nous ne pouvons que comprendre et compatir aux positions incompatibles et également légitimes qui s’opposent : un foyer sûr pour les Juifs, l’indépendance pour les Palestiniens sur la terre où ils vivent, et le retour ou la compensation pour ceux qui en sont partis.

Dans le drame antique, la déesse Athéna pouvait à un moment donné intervenir et briser la spirale de l’affrontement permanent entre deux adversaires légitimes et moralement défendables sur la voie de la destruction mutuelle. La population de la Suède, qu’elle ait des liens forts ou faibles avec les religions basées à Jérusalem et tout l’imaginaire culturel qui les entoure, avec les Israéliens et avec les Palestiniens, a un avantage. La reconnaissance suédoise de la Palestine en 2014, jusqu’ici considérée comme un échec, peut nous permettre de rejoindre ceux qui cherchent un moyen de dépasser le conflit mutuellement destructeur. Non pas pour s’abstenir mais, comme Athéna, en toute connaissance et dans le respect des devoirs opposés, pour trouver une forme au-delà de la négation de l’un ou l’autre.

10/07/2023

FAUSTO GIUDICE
Entrée des Vikings dans la Sainte Alliance
Les Ottomans et les Magyars ont donné leur feu vert

 Fausto Giudice, Tlaxcala, 10/7/2023

Maintenant que le calife d’Istanbul, Erdoğan, a donné son feu vert à l’adhésion de la Suède à l’OTAN et que le Chef des Magyars Orbán a dit qu’il ne s’y opposerait pas, les 31 membres de l’OTAN réunis ce mardi à Vilnius devraient ouvrir la porte sans renâcler à Stockholm, d’autant plus qu’Uncle Joe l’a dit et répété, il « fully, fully, fully supports Sweden’s membership in NATO ». Ce pas franchi, la Suède pourra ranger au magasin d’accessoires sa fameuse « neutralité » biséculaire et se préparer à sa seizième guerre contre la Russie.

 La Suède a en effet mené 15 guerres contre la Russie de 1321 à 1809. Elle a failli mener la seizième en 1939-1940, après l’occupation de la Finlande par l’Armée rouge en application du pacte Ribbentrop-Molotov. Contre l’avis d’une grande partie de la population suédoise, la Suède refusa cependant de s’engager dans la guerre d’hiver aux côtés des frères finlandais et les sociaux-démocrates constituèrent un gouvernement de cohabitation avec les centristes du Parti paysan, les libéraux du Parti populaire et les conservateurs de la Droite. Ce gouvernement pratiqua une “neutralité” très particulière jusqu’à la fin de la 2ème guerre mondiale, notamment par :

-l’internement de communistes, de sociaux-démocrates de gauche, d’anarcho-syndicalistes et autres « amis de l’Angleterre » ou « de l’URSS » dans des camps de concentration ;

-la censure de la presse, du courrier, les écoutes téléphoniques pour traquer toute expression d’antinazisme, avec saisies répétées de journaux

-la livraison de réfugiés antinazis à la Gestapo par le ministre social-démocrate Gustav Möller

-la livraison de minerai de fer (stratégique) à l’Allemagne nazie jusqu’en 1943

-l’autorisation donnée à des troupes allemandes [officiellement des soldats en permission] de traverser le territoire suédois entre la Norvège, le Danemark et la Finlande, tous occupés par les nazis. Ainsi, plus de 2 millions de soldats allemands traversèrent le territoire du pays « neutre » entre 1940 et 1944, dont les 15 000 hommes de la Division Engelbrecht.

Mais la Suède a-t-elle jamais été vraiment neutre ? Disons qu’elle a plutôt été « alliansfri », libre d’alliances militaires, ce qui entraînait une neutralité en cas de guerre dans ses environs. Mais elle ne s’est pas privée d’envoyer ses soldats aux quatre coins de la planète, en général sous casques bleus ou sous couvert de missions internationales, du Kossovo à l’Afghanistan, et du Congo à Chypre, en passant par la RCA, le Mali et la Somalie. En 2022, 327 militaires suédois étaient déployés à travers le monde. Et pour ce qui est de son rapport à lOTAN, il ne date pas non plus d'hier. Voici les données officielles :

En 1994, la Suède a rejoint le Partenariat pour la paix de l'OTAN.

- La Suède a également participé à divers exercices de l'OTAN au cours desquels elle s'est entraînée à se défendre avec des armes.

- En 2014, la Suède et la Finlande ont été autorisées à participer aux discussions de l'OTAN sur la manière de défendre les pays situés autour de la mer Baltique s'ils étaient menacés. Cela a également permis à la Suède et à la Finlande d'avoir accès à des informations qui ne leur avaient pas été communiquées auparavant.

- En 2016, la Suède a signé un accord pour accueillir l'OTAN, ce qui permet à l'OTAN d'organiser plus facilement des exercices sur le sol suédois, mais aussi à la Suède d'obtenir plus facilement le soutien de l'OTAN si un pays menace la Suède ou si une guerre éclate en Suède.

Riourik,  Grand-Duc de Novgorod, 862-879. Source : Царский Титулярник (Livre titulaire du tsar), 1672

En entrant dans l’OTAN, les Suédois font peut-être, en fin de compte, un retour aux sources. N’est-ce pas un Suédois qui a fondé le premier État russe ? À en croire la Chronique de Nestor (1111), c’est Riourik, un chef Varègue (Viking) qui le fonda à Novgorod en l’an 862, puis son parent Oleg qui établit le Rus’ de Kiev quelques années plus tard. Ru’s, le premier nom de la future Russie, vient du vieux-norrois et signifie « les hommes qui rament ». On le retrouve dans le nom de la région suédoise de Roslagen et dans le nom finnois de la Suède, Ruotsi.

Pour connaître la suite, il faudra attendre quelques années, le temps que Netflix produise sa 17ème saison de Vikings. Dans l’immédiat, on attend la troisième pour connaître la suite des aventures de Leif Eiriksson, Harald Sigurdsson et Freydis Eiríksdóttir. Mais patience, Allahou maâ saberine [Dieu est avec les patients].

Une robuste Viking "neutre" en action au Mali (MINUSMA)
Hanteras med försiktighet [À traiter avec précaution]



Lire aussi
Communiqué du Sommet OTAN de Vilnius/NATO Vilnius Summit Communiqué 

09/06/2023

FAUSTO GIUDICE
Annecy : un amok “au nom de Jésus-Christ”

Fausto Giudice, Tlaxcala, 9/6/2023

Amok, ce mot venant du terme malais amuk signifiant “rage incontrôlable”, désigne des actes commis par des personnes -généralement des hommes - prises soudainement de folie meurtrière et se livrant à des attaques à l’arme blanche contre des individus pris au hasard d’une course finissant généralement par la mise à mort ou le suicide du meurtrier. Cette forme extrême de décompensation suicidaire, observée en Malaisie et dans d’autres pays, a fait l’objet d’innombrables études ethnologiques et psychiatriques, d’œuvres littéraires – de Rudyard Kipling à Romain Gary en passant par Stefan Zweig – et de films (au moins 9 depuis 1927).


Ce qui s’est passé au bord du lac d’Annecy le jeudi 8 juin 2023 est un cas typique d’amok : Abdelmasih Hannoun, un Syrien de 31 ans, a poignardé 4 petits enfants sous les yeux de leurs mères horrifiées puis deux personnes âgées. Un jeune homme de 24 ans, Henri, qui passait par là, a tenté de l’arrêter avec son sac à dos mais n’y est pas parvenu. Il n’en fallait pas plus pour que cet étudiant en marketing, qui est en train de faire un tour de France des cathédrales, devienne « le héros au sac à dos » des réseaux dits sociaux. La police, alertée, est intervenue, mettant fin à la course folle, sans tuer l’agresseur, mais en lui tirant dans les jambes.

« En l’état on n’a pas d’éléments qui pourraient nous laisser entendre qu’il y a une motivation terroriste », a déclaré la procureure d’Annecy Line Bonnet-Mathis au cours d’un point de presse sur place, 6 heures plus tard. L’agresseur n’étant sous l’effet ni d’alcool ni de stupéfiants, l’enquête s’oriente donc sur ses antécédents psychiatriques et son état psychologique. Les enquêteurs n’ayant sans doute lu ni Stefan Zweig ni Émile Durkheim, auront fort à faire pour expliquer l’amok.

Au fil des heures, des détails ont émergé sur Abdelmasih Hannoun [traduction littérale : Esclave miséricordieux du Messie] : réfugié en Suède où il s’est marié avec une femme de nationalité suédoise de Trollhättan connue en Turquie, ce chrétien syriaque (“assyrien”) originaire de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, a passé une dizaine d’années en Suède avant de divorcer et de quitter le pays. Il a déposé des demandes d’asile en France, en Italie et en Suisse avant de voir sa première demande d’asile en Suède finalement acceptée le 26 avril 2023, ce qui a entraîné le rejet de sa demande en France, notifié le 4 juin. Ayant obtenu un titre de séjour permanent en Suède en 2013, il avait fait une demande de naturalisation suédoise à partir de 2017, qui a été rejetée trois fois, bien qu’il ait un enfant, aujourd’hui âgé de 3 ans, et qu’il étudie pour devenir infirmier.

Lors de son amok, ce serviteur du messie a crié deux fois : « In the name of Jesus Christ ». Il arborait une croix et avait sur lui, à part son couteau, un livre de prières. Les policiers ne lui donc pas tiré dans la tête, ce qui aurait très certainement été le cas s’il avait crié « Allahou Akhbar ». Ce qui aurait évité à Monsieur Darmanin de se casser la tête sur les “coïncidences troublantes” et calmé “l’effroi qui submerge notre pays” (Aurore Bergé, cheffe du groupe de députés macroniens Renaissance, qui a profité de l’amok savoyard pour dénoncer la “bataille de chiffoniers“ à l’Assemblée nationale autour de la réforme des retraites).

On pourrait donc ajouter cette définition au Dictionnaire des idées reçues :

« Amok : forme de terrorisme quand l’auteur est musulman, acte simplement effrayant et troublant quand l’auteur est chrétien, même s’il est arabe et barbu ».


 

09/02/2023

DAVID STAVROU
Le sauvetage de l'Holocauste des Juifs du Danemark : mythe et réalité

David Stavrou (bio), Haaretz, 3/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Des recherches récentes réexaminent les mythes historiques entourant le sauvetage des Juifs danois pendant l'Holocauste, révélant des intérêts sous-jacents surprenants.

 

Juifs danois fuyant vers la Suède en septembre 1943. « Les Danois qui ont aidé les Juifs l'ont fait pour préserver le caractère démocratique du pays - et non dans le cadre d'une opération de résistance », explique l'historienne Keren-Carmel.Photo: Scanpix Denmark/AFP

 

STOCKHOLM - Les horreurs de l'Holocauste ont donné lieu à de nombreux récits qui suscitent l'inspiration, mais beaucoup d'entre eux se sont terminés par un peloton d'exécution ou la corde du pendu. Le sauvetage des Juifs du Danemark, dont le 80e  anniversaire sera célébré cette année, est différent. C'est l'histoire d'un pays qui a décidé de sauver tous les membres de sa communauté juive - et qui a réussi.

 

Les Juifs danois avaient un avantage que ne partageaient pas les autres Juifs d'Europe : à la suite d'une fuite d'informations en provenance d'Allemagne, ils savaient ce qui les attendait. En effet, en octobre 1943, pendant Rosh Hashanah, beaucoup avaient déjà entendu parler de leur expulsion imminente. La population juive du Danemark s'élevait alors à environ 7 700 personnes, dont 1 200 Juifs arrivés récemment d'autres pays. Ceux qui ont reçu le rapport sont priés de transmettre l'information aux autres membres de la communauté et de se cacher. Dans le même temps, une sorte de soulèvement populaire éclate. Des Danois ordinaires - policiers et postiers, serveurs et chauffeurs, enseignants et membres du clergé - diffusent la nouvelle, et certains aident également les Juifs à trouver des voies d'évasion et des endroits où se cacher. Grâce au soutien populaire, presque tous les Juifs ont pu trouver des endroits où ils pouvaient se cacher de la Gestapo pendant les raids, puis des endroits où ils pouvaient attendre jusqu'à ce qu'ils puissent faire le voyage vers la Suède, qui leur avait déjà offert un sanctuaire. Tout le monde ne réussit pas à s'échapper. Certains membres malades et âgés de la communauté ont été capturés par les Allemands. Dans la ville de Gilleleje, par exemple, la Gestapo a attrapé et arrêté plusieurs dizaines de Juifs qui se cachaient dans les combles d'une église. Cependant, la grande majorité d'entre eux ont réussi à atteindre les villages et les villes situés le long de la côte du détroit d’Öresund, qui sépare le Danemark de la Suède. Les habitants de ces villages ont continué à les cacher jusqu'à ce que des pêcheurs et des marins puissent les emmener en Suède, pays neutre, sur des bateaux. Là encore, tout ne se passe pas sans heurts - certains bateaux coulent - mais finalement, la majorité des Juifs du pays, soit plus de 7 200 personnes, atteignent la Suède.

 

La plupart des faits concernant le sauvetage des Juifs danois ne sont pas contestés. L'histoire est devenue un mythe formateur qui est enseigné dans le système scolaire israélien, qui est souligné lors de cérémonies et qui est commémoré sur des sites publics, tels que Denmark Square et Denmark High School à Jérusalem et sur une place à Haïfa. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, le peuple danois n’a pas été désigné comme Juste parmi les nations par le mémorial de l’Holocauste de Yad Vashem à Jérusalem (cette distinction n'est accordée qu'à des individus), bien que trois arbres y aient été plantés en l'honneur du peuple danois, de l'organisation clandestine du pays et du roi Christian X (qui a régné de 1912 à 1947).

 

Cette supposition est un autre exemple du fait que tout ce qui concerne les Juifs danois pendant l'Holocauste n'est pas fidèle aux faits. L'une des histoires les plus connues, par exemple, est que le roi a arboré l'étoile de David que les Juifs étaient obligés de porter dans de nombreux pays occupés, alors qu'il était à cheval dans les rues de Copenhague, en signe d'identification avec la communauté. Ce récit s'avère faux, probablement en raison des efforts de relations publiques déployés pendant la guerre par des Danois vivant aux USA et cherchant à améliorer l'image de leur patrie, qui avait capitulé devant les nazis presque sans combattre.

 

Pour comprendre si les autres récits sont également entachés d'éléments qui ne cadrent pas avec la vérité, il faut revenir en 1940. « Le Danemark a survécu à l'occupation nazie mieux que n'importe quel autre pays européen », explique l'historienne Orna Keren-Carmel de l'Université hébraïque de Jérusalem, spécialiste des relations entre Israël et la Scandinavie et auteur du livre “Israël et la Scandinavie : le début des relations"”(en hébreu), sur les liens entre le jeune État d'Israël et les pays scandinaves.

 

« Lorsque Hitler a envahi le Danemark, la Norvège, la Hollande, la Belgique et la France, explique le Dr Keren-Carmel dans une interview, il leur a fait à tous la même offre : capitulez d'avance, et en échange, vous aurez la possibilité de continuer à gérer vos affaires intérieures de manière souveraine, tandis que l'Allemagne sera chargée de la politique étrangère ».

 

Le roi  Christian X

Le Danemark est le seul pays à avoir accédé à cette offre, signant les termes de sa reddition en quelques heures, le 9 avril 1940. Selon Keren-Carmel, les Danois savaient qu'ils n'avaient aucune chance contre le “géant du sud”. Ils ont préféré capituler, préserver leur capacité à fonctionner et minimiser le coup porté à la population civile, à ses biens et à l'économie du pays. Les Allemands, de leur point de vue, ont choisi de gouverner le Danemark avec une “main de velours” afin de maintenir la stabilité politique et de profiter des exportations danoises », explique-t-elle.

 

En outre, note-t-elle, cette approche s'accordait également avec la théorie nazie des affinités raciales de la race aryenne et de la race nordique, et avec le “nouvel ordre européen” : Le plan des nazis était que les peuples nordiques les aident à gouverner les peuples dits inférieurs d'Europe de l'Est après la guerre.

 

05/02/2023

KATARINA DJORDJEVIC
#metoo : quand les femmes se révoltent, personne ne doit être lésé

 Katarina Djordjevic, FemPers, 7/2/2023
Original :
#metoo: När kvinnor revolterar får ingen komma till skada
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Katarina se présente ainsi : « Je suis née en Suède ou j’ai grandi avec une mère finlandaise, un père serbe et trois frères. J’ai eu la chance d’étudier un an au Canada, et de travailler au Vietnam, en Afrique du Sud et à La Réunion. Aujourd’hui je travaille à Paris en tant que chef infographiste de modélisation pour des films d’animation. J’ai fait des formations sur l’écriture de scenario et la réalisation des films documentaires, et mon rêve est de faire une série documentaire sur des sociétés matriarcales. J’habite Paris ou j’élève seule mon fils de 11 ans. Les questions qui m’intéressent le plus : la paix, l’égalité et la durabilité ». Facebook

 « Lorsque les femmes se rebellent contre des siècles, voire des millénaires de sexisme, alors là personne ne doit être lésé. On attend des femmes qu’elles soient polies et pondérées, même lorsqu’elles font la révolution ! »

Katarina Djordjevic réfléchit à ce qu’est une révolution et à la manière d’aller de l’avant après #metoo.

Eleanor Shakespeare, The Guardian

Il est temps d’aborder un aspect de #metoo qui a été absent dans le débat, à savoir une perspective plus large sur le fonctionnement des révolutions.

Selon le dictionnaire de l’Académie suédoise, une révolution est un « changement violent, généralisé, profond (souvent soudain) des conditions existantes à certains égards (par exemple dans les conditions sociales, culturelles) ; bouleversement, subversion, remodelage (...) ».

#metoo a été à plusieurs reprises comparé à une révolution, et si l’on observe l’ambiance en Suède lorsque le mouvement #metoo était le plus intense, on peut dire qu’il y avait une certaine humeur révolutionnaire. Bien que #metoo ait en fait été lancé aux USA en 2007 par Tarana Burke, il y a eu quelque chose de soudain dans le fait que tant de personnes en Suède, ensemble, se sont levées et ont témoigné au même moment à l’automne 2017. Quelque chose qui avait été longtemps, longtemps refoulé a soudainement fait surface et pour beaucoup des hommes contre lesquels les témoignages étaient dirigés, et pour leurs familles, #metoo a eu des conséquences violentes. L’objectif de #metoo était de provoquer un changement et il s’agissait de conditions sociales et culturelles. En ce sens, #metoo correspond tout à fait à la définition d’une révolution. Même si c’était sous une forme comparativement très douce et inachevée.

Les révolutions historiques, étrangement, sont souvent perçues comme quelque chose de positif. Dans le monde du film, la rébellion de l’esclave Spartacus contre les maîtres de l’Empire romain est romantisée et nous voyons de pauvres paysans marcher vers Versailles pour renverser la monarchie détachée e la réalité. Le psychiatre et essayiste Franz Fanon encourage le peuple à recourir à la violence contre la puissance coloniale française en Algérie.

La Révolution française a été terriblement sanglante. Sous la Terreur, plus de mille personnes ont été exécutées en une seule année, dont de nombreux enfants. Beaucoup étaient innocents et jugés par des tribunaux populaires arbitraires. Pourtant, nous ne nous concentrons pas sur ces victimes et leurs pauvres parents, mais nous nous intéressons surtout aux personnes qui sont mortes de faim et aux festins de la famille royale dans les années précédant la révolution.

À ma connaissance, aucun film n’a jamais été réalisé sur l’angoisse d’un maître romain lorsque ses esclaves se rebellent. Nous ne l’entendons jamais se plaindre qu’il a tout perdu. Nous ne tenons pas les esclaves responsables du sang qui coule pendant leur rébellion. Nous ne nous demandons pas s’ils sont allés trop loin.

Lorsque nous discutons de la rébellion contre les puissances coloniales, personne ne dit avec indignation « Une victime était une victime de trop ! Personne, pas une seule personne n’aurait dû être lésée ! »

La rébellion contre les puissances coloniales a entraîné de nombreuses souffrances et la mort de nombreux innocents, mais nous sommes en mesure de mettre ces souffrances en perspective avec celles qui ont précédé la rébellion. Nous sommes compétents pour comprendre les mécanismes humains qui se mettent en branle lorsque quelque chose est allé trop loin, lorsque trop de douleur et de frustration se sont accumulées... Toute cette énergie est nécessaire pour que la révolution puisse démarrer. Mais c’est aussi cette énergie, qui lorsqu’elle se déchaîne devient facilement ingérable, qui rend les révolutions dangereuses, voire mortelles.

Nous le comprenons dans le cas de toutes les révolutions. Sauf une. Celle des femmes.

Lorsque les femmes se rebellent contre des siècles, voire des millénaires de sexisme, personne ne doit être lésé. Nous attendons des femmes qu’elles soient polies et pondérées, même lorsqu’elles font la révolution !

Nous oublions complètement qu’être pondérés va à l’encontre du phénomène même de la révolution. Une révolution n’est jamais calme. La dynamique d’une révolution est précisément qu’elle déferle comme une vague, que les émotions prennent le dessus, que les inhibitions disparaissent et que les gens sont invités à suivre. Les révolutions ne sont pas belles. Les révolutions sont horribles et sanglantes et causent de terribles souffrances. C’est précisément la raison pour laquelle il est si important de créer une société où les gens ne sont pas opprimés, où les gens ne doivent pas vivre longtemps avec le sentiment d’être traités injustement. Précisément pour éviter que les révolutions n’aient à se produire.

La révolution #metoo n’a jamais été achevée. Si #metoo était devenu une véritable révolution, beaucoup, elle aurait probablement coûté la vie beaucoup plus de personnes. Nous avons donc probablement de la chance que les femmes soient aussi sages et pondérées qu’elles le sont, et que #metoo n’ait jamais eu pour but de renverser les piliers du système actuel, mais d’apporter un changement au sein du système.

Si nous voulons juger équitablement le soulèvement #metoo, dans le même esprit que nous jugeons les autres soulèvements contre l’injustice, nous ne devons pas oublier que ce sont les injustices elles-mêmes qui sont la cause principale de la souffrance que le soulèvement crée. Si nous ne blâmons pas les esclaves qui se rebellent contre l’esclavage, nous ne devrions pas non plus blâmer les femmes qui se rebellent contre le sexisme. C’est l’esclavage et le sexisme qui sont le principal problème.

Les souffrances causées lors d'une révolution sont essentiellement une conséquence de l'injustice qui a précédé le soulèvement. Si nous voulons éviter les souffrances qu'entraînent les soulèvements et les révolutions, et dont même des innocents peuvent pâtir, nous devrions peut-être nous attaquer à toutes ces choses qui peuvent provoquer le genre de frustration qui, au fil des années d'accumulation, peut amener les personnes à se regrouper et, ensemble, à chambarder soudainement le monde que nous connaissons.

 

12/01/2023

Un gisement géant de terres rares découvert à Kiruna, dans le nord de la Suède

TT, 12/1/2023
Traduit par 
Fausto Giudice, Tlaxcala

Jan Moström, PDG du géant minier public suédois LKAB, est très heureux lorsqu'il parle des métaux de terres rares qui se cachent sous terre à Kiruna. Ces métaux sont très chauds, car ils sont absolument essentiels à la fabrication d'objets tels que les batteries et les moteurs électriques. À Kiruna, c'est la zone Per Geijer qui est appelée à devenir le prochain site minier de LKAB.

Il s'agit du plus grand gisement connu d'Europe. La découverte à Norra kärr sur le lac Vättern est importante, mais celle-ci est plus grande.

Il dit qu'il était au courant du gisement depuis presque deux ans, mais pas de son volume.

Jan Moström, PDG de LKAB, et Ebba Busch (Chr2tiens-Démocrates), ministre de l'Énergie et des Entreprises, lors d'une conférence de presse à LKAB à Kiruna. LKAB a fait la plus grande découverte de terres rares en Europe. Un million de tonnes pourraient être extraites près de Kiruna. Photo Jonas Ekströmer/TT

Le minerai de fer de la zone Per Geijer, à Kiruna, contient des quantités inhabituellement abondantes de terres rares. Moström dit que la teneur totale de la découverte est de 0,18 %. Cela peut sembler dérisoire, mais il explique que les niveaux de ces métaux sont généralement comptés en ppm, c'est-à-dire en parties par million, et que le fait que la découverte concerne maintenant des pourcentages est de toute façon important.

Un million de tonnes

LKAB estime maintenant qu'il y a environ un million de tonnes de métaux de terres rares dans la partie de Per Geijer qui a été explorée jusqu'à présent. Mais cela pourrait être plus que cela, l'enquête se poursuivant.

« La découverte n'est pas délimitée. Nous n'en avons étudié qu'une petite partie », déclare Moström.

LKAB a déjà parlé de découvertes de terres rares et de phosphore, mais ce qui est nouveau maintenant, ce sont les quantités. L'annonce de jeudi aura pour effet supplémentaire que l'ensemble des dirigeants de l'UE, y compris les correspondants de l'UE, seront à Kiruna pour marquer le début de la présidence suédoise du Conseil des ministres de l'UE.

Pour l'UE, c'est une grande nouvelle, déclare Jan Moström, car il n'y a pas d'extraction de ces substances rares en Europe.

Les terres rares sont absolument nécessaires pour passer de l'énergie fossile à l'électricité, explique-t-il. On les trouve dans tout, des batteries aux éoliennes. Mais en l'état actuel des choses, les métaux nécessaires viennent de Chine.

Aujourd'hui, il y a un problème d'approvisionnement, mais l'offre doit maintenant augmenter. La Chine est absolument dominante, tant pour l'extraction que pour le raffinage.

Les intérêts nationaux peuvent être perturbés

Mais c'est une chose de trouver le métal lui-même, une autre de l'extraire du sol et de le traiter. LKAB souhaite développer sa découverte, mais estime qu'il faudra 10 à 15 ans avant que l'exploitation minière puisse avoir lieu. Tout d'abord, il s'agit d'obtenir les permis nécessaires.

 « C'est un défi. Un certain nombre d'intérêts nationaux pourraient être perturbés, comme l'élevage des rennes, Natura 2000 et l'impact environnemental », explique Moström.

TT : Voulez-vous utiliser l'UE comme un “levier” pour le processus d'autorisation ?

« Nous voulons expliquer à quoi ressemble le monde », dit-il, en soulignant la dépendance vis-à-vis de la Chine et l'augmentation des besoins à l'avenir, et en rappelant que l'UE consomme 30 % des métaux extraits, mais ne représente que 3 % de l'extraction minière.

« Bonne nouvelle »

L'un des principaux avantages de cette nouvelle découverte est que les métaux sont situés dans la zone où LKAB souhaite exploiter le minerai de fer, explique-t-il. Cela signifie qu'aucune infrastructure spéciale n'est nécessaire pour les terres rares. Mais la question de savoir s'il y aura une exploitation minière dépend de deux choses, selon Jan Moström.

Le marché, le niveau des prix et le déroulement des procédures d'autorisation, dit-il.

La ministre de l'Énergie et des Entreprises Ebba Busch (Chrétiens-Démocrates) ne veut pas faire d'évaluation maintenant sur la façon dont le processus va se dérouler.

« Mais c'est une nouvelle formidable et gratifiante, et elle a le potentiel pour devenir un élément absolument crucial de la transition écologique », déclare Busch sur le site de Kiruna.

« Avec cet exemple, nous mettons la Suède sur la scène. Nous montrons que la Suède peut vraiment être un leader mondial et montrer la voie à l'ensemble de l'UE pour combiner des objectifs climatiques élevés avec la croissance économique », déclare Busch.

Comment l'UE peut réduire les importations de métaux rares

TT, 12/1/2023

Peter Åkerhammar, enquêteur au Service géologique suédois (SGU), explique que plusieurs types de terres rares ont été découverts en Suède.

Ils ont été trouvés dans une mine à Ytterby sur l’île Resarö dans l'archipel de Stockholm, dit-il.

Certains d'entre eux ont reçu des noms qui rappellent le lieu où ils ont été découverts : ytterbium, yttrium et holmium.

Les métaux eux-mêmes ne sont pas si inhabituels. Ils sont appelés terres rares parce qu'ils sont présents dans des minéraux relativement rares.

Plusieurs endroits en Suède

On les trouve dans plusieurs endroits en Suède. Le plus notable jusqu'à présent est le gisement de Norra Kärr dans la région de Gränna, où l'on s'oppose à l'exploitation minière. Mais Peter Åkerhammar affirme qu'on en trouve aussi à Bergslagen, et surtout dans les anciennes mines comme Grängesberg. En dehors de la Suède, le plus grand gisement connu se trouve au Groenland.

On les trouve également à Kiruna, dans le type de minerai de fer qui s’y trouve. Le potentiel est considérable en Suède, dit-il, expliquant que LKAB a étudié la manière dont les métaux peuvent être récupérés à partir des scories.

Mais ils ne sont exploités nulle part en Europe.

La Chine est le grand producteur. Mais la Chine n'est plus aussi dominante qu'avant ; une partie de l'exploitation minière se fait également aux USA et en Australie. Mais plus on descend dans la chaîne de transformation, plus la Chine domine.

Super important pour l'électrification

Les terres rares ont pris une importance croissante ces dernières années dans le contexte de l'électrification, dit-il. Ils sont utilisés dans les moteurs et générateurs électriques, dans les éoliennes et dans les batteries.

Il explique qu'il y a deux groupes, ceux qui ont un poids plus faible et ceux qui sont plus lourds.

Ces métaux ont des propriétés similaires, mais ils ne sont pas totalement interchangeables. Il n'existe par exemple actuellement aucun substitut pour le néodyme, qui est utilisé dans les aimants permanents, déclare Peter Åkerhammar.