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22/10/2024

Yahya Sinwar, leader du Hamas, est mort
La nécrologie “nuancée” du New York Times

M. Sinwar a gravi les échelons du groupe militant palestinien pour préparer contre Israël l’attaque la plus meurtrière de son histoire 

Ben Hubbard, avec Jo Becker et Abu Bakr Bashir, The New York Times, 17/10/2024
English original

Leer en español

Traduit (fidèlement et sans commentaires) par Fausto Giudice, Tlaxcala (uniquement pour servir de base aux études futures sur le journalisme newyorktimesque en temps de génocide)

Ben Hubbard est le chef du bureau d’Istanbul du New York Times, couvrant la Turquie et une partie des territoires de l’ancien Empire ottoman. Il a étudié l’arabe.

Yahya Sinwar, le leader militant palestinien qui a émergé de deux décennies de prison en Israël pour se hisser à la tête du Hamas et aider à planifier l’assaut le plus meurtrier de l’histoire d’Israël, est décédé mercredi. Il était âgé d’une soixantaine d’années.

Son décès a été annoncé jeudi par l’armée israélienne, qui a déclaré qu’il avait été tué par une unité de commandants d’escadrons stagiaires qui l’avaient rencontré lors d’une opération dans le sud de la bande de Gaza.

Dirigeant de longue date du Hamas, qui a accédé à sa plus haute fonction politique en août, M. Sinwar était connu de ses partisans comme de ses ennemis pour sa ruse et sa brutalité. Il a renforcé la capacité du Hamas à nuire à Israël dans le cadre de l’objectif à long terme du groupe, qui est de détruire l’État juif et de construire à sa place une nation palestinienne islamiste.


Yahya Sinwar, le leader du Hamas, saluant le public lors du festival international de la Journée d’Al Qods dans la ville de Gaza l’année dernière. Photo Samar Abu Elouf/NYT

Il a joué un rôle central dans la planification de l’assaut surprise contre le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a tué environ 1 200 personnes, en a ramené 250 autres à Gaza en tant qu’otages et l’a placé en tête de la liste des personnes à abattre par Israël. Les dirigeants israéliens ont promis de le traquer et l’armée a largué des tracts au-dessus de Gaza offrant une récompense de 400 000 dollars pour toute information sur sa localisation.

Mais pendant plus d’un an, il est resté insaisissable, survivant dans les tunnels que le Hamas avait creusés sous Gaza, alors même qu’Israël tuait nombre de ses combattants et associés.

L’héritage de M. Sinwar parmi les Palestiniens est complexe. Il a mis sur pied une force capable de frapper l’armée la plus sophistiquée du Moyen-Orient malgré le blocus serré de Gaza par Israël et l’Égypte. Mais l’attaque du 7 octobre a conduit Israël à s’engager non seulement à mettre fin au règne du Hamas sur Gaza, qui dure depuis 17 ans, mais aussi à détruire complètement le groupe.

Selon les sondages, l’assaut a renforcé la position du Hamas en Cisjordanie occupée par Israël et ailleurs dans le monde arabe, mais pas parmi les habitants de Gaza, dont les vies et les maisons ont subi de plein fouet l’invasion israélienne qui s’en est suivie.

Et s’il a réussi à ramener la cause palestinienne à l’attention du monde, il n’a pas réussi à rapprocher son peuple de l’indépendance ou de la création d’un État, et ce à un coût énorme pour ceux qu’il prétendait vouloir libérer. Israël a réduit une grande partie de Gaza en ruines en réponse à l’attaque du Hamas, et plus de 42 000 Palestiniens ont été tués, selon les autorités sanitaires de Gaza.

Des Israéliens en deuil rassemblés autour des cinq cercueils de la famille Kutz lors de leurs funérailles à Gan Yavne, en Israël, en octobre dernier. Les membres de la famille ont été tués le 7 octobre dans le kibboutz de Kfar Aza. Photo Avishag Shaar-Yashuv /NYT


Un bâtiment détruit par une frappe israélienne dans la ville de Gaza le 7 octobre. Photo Samar Abu Elouf/NYT

Lorsque la nouvelle de sa mort s’est répandue dans la bande de Gaza, de nombreuses personnes se sont réjouies.

Mohammed, un jeune homme de 22 ans qui avait été déplacé à plusieurs reprises pendant la guerre, a déclaré qu’il blâmait M. Sinwar pour la faim, le chômage et les sans-abri que le conflit avait causés.

« Il nous a humiliés, a déclenché la guerre, nous a dispersés et nous a déplacés, sans eau, sans nourriture et sans argent », a déclaré Mohammed, sous couvert d’anonymat par crainte de représailles de la part des membres du Hamas. « C’est lui qui a poussé Israël à agir de la sorte ».

La nouvelle de la mort de M. Sinwar a marqué « le plus beau jour de ma vie ».

En tant que chef du Hamas à Gaza de 2017 à 2024, M. Sinwar a discrètement ravivé les relations du groupe avec l’Iran, un mécène de longue date, aidant le Hamas à développer la capacité de déjouer les défenses d’Israël. Tout en préparant secrètement une guerre géante avec Israël, il a fait croire à ce dernier qu’il souhaitait le contraire : pas exactement la paix, mais au moins un peu de calme.

De nombreux membres des services de sécurité israéliens ont passé les années précédant la guerre à se concentrer sur d’autres menaces et à supposer que Gaza était sous contrôle, ont déclaré certains d’entre eux lors d’entretiens après le début de la guerre.

La vie de M. Sinwar a été profondément marquée par le conflit israélo-palestinien.

Il était né en 1962 à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, un territoire surpeuplé et appauvri situé sur la côte méditerranéenne, à la frontière d’Israël et de l’Égypte.

Des informations sur ses parents n’étaient pas immédiatement disponibles, mais comme la plupart des habitants de Gaza, les membres de sa famille étaient des réfugiés palestiniens enregistrés. Ces personnes ou leurs ancêtres ont fui ou ont été chassés de leurs maisons pendant la guerre qui a entouré la création d’Israël en 1948 et souhaitent ardemment y retourner.

M. Sinwar a étudié l’arabe à l’université islamique de Gaza et s’est engagé dans la politique islamiste. Au début du premier soulèvement palestinien, ou intifada, contre l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza en 1987, les islamistes palestiniens ont fondé le Hamas, qui s’est engagé à détruire Israël et à le remplacer par un État palestinien. Israël, les USA et d’autres pays ont désigné M. Sinwar comme terroriste et le Hamas comme une organisation terroriste.

M. Sinwar, membre de la première heure du Hamas, dirigeait un groupe chargé de punir les Palestiniens accusés d’espionnage pour le compte d’Israël, souvent en les exécutant. Il s’est acquitté de cette tâche avec une telle brutalité qu’il a été surnommé le « boucher de Khan Younès ».

En 1988, Israël a arrêté M. Sinwar et l’a ensuite poursuivi pour le meurtre de quatre Palestiniens soupçonnés de collaborer avec Israël. Il a passé plus de vingt ans dans les prisons israéliennes, une expérience qui, selon lui, lui a permis d’étudier son ennemi.


M. Sinwar, à gauche, et le dentiste Yuval Bitton dans le complexe pénitentiaire de Beersheba, en Israël, lors des négociations en vue d’un échange de prisonniers qui devait aboutir à la libération de M. Sinwar en 2011

« Ils voulaient que la prison soit une tombe pour nous - un moulin pour broyer notre volonté, notre détermination et nos corps », a-t-il déclaré en 2011. « Mais, Dieu merci, grâce à notre foi en notre cause, nous avons transformé les prisons en sanctuaires de culte et en académies d’études ».

Il a appris l’hébreu, s’est documenté sur l’histoire et la société israéliennes et est devenu un leader de la prison, participant aux négociations entre les détenus et leurs geôliers.

« Il ne fait aucun doute qu’il est têtu et qu’il est un bon négociateur », a rappelé Sofyan Abu Zaydeh, qui a rencontré M. Sinwar en prison à la fin des années 1980 et qui a ensuite occupé un poste de ministre au sein de l’Autorité palestinienne.

Au fil des ans, Israël a manqué plusieurs occasions de tenir M. Sinwar à l’écart du champ de bataille, voire de l’éliminer complètement.

Pendant l’incarcération de M. Sinwar, Yuval Bitton, un dentiste de la prison, a appris à le connaître et à connaître ses efforts constants pour punir les Palestiniens qu’il soupçonnait de travailler avec Israël, a déclaré le Dr Bitton au Times en 2024.

En 2004, M. Sinwar a commencé à ressentir une douleur dans la nuque qui, selon le Dr Bitton, nécessitait une intervention médicale urgente. Les médecins ont retiré une tumeur cérébrale agressive qui aurait pu tuer M. Sinwar si elle n’avait pas été traitée, et M. Sinwar a remercié le Dr Bitton de lui avoir sauvé la vie.

« Il était important pour lui que je comprenne l’importance pour un musulman de cette question dans l’islam, et du fait qu’il me doive la vie », a déclaré le Dr Bitton, qui est devenu plus tard le chef des services de renseignements de l’administration pénitentiaire israélienne.

Par un douloureux coup du sort, lorsque le Hamas a frappé Israël en 2023, le neveu du Dr Bitton, Tamir Adar, faisait partie des otages ramenés à Gaza, où il est mort peu de temps après.

En 2011, Israël et le Hamas ont accepté d’échanger un soldat israélien capturé, Gilad Shalit, contre 1 027 prisonniers palestiniens. M. Sinwar était le prisonnier le plus ancien libéré dans le cadre de cet accord. Il est revenu de prison avec une connaissance plus approfondie d’Israël et un engagement plus ferme en faveur de la libération d’autres prisonniers palestiniens.

« Il a promis à ses collègues, lorsqu’il est parti, que leur liberté était son fardeau », se souvient M. Abu Zaydeh. « Le 7 octobre, à la base, c’était la libération des prisonniers ».


M. Sinwar saluant ses amis et sa famille lors d’une réception à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, en 2011, après sa libération de prison. Photo Lynsey Addario/NYT


Des membres des Brigades Ezzedine Al  Qassam, la branche armée du Hamas, applaudissent au retour des prisonniers libérés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, en 2011 . Photo Lynsey Addario/NYT

À son retour à Gaza, il a découvert une nouvelle réalité. En 2007, le Hamas a pris le contrôle de l’Autorité palestinienne, plus modérée. Pour la première fois, le Hamas n’était plus seulement un groupe armé, mais aussi un gouvernement de facto qui supervisait l’électricité, le ramassage des ordures et d’autres services publics.

La prise de pouvoir du Hamas a incité Israël et l’Égypte à imposer un blocus à Gaza, limitant la circulation des biens et des personnes à l’intérieur et à l’extérieur du territoire et aggravant la pauvreté et l’isolement de la bande de Gaza.

M. Sinwar a gravi les échelons au sein du Hamas. En 2012, il est devenu le représentant de la branche armée du Hamas, les Brigades Al Qassam, un rôle proche de celui de ministre de la Défense. Cela l’a rapproché de la force de combat du Hamas et de son mystérieux commandant, Mohammed Deif, un autre architecte de l’attaque du 7 octobre, qu’Israël a tué lors d’un important bombardement à Gaza en juillet.

En 2017, M. Sinwar est devenu le chef du Hamas à Gaza, succédant à Ismail Haniyeh, qui s’est installé au Qatar et a été le principal dirigeant politique du groupe jusqu’à ce qu’Israël l’assassine à Téhéran en juillet. Dans ce rôle, M. Sinwar a cherché de nouveaux moyens de protester contre le blocus et d’attirer l’attention sur les griefs palestiniens. En 2018, le Hamas a pesé de tout son poids pour soutenir les grandes manifestations des Palestiniens de Gaza qui cherchaient à marcher vers leurs villages ancestraux à l’intérieur d’Israël, des manifestations qu’Israël a violemment réprimées.

Manifestants palestiniens à la frontière entre Israël et Gaza en 2018. Cette année-là, de nombreuses personnes ont participé à ce qui est devenu la “Grande Marche du retour”

M. Sinwar, avec Ismail Haniyeh, à gauche, lors des funérailles d’un autre dirigeant du Hamas dans la ville de Gaza en 2017. Cette année-là, M. Sinwar a succédé à M. Haniyeh à la tête du Hamas à Gaza. Photo Mohammed Salem/Reuters

M. Sinwar a également fait part de son intérêt pour l’amélioration de la vie des habitants de Gaza. Lors d’un rare entretien avec un journaliste italien en 2018, il a appelé à un cessez-le-feu à long terme.

« Je ne dis pas que je ne me battrai plus », a-t-il déclaré. « Je dis que je ne veux plus de guerre. Je veux la fin du siège. Vous marchez sur la plage au coucher du soleil et vous voyez tous ces adolescents sur le rivage qui discutent et se demandent à quoi ressemble le monde de l’autre côté de la mer. À quoi ressemble la vie », a-t-il ajouté. « Je veux qu’ils soient libres ».

En 2021, le Hamas a lancé une nouvelle guerre - son troisième conflit majeur avec Israël depuis 2008 - pour protester contre les efforts israéliens visant à expulser les Palestiniens de Jérusalem-Est et contre les raids de la police israélienne sur la mosquée Al Aqsa à Jérusalem, pierre angulaire de la revendication de la ville par les Palestiniens. Pendant le conflit, Israël a bombardé son domicile pour tenter de le tuer, sans succès.

En direct à la télévision, après le cessez-le-feu, M. Sinwar a annoncé qu’il rentrerait chez lui à pied et a mis Israël au défi de l’assassiner. Il s’est ensuite promené dans Gaza, serrant des mains, saluant les propriétaires de magasins et s’arrêtant pour prendre des photos avec les passants.


Des secouristes à la recherche de victimes sur le site d’une frappe aérienne israélienne dans la ville de Gaza, pendant la guerre de 2021. Photo Samar Abu Elouf/NYT


M. Sinwar lors d’un rassemblement dans la ville de Gaza à la suite d’un cessez-le-feu en 2021.

Sa rhétorique violente à l’encontre d’Israël ne s’est jamais atténuée. En 2022, il a prononcé un discours enflammé appelant les Palestiniens du monde entier, y compris à l’intérieur d’Israël, à « préparer leurs hachoirs, leurs haches ou leurs couteaux ». Moins d’une semaine plus tard, trois juifs israéliens ont été tués dans une attaque à la hache dans le centre d’Israël.

Mais M. Sinwar a également continué à chercher des accommodements avec Israël, négociant l’entrée d’une aide mensuelle d’environ 30 millions de dollars à Gaza en provenance du Qatar et l’augmentation du nombre de permis de travail en Israël pour les habitants de Gaza, deux éléments indispensables à l’économie chancelante du territoire.

Ces mesures, auxquelles s’ajoutait la décision de M. Sinwar de tenir le Hamas à l’écart des affrontements entre Israël et d’autres groupes armés, ont fait croire à l’establishment sécuritaire israélien que des mesures de sécurité strictes et des améliorations limitées de la qualité de vie des habitants de Gaza permettraient de contenir le Hamas.

Mais cet espoir a été anéanti le 7 octobre 2023, lorsque des combattants ont neutralisé les défenses frontalières d’Israël, fait irruption en Israël par la mer, l’air et la terre, et se sont déchaînés sur les communautés et les bases militaires israéliennes, tirant sur des soldats et des civils et montrant à quel point les évaluations de M. Sinwar par Israël étaient erronées.

Israël a répondu avec une force écrasante, détruisant de grandes parties de Gaza, lançant une invasion terrestre visant à détruire le Hamas et provoquant l’une des augmentations les plus rapides du nombre de morts de toutes les guerres de ce siècle.

Photo prise lors d’une tournée médiatique de l’armée israélienne en octobre dernier, montrant des taches de sang sur un lit suite à l’attaque du Hamas dans le kibboutz de Nir Oz. Photo Sergey Ponomarev/NYT 

Membres d’une famille palestinienne pleurant un enfant à Khan Younès en octobre dernier. Photo Yousef Masoud pour le New York Times/NYT

M. Sinwar n’est pas apparu publiquement pendant la guerre, laissant planer le doute sur ce qu’il pensait que le Hamas avait accompli par son attaque contre Israël et sur ce qu’il pensait de l’énorme coût en vies palestiniennes.



13/09/2024

GIDEON LEVY
Quand Tsahal dit “Mort aux instigateurs” : c’est ainsi qu’une manifestante usaméricaine est tuée

Gideon Levy, Haaretz, 12/9/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Tsahal est redevenue l’armée la plus morale du monde. Quatre jours seulement se sont écoulés depuis que ses soldats ont tué la militante usaméricain des droits humains  Ayşenur*  Ezgi Eygi, avant que l’enquête approfondie lancée par l’armée ne s’achève, aboutissant à la conclusion absolutoire que « la civile a été touchée par les tirs non ciblés et non intentionnels d’une force des FDI qui visait un instigateur clé ». Des tirs non ciblés et non intentionnels qui visaient... Vous avez compris ? J’en doute.

L’endroit où  Ayşenur  Ezgi Eygi a été tuée, en Cisjordanie, dimanche. Photo Ammar Awad/Reuters

Pendant que le porte-parole des FDI descendait le long d’une corde dans un shoiw montrant le tunnel dans lequel six otages avaient été exécutés, pour montrer au monde les terribles conditions dans lesquelles ils avaient été détenus (quand nous emmèneront-ils à la base militaire de Sde Teiman pour nous montrer les conditions choquantes de détention des Palestiniens menottés et kidnappés ?), des soldats de sa propre unité mettaient au point l’explication alambiquée pour l’homicide volontaire d’une femme innocente.

Rassemblement devant l’hôpital Rafidia pour protester contre l’assassinat d’ Ayşenur Ezgi Eygi, 26 ans, le 8 septembre 2024, à Naplouse. Photo Issam Rimawi/Anadolu Ajansi 

Il est inutile de préciser que cette enquête approfondie n’avait pour but que d’apaiser les USAméricains, dont le président s’était dit « troublé » par l’assassinat d’une citoyenne de son pays. Ne vous inquiétez pas, l’annonce contournée de l’armée suffit à apaiser les inquiétudes présidentielles. La dernière chose qui dérange la Maison Blanche, c’est l’assassinat d’une militante qui s’identifie aux Palestiniens. Ceux qui auraient dû être troublés par cette explication sont ceux qui ne s’intéressaient pas à toute l’histoire au départ : les Israéliens. Le porte-parole des FDI a déclaré : mort aux instigateurs. Des soldats ont tiré sur un instigateur pour l’exécuter, touchant par erreur une autre instigatrice. Ce sont des choses qui arrivent. En d’autres termes : un changement radical des règles d’engagement, désormais officiellement déclaré.

 

Funérailles d’ Ayşenur à Naplouse, lundi 9 septembre 2024 

 

Si, par le passé, il était nécessaire de prouver la présence d’un danger, il suffit désormais de discerner l’instigation. Et qui est au juste un instigateur ? Quelqu’un qui appelle à la libération du peuple palestinien lors d’une manifestation? Quelqu’un qui demande le démantèlement de l’avant-poste provocateur d’Evyatar ? Quelqu’un qui manifeste pour ses droits sur sa terre ? En d’autres termes : lorsque les soldats de Tsahal discerneront une instigation, ils tireront désormais pour tuer l’instigateur, sur ordre.

Comment disions-nous ? L’armée la plus morale du monde. Il est fort douteux que le porte-parole de l’armée russe oserait admettre que son armée tire pour tuer les instigateurs.

Pour les soldats de l’armée de propagande du porte-parole Daniel Hagari, l’« instigation », quoi que ça signifie, est une raison d’exécuter quelqu’un. Tout ce qui reste à prouver, c’est la mauvaise maîtrise du tir des soldats, qui visaient un incitateur (le « principal ») mais en ont touché une autre. Rien n’est plus facile que de qualifier la touriste usaméricaine d’instigatrice : elle était en faveur de la justice pour les Palestiniens. Les procédures seront affinées et les soldats seront envoyés au stand de tir pour s’entraîner davantage. Veuillez vérifier les passeports avant la prochaine exécution. Il vaut mieux ne pas frapper les USAméricains. Personne n’enquêtera sur l’assassinat d’une jeune Palestinienne de 13 ans [Banya Laboum] le même jour, dans un village voisin. Personne ne s’émeut de cette affaire. Peut-être qu’elle aussi instiguait alors qu’elle se tenait à sa fenêtre ?

Un soldat tire pendant une manifestation et un manifestant est tué. Quoi de plus normal ? Mais notre collègue Jonathan Pollak, qui se trouvait dans le village lors de la fusillade, affirme que les soldats ont tiré sur l’activiste 20 minutes après la fin des affrontements. Si c’est le cas, il s’agit d’un meurtre de sang-froid. C’était la première et dernière manifestation d’ Ayşenur.

Mais ce qui devrait vraiment nous préoccuper, c’est le sous-texte de l’annonce du porte-parole de l’IDF : L’instigation est une cause d’exécution. Mais l’instigation a plusieurs visages. Si un appel à la liberté des Palestiniens est une instigation passible de la peine de mort, on s’engage sur une pente glissante. Pourquoi la police n’est-elle pas autorisée à tuer les instigateurs des manifestations de la rue Kaplan ? Et que dire des plus grands instigateurs au sein du gouvernement et des médias, qui appellent à « raser » Gaza ou à « tondre la pelouse », estimant que les habitants de cette région méritent tous de mourir. Snipers, ouvrez le feu. Vous y êtes autorisés par Hagari.

NdT
* Ayşenur [= Aychènour] : graphie turque de l’arabe
أأيشنور, “lumière de vie”


-Je suis Américaine
-Moi aussi
Mohammed Sabaaneh

12/09/2024

“Jusqu'à notre dernier souffle” : le journaliste Anas al-Sharif raconte comment il a documenté le génocide israélien à Gaza tous les jours pendant onze mois consécutifs

Le correspondant d’Al Jazeera a refusé de quitter le nord de la bande de Gaza, alors même qu’Israël l’a menacé et a tué ses collègues.

Sharif Abdel Kouddous, Drop Site News, 11/9/2024
Abdel Qader Sabbah, journaliste au nord de Gaza, a contribué à ce rapport.
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 


Anas al-Sharif (au centre) et des personnes en deuil portant des pancartes « presse » entourent le corps du journaliste arabe d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, tué avec son caméraman Rami al-Refee lors d’une frappe israélienne le 31 juillet 2024. Photo Omar Al-Qattaa/AFP via Getty Images.

Anas al-Sharif est devenu l’un des visages les plus reconnaissables de la télévision dans le monde arabe. Au cours des onze derniers mois, le correspondant d’Al Jazeera, âgé de 27 ans, a réalisé des reportages depuis les premières lignes de l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza, qui est aujourd’hui l’endroit le plus meurtrier pour les journalistes dans l’histoire moderne. Selon certains chiffres, plus de 160 journalistes ont été tués à Gaza depuis octobre, soit un journaliste tué tous les deux jours depuis près d’un an. Al-Sharif a personnellement fait l’objet de menaces de mort et son domicile a été la cible d’une attaque israélienne qui a coûté la vie à son père.

Al-Sharif est l’un des rares reporters à être resté dans le nord de la bande de Gaza depuis le 7 octobre, une zone d’où, quelques jours seulement après le début de la guerre, le gouvernement israélien a ordonné à 1,1 million de personnes d’évacuer et qui a été la plus lourdement bombardée par Israël. Un journaliste a déclaré à Drop Site News qu’il ne restait plus qu’une trentaine de journalistes en activité dans le nord de Gaza aujourd’hui.

Al-Sharif a été une présence presque constante à la télévision et en ligne, rapportant presque chaque jour les frappes aériennes, les bombardements, les massacres, les déplacements, la famine, la mort et le démembrement - et, chaque fois qu’il le peut, les lueurs d’espoir et la résilience des Palestiniens. Prenez le temps de parcourir les messages qu’il a postés sur X ou Instagram ces derniers jours, ou regardez ce reportage vidéo du 10 septembre, par exemple (avertissement : âmes sensibles s’abstenir).

Un post partagé par @anasjamal44

Comme de nombreux Palestiniens de Gaza, al-Sharif a été contraint d’endurer l’inimaginable. En novembre, il a déclaré avoir reçu plusieurs appels d’officiers de l’armée israélienne lui ordonnant de cesser sa couverture et de quitter le nord de Gaza. Il a déclaré avoir également reçu des messages et des messages vocaux sur WhatsApp révélant sa position. Dans son rapport, il termine en disant : « Je suis l’un des rares journalistes dans le nord à couvrir ce qui se passe. Malgré les menaces, je ne quitte pas le terrain et je continuerai à faire des reportages dans le nord de Gaza ».

Moins de trois semaines après les appels de l’armée israélienne, la maison de sa famille dans le camp de réfugiés de Jabalia a été bombardée, tuant son père Jamal al-Sharif, âgé de 90 ans. Anas al-Sharif, qui effectuait des reportages en continu, n’était pas rentré chez lui depuis 60 jours. Le Comité pour la protection des journalistes a déclaré à l’époque à propos de l’assassinat de son père : «Le CPJ est profondément alarmé par le fait que les journalistes de Gaza reçoivent des menaces et que, par la suite, les membres de leur famille soient tués ».

Al-Sharif a de nouveau été menacé le mois dernier après avoir diffusé le carnage d’une attaque aérienne israélienne du 10 août sur une école de la ville de Gaza où des milliers de Palestiniens déplacés cherchaient refuge, tuant plus de 100 personnes. « Je ne peux pas décrire ce qui se passe », a déclaré al-Sharif. « Nous parlons de près de 100 martyrs dans l’école de Tabaeen dans la ville de Gaza, un grand massacre ».

 

En réponse à un autre journaliste d’Al Jazeera qui a loué la couverture courageuse d’al-Sharif, l’armée israélienne a publié un communiqué ciblant son travail. « Il couvre les crimes du Hamas et du Jihad [islamique] qui s’abritent dans les écoles. Je suis convaincu qu’il connaît les noms d’un grand nombre de terroristes du Hamas parmi ceux qui ont été tués dans l’école« , a répondu Avichay Adraee, porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, sur X. « Mais il présente un mensonge dont la motivation n’a rien à voir avec les habitants de Gaza ». Ces commentaires ont incité Al Jazeera à condamner ce qu’elle a appelé « un acte flagrant d’intimidation et d’appel au meurtre » d’Israël à l’encontre d’al-Sharif, et le CPJ à publier une déclaration disant qu’il était « profondément inquiet » pour sa sécurité.

Les journalistes et les médias occidentaux sont restés relativement silencieux face au nombre record de journalistes palestiniens tués. Dans certains cas, Israël a ouvertement admis avoir tué des journalistes et les a accusés d’être membres du Hamas.

Un peu plus d’une semaine avant l’attentat contre l’école de Tabaeen, Ismail al-Ghoul, ami proche d’Al-Sharif et collègue d’Al-Jazeera, a été tué dans la ville de Gaza lors d’une attaque de drone israélien contre sa voiture, ainsi que son caméraman Rami al-Refee et un jeune homme de 17 ans qui faisait du vélo à proximité. Al-Ghoul a été décapité lors de la frappe. En signe de protestation, les journalistes de Gaza ont jeté leurs gilets pare-balles en tas sur le sol. Al-Sharif s’est adressé à la foule en brandissant le gilet pare-balles mutilé d’Al-Ghoul, déclarant : « Ce gilet de presse est le gilet dont les institutions mondiales et locales font l’apologie. Ce gilet n’a pas protégé notre collègue Ismail. Il n’a protégé aucun de mes collègues non plus. Comme vous pouvez le voir, le gilet est taché du sang et de la chair d’Ismail. Qu’a fait Ismail ? Qu’a-t-il fait ? Diffuser l’image ? Diffuser la souffrance des gens ? Désolé Ismail, nous continuerons à diffuser le message après toi ».

 

Anas al-Sharif continue à faire des reportages tous les jours depuis le nord de Gaza. Drop Site lui a demandé de réfléchir à son travail à Gaza au cours des 11 derniers mois. Il a envoyé un message vocal de 10 minutes en réponse. Dans l’enregistrement, sa voix est lasse mais ferme. Il brosse un tableau dévastateur de la vie d’un journaliste à Gaza.

Ces commentaires ont été traduits de l’arabe et légèrement modifiés pour plus de clarté.

Message d’Anas al-Sharif depuis Gaza

Anas al-Sharif : Notre couverture en tant que journalistes pendant cette guerre contre Gaza a été complètement différente. Nous avons été confrontés à des difficultés extrêmes, à des menaces, nous avons été complètement déconnectés du monde extérieur en raison de la coupure de l’Internet et des signaux téléphoniques. Nous vivons des circonstances tragiques et difficiles en tant que journalistes et nous sommes toujours confrontés à des difficultés pour envoyer des messages, des rapports et tout autre matériel en général.

Bien entendu, le journaliste palestinien vit dans des conditions pénibles et difficiles, comme le reste de son peuple, entre les déplacements, les bombardements et les destructions. Un grand nombre de nos collègues journalistes ont perdu leur famille, des membres de leur famille, des parents, des amis et des êtres chers. Cela a mis beaucoup de pression sur les journalistes pendant la guerre, surtout parce que l’occupation israélienne ne fait pas de distinction entre les journalistes, les enfants, les médecins, les infirmières - tout le monde est pris pour cible en permanence.

Dans le nord de Gaza en particulier, mes collègues et moi-même avons été totalement coupés du monde extérieur dès le début de la guerre. Cela a créé une énorme responsabilité, un énorme problème pour nous. Il était difficile d’envoyer des rapports ou tout autre contenu. Nous devions nous rendre dans des zones très dangereuses pour envoyer nos reportages, notre contenu. Pour poursuivre notre couverture et envoyer des images et des histoires, nous devions nous rendre dans de grands immeubles pour trouver un signal Internet ou un signal téléphonique grâce à des cartes SIM électroniques et envoyer ainsi les reportages, le contenu ou les scènes que nous avions documentés, avec la qualité la plus faible, afin de les diffuser au monde et de montrer au monde ce qui se passait ici dans la bande de Gaza. Ce n’est là qu’une des difficultés que nous avons rencontrées.

Nous avons également dû faire face à des menaces constantes de la part de l’armée d’occupation israélienne. Personnellement, l’armée d’occupation israélienne m’a menacé et m’a dit que je devais cesser mes reportages dans le nord de la bande de Gaza et aller dans le sud. Mais j’ai refusé leur ordre, et je n’ai pas arrêté ma couverture un seul instant malgré les menaces, malgré les bombardements, malgré le siège. Parce que je n’ai pas arrêté et que j’ai continué à couvrir l’actualité, l’occupation israélienne a pris pour cible ma maison et celle de ma famille, ce qui a conduit au martyre de mon père, que Dieu ait pitié de lui. Les circonstances étaient cruelles, difficiles et douloureuses pour moi, et douloureuses pour nous tous, mais cela n’a fait que renforcer ma détermination à poursuivre le reportage. Nous avons une cause [la cause palestinienne] avant d’avoir un message à cet égard. Après cela, c’est devenu une responsabilité qui nous a été confiée, une responsabilité qui m’a été confiée personnellement, celle de continuer à faire des reportages, malgré tous les dangers et toutes les difficultés auxquels nous sommes confrontés.

Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminerait.

Tous les journalistes de Gaza ont souffert de ces circonstances. Dans le cadre de nos reportages, nous sommes confrontés à de grandes difficultés en raison du ciblage des zones dans lesquelles nous nous trouvons, du ciblage à proximité de nous, du ciblage direct. Malgré tout cela, mes collègues et moi-même, dans le nord de la bande de Gaza, n’avons pas cessé de couvrir la situation. Bien sûr, ce n’est un secret pour personne que mes collègues et moi avons vécu des circonstances tragiques et difficiles. Nous avons dormi dans des hôpitaux, nous avons dormi dans des abris, nous avons dormi dans les rues et sur les autoroutes, nous avons dormi dans des véhicules et des voitures. Nous avons été déplacés plus de 20 fois, d’un endroit à l’autre, d’une zone à l’autre - notre situation était la même que celle du reste de notre peuple. Nous avons été confrontés à de grandes difficultés. Bien sûr, la situation dans le nord était particulièrement difficile pour les journalistes, car il n’y avait pas de matériel disponible, pas de fournitures pour la presse. Nous avons dû nous contenter de moyens limités et de nos simples téléphones pour rapporter l’histoire, envoyer l’image et rendre compte des crimes de l’occupation israélienne.

Le travail des journalistes à Gaza est un travail ardu, épuisant et très difficile que personne ne peut supporter plus d’une heure. Le travail est continu. Nous ne dormons pas pendant des jours à cause des bombardements et des tirs d’artillerie incessants. Bien sûr, il est souvent difficile de se rendre sur le site d’un incident car il n’y a pas de véhicules ou de voitures disponibles, nous devions aller en charrette ou à pied pour atteindre un endroit qui était visé.

Les circonstances que nous avons vécues sont des circonstances qui ne peuvent pas être exprimées. Je tiens à dire dans cet enregistrement que nos circonstances sont encore très cruelles et difficiles. Mes collègues et moi avons vécu dans l’atmosphère de la famine qui a frappé le nord de Gaza. Parfois, mes collègues et moi passons des jours sans trouver un seul repas. Nous nous déplaçons d’un endroit à l’autre pour essayer de trouver avec beaucoup de difficultés quelque chose qui devrait être facile. Tout est extrêmement cher dans le nord.

Ce dont je parle n’est qu’une petite partie de ce que nous pouvons enregistrer, de ce que nous pouvons dire, de ce que nous pouvons documenter. Et pourtant, la souffrance est bien plus grande, la souffrance est difficile et tragique pour nous et notre peuple. Pourtant, malgré ces souffrances, nous nous sommes engagés, nous tous les journalistes, à poursuivre sur cette voie, à continuer à rendre compte au monde, et c’est ce qui nous a poussés à continuer jusqu’à aujourd’hui. Cette guerre dure depuis plus de 330 jours et les bombardements et les massacres se poursuivent sans relâche.

Et pourtant, malgré toutes ces difficultés et toutes ces circonstances tragiques, nous tous, journalistes, continuons chaque jour et chaque heure à rendre compte de ce qui se passe. C’est ce qui nous pousse à continuer, c’est notre cause. Il est du devoir du monde de voir et d’être témoin de ce que nous documentons et de ce que nous rapportons. Peut-être que le monde n’agira pas, peut-être que le monde ne nous aidera pas, mais il y a peut-être un motif pour arrêter cette guerre - chaque fois que je documente un massacre, un événement ou un bombardement, je pense que peut-être, grâce à ce bombardement ou à cette image, la guerre pourrait s’arrêter et cette guerre se terminer. C’est ce qui nous pousse à poursuivre notre travail jusqu’à notre dernier souffle.

Bien sûr, comme je l’ai mentionné, l’occupation israélienne a délibérément ciblé les journalistes de manière continue et nous parlons maintenant de près de 180 journalistes qui ont été ciblés à Gaza. Il est clair que l’occupation israélienne ne veut pas que l’image sorte, ne veut pas que le mot sorte, ne veut pas que nous documentions les crimes qu’elle commet sur notre peuple, comme ce qui est arrivé à notre cher ami et collègue, le correspondant d’Al Jazeera Ismail al-Ghoul, après qu’il a été assassiné par l’occupation israélienne alors qu’il documentait ce qui se passait et les crimes de l’occupation israélienne - l’occupation israélienne l’a donc ciblé de manière directe pour qu’Ismail ne puisse pas continuer sa couverture. Mais ce que l’occupation ne sait pas, c’est qu’après le martyre d’Ismail, nous, ses collègues journalistes, sommes encore plus déterminés à poursuivre la voie d’Ismail et à transmettre son message, malgré les circonstances tragiques, malgré les menaces et malgré le danger de la situation.

Nous pourrions être pris pour cible et bombardés à tout moment, mais notre situation est la même que celle de tout notre peuple, la même que celle des hommes, des femmes et des enfants qui sont martyrisés à chaque instant à Gaza.