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21/06/2023

OFER ADERET
Révélations sur les efforts de la milice sioniste Lehi (Groupe Stern) pour convaincre les nazis de l’aider dans son combat pour un “État juif totalitaire”

Ofer Aderet, Haaretz, 21/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La Haganah a interrogé des membres du Lehi* en 1942 - et les transcriptions récemment publiées mettent en lumière un chapitre sombre de l’histoire de la milice d’extrême droite : « Stern a dit qu’en temps de guerre, il n’y a pas de place pour les sentiments ».

Avraham “Yair” Stern, chef de la milice du Lehi, et les documents récemment révélés. Montage photo : Aron Ehrlich

En 1942, des combattants de la Haganah ont enlevé Efraim Zetler, membre de la milice du Lehi, devant la maison de son père à Kfar Sava. « Ils l’ont conduit en voiture pendant une heure... en le tenant, en lui bandant les yeux et en lui liant les jambes », a raconté son père plus tard. « En chemin, ils ont changé de voiture, puis l’ont emmené dans un verger et dans une usine d’emballage où ils l’ont assis sur des cartons vides, les yeux bandés ». Au cours des vingt jours suivants, Zelter, âgé de 18 ans, a été interrogé sur son rôle dans le groupe extrémiste, dirigé par Avraham "Yair" Stern, qui sera tué par les Britanniques plus tard dans l’année.

Les transcriptions de l’interrogatoire de Zetler, qui ont été rendues publiques le mois dernier par les archives de l’État d’Israël, contiennent des informations sur un chapitre sombre de l’histoire de Lehi, à savoir ses liens avec l’Allemagne nazie.

« Nous communiquerons avec toute puissance militaire prête à aider à l’établissement du royaume d’Israël, même s’il s’agit de l’Allemagne », déclare Zetler aux interrogateurs stupéfaits. « La seule condition est que nous recevions des armes, afin de pouvoir nous rebeller contre les Anglais », a-t-il ajouté.

« Si l’Allemagne accepte de nous aider à combattre l’ennemi numéro 1, les Anglais, nous ferons équipe avec elle »,  a-t-il poursuivi en disant à propos de l’Allemagne : « Ce n’est pas un ennemi des Juifs en Israël » : Le Lehi coopérerait avec elle si elle aidait les clandestins à « obtenir cette terre ».

« Nous devons nous battre contre les Anglais... Je crois que c’est la voie à suivre. L’Angleterre est notre ennemi" » a-t-il ajouté.


Combattants de la Haganah dans la forêt Balfour [créée par des colons sionistes en 1928]. Photo : Zoltan Kluger / GPO

L’interrogatoire de Zetler a eu lieu environ deux semaines après la conférence de Wannsee à Berlin, au cours de laquelle les responsables nazis ont discuté de la mise en œuvre de la solution finale. Quatre-vingt-un ans plus tard, il est encore difficile de comprendre comment les Juifs de la Terre d’Israël ont pu croire à l’enrôlement de l’Allemagne nazie dans la lutte pour “libérer la patrie” de la tutelle britannique.

L’idée avait été évoquée pour la première fois deux ans plus tôt par Stern, le chef du Lehi qui prônait une résistance violente à la domination britannique. Son point de vue contrastait avec celui de la majorité du Yishuv, qui avait abandonné la lutte contre les Britanniques lorsque la Seconde Guerre mondiale avait éclaté pour se joindre à la lutte contre leur ennemi commun, l’Allemagne nazie.

« Une stratégie kasher qui se solde par un échec est mauvaise ; une stratégie “erronée” qui se solde par une victoire est la plus strictement kasher de toutes », expliquait Stern.

Un pacte avec le Reich allemand

Fin 1940, des agents du Lehi rencontrent un fonctionnaire du ministère allemand des Affaires étrangères à Beyrouth. Le document qu’ils présentent propose, entre autres, une coopération entre la milice juive et les nazis. Il propose la « participation active du Lehi à la guerre aux côtés de l’Allemagne », citant un “partenariat d’intérêts” entre « la vision allemande du monde et les véritables aspirations nationales du peuple juif ».

Le document précise également que « la création de l’État juif historique sur une base nationale totalitaire, dans une relation d’alliance avec le Reich allemand, est compatible avec la préservation de la puissance allemande ».

Les nazis ne prennent pas la peine de répondre. À l’époque, ils préfèrent Haj Amin al-Husseini, le mufti palestinien de Jérusalem, qui s’est réfugié en Allemagne pour fuir les Britanniques et tente d’enrôler les Arabes dans le soutien à Hitler. Haj Amin espérait que le chef allemand les aiderait à chasser les Britanniques.

Efraim Zetler : «  Nous communiquerons avec toute puissance militaire prête à aider à l’établissement du royaume d’Israël, même s’il s’agit de l’Allemagne ». Photo : Lehi Heritage Association

Contrairement aux nazis, la Haganah était très intéressée par les tentatives du Lehi de se lier d’amitié avec l’Allemagne. Deux dossiers des archives de la Haganah, intitulés « L’Irgoun et le Lehi avec les puissances de l’Axe (Seconde Guerre mondiale) » ont été rendus publics le mois dernier.

« Vous ne vous souciez pas du fait que l’ensemble du Yishuv [communauté juive de la Palestine mandataire], à l’exception de votre bande, s’oppose à votre façon de faire ? », demande l’interrogateur, ce à quoi Zetler répond : « Le Yishuv a-t-il jamais voulu connaître notre philosophie ? Il est facile de nous traiter d’assassins ». Il ajoute qu’il considère Stern comme un “prophète”.

Zetler était le frère cadet de Yehoshua, l’un des principaux responsables des opérations du Lehi. Après que la Haganah a terminé son enquête, il a été libéré, mais a ensuite été arrêté par les Britanniques et envoyé dans des camps d’internement au Soudan, en Érythrée et au Kenya. Après la création de l’État d’Israël, il est revenu, s’est engagé dans les Forces de défense israéliennes et a participé à la guerre d’indépendance. En 1950, il a été tué par une mine terrestre.

À peu près au même moment où Efraim a été interrogé, un autre membre de la milice, Yaakov Hershman, a également été kidnappé par la Haganah et interrogé dans un verger. Il fut interrogé sur les valeurs idéologiques fondamentales du Lehi, comme il l’avait entendu de Stern. « Nation, pays, patrie et alliés », répondit-il.


Yaakov Hershman : « Le but de l’organisation est de régner ». Photo : Lehi Heritage Association

Un interrogateur lui a alors demandé ce qu’il entendait par “alliés”, ce à quoi Hershman a répondu : « Des forces extérieures qui sont prêtes à nous aider à résoudre par la force des armes la question des Juifs en Terre d’Israël ». Lorsqu’on lui a demandé de préciser, il a expliqué : « Le but de l’organisation est de régner. Les Britanniques règnent aujourd’hui.... Qui aurait certainement intérêt à ce que l’Angleterre ne soit plus là ? ». Il a ensuite cité ceux qui pourraient l’aider, parmi lesquels “l’Axe”.

À ce moment-là, l’interrogateur a demandé à Hershman : « Cela ne signifie-t-il pas que [Stern] vous prépare à jouer le rôle de Quisling en Terre d’Israël ? » Il faisait référence à Vidkun Quisling, le premier ministre norvégien pendant l’occupation allemande, qui a collaboré avec les occupants nazis. Son nom est devenu un synonyme de “collaborateur” ou de “traître”.

Hershman a répondu : « Peut-être ».

L’interrogateur continue sur sa lancée. « Comment expliquez-vous que vous puissiez accepter cette idéologie ? C’est difficile à comprendre. Une personne prépare les juifs, les sionistes, à la venue de l’ennemi numéro 1 du peuple juif, à entrer en contact avec cet ennemi et à recevoir de lui le pouvoir de gouverner ? »

Hershman répond : « Ce sont des hommes dévoués à une idée qu’ils pensent être juste. Ils considèrent que la prise du pouvoir est le moyen de résoudre la question juive de la manière qu’ils pensent être la bonne, par la force des armes... peu importe la manière dont ils utilisent cette force ».

Flirt avec l’Axe

Yaacov Poliakov, fondateur et officier supérieur du Lehi, a raconté à ses interrogateurs de la Haganah une réunion qu’il avait eue avec Stern. « Stern nous a parlé de la question des relations... Il voulait lancer des appels d’offres... et il nous a dit que nous devrions tendre la main, sous certaines conditions, aux pays étrangers.... pour qu’ils donnent de l’argent et des armes aux Juifs ».

Yaacov Poliakov, fondateur et officier supérieur de la milice Lehi. Photo : Lehi Heritage Association

Selon Poliakov, Stern « a donné un exemple de la guerre précédente » - la Première Guerre mondiale - en disant que « les Juifs se sont battus pour l’Angleterre et, dans le même temps, quelqu’un négociait avec l’Allemagne au cas où elle gagnerait ».

Poliakov a cité une réunion avec Stern. « Nous l’avons bombardé de questions : S’il y a des pays que vous avez à l’esprit, ce sont bien l’Allemagne et l’Italie, qui persécutent les Juifs. Il nous a répondu qu’en temps de guerre, il n’y avait pas de place pour les sentiments : Il faut travailler avec ceux qui donnent de l’argent et des armes. ...Il a également dit que la plupart des Juifs travaillaient avec les Anglais, pourquoi ne pas passer un accord avec un pays ennemi de l’Angleterre, et au cas où [l’Allemagne] gagnerait, tout se passerait bien ».

Poliakov a ajouté que la milice de l’Irgoun avait également envisagé de coopérer avec l’Allemagne nazie. Il a affirmé que Ya’akov Meridor, commandant de l’Irgoun de 1941 à 1943 et plus tard membre de la Knesset et ministre du Likoud, lui avait dit : « Nous avons nous-mêmes essayé - nous avons commencé. Nous avons perdu nos liens avec l’Allemagne. Nous ne voyons rien de mal à entretenir des relations avec l’Axe. Si cela peut nous apporter l’indépendance, nous sommes prêts à passer un accord avec le diable en personne ». Même l’“élite” de l’Irgoun avait “flirté avec l’Axe”, a déclaré Poliakov à ses interrogateurs.


Place du Lehi à Petah Tikva, avec le salut de la milice. Photo : Dr. Avishai Teicher

Les nazis n’étaient pas les seuls partenaires que la droite sioniste de la Palestine mandataire avait recherchés pendant la Seconde Guerre mondiale. L’un des documents récemment sortis des dossiers de la Haganah s’intitule “Sur l’orientation italienne”.

On peut y lire : « Un homme a été informé par ses connaissances du parti révisionniste [de Jabotinsky, ancêtre du Likoud, NdT] qu’il existe un courant au sein du parti qui veut renforcer les liens avec les Italiens, parce que la victoire du fascisme est garantie, de sorte que nous devons nous préparer à la possibilité d’une coopération avec l’Italie plus tard. Ils envisagent de faire la différence entre Hitler et Mussolini dans ce domaine ».

Le document, qui n’est pas signé et ne contient pas d’autres détails, affirme que les principaux partisans de cette croyance étaient le poète et futur député du Hérout, Uri Zvi Greenberg, et Abba Ahimeir, l’un des leaders idéologiques de la droite. Le document affirme également que Zvi Mareseh, qui était responsable des finances du Lehi, a déclaré “lors d’une fête privée” que « ce ne serait pas terrible si les Italiens occupaient le pays. Nous pouvons conclure un accord avec eux ».

Un autre membre du Lehi interrogé par la Haganah était Menachem Berger, qui devint plus tard le chef de l’Association du Barreau d’Israël. Au cours de son interrogatoire, il a déclaré que “plusieurs amis” avaient parlé “de contacts avec l’Axe”, parmi lesquels Stern lui-même et Yitzhak Shamir, un membre du Lehi qui devint plus tard premier ministre d’Israël. Cependant, Berger a déclaré que lorsqu’il a montré de l’intérêt pour cette question, on lui a répondu : « Il ne s’est rien passé, sauf une tentative de contact qui a échoué ».

NdT

*Le Lehi (acronyme hébreu pour Lohamei Herut Israel, “Combattants pour la liberté d’Israël”, baptisé par les Britanniques The Stern Gang (La bande à Stern/Le Groupe Stern) fut un groupe paramilitaire sioniste actif entre 1940 et 1948. Auteur de nombreux attentats contre les Britanniques et les Palestiniens, il fut dissous en 1948 par le jeune État israélien pour avoir assassiné le comte Folke Bernadotte, médiateur spécial des Nations Unies en Palestine et le colonel français Sérot, chef des observateurs des Nations Unies. Après la mort de son premier dirigeant Avraham “Yair” Stern en février 1942, l’organisation fut dirigée par un triumvirat : Yitzhak Shamir, futur Premier ministre israélien, Israël Eldad et Nathan Yalin Mor. La nouvelle direction réorienta l’idéologie de l’organisation dans un sens se voulant “anti-impérialiste” et en soutien de l’Union soviétique. La milice se transforma en un éphémère “Parti des combattants” qui eut un député à la Knesset. Après sa dissolution, une partie des membres rejoignit le parti Hérout, certains comme Nathan Yalin Mor, le Parti communiste. Yitzhak Shamir ira, lui, au Mossad, puis au Hérout, avant de devenir Premier ministre. Le tireur du commando ayant assassiné Bernadotte, Yehoshua Cohen, deviendra le garde du corps personnel de Ben Gourion après le retrait de celui-ci de la vie politique dans le kibboutz de Sde Boker. En 1980 Le gouvernement de Menahem Begin a institué le ruban des anciens du Lehi, qui peut être attribué officiellement à tous les anciens membres qui souhaitent le porter. On peut le trouver en vente sur ebay pour 200 $ ou 160 £…


 

 

23/04/2023

YOSSI VERTER
Préparez-vous à une “fête de l’indépendance” d’Israël à la nord-coréenne

Yossi Verter, Haaretz, 21/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si un chef de l’opposition ou un membre de la Knesset envisageait encore d’assister à la cérémonie d’allumage des torches du Jour de l’Indépendance, la conférence de presse pénible de la ministre des Transports Miri Regev a résolu la question. « La cérémonie est organisée par le gouvernement, pas par la Knesset ! Le président de la Knesset est un invité », a-t-elle menti, foulant aux pieds une tradition vieille de plusieurs décennies qui n’a été interrompue que sous l’ère du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Cela fait partie du codex de base de madame la ministre.

Netanyahou, entre Ohana, président de la Knesset, et Herzog, président d’Israël, au Mémorial Yad Vashem il y a quelques jours. Photo Emil Salman

« Un message vidéo du premier ministre, c’est la coutume », a-t-elle déclaré, continuant à déformer la réalité. « Tous ceux qui agissent contre la loi ne seront pas là ». Foutaises. Aucune loi n’interdit de protester lors de cérémonies. Et pourtant. Si cela ne tenait qu’à elle, pour le jour de l’indépendance, il y aurait une loi spécifique prévoyant des peines de prison pour les personnes qui protesteraient lors de son événement, comme elle l’a dit en termes très clairs.

Elle a laissé planer la possibilité que, “dans des circonstances extrêmes”, la diffusion en direct soit interrompue au profit d’une vidéo de la répétition générale. Jusqu’où peut-on aller dans la ringardise ? Cela aurait pu fonctionner en 2004, lorsqu’elle était cheffe de la censure militaire un poste qui constituait dans une large mesure l’apogée de ses capacités. En réalité, il est tentant de la mettre à l’épreuve. Après tout, dès que la diffusion en direct sera interrompue, des centaines de smartphones sortiront et commenceront à filmer. En quelques secondes, les vidéos seront diffusées sur tous les réseaux sociaux, deviendront virales et seront diffusées dans les journaux télévisés en Israël et à l’étranger. Bien entendu, en temps réel, toutes les chaînes de télévision qui se respectent cesseront de diffuser la cérémonie enregistrée. Eh bien, voyons l’ancienne censeure vaincre le progrès.

La ministre des Transports Miri Regev lors d’une célébration de Pourim le mois dernier. Photo David Bachar

Tout·e politicien·ne ou personnalité publique qui s’oppose à la fameuse réforme judiciaire et à l’avilissement continu de la bonne gouvernance doit rester à l’écart de la cérémonie cette année. C’est malheureux, mais c’est le prix de la réalité. La cérémonie d’allumage des torches, sirupeuse et kitsch, fait l’objet d’un extraordinaire consensus israélien. Mais même l’extraordinaire tourne au vinaigre cette année. La coalition qui prend la démocratie en otage et menace de la détruire s’est également emparée de la cérémonie nationale et l’a déshonorée avant même qu’une seule image n’ait été diffusée.

Il n’y a rien non plus dans les tribunes du Mont Herzl pour les juges de la Cour suprême qui sont constamment menacés et calomniés par les ministres du gouvernement et les députés de la coalition. Il n’y a rien non plus pour la procureure  générale en chef. Faites confiance à Regev pour remplir les rangées au centre du balcon avec des membres du comité central du Likoud, qui applaudiront et agiteront des drapeaux chaque fois que la caméra sera braquée sur eux.

Lors de la cérémonie de 2021, Mme Regev a été surprise en train de faire des gestes frénétiques avec ses mains pour diriger le caméraman. Un an plus tard, la raison est revenue sur le Mont. La ministre de la Culture et des Sports, Chili Tropper, a organisé une cérémonie exprimant la beauté, l’ouverture et la tolérance d’Israël [sic]. Le Premier ministre Naftali Bennett a annoncé à l’avance qu’il ne ferait pas d’entrée “impériale” et dandy avec son épouse, qu’il ne prononcerait pas de discours et qu’il n’enverrait pas de vidéo. Il s’assiérait avec sa famille dans le public et rien d’autre.

La cérémonie du Jour de l’Indépendance au Mont Herzl à Jérusalem l’année dernière. Photo Ohad Zwigenberg

Ce fut un rare moment de grâce. Mais au fond de nous, nous savions que le gouvernement avait perdu sa majorité à la Knesset et que pour le 75e anniversaire de l’indépendance de l’État, il y avait de fortes chances que la normalité revienne à North Korea Productions, Inc. la société de production de la famille Netanyahou, et à son mégaphone obséquieux, Miri Regev, l’organisatrice d’événements personnels pour La Familia, les hooligans racistes du Beitar Jérusalem.

Les flambeaux seront allumés à la fin du Jour du Souvenir, qui se déroulera également à l’ombre des “réformes” destructrices et du profond fossé que le gouvernement d’extrémistes et de racistes a creusé dans cette nation. Des milliers de familles endeuillées ont exprimé leur désir de se recueillir auprès de leurs proches sans la participation de politicien·nes. Le ministre de la Défense Yoav Gallant a refusé ces demandes. Il a comparé la non-présence des politicien·nes à un “pliage du drapeau israélien”. Selon un reportage de Kan 11 News, Gallant a conseillé à une fille endeuillée qui lui demandait, en tant que responsable du ministère qui organise les cérémonies dans les cimetières militaires, d’empêcher la participation des hommes politiques de “venir la veille” du jour du souvenir - comme si la cérémonie appartenait aux ministres du gouvernement et aux membres de la Knesset, et que les familles endeuillées n’étaient que des invités.

Gallant est apparemment en train de se frayer un chemin vers le cœur de la droite, après l’épisode troublant qu’il a vécu avec l’annonce de sa destitution qui n’a pas eu lieu. L’idée qu’une bande de réfractaires [au service militaire], d’ultra-orthodoxes et d’hyper-orthodoxes nationalistes dirigés par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui n’a pas été appelé sous les drapeaux en raison de son passé violent, participeront aux cérémonies, fait froid dans le dos.

Et ils ne seront pas les seuls : La ministre de la Diplomatie publique, Galit Distal Atbaryan, qui a traité les pilotes de lâches, le ministre des Communications, Shlomo Karhi, qui les a invités à aller se faire voir, la ministre des Transports, Miri Regev, qui qualifie les manifestants, y compris les parents, frères et sœurs et enfants endeuillés, de “privilégiés” et d’“anarchistes”, le ministre de N’importe quoi David Amsalem, qui exige que la présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, et l’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak, soient jugés pour “tentative de renversement du gouvernement"”et qui incite réellement à les blesser physiquement.

Cérémonie du jour du souvenir à Givatayim, dans la banlieue de Tel-Aviv, en 2021. Photo Hadas Parush

C’est ce qui a engendré les manifestations en face de la maison de Barak, où les bibiistes et les amsalémites exigent qu’il soit placé devant un peloton d’exécution et lui souhaitent des morts étranges et variées. Ils n’ont aucune raison au monde de manifester en face du domicile d’un juge à la retraite de 86 ans qui a quitté la magistrature en 2006, si ce n’est la diffamation et la délégitimation dont des types comme Amsalem sont responsables.

Jeudi, un obscur député likoudnik, un imbécile parmi tant d’autres, a demandé dans une interview à la radio que Barak “démissionne” déjà.

Il était écœurant de voir le premier ministre qui a nommé Amsalem ministre bis de la Justice serrer la main de Hayut lors de la cérémonie de commémoration de l’Holocauste, sans dire un mot sur les propos méprisables de Amsalem. Hayut est déjà suffisamment expérimentée pour le savoir. Elle a encore six mois à subir sa présence hypocrite avant de prendre sa retraite.

Les scènes qui se dérouleront dans tout le pays mardi matin seront difficiles à digérer. Des cimetières, on entendra non seulement le murmure des psaumes, les chants des cantors et les pleurs des cœurs brisés. De certains d’entre eux s’élèvera la voix de la protestation. Il y aura des disputes. Il y aura un cri de douleur à propos d’Israël qui se perdra - et qui, en cours de route, annulera complètement la valeur du sacrifice de nos êtres chers.

Certains pensent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de crier. Il est difficile de contester ce sentiment. Dans l’équation du pouvoir entre le sujet et l’oppresseur, crier est parfois la seule chose qui reste. Ou comme Yehonatan Geffen l’a dit un jour : « Nous voulions changer le monde, mais il n’était pas d’accord. S’il est impossible de sauver le monde, il est possible d’essayer au moins de sauver le monde d’une personne ».

L’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak, devant son domicile de Tel-Aviv, jeudi. Photo Tomer Appelbaum

 Pas d’argent, de la poussière

Avec son retour au pouvoir, Netanyahou a régulièrement ressorti ses discours caractéristiques, mêlant cris de victimes et menaces contre l’Iran. La semaine dernière, c’était lors de la cérémonie de commémoration de la Journée de l’Holocauste. La semaine prochaine, à l’occasion du Jour du Souvenir, nous aurons droit à une nouvelle interprétation. Cela fait plus d’un quart de siècle qu’il met l’Iran en garde, et pendant ce temps, l’Iran a continué à étendre sa portée, à devenir plus puissant et plus avancé dans ses capacités nucléaires. Depuis l’arrivée au pouvoir du dernier gouvernement de Netanyahou, l’Iran a également noué des liens diplomatiques avec les pays du Golfe et avec l’Arabie saoudite, avec laquelle Netanyahou souhaite ardemment signer un accord de normalisation.

Comme toujours, ses discours visent surtout à semer la peur et l’inquiétude dans le cœur des Israéliens, ainsi que la conviction qu’il est le seul à pouvoir nous sauver. Les Iraniens ont depuis longtemps cessé d’être impressionnés par ses absurdités (si tant est qu’ils l’aient jamais été). Ils n’y croient certainement pas en ce moment, alors que les relations entre Israël et les USA sont au plus bas. Sans pouvoir compter sur l’aide de l’USAmérique pendant et surtout après une frappe israélienne, dans la guerre massive qui en résulterait, Netanyahou n’oserait rien faire. Il n’a aucune légitimité aux yeux du public, l’establishment de la défense se méfie de lui, il est faible à tous égards.

Netanyahou lors de l’entretien accordé à la chaîne CNBC mercredi.

Lors d’une interview accordée cette semaine à la chaîne CNBC et truffée d’astuces et d’affabulations, il a déclaré : « 95 % des problèmes au Moyen-Orient émanent de l’Ira ». Ce qui, soit dit en passant, est aussi sa part de responsabilité dans les problèmes qui n’affectent que le petit Israël. Prenons l’exemple de l’économie, un domaine où la Journée de commémoration de l’Holocauste illustre si douloureusement la façon dont les macro-questions créées par le gouvernement affectent les micro-questions des membres les plus faibles de la société. Alors que le parti Shas était occupé à organiser une réduction morbide sur les concessions funéraires pour les survivants de l’Holocauste - ce qu’Aryeh Dery a gazouillé avec enthousiasme, avant d’effacer rapidement son tweet - cette année, le ministère des Finances a oublié de jeter un maigre os aux survivants. Aucun élément économique destiné à leur venir en aide ne figurait dans le budget de l’État qui a été adopté en première lecture. Ce n’est pas si surprenant, peut-être, quand le prix du partenariat dans la coalition étaient des milliards de shekels qui sont distribués de manière si libérale et irresponsable.

Dery a toutefois eu de la chance, car il a été rapidement dépassé par le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, qui a gazouillé lors d’une visite à Auschwitz, avec une inconscience qui fait froid dans le dos, « Une nation ! Un drapeau ! Un État ! » - une déclaration qui ressemble fort au slogan du parti nazi [“Ein Volk ; ein Reich, ein Führer”]. Cette déclaration rappelle la maladresse entourant le slogan original de la campagne électorale ratée de Netanyahou en 1999 : “Un leader fort pour une nation forte”, un autre slogan qui semblait provenir des pisse-copies du Führer. Ce slogan avait rapidement été remplacé par “Un dirigeant fort pour l’avenir d’Israël”.

Aussi lucide que Netanyahou puisse encore être dans certains moments, il doit comprendre qu’il ne peut compter sur aucun gain diplomatique majeur dans un avenir proche. Même s’il opère une volte-face par rapport à la poussée autocratique, il faudra du temps pour réparer les dégâts au niveau national et pour dissiper l’incertitude avec laquelle le monde éclairé et les milieux d’affaires nous considèrent aujourd’hui.


Le ministre de l’éducation Yoav Kisch et son “Une nation ! Un drapeau ! Un État !”

Dans l’interview susmentionnée, Netanyahou s’est comporté comme un vendeur de poudre de perlimpinpin : ce n’est que de la “poussière” (qui va se déposer), a-t-il déclaré avec dédain à propos de la fuite des investisseurs et de l’argent d’Israël, et de tous les indicateurs économiques négatifs qui s’accumulent. « L’argent moins intelligent suit le troupeau... L’argent intelligent arrive, et il gagnera beaucoup d’argent », a-t-il insisté, s’abstenant à peine d’ajouter un clin d’œil “faites-moi confiance” à la fin de cette phrase creuse. Comme il est déconnecté de la sombre réalité de nos vies. Pas étonnant qu’il n’accorde des interviews qu’aux chaînes étrangères, et à sa chaîne nationale, qui accueille chaleureusement ses mensonges.

Accord de plaidoyer 2.0 ?

Le procès de Netanyahou & Co. qui a repris cette semaine après six semaines d’interruption n’a pas suscité beaucoup d’intérêt. Les reportages sur le contre-interrogatoire de l’enquêteur principal de la police dans deux des affaires de corruption ont été relégués au second plan dans les journaux.

Mais pendant la pause, des événements dont l’importance ne peut être exagérée ont eu lieu, surtout lorsqu’ils sont pris ensemble.

Événement 1 : le 27 mars, il a été rapporté que l’avocat de Netanyahou, Boaz Ben Zur, avait lancé un ultimatum à son client : Si la réforme judiciaire est adoptée, il démissionnera de l’équipe de défense.

Le monde judiciaire a été stupéfait par cette grave violation de l’éthique : un avocat déclarant qu’il ne représentera son client, en l’occurrence un premier ministre, que si ce dernier ne met pas en œuvre sa politique. De plus, les tribunaux ne permettent pas aux avocats de se séparer de leurs clients, même si ceux-ci ne les paient pas ou menacent de leur causer des dommages corporels. Les avocats de la défense ne peuvent démissionner qu’avec l’accord des juges.

La décision de Ben Zur (qu’il n’a pas niée) était tellement inédite que les plus suspicieux d’entre nous se sont demandé si elle n’avait pas été coordonnée avec l’accusé pour justifier un recul par rapport au renversement de la démocratie.

Événement 2 : Le 1er avril, Ilana Dayan a rapporté sur Channel 12 News que l’avocat de Shaul Elovitch a proposé une voie alternative dans la partie d’Elovitch des affaires de corruption de Netanyahou : La “médiation judiciaire”. Les avocats de Netanyahou ont rejeté cette proposition ; ils attendront la décision du procureur général Gali Baharav-Miara.

Elovitch est jugé dans l’une des deux affaires dans lesquelles Netanyahou aurait offert des faveurs en échange d’une couverture médiatique positive. La “médiation judiciaire”, quant à elle, est une version aseptisée d’un terme plus explosif : la “négociation de peine” [réduite si l’inculpé plaide coupable, NdT].

Dans ce cas, les négociations sont confiées à un juge à la retraite, avant que la procédure ne revienne au tribunal pour qu’il prenne une décision finale.

 

L’avocat de la défense de Netanyahou, Boaz Ben Zur, au tribunal de district de Jérusalem en janvier.

L’avocat d’Elovitch, Jacques Chen, a-t-il fait cette proposition avec l’accord tacite des avocats de l’accusé n° 1 ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, le sentiment dans le monde judiciaire est qu’une option de plaidoyer a été ressuscitée, après l’accord qui a été presque conclu avec l’ancien procureur général Avichai Mendelblit avant que Mendelblit ne prenne sa retraite en février 2022.

À l’époque, Netanyahou avait accepté de plaider coupable pour deux chefs d’accusation de fraude et d’abus de confiance afin d’éviter une décision de justice pour turpitude morale, qui l’aurait tenu à l’écart de la vie politique pendant sept ans. Le successeur de Mendelblit ne lui aurait jamais proposé un meilleur accord.

Événement 3 : Avant la Pâque, l’accusation et la défense se sont mises d’accord pour réduire considérablement le nombre de témoins de l’accusation - de 300 environ dans l’acte d’accusation à 50 ou 60 environ. Ils ont également convenu de limiter la durée de l’interrogatoire des témoins à une demi-journée ou une journée.

C’est ahurissant. Les avocats de Netanyahou ont utilisé des tactiques dilatoires tout au long du procès et ont scandaleusement fait traîner en longueur l’interrogatoire des témoins. Soudain, un esprit d’efficacité s’est emparé d’eux, comme s’ils étaient pressés de mettre fin à l’affaire.

Quiconque a lu les transcriptions des interrogatoires du Premier ministre par la police, avec leurs nombreuses contradictions et détours, est conscient du danger qui guette Bibi s’il se présente à la barre des témoins.

Les disciples stupides de Channel 14 et de la radio Galey Yisrael essaieront de faire croire que l’accusé a écrasé l’accusation, mais les décisions de justice ne sont pas écrites dans les studios. Et lorsque l’accusé, qui a la réputation d’un menteur avide et manipulateur, devra répondre aux procureurs, son charme douteux s’évaporera.

Après la limitation de la durée des témoignages, combien de temps reste-t-il avant son propre témoignage ? Les observateurs parlent de huit à dix mois. Théoriquement, un accord de plaidoyer coupable pourrait être signé juste une minute avant la décision du tribunal. En pratique, la date limite se situe juste avant que Netanyahou ne soit appelé à témoigner.

Si et quand une négociation de peine revient à l’ordre du jour, la situation sera très différente de ce qu’elle était au début de l’année 2022. L’épée que Netanyahou tient en travers de la gorge du pouvoir judiciaire est encore brûlante. À l’époque, il était le chef de l’opposition. Aujourd’hui, il est non seulement le Premier ministre le plus dangereux de notre histoire, mais aussi le plus imprévisible.

Certains disent que son fils, exilé à Porto Rico en compagnie du milliardaire du jour, veut faire de son père le martyr de la droite et qu’il exploitera le processus à fond. Difficile de savoir ce qui se passe dans ce panier de crabes. Mais conclure un tel accord dans une biosphère aussi démente n’est pas simple du tout.

Le fantôme de Ben-Gourion

Les dirigeants ultra-orthodoxes qui cherchent à protéger la sous-culture consistant à échapper au service national militaire ou civil invoquent souvent David Ben-Gourion. Après la guerre d’indépendance, le premier Premier ministre israélien a exempté 400 étudiants de yeshivas de l’armée à condition qu’ils étudient la Torah.

Ce nombre a fini par atteindre des proportions monstrueuses, et toute prudence a été abandonnée lorsque le Likoud est arrivé au pouvoir en 1977. Aujourd’hui, nous souffrons d’un manque d’égalité honteux et de tentatives de l’inscrire dans la loi.


David Ben-Gourion, qui a fini par regretter sa décision de laisser les ultra-orthodoxes échapper au service militaire. Photo : Daniel Rosenblum/Starphot

Cette semaine, un lecteur m’a envoyé une photocopie d’une lettre que Ben-Gourion a écrite en septembre 1963 à son successeur après son second mandat, Levi Eshkol. Cette lettre est parue moins de trois mois après que le Vieux Lion se fut retiré à Sde Boker, dans le sud du pays.

Le contexte : de violentes émeutes provoquées par des factions extrémistes ultra-orthodoxes. Il ressort de cette lettre que Ben-Gourion n’était pas à l’aise avec sa décision initiale, ou du moins qu’il en mesurait les conséquences pour la société israélienne.

Voici la lettre, avec quelques coupures : « Le comportement sauvage des fanatiques devient complètement incontrôlable, et je pense que j’en suis responsable dans une mesure qui est déjà connue : j’ai exempté les garçons de yeshiva du service militaire.

« Bien que je l’aie fait lorsque leur nombre était faible, ils se multiplient et, dans leur déchaînement, ils représentent un danger pour l’honneur de l’État. ... Je propose que tout garçon de yeshiva âgé de 18 ans et plus qui est pris en train de participer à un rassemblement illégal, de jeter des pierres, de se livrer à une émeute contre des citoyens ou de s’engager dans tout autre acte de violence et d’intimidation soit immédiatement incorporé dans l’armée, où il servira pendant 30 mois comme n’importe quel autre jeune en Israël - non pas dans une position religieuse, mais comme simple soldat.

« De même, il pourrait être nécessaire d’examiner si les étudiants de yeshiva devraient être exemptés d’une obligation militaire. Mais les contrevenants ne méritent absolument pas ce privilège douteux ».

L’historien Michael Bar-Zohar, qui a écrit plusieurs livres sur Ben-Gourion, m’a dit cette semaine que le vieil homme ne regrettait pas sa décision initiale concernant les 400 étudiants de yeshiva. « Nous en avons parlé à plusieurs reprises. Il respectait le monde de la Torah. Le problème, c’est qu’ils ont fait en sorte que ce nombre soit beaucoup plus important ».

Peut-être était-il difficile pour Ben-Gourion de reconnaître son péché originel, qu’il a eu trop peur de corriger pendant une décennie et demie. Mais il ne fait aucun doute qu’il a compris qu’il s’agissait d’une erreur.

Tant qu’il y avait un semblant d’efforts pour remédier à ce problème, même s’il ne s’agissait que de comités et de propositions qui traînaient en longueur - les Israéliens qui servaient dans l’armée et payaient des impôts étaient prêts à l’avaler. Le gouvernement cauchemardesque actuel ne se contente pas d’esquiver une solution au problème, il rend le péché permanent. Il l’aggrave et le légitime.

Le dernier délai fixé par la Cour suprême est le 29 mai. Les ultra-orthodoxes veulent mettre de l’ordre dans ce coin-là une fois pour toutes, sans interférence supplémentaire de la part de la Cour. Netanyahou a des problèmes bien plus graves que les philosophailleries de Ben-Gourion ; il a des acolytes qui réclament du grisbi.

ALLISON KAPLAN SOMMER
Pourquoi Netanyahou a choisi une “fière raciste” pour représenter Israël à New York

Allison Kaplan Sommer,  Haaretz, 20/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si elle avait choisi une autre voie politique, May Golan - la députée d’extrême droite du Likoud à la Knesset que le Premier ministre Benjamin Netanyahou veut nommer consule générale à New York* - aurait pu être considérée par la plupart des Israéliens comme une figure de Cendrillon inspirante : une jeune femme défavorisée qui a réussi.

May Golan et Itamar Ben-Gvir au poste de police de Kafr Qasem en 2021. Photo Moti Milrod

Golan, 36 ans, a commencé son parcours au plus bas de l’échelle socio-économique israélienne, élevée par une mère célibataire dans l’un des quartiers les plus pauvres du sud de Tel-Aviv, gangrené par la drogue et la criminalité.

Elle a fait irruption dans la conscience publique à un jeune âge, en apparaissant à la télévision à une heure de grande écoute en 1996 en tant qu’invitée âgée de 10 ans. Lors de cette émission, elle a parlé de sa vie et a ensuite été sélectionnée pour fréquenter une école secondaire prestigieuse de l’autre côté de la voie ferrée, dans le nord de la ville. C’est là, a déclaré Golan, que sa volonté de devenir une femme politique a été marquée de manière indélébile par le racisme auquel elle a été confrontée de la part de ses camarades de classe ashkénazes privilégiés, qui la “détestaient” et lui “faisaient vivre un enfer”, la qualifiant de “sale et contaminée”. [sa mère est née en Irak, NdT]

Cette expérience n’a cependant pas déclenché de sympathie pour tous les éléments des classes opprimées, et l’a lancée dans la direction de Marjorie Taylor Green [blondasse facho, représentante de Géorgie au Congrès US, NdT] plutôt que dans celle d’Alexandria Ocasio-Cortez [brunette hispanique, membre socialiste démocrate du Congrès]

Lorsque les caméras filment les cris rauques des membres likoudniks de la Knesset attaquant l’opposition, Golan est souvent au centre, augmentant parfois les insultes avec des sons d’animaux - comme lorsqu’elle s’est mise à glousser et à traiter sa collègue députée de “poule caquetante”.

Il y a dix ans, Golan s’est fait un nom en tant que jeune opposante très active sur les réseaux sociaux à ce qu’elle appelait “l’infiltration” de son quartier par des demandeurs d’asile originaires du Soudan et de l’Érythrée. Elle les a qualifiés de violeurs, de voleurs et de “groupe terroriste à tous points de vue” dans ce qu’elle a présenté comme une bataille pour son quartier contre les demandeurs d’asile et les “groupes gauchistes” qui les soutiennent.

Golan a rapidement fait cause commune avec les franges les plus extrêmes de la droite politique, d’abord avec les militants qui allaient devenir le parti Otzma Israel - dont l’actuel ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et ses comparses encore plus à droite, Baruch Marzel et Michael Ben-Ari - où elle a été placée au 10e  rang sur leur liste pour la Knesset en 2013.

Lors d’un rassemblement contre les réfugiés, elle s’est exclamée : « Si je suis raciste pour préserver ma vie, alors je suis fière d’être raciste ». Elle a également déclaré qu’elle ne mangerait pas dans un restaurant qui emploie des travailleurs africains parce qu’ « un infiltré sur trois a le sida ou la tuberculose ». Elle a en outre déclaré que ce fut un “grand honneur” de prendre la parole lors d’un rassemblement à la mémoire du rabbin Meir Kahane et que “le fait d’être qualifiée de kahaniste ne m’insulte pas le moins du monde”.

Sans abandonner ses opinions extrêmes, elle est passée d’Otzma Yehudit au camp droitier et populiste du Likoud et est entrée à la Knesset en 2020. Récemment, elle a été nommée à la tête d’un nouveau ministère pour la promotion de la femme, ce qui a suscité l’hostilité des féministes. La législatrice a en effet déclaré que “le féminisme radical est un mouvement de haine” et a voté contre une loi visant à aider les victimes de viol et à protéger les femmes de la violence domestique. TikTok a retiré la vidéo d’un discours dans lequel elle attribuait aux décisions de la Cour suprême israélienne concernant les demandeurs d’asile le viol d’une jeune femme à Tel-Aviv, qualifiant le pouvoir judiciaire de « dictature la plus dangereuse qui soit dans cette fausse démocratie dans laquelle nous vivons ».

En l’envoyant à New York pour remplacer Asaf Zamir - le précédent consul général qui a démissionné pour protester contre la “révolution judiciaire” - Netanyahou cherche apparemment à soulager un mal de tête politique. Nommer Golan enlèverait un soldat politique au camp du Likoud qui fait pression sur lui pour qu’il ne fasse pas de compromis sur la refonte judiciaire complète qui déchire Israël, en dépouillant la cour qu’elle méprise tant d’une grande partie de son pouvoir.

Mais le message le plus fort, si Golan est nommée, ne sera pas un message de politique intérieure, il reflétera la façon dont. Netanyahou considère les relations d’Israël avec le camp démocrate usaméricain qui domine la région desservie par le consul général de New York - et auquel appartient la grande majorité des juifs usaméricains.

Golan parle couramment l’anglais, comme le soulignent ses défenseurs.

Mais son aisance n’a aucune chance de jeter des ponts avec le grand nombre d’USAméricains - juifs et non juifs - qui regardent l’Israël de Netanyahou avec un niveau croissant de détresse et d’inquiétude.

NdT
* Selon les médias israéliens, Netanyahou aurait finalement renoncé à nommer May Golan consule à New York, pour calmer l’indignation suscitée parmi les notables juifs et démocrates de New York et effacer la grimace saluant sa décision à Washington