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03/10/2023

ANNAMARIA RIVERA
Mal parler, même à gauche

 Annamaria Rivera, Comune-Info, 2/10/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Lorsqu'il s'agit de migrations, de droits des migrant·es, de racisme et d'antiracisme, le discours public italien, même dans ses variantes non racistes, semble souvent se déployer comme si chaque fois était la première : les antécédents et le développement de tel ou tel événement, de tel ou tel problème, de telle ou telle revendication, de tel ou tel concept sont tout simplement escamotés.

Cet oubli, pour ainsi dire, n'affecte pas seulement la rhétorique publique majoritaire, mais influence parfois l'attitude et le discours des minorités actives, se reflétant également dans le langage et le vocabulaire, influencés par la vulgate médiatique et même par le jargon du sens commun.

 Alors qu'on les croyait remisés aux archives grâce à un long travail critique, les formules et le vocabulaire liés aux schémas interprétatifs, même spontanés, font leur retour. Faute de pouvoir en dresser le catalogue complet, nous nous attarderons sur quelques-uns d'entre eux.

Race-racial

Le racisme est avant tout une idéologie, donc une sémantique : il est constitué de mots, de notions, de concepts. L'analyse critique, la déconstruction et la dénonciation du système-racisme ont donc nécessairement un versant lexical et sémantique. Ainsi, si l'on parle de discrimination raciale au lieu de discrimination raciste, on peut finir par légitimer inconsciemment la notion et le paradigme de “race”, en suggérant l'idée que ce sont les personnes différentes par la “race” qui sont discriminées.

De telles maladresses lexicales peuvent également être commises par des locuteurs qui se considèrent comme antiracistes et, de surcroît, cultivés, voire par des institutions et associations chargées de lutter contre le racisme ou même de promouvoir le respect de codes éthiques dans le domaine de l'information. Cela apparaît d'autant plus paradoxal aujourd'hui que même en Italie, à l'initiative d'un groupe d'anthropologues-biologistes, puis d'anthropologues culturels, une campagne est en cours pour effacer le mot “race” de la Constitution.

Bien que la notion de “race” ait également été expurgée du domaine de la biologie et de la génétique des populations, son utilisation persiste dans les cercles intellectuels et/ou même “de gauche”, faisant l’objet d’un usage banal et dangereux que l'on ne peut ignorer.


 Ethnie-ethnique-ethnicité

Comme le note l'anthropologue Mondher Kilani, coauteur avec René Gallissot et Annamaria Rivera de l'essai collectif L'Imbroglio ethnique en quatorze mots clés (Payot, Lausanne, 2000), l'adjectif “ethnique” a une consonance inquiétante dans des expressions telles que “nettoyage ethnique”, “guerre ethnique”, “haine ethnique”. En outre, le sens commun et une partie des médias et des intellectuels ont tendance à considérer les soi-disant “groupes ethniques” comme des entités quasi-naturelles, connotées par l'ancestralité et les liens de sang primordiaux, et par conséquent à les associer à une diversité insurmontable. Par conséquent, le terme “ethnie” est souvent utilisé comme un euphémisme pour "race".

Même dans les milieux antiracistes, l'utilisation abusive d'expressions telles que “société multiethnique”, “quartier multiethnique”, “parade multiethnique” est fréquente... Bien qu'elles soient parfois utilisées dans un sens se voulant positif, ces formules font toujours référence à l'“ethnicité” : une notion très controversée, puisqu'elle repose sur l'idée qu'il existe des groupes humains fondés sur un principe ancestral, sur une identité originelle.

En réalité, dans les contextes discursifs dominants, “ethnique” désigne toujours les autres, les groupes considérés comme particuliers et différents de la société majoritaire, considérée comme normale, générale, universelle. Il n'est pas rare que le terme “ethnicité” soit utilisé, en référence aux minorités, aux Rroms, aux populations d'origine immigrée, comme un substitut euphémique du terme “race”. À tel point que même dans la meilleure presse italienne, il est possible de rencontrer des expressions absurdes et paradoxales telles que personnes d'ethnie latino-américaine ou même chinoise, alors qu'il ne nous est jamais arrivé de lire ethnie européenne ou nord-américaine.

En tout cas, qu'il s'agisse de préjugés ou d'intentions discriminatoires, d'incompétence ou de négligence, lorsqu'il s'agit de qualifier les citoyens d'origine immigrée ou appartenant à des minorités, le critère neutre, ou du moins symétrique, de la nationalité ne semble pas s'appliquer.

La guerre des pauvres

C'est l'une des rhétoriques les plus abusives, même à gauche, même dans la gauche supposée éduquée. Elle est généralement utilisée en référence à deux catégories de belligérants supposés, imaginés comme symétriques, dont l'une est une collectivité de migrants ou de Rroms.

L'usage abusif de cette formule est révélateur d'un tabou ou d'un retrait : on a du mal à admettre que le racisme puisse s'insinuer dans les classes subalternes pour déclencher des guerres contre les plus pauvres. Guerres asymétriques, non seulement parce que les agresseurs sont généralement les nationaux, mais aussi parce que ceux-ci, aussi défavorisés soient-ils, jouissent encore du petit privilège de la citoyenneté italienne, qui leur donne quelques droits supplémentaires.

Ce racisme - que la littérature sociologique appelle le racisme “ordinaire” ou “des petits Blancs” - prend souvent racine chez ceux qui souffrent d'une certaine forme de difficulté sociale et/ou de marginalité, voire de marginalité spatiale. Favorisé par des politiques malavisées en matière de logement, d'urbanisme et, plus généralement, de politique sociale, il est aussi souvent habilement fomenté par des entrepreneurs politiques du racisme.

 Parfois, la formule passe-partout de “guerre entre les pauvres” n'a pas le moindre fondement pour justifier son utilisation, comme cela s'est produit dans le cas notoire des assauts armés répétés contre le centre de réfugiés Viale Morandi, dans la banlieue romaine de Tor Sapienza, en novembre 2014. La tentative de pogrom contre des adolescents fuyant les guerres et autres catastrophes a été présentée comme l'expression spontanée de la colère de résidents exaspérés par la “dégradation”, et donc comme un épisode de la “guerre entre les pauvres”. En réalité, les agressions, auxquelles un nombre limité de résidents a participé, ont été dirigées par une escouade de “fascistes du troisième millénaire”, eux-mêmes exécutants probables de commanditaires liés à la Mafia de la capitale.

Peu de temps auparavant, on avait parlé de “guerre entre les pauvres”, même à gauche, à propos d'un crime particulièrement odieux survenu le 18 septembre 2014 à Marranella, un quartier romain de Pigneto-Tor Pignattara : le massacre à coups de pied et de poing de Muhammad Shahzad Khan, un Pakistanais de 28 ans, doux et malchanceux, par une brute du quartier, un garçon romain de 17 ans, à l'instigation de son père fasciste.

Les précédents de ce schéma interprétatif paresseux sont nombreux. Il a été appliqué de temps à autre aux pogroms contre les Rroms à Scampia (2000) et Ponticelli (2008), fomentés par la camorra et les intérêts spéculatifs ; au massacre de Castelvolturno par la camorra (2008) ; aux graves événements de Rosarno (2010), également fomentés par les intérêts mafieux et patronaux.

Tout cela est révélateur d'une aversion croissante pour les interprétations complexes, favorisée par le bavardage des médias sociaux, qui contribue à son tour au conformisme croissant qui caractérise le débat public. Le racisme, on le sait, repose sur une montagne de gros mots. Les déconstruire et les abandonner n'est pas se livrer à un exercice abstrait de “politiquement correct” (bien que ce dernier ne soit pas aussi méprisable qu'il a longtemps été de bon ton de le faire croire), mais plutôt saper son système idéologique et sémantique.

28/04/2023

ANNAMARIA RIVERA
Le gros bobard de la “substitution ethnique”, version italiote du “Grand Remplacement”

 Annamaria Rivera, Comune-Info, 27/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Un de ces mots-qui-tuent et qui devrait être définitivement abandonné, comme celui de “race”, est celui d’ethnie, qui, en revanche, bien qu’il soit tout aussi discriminatoire, continue à remporter un succès extraordinaire, même dans les milieux intellectuels, ainsi que dans les milieux de droite.

Pourtant, pour déconstruire ce pseudo-concept et montrer sa signification et son sens discriminatoire, un certain nombre de volumes scientifiques ont été publiés au fil du temps. Le plus connu, L'imbroglio ethnique en quatorze mots-clés (Payot, Lausanne, 2000), dont je suis l’inspiratrice et co-auteure avec l’historien René Gallissot et l’anthropologue Mondher Kilani, a été publié plusieurs fois et a été réédité trois fois en italien, la dernière fois en 2012.

Mais malgré tout, ce travail intellectuel ne semble pas avoir soulevé de doutes quant aux significations et à l’opportunité de l’utilisation du terme “ethnie”. C’est pour cette raison que je propose ici le résumé d’une des quatorze parties qui composent le volume, toutes introduites par des mots clés : il s’agit de celle, précisément, sur Ethnie-ethnicité. 

Dans le langage courant, dans les médias et parfois même dans le langage scientifique, les termes “ethnie” et “ethnique” sont utilisés pour désigner synthétiquement, avec un seul mot, des groupes de population immigrés et des minorités qui se distingueraient des majorités par des différences de coutumes et/ou de langue, ainsi que par leur origine, leurs cultures, leurs manières et leurs modes de vie. En réalité, ceux qui abusent du vocabulaire ethniciste entendent faire allusion à une forme de différence fondamentale et irréductible : qu’il s’agisse de caractéristiques somatiques, d’une “essence” culturelle prémoderne ou même d’un fondement ancestral. Il y a aussi ceux qui pensent qu’ “ethnie” est le terme le plus approprié pour nommer les différences sans recourir au vocabulaire dit racial ; il y a ceux qui le considèrent ou le “sentent” plus spécifique et pertinent que “culture”, moins dévalorisant et donc plus politiquement correct que “tribu”.

Certains chercheurs sont même prêts à prétendre que le terme “ethnie” inaugurerait une vision plus rationnelle et plus juste, plus neutre et plus valorisante des différentes composantes de l’humanité que d’autres. En réalité, le mot cache souvent la croyance ou le préjugé selon lequel les différences entre les cultures et les modes de vie sont fondées sur un principe ancestral, sur une identité originelle ; en fait, il est souvent utilisé comme synonyme euphémique de “race”.

En tout état de cause, l’utilisation du terme et de la notion reflète la division claire établie entre la société à laquelle appartient l’observateur (considérée comme normale, générale et universelle) et les autres groupes et cultures. Presque toujours, les “ethnies” sont les autres qui, s’écartant de la norme de la société dominante et de la culture majoritaire, sont perçues comme différentes, particulières, marginales, périphériques, archaïques, en danger ou “simplement” non conformes à la norme nationale.

 
Une utilisation très particulière du terme, par auto-attribution (“les ethniques, c’est nous”) de la part de secteurs de la société dominante, est celle du Front national [et la galaxie zemmouro-identitaire, NdT] en France et, en Italie, de la Lega Nord et d’autres formations de droite, qui parlent respectivement d’“ethnie française” et d’“ethnie padane”.

L’ethnicisation est un processus non seulement de reconnaissance ou d’invention de différences culturelles, mais aussi de classification subreptice, pourrait-on dire, des hiérarchies sociales, économiques, politiques. En effet, en ethnicisant des groupes sociaux, on tend à masquer leur position de subordination ou de marginalisation par rapport à la société globale.

La chronique de la guerre fratricide en ex-Yougoslavie a représenté le triomphe des schémas et désignations ethniques, qui se sont ainsi imposés comme un fait incontestable et se sont solidement ancrés dans le langage courant.

 Cela a contribué dans une large mesure à la construction des idéologies qui ont soutenu et dissimulé les raisons de la guerre civile sanglante, avec sa panoplie horrible de “nettoyage ethnique” réciproque (ainsi que l’idéologie qui a servi à dissimuler les objectifs de la guerre “humanitaire” de l’OTAN dans les Balkans) ; et a conduit à la séparation artificielle de populations qui avaient longtemps coexisté et partagé un territoire, une langue, des coutumes, des habitudes, un projet et des institutions politiques.

C’est précisément parce que ce qui est représenté comme l’Autre absolu·e s’avère souvent très semblable au Nous qu’il est perçu comme une menace : c’est l’un des mécanismes qui conduisent aux “nettoyages ethniques”.

En fin de compte, l’ethnicisation néfaste d’un tel conflit, l’utilisation d’une stratégie qui conduirait finalement à la sécession, encouragée et approuvée par les puissances européennes, avait pour principal enjeu la redistribution du pouvoir.

Même le conflit au Rwanda, qui a culminé dans le génocide des Tutsis, a fait l’objet d’une interprétation rigoureusement ethniciste, identitaire et tribaliste, qui a laissé dans l’ombre d’autres logiques bien plus décisives, en négligeant surtout le caractère de conflit économique, social et politique. En effet, bien que s’exprimant dans des formes de barbarie sanglante, ce conflit relevait à bien des égards d’une “modernité terrifiante”, selon l’expression de l’historien Alessandro Triulzi. La politique d’anéantissement a en effet été conçue, planifiée et mise en œuvre non pas par des chefs tribaux du pays profond, mais par les élites intellectuelles urbaines*.

Peu de gens se souviennent que ce sont les colonisateurs, d’abord les Allemands puis les Belges, qui ont ethnicisé la classe aristocratique tutsie et les agriculteurs hutus : les individus de sexe masculin étaient classés et traités comme Tutsis ou Hutus selon qu’ils possédaient plus ou moins de dix têtes de bétail. L’interprétation ethniciste et le langage qui en découle se sont généralisés et se sont imposés comme un truisme, qu’il conviendrait au contraire d’étudier et de critiquer.

C’est Georges Vacher de Lapouge, idéologue raciste et partisan de programmes eugéniques visant à empêcher le “mélange des races”, qui a introduit le terme et la notion d’ethnie dans la langue française.


L’ouvrage immortel du sieur Vacher de Lapouge (télécharger). Citation :
L’immigration a introduit depuis un demi-siècle plus d’éléments étrangers que toutes les invasions barbares. Les éléments franchement exotiques deviennent nombreux. On ne rencontre pas encore à Paris autant de jaunes et de noirs qu’à Londres, mais il ne faut se faire la moindre illusion. Avant un siècle, l’Occident sera inondé de travailleurs exotiques (...). Arrive un peu de sang jaune pour achever le travail, et la population française serait un peuple de vrais Mongols. "Quod Dii omen avertant !" [ Puissent les dieux démentir ce présage ! ] .

Ainsi, dès le départ, l’“ethnie” est connotée d’un sens défectueux : elle est comprise comme un groupement de population auquel il manque quelque chose de décisif par rapport à la société à laquelle appartient l’observateur, c’est-à-dire celle qui a le pouvoir de nommer et de définir les autres. En bref, ce mot-qui-tue est souvent compris comme la somme des traits négatifs ou en tout cas résultant de la non-civilisation ou de l’arriération.

Le colonialisme, en particulier, a produit des classifications “ethniques” fondées sur l’invention d’ethnonymes souvent totalement arbitraires : ceux-ci résultaient souvent de la transposition sémantique par les ethnologues et les fonctionnaires coloniaux de toponymes, de noms identifiant des unités politiques, d’appellations désignant tel ou tel groupe commercial, ou de stéréotypes par lesquels un certain groupe ou une certaine population était désigné, souvent de manière péjorative, par des groupes voisins ou des classes dirigeantes**.

Lorsque, il y a plus de vingt ans, nous avons écrit L’Imbroglio ethnique, nous étions prévoyants, mais pas au point d’imaginer que l’avenir nous réserverait un gouvernement d’extrême droite, au point d’évoquer la pseudo-théorie du risque de “substitution ethnique” dû aux immigrés et aux réfugiés.

Almor et Claudio Mellana

En effet, le 18 avril, Francesco Lollobrigida, beau-frère de Meloni et ministre de l’Agriculture [outre qu'il est le petit-neveu de Gina, l'actrice, NdT], a évoqué “le risque de substitution ethnique”, une théorie du complot typique de l’extrême droite. D’ailleurs, Meloni elle-même, depuis quelques années, avait soutenu à plusieurs reprises cette théorie du complot, affirmant que la gauche, au niveau mondial, préparait “une invasion d’immigrés”, donc “un remplacement des peuples”.

Bien entendu, ce petit monde justifie sa “théorie” (pour ainsi dire) de la “substitution ethnique”, entre autres, par des conjectures concernant les données démographiques, en particulier les tendances en matière de natalité.

Il s’agit d’une longue histoire qui remonte à l’après-guerre, lorsque les cercles néo-nazis appelaient à une lutte commune contre l’invasion supposée de l’Europe par les “mongols” et les “nègres”.

La rhétorique de la “substitution ethnique” est extrêmement dangereuse et, dans ce cas, l’expression d’un gouvernement fasciste, de sorte que la gauche et les démocrates auraient le devoir de s’unir et de s’opposer vigoureusement au gouvernement le plus à droite de l’histoire de la République italienne.  

NdT

*Les idéologues du Hutu Power, inspirateurs de la “Révolution assistée” (par les gendarmes belges) de 1959, des massacres de Tutsis de 1972 et du génocide de 1994, étaient tous d’anciens séminaristes catholiques nourris du récit délirant des missionnaires belges, inventeurs des “races” hamitique (les Tutsis) et bantoue (les Hutus).

**Un exemple parmi tant d’autres : le fleuve Niger et les pays qui en ont pris le nom. Appelé egerou n-igerou, “le fleuve des fleuves”, en tamasheq, la langue des Touaregs, traduit en arabe par nahr el nahr, il devint Niger sous la plume de Hassan Al Wazzan, diplomate chérifien capturé par des pirates siciliens et “offert” au pape Léon X, devenu célèbre sous le nom de Léon l’Africain : dans sa Description de l’Afrique (Cosmographia de Affrica , 1526), il a confondu n-igeru avec le latin niger (noir). Le nom du pays appelé Nigeria fut inventé en 1897 par Miss Flora Show, future épouse du gouverneur de la colonie Frederick Lugard.

 

27/09/2021

ANNAMARIA RIVERA
Le mythe funeste de l'identité originelle

Annamaria Rivera, Comune-Info, 20/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le 13 septembre 2021, le Forum interreligieux du G20, réuni à Bologne, a finalement lancé un appel à l'abolition du mot "race" dans les Constitutions. La France l'a fait il y a trois ans, en abrogeant non seulement ce mot infondé et maléfique, mais aussi la référence aux différences de genre. Et il y a six mois, l'Allemagne a reformulé l'article 3 de sa constitution en ces termes : "Personne ne doit être lésé ou favorisé (...) pour des motifs racistes", au lieu de "en raison de sa race", comme c'était le cas auparavant.

L’initiative du Forum interreligieux du G20 n'est pas la première de ce genre : depuis plusieurs années, la société civile, y compris en Italie, s'organise pour demander l'abolition du terme "race".


 Sawtche Baartman, une femme khoïsan réduite en esclavage et exhibée comme une bête de foire en Europe (ici dans le salon de la duchesse de Berry) pour son large postérieur, devint célèbre sous le surnom de « Vénus hottentote ». Contrainte à la prostitution, elle mourut de pneumonie, syphilis et alcoolisme à Paris en 1815. Sa dépouille est rapatriée en Afrique du Sud en 2002

Un autre terme qui devrait être abandonné, à mon avis, est celui d'ethnie, qui, cependant, bien qu'ayant, en réalité, une valeur discriminatoire, continue à avoir un succès extraordinaire, même dans les milieux intellectuels. Parmi les nombreux exemples, il suffit de mentionner le titre d'un mémoire de licence en sociologie : La discrimination des ethnies Rom. Profils socio-juridiques. Définir la minorité des Rroms, Sintés et Gens du Voyage - en Italie les plus nombreux ainsi que les plus discriminés, marginalisés et méprisés - comme des "groupes ethniques"  signifie en fait contribuer à leur discrimination, leur marginalisation et leur humiliation.

Pourtant, au fil du temps, un certain nombre d'articles et d'essais sont apparus en Italie et ailleurs pour déconstruire ce pseudo-concept et montrer son sens arbitraire et discriminatoire. Le volume le plus important et le plus connu est L’Imbroglio ethnique en quatorze mots clés (Payot, Lausanne, 2000), dont j'ai été l'inspiratrice et la coautrice avec l'historien René Gallissot et l'anthropologue Mondher Kilani).