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25/07/2021

GIDEON LEVY
« Espoir ? » Le mouvement de protestation anti-Netanyahou ne s'est jamais soucié du jour d'après


Gideon Levy, Haaretz, 24/7/2021

Traduit par Fausto Giudice

Au début, j'ai cru qu'il s'agissait d'une blague : un énorme panneau a été installé sur la place Rabin : « Nous sommes l'espoir ». Sous le panneau se trouvait une « exposition de protestation », dont le titre était aussi modeste que le reste de l'affichage : « Un peuple libre sur sa propre terre ». Des piliers dorés, comme aux Oscars, mènent à une exposition de photos et de panneaux qui documentent les protestations de la rue Balfour. Au centre, la statue d'une personne et un drapeau israélien. Pas un seul cliché ne manquait, y compris des citations du Mahatma Gandhi, de l'auteur-compositeur Shalom Hanoch, du poète Natan Yonatan et d'Yitzhak Rabin. On pourrait croire qu'il s'agit d'une exposition sur la liberté tant attendue du peuple tibétain après une lutte sanglante.

Lors d'une manifestation anti-Netanyahou, une femme brandit une pancarte sur laquelle on peut lire : " Nous sommes l'espoir ". Photo Tomer Appelbaum

Et les slogans : « Nous sommes venus pour purifier » ; « Vous avez ruiné et nous réparerons » ; « Vous êtes le désespoir et nous sommes l'espoir » ; « Pas de pardon » ; « Notre heure de gloire ». La maquette d'un sous-marin portait les mots « le sous-marin de la corruption », sur une autre figuraient les mots « Navire Liberté de la Marine d’Israël », avec une litote typique. Des T-shirts de protestation étaient exposés en évidence, comme des souvenirs du débarquement en Normandie ou de la chute du mur de Berlin.

C'est une bonne chose que ceux qui ont lancé la protestation aient mis en place cette exposition : elle reflète bien l'esprit des manifestations de la rue Balfour. Maintenant que l'objectif a été atteint dans sa totalité et que Benjamin Netanyahou est le chef de l'opposition et ne vit même plus dans la résidence Balfour - certainement grâce à leurs protestations, qui ne se sont arrêtées que lorsqu'ils l'ont vu partir - ils peuvent trouver le temps pour une exposition sur la victoire. Les albums de la victoire après la guerre des Six Jours comportaient moins d'autosatisfaction que cette exposition ridicule.

Sachez ceci : L'autosatisfaction est le cœur battant de la gauche sioniste. Rien n'est comparable à sa complaisance. Après tout, elle est si éclairée, pacifique et juste, pleine de bonnes intentions. Après tout, un ministre de gauche a téléphoné à Mahmoud Abbas et lui a présenté ses vœux pour l’Aïd - sûrement une amorce chuchotée de la paix et le top de l’esprit des Lumières.

Rien ne pourrait mieux expliquer pourquoi la manifestation de la rue Balfour était si rebutante. Elle était exagérée et irréaliste, ses limites se limitaient à des zones de confort, elle était axée sur un seul objectif, bien moins crucial qu'il n'était présenté, et les manifestants n'ont pas cessé de se complaire en eux-mêmes et d'exagérer leur importance. Ce ne sont pas les manifestations de la rue Balfour qui ont fait tomber Netanyahou : Netanyahou est tombé parce que Naftali Bennett et Gideon Sa'ar ont décidé, pour leurs raisons personnelles, de s'allier à Yair Lapid. La protestation n'a eu qu'un effet marginal, voire aucun. Il faut apprécier ces gens, qui ont gâché leurs samedis pendant de nombreux mois pour un objectif qu'ils considéraient comme incomparablement important. Certains d'entre eux ont payé en passant la nuit en détention policière ou en se faisant taper dessus. Mais il n'y avait aucun lien entre leur pathos et la réalité. Ils protestaient en toute neutralité.

Netanyahou n'était pas ce qu'ils disaient qu'il était : le résultat ne valait certainement pas un tel tumulte. Tout a déjà été écrit sur le fait qu'ils se concentraient uniquement sur la chute de Netanyahou. Mais qu'en est-il du jour suivant ? Nous le vivons, et ce mouvement de protestation, qui s'est retiré sur des vagues de victoire, n'a maintenant rien à dire.

Vous avez promis l'espoir, vous avez fait venir Avigdor Lieberman comme ministre des finances. Vous étiez venus pour déraciner la corruption, vous avez apporté une plus grande corruption. Vous aviez promis une colombe, vous avez fait venir Bennett et Sa'ar. Vous aviez promis la paix, vous avez amené un gouvernement qui organise sa reddition à l'avant-poste illégal de colons d'Evyatar, qui maltraite une prisonnière palestinienne qui a perdu sa fille, et qui continue à s'en prendre à des adolescents palestiniens comme vendredi à Nabi Saleh. Vous avez promis le changement et vous n'avez apporté aucun changement.

Alors d'où vient toute cette complaisance ? Comment nos vies ont-elles changé pour le mieux depuis qu'ils se sont débarrassés du « tyran » ? Le grand danger pour la démocratie a-t-il été écarté, dans un pays où un tiers de la population vit sous une tyrannie permanente ? « Nous sommes l'espoir » ?

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