Caroline Tracey, Nexos, 1/1/2024
Dessins de Ricardo Figueroa
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
À en juger par les plans
architecturaux que le ministère de la Sécurité intérieure [DHS] a soumis au
Congrès usaméricain en 2009, le Poste de contrôle intérieur de la patrouille
frontalière [BPIC, Border Patrol interior checkpoint] sur l’autoroute inter-États I-19 allait être
gigantesque. Le poste de contrôle serait situé au milieu du désert de l’Arizona,
à quelque 35 kilomètres au nord d’Ambos Nogales, les villes-jumelles frontalières
loin de la frontière proprement dite.
Le projet abandonné de megacheckpoint
D’où l’oxymore révélateur du nom
officiel du poste de contrôle : comment peut-il se trouver à l’intérieur des
terres s’il s’agit d’un poste de contrôle frontalier ? La réponse, selon l’agence
des douanes et de la protection des frontières, est très simple : la frontière
entre les USA et le Mexique est très large : 160 kilomètres à l’intérieur des
terres à partir de la frontière territoriale des USA, pour être exact. Dans
cette zone d’exception - où vivent les deux tiers de la population usaméricaine
- le gouvernement usaméricain a suspendu la protection constitutionnelle contre
les “recherches et saisies” ; la patrouille frontalière peut monter dans n’importe
quel véhicule et procéder à une fouille sans mandat.
D’un autre point de vue, cependant,
la frontière entre le Mexique et les USA devait être aussi mince que possible.
L’intégration des chaînes d’approvisionnement des deux pays, réalisée par l’accord
de libre-échange nord-américain (ALENA), a fait de la circulation efficace des
produits, des biens et des matières premières d’un côté à l’autre de la
frontière un impératif non seulement juridique, mais aussi économique.
D’où l’autre oxymore - implicite,
certes, mais évident compte tenu du contexte géographique et historique - du
nom officiel du point de passage frontalier : comment concilier le contrôle des
frontières et le libre-échange ? La réponse, selon le département de la
sécurité intérieure, était encore une fois très simple : construire le plus
grand point d’inspection de l’histoire des USA.
Mais aujourd’hui, le poste de
contrôle de l’I-19 est une triste structure métallique au milieu du désert. L’immense
complexe dont rêvaient les ingénieurs du gouvernement usaméricain n’a jamais
été construit. Comme tant d’autres ambitions usaméricaines dans les années qui
ont suivi l’entrée en vigueur de l’ALENA, leurs plans sont restés à l’état de
projets.
Le plan initial du BPIC prévoyait
que le trafic automobile privé serait dévié vers sept voies équipées de cabines
d’inspection à l’arrivée au poste de contrôle depuis l’autoroute. Peu de temps
après, les ingénieurs ont toutefois estimé que cette solution était
insuffisante et qu’il valait mieux construire vingt-deux voies. Le trafic des
camions commerciaux et des passagers serait quant à lui dévié vers une autre
zone d’inspection, à côté du parking pour les voitures des 39 agents de la
patrouille frontalière qui travailleraient au BPIC 24 heures sur 24.
D’autres zones comprendraient des
chenils pour les K-9 [=Ka-Nine, chiens policiers] entraînés à renifler la
drogue, un ascenseur pour véhicules, des tours équipées de radars et d’autres
systèmes de communication (dans le cadre d’un contrat attribué à Boeing, puis
annulé faute d’autorisation du ministère de l’Intérieur), un entrepôt pour la
contrebande confisquée, une salle informatique avec accès aux bases de données
de renseignements sur les groupes terroristes et le crime organisé, et un
centre de détention pouvant accueillir trois cents personnes que le langage
officiel du gouvernement usaméricain qualifie d’illégales.
Tout cela était nécessaire, ont
expliqué les responsables du DHS, car la plupart des migrants sans papiers qui
tentaient d’entrer dans le pays le faisaient dans la région sud de l’Arizona,
où passe l’I-19 avant de rejoindre la route fédérale 15 du Mexique. Alors que
la Border Patrol divise la frontière avec le Mexique en neuf secteurs, ces
années-là, la moitié des arrestations ont eu lieu dans le secteur de Tucson.
La patrouille frontalière usaméricaine
divise sa stratégie de contrôle et de surveillance - appelée defense in
depth (“défense en profondeur”)- en trois couches, chacune plus éloignée de
la frontière : line watching,
la
surveillance de la ligne (l’observation constante de la frontière elle-même), roving patrols, patrouilles itinérantes de petits
groupes d’agents, parfois à cheval, qui se déplacent dans les zones où
circulent le plus de migrants) et, enfin, les BPIC.
« On ne peut pas tout arrêter
[le trafic de personnes et de marchandises] à la frontière, alors on ferme les
voies de sortie », m’a dit un porte-parole de la patrouille frontalière
lors d’un entretien récent. Les BPIC, a-t-il poursuivi, « permettent d’avoir
un endroit où l’on peut attraper le trafic qui a réussi à passer [au-delà] de
la zone frontalière ».
"Operation Wetback" (dos mouillé, mojado) en 1954 : des immigrés mexicains sont reconduits à la frontière dans des cages installées sur des camions
L’idée d’établir des points de
contrôle de l’immigration à l’intérieur du territoire n’est pas nouvelle : dans
les années 1930, le gouvernement usaméricain a mis en place des points de
contrôle dans les gares ferroviaires où arrivaient la plupart des Mexicains. La
base juridique de cette politique publique, que de nombreux juristes et
militants considéraient comme clairement discriminatoire et inconstitutionnelle,
a été établie en 1976, lorsque la Cour suprême a autorisé les agents chargés de
ces points de contrôle à considérer la “race” des personnes comme un motif
suffisant pour les interpeller et les interroger.
Ce qui est certain, en revanche, c’est
que la taille physique et le poids symbolique des BPIC ont énormément augmenté
dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’ALENA. L’une des
contradictions les plus flagrantes du traité est qu’il favorise la circulation
transnationale de deux des trois catégories dont la libre circulation est au
cœur de la conception néolibérale classique du libre-échange - les capitaux et
les marchandises - mais ne garantit pas la même liberté de circulation pour la
troisième et peut-être la plus importante de ces catégories : la main-d’œuvre.
Ou, pour le dire en termes moins aliénants : les êtres humains. Les BPIC ont
fini par incarner ce paradoxe : ils servent à réguler, en même temps mais de
manière opposée, les flux de remorques et de personnes qui ont commencé à
arriver à la frontière en nombre toujours croissant dans les années qui ont
suivi l’entrée en vigueur de l’ALENA.
Aujourd’hui, lorsque vous passez
par l’I-19, vous n’avez même pas besoin de quitter l’autoroute pour passer par
le BPIC. À quelques kilomètres du point de passage, vous commencez à voir des
panneaux vous invitant à ralentir. Devant vous, des cônes de signalisation
apparaissent pour diviser les voies. Enfin, vous atteignez le point de
contrôle, qui n’est guère plus qu’une tente surplombant la route et offrant de
l’ombre aux patrouilleurs et à leurs chiens. Contrairement aux points de
contrôle permanents du Texas, où la patrouille frontalière ne laisse passer
personne sans avoir vérifié son droit d’être dans le pays, en Arizona, les
agents ne prennent souvent pas la peine de vous ordonner de vous arrêter pour
affirmer que vous êtes citoyen usaméricain ou, à défaut, que vous avez les
documents nécessaires pour être dans le pays en toute légalité. Ils préfèrent
ne pas arrêter la circulation.
Bien qu’il soit en place depuis des
années, le BPIC de l’I-19 reste techniquement “temporaire”, faisant du secteur
Tucson de la Border Patrol - si prioritaire selon les autorités - le seul à ne
pas disposer d’un point de contrôle permanent (les huit autres secteurs
comptent au total 32 BPIC). Les raisons de cet éternel provisoire n’ont
malheureusement rien à voir avec un respect renouvelé du droit humain à la
liberté de circulation. L’argument qui a permis d’arrêter ce nœud central des
plans de militarisation des frontières du DHS - une agence qui a la réputation
d’être invulnérable à la critique, à l’activisme et même au droit civil -
provient de l’une des traditions usaméricaines les plus éculées : la défense à
outrance de la valeur de l’immobilier. Pas dans mon jardin, disaient les
propriétaires locaux.
Au départ, l’idée était que les BPIC
exploiteraient l’effet de surprise. Les points de contrôle “tactiques”
changeraient d’emplacement chaque semaine, de sorte que les sans-papiers et
leurs guides ne sauraient pas où ils se trouveraient. Le problème est que la
patrouille frontalière doit obtenir de nouveaux permis du ministère des
transports de l’État à chaque fois qu’elle déplace ces points de contrôle
temporaires. Lorsque ce processus bureaucratique s’est avéré trop lourd, l’agence
a opté pour des points de contrôle permanents.
Le secteur de Tucson a constitué
une exception. En 1999, Jim Kolbe, membre du Congrès de l’Arizona, alors encore
membre du parti républicain, a inséré une clause dans la loi déterminant les
allocations budgétaires fédérales pour la sécurité des frontières : « Aucun
fonds ne sera approuvé pour l’acquisition de terrains, la conception ou la
construction d’un poste de contrôle de la patrouille frontalière dans le
secteur de Tucson ». Le Congrès a renouvelé la stipulation de Kolbe chaque
année jusqu’en 2006. Un avenant adopté en 2003, alors que les BPIC des autres
secteurs avaient déjà été construits, obligeait la Border Patrol à déplacer le
poste de contrôle du secteur de Tucson tous les quinze jours.
Mais en 2007, Kolbe a pris sa
retraite. La patrouille a saisi l’occasion de convertir le point de contrôle
nomade de l’I-19 en une installation fixe. Suivant la directive de rechercher
des sites avec une bonne visibilité et peu d’issues de secours, les
patrouilleurs ont décidé de construire le poste au nord de la ville de Tubac
et, comme par dépit pour le sénateur Kolbe, se sont prêtés à la conception du BPIC
le plus ambitieux de l’histoire.
Les ingénieurs de Tucson se sont
inspirés du poste de contrôle nouvellement construit au nord de Laredo, au
Texas : une dalle d’asphalte au milieu d’une forêt qui était alors le plus
grand BPIC du pays. Selon les ingénieurs, même les six hectares de la zone du
poste de contrôle de Laredo s’étaient avérés insuffisants pour l’opération de
scanner de camions. En revanche, le BPIC du secteur de Tucson devait occuper 72
800 mètres carrés [7, 28 ha].
Avant le début des travaux, comme l’exige
la loi, la patrouille frontalière a publié dans le journal local une annonce
sollicitant les commentaires du public pendant une période de trente jours,
mais elle n’a pas reçu un seul commentaire. La réaction des 1 000 habitants de
Tubac les a donc pris par surprise : les citadins craignaient que le poste de
contrôle ait des conséquences négatives pour les hôtels de charme, les galeries
d’art et les complexes de golf qui soutiennent l’économie locale. Un boutiquier
local, Old Presidio Traders, a imprimé des affiches sur lesquelles on pouvait
lire « Sécurisez la frontière à la frontière » - et pas à Tubac, à
plus de 40 kilomètres de la ligne de démarcation - et avec une carte des USA
aux couleurs du drapeau. Les habitants de la région les ont brandies lors de
leurs manifestations. À une occasion, une douzaine de personnes les ont collées
sur les vitres de leur voiture et ont franchi et refranchi le poste de contrôle
en masse, encore et encore, pendant des heures.
La plus grande crainte des Tubaqueños
était que la présence d’une installation plus proche d’une base militaire que d’un
poste de police ne porte préjudice au marché immobilier des villes de Tubac,
Green Valley et Sahuarita, toutes des “exurbs” - ou banlieues
éloignées - de Tucson dont la population a augmenté rapidement avec l’afflux de
retraités et de familles à la recherche d’un logement abordable.
Malgré l’allusion gouvernementale
de son nom, le Santa Cruz Valley Citizens Council (Conseil des citoyens de la
vallée de Santa Cruz) - le groupe qui a mené l’opposition au point de contrôle
- n’aurait pas pu être plus éloigné d’une entité bureaucratique. Il a été fondé
dans les années 1980 dans le but de protéger les intérêts des associations de
propriétaires (entités privées qui gèrent les lotissements et autres types de
propriétés, exerçant souvent le type d’autorité que l’on associe à l’État, et
qui sont connues aux USA pour leurs règles strictes et protectionnistes) dans
la région. Le directeur des ventes de l’agence immobilière Brasher Realty - l’un
des membres fondateurs du conseil des citoyens - a déclaré à un journal local
que le barrage routier avait causé des pertes de plus de 5 millions de dollars
: de nombreux acheteurs ont résilié leur contrat après avoir appris qu’ils
devraient avoir à passer par le BPIC presque tous les jours.
Pour répondre aux protestations, la
représentante démocrate Gabrielle Giffords a introduit une clause dans le
projet de loi de finances 2009 qui interdisait au ministère de la sécurité
intérieure de finaliser les plans visant à établir un BPIC permanent - mais pas
nécessairement temporaire - dans le secteur de Tucson jusqu’à ce que le
Government Accountability Office (GAO ,
Bureau de contrôle des comptes publics du Congrès) procède à une
évaluation complète de tous les points de contrôle fixes dans le sud-est des USA.
Les opposants au BPIC ont calculé que, dans le meilleur des cas, la législation
de Mme Giffords interromprait la construction du poste de contrôle pendant deux
ou trois ans. Mais aujourd’hui, treize ans après son ouverture en 2010, le
pavillon temporaire est toujours là, près de la borne kilométrique 42 de l’
I-19.
En août 2009, le GAO a publié l’évaluation
des BPIC demandée par la loi Giffords. Si les enquêteurs ont conclu que les
points de contrôle contribuaient à la mission de la patrouille frontalière, ils
ont également noté que l’agence avait été si négligente dans la collecte des
données requises par la loi qu’il était impossible de déterminer l’efficacité
des points de contrôle. Dans un cas, les agents d’un BPIC avaient déclaré
toutes les arrestations effectuées dans les 50 kilomètres carrés autour du
point de contrôle comme si elles avaient eu lieu dans l’installation du point
de contrôle. Dans un autre cas, les agents de patrouille étaient censés
déclarer le nombre d’arrestations qu’ils avaient transmises au bureau du
procureur des USA - l’idée étant d’évaluer l’efficacité de la patrouille
frontalière dans la lutte contre le terrorisme -, mais au lieu de cela, ils ont
déclaré le nombre de cas transmis à n’importe quel organisme chargé de l’application
de la loi. Les fonctionnaires du secteur de Tucson ont refusé de communiquer
leurs statistiques sur les arrestations et les passages clandestins, au motif
que le partage de ces informations pourrait profiter à ceux qui cherchent à se
soustraire au contrôle. En l’absence de preuves de l’efficacité des points de
contrôle intérieurs, le GAO n’a pas pu affirmer que le secteur de Tucson avait
atteint ses objectifs, mais il n’a pas non plus pu affirmer qu’il ne les avait
pas atteints.
Pendant ce temps, les habitants de
Tubac et d’autres villes proches du BPIC continuaient à se plaindre de la
baisse de la valeur de leurs propriétés et du déclin de leur industrie
touristique.
« Il est impossible que cela n’ait
pas affecté nos entreprises depuis qu’il a été installé », a déclaré Garry
Hembree, alors président de la chambre de commerce de Tubac, à l’Associated
Press en 2012. « Je ne comprends pas comment ils ont pu le faire sans en
tenir compte ».
La même année, en 2012, une étude
de l’Udall Institute for Public Policy Research de l’université de l’Arizona a
conclu que les habitants de Tubac avaient raison : le poste de contrôle avait
en effet eu un impact négatif sur l’économie immobilière de la région. Ce
rapport a, semble-t-il, sonné le glas du projet de checkpoint géant.
Fidèle au vieil adage selon lequel everything is bigger in Texas, tout est plus grand au Texas, le
plus grand BPIC des USA est désormais situé à Falfurrias, une ville de l’État
de l’étoile solitaire située sur l’autoroute 281, à une centaine de kilomètres
au nord de McAllen. La région est devenue tristement célèbre en 2012 en raison
d’une forte augmentation du nombre de décès de migrants. Malgré les
protestations des militants, qui ont averti que le BPIC proposé obligerait de
nombreux migrants à emprunter des itinéraires encore plus dangereux, le
ministère de la sécurité intérieure a décidé de poursuivre le projet d’agrandissement
du poste de contrôle. Les responsables de la patrouille frontalière ont fait
valoir que la construction du poste de contrôle était impérative en raison du
nombre croissant de semi-remorques se déplaçant vers le nord depuis les maquiladoras de la zone
frontalière du Mexique.
Affichage des résultats de l'entreprise Border Patrol : 57 000 kilos de drogues, 16785 étrangers sans documents
Le BPIC de Falfurrias a coûté 30
millions de dollars et a ouvert ses portes en mai 2019. Il dispose de huit
voies d’inspection, de niches pour chiens et d’une nouvelle technologie appelée
“portails Z”, qui capture des radiographies d’une voiture sous six angles
simultanément et qui n’était auparavant utilisée qu’aux points d’entrée à la
frontière proprement dite. Les patrouilleurs, qui s’ennuient terriblement
lorsque c’est leur tour de gérer le poste de contrôle, l’appellent “Falcatrazz”,
en référence à la célèbre prison californienne.
Susan Kibbe, présidente de la South
Texas Private Property Rights Association, m’a confié lors d’un récent entretien
que les propriétaires terriens locaux n’ont pas protesté contre la construction
du BPIC de Falfurrias. Les voisins, m’a-t-il expliqué, auraient préféré que la
patrouille frontalière s’en tienne à la surveillance de la frontière
(Falfurrias se trouve à 120 kilomètres de Reynosa), mais ils s’étaient
désormais habitués au poste de contrôle. Ils ne sont pas aussi préoccupés par
la valeur de leurs biens immobiliers, ajoute-t-elle, car la plupart des
propriétés de la région « sont de grands ranchs qui ne seront pas vendus ;
ils restent dans la famille pendant de nombreuses générations ».
Cependant, Mme Kibbe a ajouté qu’elle et ses voisins n’apprécient pas le fait
que, malgré les millions qu’a coûté la construction du BPIC, il n’y a souvent
que deux ou trois des huit couloirs occupés par des agents. Les autres restent
fermés.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA,
la frontière entre les USA et le Mexique est devenue plus bruyante, plus pavée
et plus violente. Cette intensification des tensions dans la région frontalière
se manifeste par des détails aussi divers que la perte d’habitats naturels de
la faune et l’augmentation de l’asthme chez les enfants de la vallée du Rio Bravo/Grande.
La transformation de la frontière est également évidente dans l’expansion
constante des installations des forces de l’ordre usaméricaines qui, malgré
leur efficacité douteuse, continuent de se multiplier. Quelle que soit la
taille des postes de contrôle, l’immigration et la contrebande sont
inéluctables. L’idée d’une frontière “fermée” est un fantasme.
Il se peut donc que la tente
métallique de l’I-19 soit finalement aussi efficace que le poste de contrôle
géant de Falfurrias. Nous ne le saurons jamais : nous n’avons aucun moyen d’estimer
avec certitude combien de personnes traversent le désert sans être détectées ou
combien de tonnes de drogue sont cachées dans les soutes de camions non
inspectés. Dans la contradiction architecturale entre la vision pantagruélique
du poste de contrôle de l’I-19 et sa réalité déprimée, les contradictions de l’accord
de libre-échange qui a transformé la région prennent une forme tangible.
Notes
CarolineTracey, originaire de Denver, Colorado, est docteure en géographie de l’université de Californie à Berkeley et
vit entre Tucson, Arizona et Mexico. Elle se définit comme auteure aridaméricaine Elle couvre
le questions d’environnement, de géographie humaine et frontalières du
Sud-Ouest des USA et du Mexique pour le mensuel High
Country News et est rédactrice de chef de Zócalo Public Square. Son premier livre, Salt Lakes
-un recueil de 18 essais offrant une perspective queer sur le changement
climatique dans les environnements arides - sera publié en 2026 par Norton
Publishers. @ce_tracey