Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 18/11/2021
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Dans 18 affaires de fusillade sur lesquelles l'armée israélienne a enquêté, aucun tireur n'a été traduit en justice.
De gauche à droite : Ezedine al-Batash ; Fehmiye Hrub ; Fadi Washaha ; funérailles de Muhammad Khabisa ; le père de Khabisa tient sa petite-fille dans ses bras. Photos : Nasser Nasser / AP, avec l'aimable autorisation de la famille Hrub, ISSAM RIMAWI / Anadolu Agency via AFP, Alex Levac
Il y a deux ans, le 11 novembre 2019, Omar Badawi, 22 ans, est sorti de sa maison dans le camp de réfugiés d'Al-Arroub, dans le sud de la Cisjordanie. Il voulait éteindre un petit feu à l'extérieur, qui avait été allumé par un cocktail Molotov que des adolescents avaient lancé sur des soldats qui avaient envahi le camp, et qui avait manqué sa cible. Badawi est sorti avec une serviette, pour éteindre les flammes qui léchaient le mur de sa maison. Ce fut l'erreur de sa vie. Dès qu'il est sorti, des soldats déployés dans une ruelle voisine ont tiré et l'ont tué. Peut-être pensaient-ils que la serviette représentait une menace mortelle ; après tout, ils pensaient que cela justifiait un tir mortel sur un civil innocent. La séquence des événements - la sortie de Badawi de la maison, la serviette, la fusillade - a été filmée par des journalistes présents sur les lieux. C'est un spectacle sinistre, mais sans équivoque dans ce qu'il montre.
Comme le veut la coutume, les Forces de défense israéliennes ont promis de lancer une enquête, à l'issue de laquelle "les conclusions seront transmises à l'avocat général des armées". C'était il y a deux ans. Il y a un an, à l'occasion de l'anniversaire de la fusillade, Haaretz a demandé à l'unité du porte-parole des FDI où en était l'enquête sur la mort de Badawi. Elle n'est pas encore terminée, m'ont-ils répondu. Une autre année a passé, et cette semaine, l'unité du porte-parole des FDI a communiqué les informations suivantes à Haaretz : « L'un des combattants qui assurait la couverture des troupes a repéré un Palestinien dans la ruelle qui tenait un chiffon blanc, que le combattant a identifié comme faisant partie d'un cocktail Molotov qui n'avait pas encore été allumé, et a tiré sur lui. Le Palestinien a succombé à ses blessures. À la suite de l'incident, une enquête de la police militaire a été lancée, et après examen de ses conclusions, il a été constaté que les preuves recueillies ne justifient pas d'engager des poursuites judiciaires ».
Un jeune homme désarmé qui ne met en danger la vie de personne sort de chez lui, un soldat imagine que la serviette qu'il tient servira à fabriquer un cocktail Molotov et décide d'exécuter sur-le-champ l'individu innocent. Rien dans le comportement du bourreau n'a éveillé les soupçons de l'armée quant à la possibilité qu'un délit quelconque ait été commis - ni homicide involontaire, ni même mort par négligence. Tout dans le comportement du soldat était, aux yeux de l'armée, impeccable, standard, peut-être même louable, et la messe était dite. La facilité intolérable avec laquelle la vie d'un Palestinien a été prise ne valait même pas une réprimande aux yeux de cette armée si morale.
Que tous les soldats voient et sachent, afin qu'ils n'hésitent pas à tirer sur des Palestiniens armés de serviettes.