12/06/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Fentanyl : l’usage de drogues comme politique

  Sergio Rodríguez Gelfenstein, 12/6/2025

Au cours de la dernière décennie du siècle dernier, après la disparition de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide, les USA se sont attelés à la tâche de trouver un nouvel ennemi qui servirait de pivot à la réorganisation de leur politique étrangère et militaire. Dans un premier temps, ils l’ont trouvé dans le trafic de drogue. Après le 11 septembre 2001, ils ont ajouté le terrorisme comme instrument pour organiser leur action interventionniste et agressive dans le monde, afin de soutenir leur hégémonie, en particulier en Amérique latine et dans la Caraïbe.

Dans la pratique, les USA - en plus de chercher une réponse à une question inscrite à l’ordre du jour international - ont ainsi trouvé un moyen de résoudre un problème intérieur, en transférant les coûts politiques à l’étranger. À partir de 1960, l’Anti-Drug Abuse Act a introduit une série de sanctions contre les pays producteurs, ainsi qu’un processus de militarisation de la lutte contre le trafic de drogue. Cela a modifié l’équilibre des pouvoirs en Amérique latine et dans la Caraïbe, affaiblissant les relations entre civils et militaires et affectant la gouvernance et la démocratie, qui avaient été soutenues avec plus ou moins de stabilité. Il s’agissait de la vieille politique “ eaux troubles, profits des pêcheurs” appliquée par Washington pour accroître son contrôle sur la région.

Ángel Boligan, Mexique

En revanche, on a peu parlé en profondeur de l’incapacité des USA à contrôler la demande de drogues afin de déplacer la pression des consommateurs vers les pays producteurs et les pays de transit.  À la fin des années 1980, un obscur sénateur usaméricain de l’État du Delaware, Joe Biden, a déclaré au Congrès qu’en dépit de l’intensification des programmes de lutte contre la drogue, la production de substances psychotropes avait considérablement augmenté : 143 % pour la cocaïne, 84 % pour l’opium et 33 % pour la marijuana. En d’autres termes, l’augmentation des moyens de contrôle de l’offre ne s’est pas accompagnée de programmes de réduction de la demande, ce qui démontre le manque d’intérêt de Washington pour la résolution du problème.

La première consiste à s’approprier les vastes ressources fournies par le commerce de la drogue, dont la majeure partie transite par le système financier usaméricain.  Selon le National Institute on Drug Abuse, à la fin des années 80, la vente annuelle de ces substances dépassait 110 milliards de dollars, dont la majeure partie servait à soutenir les finances des USA, un pays dans lequel - selon la même source - 37% de la population avait consommé une forme de drogue.

Le deuxième objectif est de maintenir la jeunesse abrutie et donc facilement contrôlable afin qu’elle ne pense pas et n’agisse pas face au mal que la société capitaliste génère. Le niveau élevé de stupidité de la jeunesse usaméricaine permet au système de la gérer par le biais du consumérisme, de la banalité, de la superficialité et de l’individualisme, entre autres mécanismes de contrôle sociétal. Dans cette mesure, les jeunes ne seront jamais les acteurs du changement dont la société a besoin. Pour Washington, la question de la drogue n’est pas une question de santé publique, c’est un domaine qui peut être utilisé pour exercer son contrôle, d’abord sur sa propre société, ensuite sur la région et le monde. C’est dans ce but qu’a été créée une organisation appelée Drug Enforcement Administration (DEA), dont l’objectif n’est pas d’empêcher le trafic de drogue, mais plutôt d’organiser, de réguler et de distribuer les revenus et la consommation de manière à servir les deux intérêts susmentionnés.

C’était le cas au siècle dernier et au début de celui-ci. Au cours de cette période historique, la Chine n’était pas un adversaire considérable, surtout tant que l’Union soviétique existait et était identifiée par les deux parties comme un ennemi commun. La disparition de l’Union soviétique a entraîné une ère de chaos systémique, Washington cherchant un nouvel ennemi. Les actions terroristes du 11 septembre 2001 ont amené les deux puissances à reconnaître à nouveau un autre ennemi collectif.

Une fois de plus, une période de rapprochement et de flirt s’est ouverte : les USA parce qu’ils ont entamé leur “guerre contre le terrorisme”, en plaçant le centre de cette dynamique en Afghanistan. Et la Chine, parce que ce pays a des frontières avec Pékin, qui craignait que Kaboul ne mette en place des mécanismes de soutien au Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM), une organisation reconnue comme terroriste par l’ONU et présente dans la province occidentale du Xinjiang, limitrophe du pays d’Asie centrale qui a produit à un moment donné entre 80 et 90 % des opiacés non pharmaceutiques de la planète. Washington et Pékin étaient à la fois inquiets et mal à l’aise à ce sujet.

Mais la crise financière de 2008 et l’accession de la Chine au rang de puissance mondiale ont donné à Washington le sentiment qu’il fallait accélérer le processus de transformation de Pékin en son principal ennemi en créant de nouveaux instruments. C’est ainsi qu’est née la doctrine du “pivot vers l’Asie” d’Obama, la création du Dialogue quadrilatéral de sécurité (QUAD) formé par les USA, le Japon, l’Australie et l’Inde, l’alliance militaire stratégique entre trois pays de la sphère anglophoneAustralieRoyaume-Uni et USA (AUKUS) et l’alliance de renseignement anglo-saxonne composée des USA, du Royaume-Uni, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, appelée “Five Eyes”. Autant d’instruments militaires visant à contenir la Chine. Les deux guerres commerciales de Trump (qui ont toutes deux échoué) et les attaques contre Huawei et la technologie 5G de la Chine, entre autres actions menées par les récentes administrations usaméricaines, s’inscrivent également dans cette logique.

C’est dans la continuité de cette escalade contre la Chine que l’on peut comprendre l’argument en faveur de droits de douane plus élevés, motivé par l’“exportation” illégale de fentanyl de la Chine vers les USA. Le fentanyl est un opiacé synthétique qui agit sur les zones du cerveau qui contrôlent la douleur et les émotions. Il a la particularité d’être 80 fois plus puissant que la morphine. En clinique, son délai d’action est d’une minute et la durée maximale de l’effet clinique est de 30 à 60 minutes. 

En raison de ces caractéristiques, il est utilisé en anesthésie, comme analgésique puissant, dans les unités de soins intensifs (USI) pour les patients sous ventilation mécanique en perfusion continue, dans certaines procédures très spécifiques de courte durée et chez les patients souffrant de douleurs chroniques, en particulier dans les contextes oncologiques, sous forme de patchs ou de “sucettes” pour les enfants.

Il a une forte capacité d’accoutumance, de sorte que son utilisation dans d’autres contextes, tels que les services d’urgence, ne serait pas indiquée, car pour maintenir le soulagement de la douleur sur une période prolongée, des doses répétées sont nécessaires, ce qui augmente de manière exponentielle le risque d’accoutumance.

Les sociétés d’anesthésiologie du monde entier travaillent depuis des années sur le risque professionnel pour les travailleurs de la santé et en particulier pour les anesthésiologistes en raison du faible contrôle de ce médicament. La Confédération latino-américaine des sociétés d’anesthésiologie (CLASA) a déclaré qu’au cours des cinq dernières années, en Amérique latine, une cinquantaine d’anesthésistes sont morts d’une overdose de fentanyl. Dans certains pays, depuis plus de 20 ans, les anesthésistes travaillent sur des cas d’accoutumance à cette drogue par des anesthésistes, considérant qu’il s’agit d’une maladie professionnelle, puisque le produit est facile à obtenir et à manipuler.

Pour toutes ces raisons, la “crise du fentanyl” aux USA est très suspecte. La Dre Carla Pellegrín, spécialiste de la thérapie de la douleur consultée pour ce rapport, a trouvé très étrange que, sachant tout cela, il existe des protocoles de gestion de la douleur dans les services d’urgence et les unités d’ambulance aux USA, dans lesquels ce médicament est ouvertement utilisé. La spécialiste chilienne ajoute qu’il est très rare - c’est le moins que l’on puisse dire - que son utilisation soit induite. En fait, lors de la formation des spécialistes dans différents centres d’Amérique latine, les protocoles usaméricains sont suivis et ce médicament est considéré comme le “Gold Standard” (technique de diagnostic qui définit la présence de l’affection avec la plus grande certitude connue) pour la prise en charge de la douleur dans les services d’urgence.

“Le fentanyl est la première cause de mort chez les Américains de 18 à 45 ans”: Panneau publicitaire installé par Families Against Fentanyl sur l'autoroute 57 près d'Orangethorpe Ave, à Placentia, en Californie, le 6 avril 2023. Photo Paul Bersebach / Getty Images

Aujourd’hui, le fentanyl est devenu la cause la plus courante de décès par overdose aux USA. Il y a quelques années, une situation similaire, la crise de l’oxycodone, un autre opioïde très addictif, a été révélée lorsqu’il a été découvert que le laboratoire pharmaceutique qui le produisait avait falsifié l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA) usaméricaine, et il est actuellement impliqué dans un important procès.

La production clandestine de fentanyl est facile et bon marché, ce qui a encore accru son utilisation. Aux USA, en 2022, sur les 115 000 décès par overdose, 73 838 (environ 200 par jour) étaient dus à l’utilisation du fentanyl. La responsabilité de ceux qui prescrivent et de ceux qui encouragent l’usage incontrôlé de ce médicament est clairement engagée. Dans cette mesure, il n’est pas surprenant que cette vague de décès et d’addictions dans les rues des USA ait été calculée pour augmenter les ventes des laboratoires. Cela augmente également la production et la vente de la naloxone, son antidote.

La dépendance aux substances chimiques génère un cercle vicieux dans lequel, après une première période de plaisir, le besoin de consommation se développe pour éviter les symptômes désagréables de la privation jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de plaisir, mais seulement un soulagement des symptômes de la privation. Cela génère une augmentation de la consommation jusqu’à franchir la ligne invisible de l’overdose et de la mort. Comme nous l’avons dit précédemment, il s’agit en fin de compte d’une manière dissimulée de transformer la population en êtres non pensants, ce qui pourrait même être caractérisé comme une forme de génocide.

L’utilisation par le président Trump de cette crise pour justifier l’imposition de droits de douane sur les marchandises en provenance du Mexique, du Canada et de la Chine, transformant cette politique en un instrument de pression à l’égard de ces pays, n’a aucun fondement.

En fait, les décès par overdose ont commencé à diminuer rapidement au début de l’année dernière. Selon un rapport des journalistes Deidre McPhillips et Annette Choi pour CNN en espagnol, sous l’administration Biden « ... le ministère américain de la santé et des services sociaux a lancé une stratégie nationale coordonnée pour prévenir les overdoses. Ces efforts se sont concentrés sur la réduction des risques - comme l’utilisation de bandelettes de test pour le fentanyl, de médicaments inversant la tendance à l’overdose et de sites de consommation supervisée - ainsi que sur la prévention, le traitement et le rétablissement des troubles liés à l’utilisation de substances ». Interrogée à ce sujet, la Dre Sarah Wakeman, directrice médicale principale pour les troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives au Mass General Brigham, a déclaré : « Après tant d’années d’efforts et d’attention, le fait de considérer enfin ce problème comme un problème de santé publique commence peut-être à porter ses fruits ».


Cao Zhen, R.P. Chine

Il n’est donc pas compréhensible que si l’application de politiques de santé publique dans le cadre d’actions visant à répondre à la demande commence à fonctionner, elle soit maintenant utilisée pour générer une “guerre tarifaire” dans la poursuite d’objectifs politiques. Dans ce cas, il est clair que les millions de jeunes consommateurs usaméricains ne sont rien d’autre que des cobayes pour la tentative de l’administration actuelle de « rendre à l’Amérique sa grandeur ».

La décision des USA d’augmenter les droits de douane sur le commerce du fentanyl a immédiatement suscité la réaction de l’ambassade de Chine au Mexique, qui a qualifié la mesure d’“arbitraire” et a averti que ces sanctions détérioreraient la coopération entre les deux pays. Pour sa part, la présidente Claudia Sheinbaum, lors d’une conversation téléphonique avec son homologue usaméricain, lui a dit : « Les tarifs douaniers ne sont pas le moyen de résoudre ce problème, qui est un problème de consommation et de santé publique dans votre pays ».

Dans un article de la journaliste Ilaria Landini pour le journal La Nación de Buenos Aires, il est indiqué que « la crise du fentanyl s’est infiltrée dans les entrailles des USA : à la base de l’industrie pharmaceutique, dans les laboratoires clandestins et dans la dynamique de consommation de millions de personnes ».

Consultée par Landini, Guadalupe Correa-Cabrera, professeure de politique et de gouvernement à l’Université George Mason, estime que les mesures prises pourraient avoir l’effet inverse : « Si les précurseurs et les médicaments importés deviennent plus chers, les laboratoires usaméricains pourraient commencer à produire du fentanyl dans le pays pour répondre à la demande », ce qui « loin de résoudre le problème, ne ferait que le transférer à l’intérieur du pays ».

Cette possibilité est rejetée par la DEA. Son fonctionnement et son fondement existentiel reposent sur l’idée que le problème se situe en dehors des USA, et non en leur sein, et que la source de la crise provient de l’augmentation de l’offre, et non de celle de la demande. Tant que la DEA et les différentes administrations usaméricaines feront partie du problème et non de la solution, il n’y aura pas d’issue au problème en vue. Les jeunes USAméricains continueront d’être sacrifiés parce qu’il vaut mieux, pour l’administration, qu’ils meurent plutôt que meure le système qui crée le problème. Au contraire, elles ne travaillent pas pour assurer la santé des jeunes, mais pour donner de l’oxygène au système et ainsi pérenniser les bénéfices de ce 1% qui contrôle et domine la société. 


Virginia Basora-Gonzalez, une Dominicaine de 36 ans sans papiers, avait été arrêtée en 2019 aux USA et déportée pour possession de 40 grammes de Fentanyl. En mars 2025, elle a été de nouveau arrêtée, cette fois-ci à Philadelphie. Sa photo en pleurs a immédiatement été transformée par les services de la Maison Blanche en un meme réalisé par IA dans le style des animations du studio japonais Ghibli. « L'arrestation de Virginia Basora-Gonzalez démontre notre engagement à protéger nos communautés contre les étrangers criminels qui se livrent à des activités illégales graves qui constituent une menace pour la sécurité publique », a déclaré Brian McShane, directeur par intérim du bureau local de l’ICE chargé des opérations d'application de la loi et d'expulsion à Philadelphie, au moment de son arrestation.


SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Fentanilo : el uso de la droga como política

  Sergio Rodríguez Gelfenstein, 12-6-2025

Durante la última década del siglo pasado, tras la desaparición de la Unión Soviética y el fin de la guerra fría, Estados Unidos se dio a la tarea de buscar un nuevo enemigo que sirviera de eje para reorganizar su política exterior y su política militar. En primera instancia lo encontró en el narcotráfico. Después del 11 de septiembre de 2001 agregó al terrorismo como instrumento de ordenación de su acción intervencionista y agresiva en el mundo, a fin de sustentar su hegemonía en particular en América Latina y el Caribe.

En la práctica, Estados Unidos -además de buscar respuesta a un tema de la agenda  internacional- encontró de este modo, una salida a un problema interno, trasladando al exterior los costos políticos. Desde 1960 a partir de la Ley Antiabuso de Drogas se introdujo un conjunto de sanciones a los países productores, junto a ello comenzó un proceso de militarización de la lucha contra el narcotráfico. Así, se modificó el equilibrio de fuerzas en América Latina y el Caribe, debilitando además la relación cívico-militar y afectando la gobernabilidad y la democracia que se sostenían con diferentes grados de estabilidad. Era la vieja política de “ a río revuelto, ganancia de pescadores” aplicada por Washington para incrementar su control sobre la región.

Ángel Boligan, México

Por otro lado, poco se ha hablado en profundidad  del fracaso de Estados Unidos en el control de la demanda de drogas a fin de trasladar la presión de los países consumidores a los productores y de tránsito.  A finales de la década de los 80 del siglo pasado, un oscuro senador estadounidense por el estado de Delaware llamado Joe Biden dijo en el Congreso de su país que a pesar que los programas antidrogas se habían incrementado, la producción de sustancias sicotrópicas  había aumentado  de forma considerable: 143% la cocaína, 84% el opio y 33% la marihuana. Es decir, el aumento  de los recursos de control de la oferta no estaban acompañados de programas de reducción de la demanda, todo lo cual manifiesta el desinterés  de Washington por solucionar el problema.

Esto tiene dos razones: la primera, apropiarse de los ingentes recursos que proporciona el tráfico de drogas, la mayor parte de los cuales fluye por el sistema financiero de Estados Unidos.  De acuerdo al Instituto Nacional sobre Abuso de Drogas, a finales de la década de los 80 del siglo pasado,  la venta anual de estas sustancias superaba los 110 mil millones de dólares, la mayor parte de los cuales venía a sostener las finanzas de Estados Unidos un país en el que -según la misma fuente- el 37% de su población había consumido algún tipo de droga.

El segundo objetivo es mantener a la juventud idiotizada y con eso, fácilmente controlada para que no piense ni actúe frente al daño que la sociedad capitalista le genera. Los altos niveles de estupidización de la juventud estadounidense le permite al sistema manejarla a través del consumismo, la banalidad, la superficialidad y el individualismo entre otros mecanismos de control societal. En esa medida, los jóvenes jamás van a ser un actor para el cambio que la sociedad necesita. Para Washington, el tema de la droga no es un asunto de salud pública, es un área utilizable para ejercer su control, en primer lugar sobre su propia sociedad, y en segunda instancia sobre la región y el mundo. Para ello, fue creada una organización llamada Administración de Control de Drogas (DEA), que no se propone impedir el narcotráfico, sino organizar, regular y distribuir el ingreso y el consumo de manera que pueda servir a los dos intereses anteriormente planteados.

Esto ocurría en el siglo pasado y comienzos de éste. En ese período histórico, China no era un adversario considerable, sobre todo mientras existió la Unión Soviética a la que ambos identificaban como enemigo común. Su desaparición trajo una época de caos del sistema mientras Washington buscaba un nuevo enemigo. Las acciones terroristas del  11 de septiembre de 2001 hicieron que ambas potencias nuevamente reconocieran a otro enemigo colectivo.

Nuevamente se inició una etapa de acercamiento y flirteo: Estados Unidos porque comenzó su “guerra contra el terrorismo” ubicando el centro de esta dinámica en Afganistán. Y China porque este país tiene límites con Beijing que veía con preocupación que desde Kabul se pudieran establecer mecanismos de apoyo al Movimiento Islámico del Turquestán Oriental (MITO) organización reconocida como terrorista por la ONU y que tenía presencia en la occidental provincia de  Xinjiang fronteriza con el país del Asia Central que en algún momento llegó a producir entre el 80 y el 90 % de los opiáceos no utilizados en farmacia en el mundo. Washington y Beijing  coincidían en su intranquilidad y desasosiego por este dato.

Pero la crisis financiera de 2008 y el despegue de China hacia su encumbramiento como potencia global le hizo sentir a Washington que debía acelerar su proceso de transformar a Beijing en enemigo principal para lo cual debía crear nuevos instrumentos. Así, surgió la doctrina del “pivote asiático” de Obama, la creación del Diálogo de Seguridad Cuadrilateral (QUAD) formado por Estados Unidos, JapónAustralia e India, la alianza estratégica militar entre tres países de la angloesferaAustraliaReino Unido y Estados Unidos (AUKUS) y la alianza de inteligencia anglosajona integrada por Estados Unidos, Reino Unido, Canadá, Australia y Nueva Zelanda llamada “De los Cinco Ojos”. Todas ellas instrumentos militares orientados a la contención de China. En esa lógica también se inscriben las dos guerras comerciales de Trump (fallidas ambas) y los ataques contra Huawei y la tecnología 5G de China, entre otras acciones llevadas adelante por las últimas administraciones estadounidenses.

Dando continuidad a este escalamiento contra China es que se puede entender el argumento de la subida de aranceles motivado en la “exportación” ilegal de fentanilo de China a Estados Unidos. El fentanilo es un opiáceo sintético que actúa en las áreas del cerebro que controlan el dolor y las emociones. Se caracteriza por ser 80 veces más potente que la morfina. En su uso clínico, tiene un comienzo de acción de un minuto y una duración máxima en su efecto clínico de 30 a 60 minutos.

Por estas características es utilizado en la anestesia, como potente analgésico, en las Unidades de Cuidados Intensivos (UCI) para pacientes en ventilación mecánica en infusiones continuas, en algunos procedimientos muy específicos de corta duración y en pacientes con dolores crónicos, sobre todo en contextos oncológicos , como parches o  “paletas de caramelos” en niños.

Tiene una alta capacidad adictiva, por lo que su uso en otros escenarios, como servicios de urgencias, no estaría indicado ya que para mantener el alivio del dolor en un tiempo prolongado, se requiere repetir las dosis y por tanto aumentar exponencialmente el riesgo de adicción.

Las Sociedades de Anestesiología a nivel mundial vienen desde hace años trabajando en el riesgo laboral que significa para los trabajadores de la salud y especialmente para los anestesiólogos el bajo control sobre este fármaco. La Confederación Latinoamericana de Sociedades de Anestesiología (CLASA)  ha declarado que en los últimos 5 años en América Latina ha habido alrededor de 50 médicos anestesiólogos fallecidos por sobredosis de fentanilo. En algunos países, desde hace más de 20 años  se viene trabajando en casos de adicción a este fármaco por parte de médicos anestesiólogos, sobre la consideración de que esta es una enfermedad laboral, ya que es de fácil obtención y manipulación.

Por todo lo anterior, la “crisis del fentanilo” en Estados Unidos resulta altamente sospechosa. La doctora Carla Pellegrín especialista en terapia del dolor consultada para este informe, opinó que  resultaba muy extraño que, conociendo todo lo anterior, existieran protocolos para el manejo del dolor en los Servicios de Urgencia y en las Unidades de Ambulancias en Estados Unidos en los que se utiliza abiertamente este fármaco. La especialista chilena agrega que es muy rara -por decir lo menos-  la forma en que se ha inducido su uso. De hecho, en las formaciones de especialistas en distintos centros de América Latina, se siguen protocolos estadounidenses en los que este fármaco es considerado el “Gold Standard” (técnica diagnóstica que define la presencia de la condición con la máxima certeza conocida) para manejo de dolor en las urgencias.

"El fentanilo es la principal causa de muerte entre los usamericanos de entre 18 y 45 años": Cartel publicitario instalado por Families Against Fentanyl en la autopista 57 cerca de Orangethorpe Ave, en Placentia, California, el 6 de abril de 2023. Foto Paul Bersebach / Getty Images

Hoy,  el fentanilo se ha convertido en la droga más común en las muertes por sobredosis en Estados Unidos. Hace unos años atrás, una situación similar, la crisis de la oxicodona, otro opiáceo altamente adictivo quedó en evidencia al descubrirse que el laboratorio farmacéutico que lo producía había falseado la autorización de la Administración de Drogas y Alimentos de Estados Unidos (FDA), por lo que  actualmente se encuentra inmerso en un juicio de grandes proporciones.

La producción clandestina de fentanilo es fácil y barata, lo que ha potenciado aún más su consumo. En el año 2022, en Estados Unidos, de las 115.000 muertes producidas por sobredosis, 73.838 (alrededor de 200 diarios) tuvieron su origen en el consumo de fentanilo. Hay una responsabilidad evidente de quienes prescriben y quienes estimulan el uso de este fármaco sin control. En esa medida, no es de extrañar que esta ola de muertes y adicción en las calles de Estados Unidos haya sido calculada, para aumentar las ventas de los laboratorios. Con ello también, incrementar la producción y expendio de naloxona, su antídoto.

La adicción a sustancias químicas, genera un círculo nefasto en que luego de un tiempo inicial en que se siente  placer, la necesidad de consumo se desarrolla en función de no sentir síntomas desagradables de privación hasta el punto en que ya no se siente placer, solo alivio a los síntomas de privación. Esto genera un aumento del consumo hasta atravesar la línea invisible de sobredosis y muerte. Como se dijo antes, es finalmente una forma encubierta de convertir a la población en seres no pensantes lo cual hasta podría ser caracterizado como una forma de genocidio.

La utilización por parte del presidente Trump de esta crisis como una justificación para imponer aranceles a los bienes provenientes de México, Canadá y China transformando esta política  en un  instrumento de presión hacia esos países, no tiene asidero.

De hecho, las muertes por sobredosis comenzaron a disminuir rápidamente a inicios del año pasado. Según un reporte de las periodistas Deidre McPhillips y Annette Choi para CNN en Español, durante la administración Biden “… el Departamento de Salud y Servicios Humanos de Estados Unidos lanzó una estrategia nacional coordinada para prevenir las sobredosis. Estos esfuerzos se han centrado en la reducción de daños —como el uso de tiras reactivas para detectar fentanilo, medicamentos para revertir sobredosis y sitios de consumo supervisado— así como en la prevención, el tratamiento y la recuperación de trastornos por uso de sustancias”. Consultada al respecto la doctora Sarah Wakeman, directora médica sénior para Trastornos por Uso de Sustancias en Mass General Brigham opinó que: “Finalmente tratar esto como una condición de salud pública, después de tantos años de esfuerzo y atención, puede estar empezando a dar frutos”.

Cao Zhen, R.P. China

No se entiende entonces, que si la aplicación de políticas de salud pública como parte de acciones para enfrentar la demanda, comience a dar buenos resultados, ahora se utilice el hecho para generar una “guerra de aranceles” que persigue objetivos políticos. En este caso, no queda más que constatar que los millones de consumidores jóvenes en Estados Unidos no son más que conejillos de indias para que la actual administración intente “hacer grande a Estados Unidos de nuevo”.

La decisión sobre el incremento de aranceles  motivadas en el comercio de fentanilo por parte de Estados Unidos fue respondida de inmediato por la embajada de China en México que calificó la medida como “arbitraria” y advirtió que estas sanciones deteriorarían la cooperación entre ambos países. Por su parte,  la presidenta Claudia Sheinbaum,  en una conversación telefónica con su homólogo estadounidense le dijo: “No es con aranceles como se resolverá este problema, que es de consumo y salud pública en su país”.

En un reporte de la periodista Ilaria Landini para el periódico La Nación de Buenos Aires se señala que “la crisis del fentanilo se infiltró en las entrañas de Estados Unidos: en las bases de la industria farmacéutica, en los laboratorios clandestinos y en las dinámicas de consumo de millones de personas”.

Consultada por Landini , Guadalupe Correa-Cabrera, profesora de política y gobierno en la Universidad de George Mason opina que las medidas tomadas podrían generar el efecto contrario: “Si se encarecen los precursores y las drogas importadas, los laboratorios norteamericanos podrían comenzar a producir fentanilo internamente para suplir la demanda”, lo cual “lejos de resolver el problema, solo lo trasladaría al interior del país”.

Esta posibilidad es rechazada por la DEA. Su funcionamiento y sustento existencial parte de la noción de que el problema está fuera de Estados Unidos, no en su interior y que el origen de la crisis surge de la creciente oferta, no de la creciente demanda. En tanto la DEA y las diferentes administraciones estadounidenses sean parte del problema, no de la solución, el mismo no tiene salida a la vista. Los jóvenes estadounidenses seguirán siendo sacrificados porque para la administración es mejor que mueran ellos antes que muera el sistema que engendra el problema. Al contrario, no trabajan para proporcionar salud a los jóvenes, sino para dar oxígeno al sistema y así darle continuidad a los beneficios de ese 1% que controla y domina la sociedad.


Virginia Basora-González, una dominicana indocumentada  de 36 años ,  fue detenida en 2019 en USA y deportada por posesión de 40 gramos de fentanilo. En marzo de 2025, fue detenida de nuevo, esta vez en Filadelfia. Su foto llorando fue inmediatamente transformada por los servicios de la Casa Blanca en una imagen generada por IA al estilo de las animaciones del estudio japonés Ghibli. «La detención de Virginia Basora-González demuestra nuestro compromiso de proteger a nuestras comunidades de los extranjeros delincuentes que se dedican a actividades ilegales graves que constituyen una amenaza para la seguridad pública», declaró Brian McShane, director interino de la oficina local del ICE encargada de las operaciones de aplicación de la ley y expulsión en Filadelfia, en el momento de su detención.


11/06/2025

TAREQ HAJJAJ/FARIS GIACAMAN
Comment la police et la société civile de Gaza combattent les gangs armés par Israël pour piller l’aide et prendre au piège la population
Enquête de terrain

Netanyahou admet qu’Israël arme des gangs et des membres de clans tribaux à Gaza pour contrer l’influence du Hamas, et de nouvelles preuves montrent qu’Israël les utilise pour piller l’aide et mettre en œuvre son plan de déplacement de la population. En réponse, le gouvernement du Hamas a mis en place l’Unité Flèche [Wahdat Sahm سهم وحدة].


Faris Giacaman est le directeur éditorial du site ouèbe Mondoweiss pour la Palestine.

Tareq S. Hajjaj est le correspondant de Mondoweiss à Gaza et membre de l’Union des écrivains palestiniens. @Tareqshajjaj.

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 


Des policiers palestiniens du Hamas commencent à travailler au maintien de la sécurité et de l’ordre pendant le cessez-le-feu avec Israël, dans la ville de Gaza, le 20 janvier 2025. (Photo : Hadi Daoud/APA Images)

L’armée israélienne arme des gangs pour combattre le Hamas à Gaza, a confirmé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jeudi. Cette révélation intervient après qu’un député israélien de droite, Avigdor Lieberman, a accusé hier, sur la chaîne publique israélienne Kan, Netanyahou d’armer un gang de centaines d’hommes à Rafah pour faire contrepoids à l’influence du Hamas dans la bande de Gaza. Le bureau du Premier ministre a répondu en déclarant qu’il combattait le groupe de résistance palestinien « de diverses manières, sur la recommandation de tous les chefs des services de sécurité ».

Plus tard, Netanyahou a officiellement confirmé les informations dans une vidéo : «  Sur les conseils des responsables de la sécurité, nous avons activé les clans de Gaza qui s’opposent au Hamas », a déclaré le Premier ministre israélien. « Qu’y a-t-il de mal à cela ? Cela ne fait que sauver la vie de soldats israéliens ».

« Rendre ça public ne profite qu’au Hamas, mais Lieberman s’en fout », a ajouté Netanyahou.

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Parmi ces groupes, un gang armé dirigé par un homme nommé Yasser Abou Shabab, un voleur et trafiquant de drogue de Rafah qui a dirigé des groupes de centaines d’hommes armés dans le pillage des convois d’aide au cours de la seconde moitié de 2024. Issu de l’influent clan bédouin Tarabine, qui s’étend sur le sud de Gaza, le Sinaï et le désert du Naqab/Néguev, Abou Shabab a été décrit par les médias israéliens comme étant une bande armée « liée à Daech », probablement en raison de l’implication d’Abou Shabab dans les réseaux de trafic de drogue entre Gaza et le Sinaï, dans lesquels Daech a été impliqué.

Aujourd’hui, Israël admet ouvertement qu’il soutient et arme le groupe d’Abou Shabab, ce qui revient à admettre ouvertement qu’il a soutenu le pillage de l’aide alimentaire destinée à la population affamée de Gaza.

Cette politique fait suite à une campagne israélienne systématique d’assassinat des fonctionnaires du gouvernement du Hamas visant à provoquer un effondrement social à Gaza et à y semer le chaos et l’anarchie. L’armée israélienne a délibérément pris pour cible les fonctionnaires du ministère de l’intérieur, les forces de police et les services de sécurité afin de créer un vide qui sera ensuite comblé par des pillards armés comme le groupe d’Abou Shabab, comme l’a récemment rapporté Mondoweiss.

Le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a directement admis cette politique le mois dernier, se vantant que « nous éliminons les ministres, les bureaucrates, les gestionnaires d’argent, tous ceux qui permettent au Hamas de gouverner ».

Le Hamas tente de lutter contre cette politique israélienne depuis la fin de l’année 2024, lorsque le ministère de l’intérieur de Gaza a créé une unité spéciale composée de policiers en civil et de volontaires chargés de traquer les pillards et de tenter de rétablir l’ordre dans les rues de Gaza. L’unité du Hamas, qui se fait appeler « l’Unité Sahm » ou « la Force Sahm « , a été réactivée lors de la reprise des hostilités entre Israël et le Hamas après l’effondrement du cessez-le-feu à la mi-mars.

Mondoweiss s’est entretenu avec plusieurs membres de l’Unité Sahm, ainsi qu’avec une source de sécurité de haut niveau au sein de la résistance, qui ont détaillé les efforts continus du Hamas pour combattre les groupes armés mandataires d’Israël dans la bande de Gaza. Mondoweiss s’est également entretenu avec les chefs de plusieurs clans tribaux de Gaza au sujet des tentatives d’Israël d’exploiter le vide sécuritaire qu’il a créé en soutenant les chefs de clans comme alternative au pouvoir du Hamas.

Comment l’Unité Sahm traque les voleurs et les collaborateurs

L’unité Sahm a été créée il y a plus d’un an, en mars 2024, lorsque le phénomène de pillage par des bandes armées a commencé à se répandre dans toute la bande de Gaza. L’unité a commencé par former des groupes informels de jeunes hommes vêtus de noir et au visage couvert, qui se déployaient dans des lieux publics chaotiques tels que les files d’attente des boulangeries, les distributeurs automatiques de billets et les marchés. Les rapports à l’époque les décrivaient en train d’arrêter des voleurs présumés et de les battre sévèrement sur les places de marché, proclamant publiquement qu’il s’agissait là de la punition infligée aux pillards.

Au fil des mois, les membres de la Force Sahm ont commencé à se montrer par dizaines dans les rues de Gaza, organisant des files d’attente dans les lieux publics. Ils semblaient suivre un chef qui était apparemment un officier de police.

Selon les membres de l’unité Sahm, l’anarchie est devenue endémique à Gaza après que la police a été contrainte à la clandestinité suite au ciblage par Israël de ses officiers chargés d’escorter les convois d’aide. Cette situation a entraîné une détérioration rapide de la sécurité à Gaza, avec une flambée des prix sur les marchés et la propagation de querelles interfamiliales et de la « loi de la jungle », ont déclaré les membres de l’unité Sahm.


La police palestinienne prend des mesures pour mettre en place un point de contrôle dans la rue al-Rashid pendant le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le 26 janvier. (Photo : Omar Ashtawy/APA Images)

Abou Hadi, membre de l’unité Sahm et officier de la police de Gaza, a déclaré à Mondoweiss qu’il avait décidé de rejoindre l’unité après avoir « vu des voleurs dévaliser des magasins d’alimentation et des cuisines internationales, sans se soucier de la faim de la population ».

« Cette aide est destinée à ma famille, à mes voisins, à mes proches. Elle ne devrait pas aller à une personne qui la vole et la revend au marché noir », dit Abou Hadi. « Nous, au sein de la force Sahm, arrêterons ces personnes ».

Abou Islam, un autre membre de l’unité Sahm, explique que la force est composée d’officiers de police, de membres de factions politiques, de membres de familles importantes de Gaza et, occasionnellement, de membres de la branche armée du Hamas, les Brigades Qassam.

Après que cette nouvelle force a commencé à opérer dans la bande de Gaza, il a été officiellement annoncé que l’unité Sahm était un organe du ministère de l’Intérieur. Abou Muhammad, un fonctionnaire du ministère, a déclaré à Mondoweiss, par le biais d’un témoignage enregistré, que l’Unité Sahm est autorisée à « maintenir la sécurité dans la bande de Gaza, en particulier en temps de guerre ».

Interrogé sur le fonctionnement de l’unité Sahm, Abou Muhammad a déclaré qu’elle obtenait des renseignements de la police sur des voleurs et des collaborateurs présumés, et qu’elle était ensuite envoyée pour les appréhender clandestinement.

« La guerre a mis à mal le ministère de l’Intérieur, mais nous faisons tout notre possible pour communiquer avec les officiers de police et leur demander de traquer les pillards et de fournir des noms et des preuves », dit Abou Muhammad. « Des équipes comme l’unité Sahm peuvent alors appréhender les auteurs du crime et les atteindre secrètement, car l’occupation poursuit tous les officiers de police, ce qui limite le travail du ministère de l’Intérieur ».

Abou Muhammad explique que « si les accusations portées contre certains voleurs et hors-la-loi sont avérées, ils doivent être punis directement, même par la mort, pour donner l’exemple aux autres et empêcher que le chaos ne devienne la norme à Gaza », précisant que tous les pillards arrêtés à Gaza ne sont pas des collaborateurs d’Israël, mais que « leurs vols sont facilités par l’armée israélienne ».

« Cela peut les amener à suivre les directives de l’armée israélienne, ce qui peut ensuite se transformer en une collaboration ouverte », explique Abou Muhammad. « Et l’occupation peut transformer les voleurs en collaborateurs, par exemple en ne bombardant pas les endroits où ils volent, et même en leur indiquant par téléphone où aller ».

Abou Islam, un membre de Sahm à Gaza Ville chargé d’enquêter et d’appréhender les voleurs, explique comment les pilleurs et les collaborateurs sont punis. « Certains sont battus, d’autres tués, d’autres encore emprisonnés », raconte-t-il.

Selon Abou Islam, « les agents dont il est prouvé qu’ils ont tué ou participé à des meurtres sont exécutés », précisant que l’objectif de ces punitions sévères est de dissuader les gens « d’envisager de communiquer avec l’occupation ».

Abou Islam affirme également avoir obtenu plusieurs aveux de la part de pillards qui ont déclaré avoir été dirigés vers des entrepôts alimentaires par des officiers israéliens. « Ils nous ont même donné leurs noms et leurs affectations », a-t-il déclaré. « C’est la preuve évidente qu’ils étaient des infiltrés et des agents, recevant des ordres directs de l’ennemi israélien à un moment et à un endroit précis ».

Une source de sécurité de haut niveau au sein de la résistance a déclaré par écrit à Mondoweiss que « les enquêtes révèlent que le Shabak [le service de renseignement intérieur israélien, ou Shin Bet] ordonne à certains agents de se livrer à des pillages et à des violations de propriété pour couvrir la réalisation d’opérations de sécurité ». La source poursuit en citant la confession écrite d’un collaborateur présumé à qui un officier israélien a dit de « pénétrer dans la maison d’un des chefs de la résistance par un trou dans le mur créé par un drone ».

La source de sécurité a ajouté que le Shin Bet avait fait chanter un voleur pour qu’il espionne pour eux lorsqu’il avait utilisé une application gérée par l’armée pour obtenir la permission d’entrer dans une zone de combat. « Le Shabak a utilisé son casier judiciaire [comme moyen de chantage] pour le recruter à ses fins », a affirmé la source.

Les tentatives des membres de Sahm d’intervenir dans ces opérations de pillage ont conduit les forces israéliennes à les prendre directement pour cible sur le terrain, tuant des “dizaines” de personnes, selon Abou Islam. À une occasion, fin mai, poursuit-il, des membres de Sahm se sont rendus dans un entrepôt alimentaire de la ville de Gaza où des voleurs tentaient de dérober de l’aide, mais ils ont été bombardés par un drone israélien. « Lorsque les forces Sahm sont arrivées, les voleurs se sont retirés et la force a été prise pour cible », explique-t-il. « Ensuite, une autre unité a été envoyée sur le site pour soutenir la force, mais elle a également été bombardée par l’occupation ».

L’Unité Sahm contre Yasser Abou Shabab

Le 19 novembre 2024, l’unité Sahm mène sa première grande opération de la guerre en attaquant un groupe de pillards qui s’en prend aux camions d’aide depuis plusieurs mois, principalement à Rafah. Les forces Sahm ont annoncé qu’elles avaient tué une vingtaine de membres du gang. Le chef du groupe était Yasser Abou Shabab.

Abou Hadi explique que le Hamas a d’abord soupçonné Abou Shabab de collaborer avec Israël lorsqu’il a été documenté qu’il accédait à des zones inaccessibles à Rafah qui sont sous le contrôle exclusif de l’armée israélienne. « Toute personne qui atteignait ces zones était tuée », explique Abou Hadi. « Cela a conduit la force Sahm à soupçonner qu’il avait reçu des ordres de l’armée israélienne pour empêcher l’entrée de l’aide à la population ».

Alors que le pillage des convois d’aide se poursuivait à la fin de l’année 2024, le rôle d’AbOu Shabab est devenu de plus en plus clair. À l’époque, une note interne de l’ONU communiquée aux médias internationaux avait directement désigné Abou Shabab comme « la partie prenante principale et la plus influente derrière le pillage systématique et massif » des convois d’aide l’année dernière, et qu’Abou Shabab « bénéficiait probablement d’une bienveillance passive, voire active » ou d’une « protection » de la part de l’armée israélienne.

Abou Hadi affirme que le Hamas avait décidé de le neutraliser peu de temps après. « L’unité Sahm a continué à surveiller les mouvements de Yasser Abou Shabab ».

Le 19 novembre, continue Abou Hadi, « après avoir confirmé qu’il partait dans sa voiture bien connue, il a été la cible de deux RPG. Mais, c’était son frère qui se trouvait dans la voiture, pas lui ». 



Yasser Abou Shabab. (Photo : Médias en ligne)

Le frère d’Abou Shabab, Fathi, a été tué dans l’embuscade, qui, selon Abou Hadi, a fait plus de 20 victimes parmi les membres du gang.

« Après cela, il a commencé à brûler des camions d’aide et à tirer sur les chauffeurs au lieu de les piller », explique Abu Hadi. « En guise de vengeance ».

La force Sahm avait néanmoins envoyé un message fort à Abou Shabab. « Il a cessé de voler l’aide de peur d’être tué », dit Abu Hadi.

Shadi al-Soufi, un ancien criminel condamné pour meurtre et détenu avant la guerre, était un autre chef de bande présumé accusé d’avoir formé un groupe de pillards situé près du point de passage de Karam Abu Salem (Kerem Shalom).

Abou Hadi affirme qu’al-Soufi n’aurait pas pu rester dans la zone de Karam Abu Salem sans l’aide d’Israël. « Personne n’a osé atteindre l’endroit où se trouvaient Shadi al-Soufi et son groupe », dit-il. « C’est la preuve irréfutable qu’il opérait sous la protection de l’armée israélienne ».

« La force Sahm a attaqué les groupes d’al-Sufi et a tenté de l’atteindre, mais les circonstances ne nous étaient pas favorables », ajoute Abou Hadi. « Des drones visaient nos membres et protégeaient les voleurs et les criminels ».

Al-Sufi est ensuite apparu dans une vidéo sur les médias en ligne, niant les allégations portées contre lui. Il a déclaré qu’il avait été déplacé comme tout le monde depuis le début de l’invasion de Rafah et que, comme tous les habitants, il n’avait pas de farine dans sa maison. Il a expliqué que toutes les rumeurs qui circulaient sur le fait qu’il avait volé de l’aide étaient totalement fausses.

À ce stade de la guerre, la stratégie du Hamas fonctionnait. Al-Sufi est tombé dans l’oubli et Abou Shabab a également disparu pendant le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

Pendant la période de cessez-le-feu, la police et les forces de sécurité ont pu rétablir l’ordre et réaffirmer le contrôle civil sur Gaza. Le retour à la guerre le 18 mars s’accompagnait de l’objectif objectif explicitement déclaré de cibler les dirigeants civils du Hamas, poussant toutes les agences gouvernementales à se cacher.

Presque du jour au lendemain, les pillages et les vols dans les entrepôts alimentaires ont repris à Gaza, ce qui a incité l’unité Sahm à redoubler d’efforts. Yasser Abou Shabab a refait surface en mai, apparaissant sur des photos aux côtés d’hommes armés vêtus d’une tenue militaire complète à Rafah, qui a été entièrement vidée de ses habitants et est considérée comme faisant partie d’une “zone rouge” sous le contrôle total de l’armée israélienne. Ses hommes sont montrés arborant des drapeaux palestiniens et portant des brassards sur lesquels est inscrit “Service antiterroriste”.

Le 30 mai, les Brigades Qassam ont publié une vidéo inhabituelle de leurs combattants visant un groupe d’hommes en civil qu’elles ont dit être des “musta’ribin” - le terme palestinien pour désigner les forces spéciales israéliennes déguisées en Palestiniens - mais une source de sécurité de la résistance à Gaza a déclaré à Al Jazeera que les cibles étaient un groupe de collaborateurs chargés par l’armée israélienne de piller les convois d’aide et d’espionner les activités de la résistance. La source a également indiqué que les collaborateurs étaient des membres du groupe d’Abou Shabab, accusant directement Abou Shabab de travailler sous les ordres des Israéliens pour aggraver l’état de chaos dans la bande de Gaza.


Les hommes de Yasser Abou Shabab ont été montrés arborant des drapeaux palestiniens et portant des brassards sur lesquels était inscrit “Service antiterroriste”. (Photo : médias en ligne)

La vidéo a été diffusée à un moment où des rapports ont continué à faire surface le mois dernier sur des pillages de convois d’aide par des hommes armés dans le sud de la bande de Gaza.

Abou Shabab nie ouvertement ces allégations. Il s’est refait une beauté sur les médias en ligne, se présentant sur sa page Facebook personnelle comme une figure communautaire respectable et un “leader nationaliste”. Il se présente désormais comme le garant du passage de l’aide à Rafah.

Faciliter le plan de déplacement d’Israël

Après que Netanyahou a admis hier qu’Israël armait son groupe, la page officielle du bureau médiatique des “Forces populaires” de Yasser Abou Shabab a publié un communiqué sur X, continuant à nier tout lien avec l’armée israélienne. « Nous rejetons totalement ces allégations », dit la déclaration. « Nous considérons qu’il s’agit d’une tentative flagrante de déformer l’image d’une force populaire née de la souffrance et confrontée à l’oppression, au vol et à la corruption ».

« Nous n’avons pas été et ne serons jamais un outil de l’occupation. Si l’occupation a des preuves, elle devrait les montrer à notre peuple et aux médias internationaux. Nous invitons tout le monde à visiter nos régions et à enquêter par eux-mêmes avant de répandre des mensonges qui servent le récit de l’occupation en semant la division », ajoute le communiqué.

La même source de sécurité de haut niveau de la résistance qui a parlé à Mondoweiss a également déclaré qu’Abou Shabab, selon leurs renseignements, a des liens avec « les agences de renseignement arabes, qui lui ont ouvert la voie pour agir conformément aux instructions du Shabak. En particulier pendant la période d’occupation de la ville de Rafah, où nous avons constaté une augmentation du pillage des camions d’aide ».

« La résistance dispose de photographies montrant Abou Shabab avec l’armée israélienne. Mais les circonstances actuelles ne nous permettent pas de les publier pour des raisons de sécurité », a ajouté la source.


Yasser Abou Shabab (à droite) avec ses hommes à Rafah. (Photo : médias en ligne)

Les analystes ont continué à souligner que la présence d’Abou Shabab sur les médias en ligne, soigneusement organisée, avec l’apparition de déclarations en anglais et en arabe, dépasse les capacités du gang de Gaza et est probablement l’œuvre du Shin Bet.

« De nombreux journalistes des médias traditionnels avec lesquels je me suis entretenu pensent que le niveau d’anglais courant utilisé dans ces messages ne peut provenir que d’une salle d’opération des FDI », a écrit sur X Muhammad Shehada, écrivain et analyste politique, quelques jours avant la déclaration d’hier de Netanyahou.

Shehada explique qu’aujourd’hui, Abou Shabab travaille en sa nouvelle qualité de chef de sa “force nationale” rebaptisée, composée de membres de gangs, pour piller l’aide sous la protection de l’armée israélienne, surveiller les forces de résistance en son nom et sécuriser l’aide destinée au Fonds humanitaire de Gaza (GHF), soutenu par les USA et Israël, qui est le sous-traitant usaméricain chargé d’acheminer l’aide aux Palestiniens à la place de l’ONU.

Les centres de distribution du GHF ont été le théâtre de plusieurs massacres par les forces israéliennes au cours des deux dernières semaines, les groupes d’aide internationaux accusant le plan d’aide de la Fondation de faire partie d’un « plan de nettoyage ethnique ».

Aujourd’hui, le groupe d’Abou Shabab est recruté au service de ce plan. Selon Shehada, l’armée israélienne semble avoir confié à Abou Shabab une autre tâche : établir des “camps de concentration” à Gaza et former une “force de sécurité” fantoche que les FDI placeront à la tête des zones qu’elles ont dépeuplées pour en faire leur milice par procuration contre le Hamas.

Confirmant apparemment cet objectif, la page Facebook d’Abou Shabab a publié une vidéo apparemment commentée par sa voix, appelant les habitants de la partie orientale de Rafah à rentrer chez eux. « Des médicaments, de la nourriture, des abris et la sécurité ont été fournis », entend-on. « Nos forces populaires travaillent en toute légitimité palestinienne et en coordination avec les canaux officiels ».

Le reste de la vidéo contient un montage des hommes d’Abou Shabab distribuant de l’aide aux habitants de l’est de Rafah, suivi d’un narrateur décrivant comment les Forces populaires affrontent le Hamas - appelé “le gouvernement du statu quo” - tout en abritant dans des tentes des centaines de familles de l’est de Gaza, auxquelles elles ont fourni une aide gratuite.

Il semblerait que les appels lancés par les “Forces populaires” aux civils pour qu’ils se déplacent vers ces zones de Rafah, associés à la coordination d’Abou Shabab avec la GHF, s’inscrivent dans la droite ligne du plan de Netanyahou d’utiliser l’aide comme appât pour attirer les Palestiniens dans des camps de concentration isolés, dans le but de les déplacer de force de Gaza par le biais d’une soi-disant “migration volontaire” De plus, il apparaît qu’Israël a maintenant recruté une milice autochtone de harkis pour mettre en œuvre ce plan.


Bandeau de la page “Forces populaires” de Yasser Abou Shabab sur X

Clash des clans

Malgré les efforts d’Abou Shabab pour se présenter comme un leader nationaliste, le 31 mai, sa famille à Gaza a publié un communiqué annonçant qu’elle reniait “notre fils Yasser” le lendemain de la diffusion de la vidéo des Brigades Qassam, se distançant ainsi de toute association avec lui.

« Nous avons été choqués, comme le reste du public, lorsque la Résistance a diffusé des images montrant le groupe de Yasser engagé dans un dangereux travail de sécurité, participant même en tant qu’agents infiltrés », peut-on lire dans la déclaration. « Nous le poursuivrons et le tiendrons pour responsable par tous les moyens nécessaires et nous ne lui permettrons pas de salir la réputation de notre famille. Il nous a trompés pendant trop longtemps ».

Mais maintenant que Netanyahou a publiquement admis avoir “activé” des clans à Gaza pour s’opposer au Hamas, la résistance palestinienne dans la bande de Gaza devrait se battre sur un autre front “interne” contre une collaboration pure et simple.

Au cours des derniers mois, les pillages endémiques résultant du ciblage par Israël des forces de sécurité de Gaza ont conduit plusieurs familles de Gaza à appeler les clans à former des “comités populaires” pour l’autodéfense contre les voleurs, comme en témoignent des déclarations des clans Madhoun et al-Ghoul au début du mois de mai. Certains de ces appels préconisaient ouvertement que les familles soient armées.

À peu près au même moment, des hommes armés appartenant à la famille al-Ghoul sont apparus dans la zone de l’hôpital de réhabilitation Hamad, financé par le Qatar, dans la ville de Gaza, affirmant être des volontaires pour protéger l’hôpital contre le pillage. Mais le groupe s’est rapidement dissipé et, depuis, le clan al-Ghoul a publiquement affirmé son attachement à l’État de droit.

« Nous avons formé un groupe armé pour protéger l’hôpital qatari parce que des voleurs étaient sur le point de le piller, et nous l’avons sécurisé », a déclaré Yousri al-Ghoul, l’un des représentants de la famille, à Mondoweiss à la mi-mai. « Après cela, une unité de sécurité a été créée par le gouvernement pour protéger les biens publics, et nous nous nous sommes donc mis en retrait ».

« Tout ce que nous voulons, c’est la sécurité à Gaza », a ajouté al-Ghoul.

Husni al-Mughni, chef la Haute Commission aux affaires tribales dans la bande de Gaza, a déclaré à Mondoweiss en mai qu’“aucun comité familial armé n’a été formé”, ajoutant que les clans de Gaza « rejettent l’armement des clans, qui doivent donner la priorité à la paix sociale ».

« Nous nous battons maintenant pour de l’eau, de la nourriture et des tentes. Si les familles s’arment, toutes nos batailles deviendront internes », a ajouté al-Mughni.

Yasin al-Madhoun, un autre chef de clan, admet que certains membres de sa famille ont peut-être discuté de la formation d’un groupe armé, mais que la famille n’a pas officiellement pris une telle mesure.

« La famille n’a pas décidé de former des unités armées, mais nous voulons maintenir la sécurité dans la bande de Gaza », nuance al-Madhoun. « Si le gouvernement s’effondre ou s’il y a un manque de sécurité dans la bande de Gaza, nous devons exiger une force pour maintenir la sécurité et remplacer le gouvernement pour combler le vide sécuritaire. Ce n’est pas une exception dans la bande de Gaza. Partout où le gouvernement tombe, des comités populaires sont formés pour protéger la société ».

Des membres de l’unité Sahm ont déclaré à Mondoweiss qu’ils empêcheraient ces familles de s’armer, car elles seraient alors cooptées par Israël au service de ses objectifs génocidaires.

« Nous affronterons les familles qui s’armeront, et ce n’est pas une question pour la seule unité Sahm, mais ça concerne toutes les familles de la bande de Gaza », a dit Abou Islam, l’un des membres de l’unité Sahm qui s’est entretenu avec Mondoweiss. « Toutes les familles doivent se tenir aux côtés de l’unité Sahm et de toutes les unités de police pour endiguer la propagation du chaos ».

Abou Islam a ajouté que de nombreuses familles ont rejeté ces appels. « La tentative d’armer les familles et de transformer la loi en règle tribale a échoué, car les familles ont assumé leurs responsabilités et rejeté cette offre de l’occupation », dit-il.

Près d’un mois plus tard, la bande armée d’Abou Shabab a pris un nouveau nom - “forces populaires” - et vise à combler le vide sécuritaire créé par Israël en démantelant les institutions civiles de Gaza. Elle a notamment pour mission de distribuer de l’aide aux habitants afin de gagner le soutien de la population et d’assurer l’acheminement de l’aide vers les sites de la GHF.

« Ce n’est un secret pour personne que l’occupation a traqué tous les éléments des forces de sécurité, car ils représentent le soutien au maintien du front intérieur, ce qui est en contradiction directe avec les objectifs de guerre [de l’armée israélienne] », a déclaré la source de sécurité de la résistance qui s’est entretenue avec Mondoweiss. « Son objectif est de créer le chaos à Gaza pour se venger des civils, parce qu’ils se rallient à la résistance », a ajouté la source.