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06/03/2023

JORGE MAJFUD
Ils ne sont pas communistes, mais ils sont noirs
Haïti, une tragédie sans fin

Jorge Majfud, Escritos críticos, 3/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Extrait du livre La frontera salvaje. 200 años de fanatismo anglosajón en América Latina (2021) [La frontière sauvage : 200 ans de fanatisme anglo-saxon en Amérique Latine]

Port-au-Prince, Haïti. 30 janvier 1986 - Le président Ronald Reagan refuse l'asile à l'un de ses amis dictateurs, Jean-Claude Duvalier, mais propose de lui trouver un passage sûr vers un autre pays. S'appuyant sur un rapport de la CIA affirmant avoir vu la famille Duvalier se rendre à l'aéroport, Washington annonce la destitution du dirigeant haïtien comme si elle n'avait rien à voir avec cette affaire. Mais Baby Doc, pris entre les rébellions de son peuple et les caprices de sa belle épouse, change d'avis, revient au palais présidentiel et y reste une semaine de plus, jusqu'au 7 février où il doit s'envoler pour Paris avec les restes du butin familial.

Pour Duvalier junior, tout a commencé avec la crise du cochon noir, sept ans plus tôt. Pour le peuple haïtien, cela a commencé des siècles plus tôt. La crise du cochon noir a de multiples antécédents rien que dans ce siècle. Sans compter les massacres perpétrés par les marines qui tentaient de faire régner l'ordre dans un pays de voyous et de Noirs indisciplinés, les recettes de la réussite économique des grandes entreprises et des experts du Nord ont laissé une autre traînée de morts sur l'île pendant de longues décennies.

En 1929, par exemple, un rapport du responsable de l'American Technical Service avait reconnu que les paysans haïtiens cultivaient le coton plus efficacement que les grandes plantations usaméricaines. Les paysans n'appliquaient aucune méthode scientifique, mais plutôt l'expérience accumulée par leurs ancêtres, expérience et méthodes que les hommes blancs supérieurs refusaient même de prendre en considération. Cependant, pour répondre à la demande du monde développé, des dizaines de milliers d'Haïtiens ont été envoyés à Cuba et en République dominicaine pour y travailler comme ouvriers salariés, abandonnant leurs terres et leurs traditions pour devenir des employés dépendants de grandes entreprises internationales. Après une brève période de prospérité économique, tout s'est effondré comme un château de cartes lorsque les vents du marché international ont tourné du jour au lendemain. Comme c'est souvent le cas dans chaque crise économique, les gens trouvent toujours des coupables parmi ceux qu'ils peuvent voir de leurs propres yeux, et surtout lorsque l'ennemi semble venir d'en bas, qu'il est laid, qu'il s'habille mal et qu'il a l'air dangereux. Si ceux d'en bas ressemblent à des étrangers, c'est encore pire. En 1937, un autre dictateur nommé et soutenu par Washington en République dominicaine, Rafael Trujillo, a ordonné le massacre de 30 000 Haïtiens qui avaient été accusés de voler du travail aux Dominicains. Ce massacre a fait passer inaperçu les meurtres d'Haïtiens mécontents par les Marines usaméricains, si bien que quelques voix de protestation se sont élevées au Congrès de Washington, jusqu'à ce que Trujillo les fasse taire par des dons de centaines de milliers de dollars et des publicités payées dans le New York Times.

Un Yankee pose entouré de corps d’Haïtiens tués lors des combats contre les Marines en 1915. L’occupation militaire US a duré de 1915 à 1934 Photo Getty Images

En 1944, par décision de la Société Haïtiano-Américaine de Développement Agricole (SHADA), les meilleures terres d'Haïti furent forcées de produire du sisal et du caoutchouc pour la guerre en Europe, ce qui non seulement déplaça 40 000 paysans supplémentaires mais, une fois la guerre terminée, les terres étaient inutilisables pour ceux qui revenaient sans même pouvoir reconnaître le paysage laissé par les sociétés prospères. Un mémorandum du 30 juin 1952, signé par William B. Connett, conclura : « Ce programme a été un échec ». Une erreur de plus.

Des histoires similaires, tapissées de morts sans importance, avaient complété la saga de la famille Duvalier. Aujourd'hui, un nouvel acte de surréalisme frappe le peuple haïtien. En 1978, pour prévenir toute épidémie de peste porcine détectée en République dominicaine, des experts du Nord avaient recommandé l'abattage d'un million de cochons noirs en Haïti, abattage intensifié en 1982 alors que la menace avait déjà été déclarée maîtrisée. Pour les 100 000 premiers porcs, les agriculteurs les plus pauvres ne recevaient aucune compensation. Si ce plan a coûté 23 millions de dollars à l'OEA et à Washington (dont seulement sept millions iront à certaines des victimes sous forme de compensation), pour les Haïtiens, la disparition des cochons noirs a signifié la perte de 600 millions de dollars et d'un mode de vie qui leur était propre. Grâce à ce plan merveilleux, les entreprises usaméricaines et canadiennes, à l'abri de toute hystérie anticonsommateurs, ont pu continuer à répondre à la demande de porc. Selon l'Université du Minnesota, si la maladie avait atteint le marché usaméricain, le pays aurait perdu jusqu'à cinq milliards de dollars - le pays ou les entreprises.

Mais la maladie des cochons noirs haïtiens n'a pas été transmise aux humains ni aux autres animaux. Il était même possible de le manger sans danger lorsqu'il était correctement préparé, selon les experts. Pendant des siècles, les cochons noirs s'étaient adaptés aux conditions de l'île, alors que le plan de remplacement des experts de Washington exigeait que les nouveaux porcs de l'Iowa soient mieux soignés que les mêmes agriculteurs ne pourraient le faire pour leurs propres enfants. Les cochons de l'Iowa, plus blancs et plus gros que les cochons noirs traditionnels, ne pouvaient boire que de l'eau filtrée. Les mauvaises langues de ce pays prétendaient qu'ils avaient également besoin de l'air conditionné pour survivre à la chaleur de l'île.

Le kochon kreyòl, objet d'un véritable génocide par substitution au profit du kochon grimèl (rose), a une grande place dans la culture haïtienne. Selon la légende, un cochon noir fut sacrifié par la prêtresse manbo, Cécile Fatiman et son sang donné à boire aux esclaves marrons durant la cérémonie vaudou du Bois Caïman, organisée dans la nuit du août 1791 par Dutty Boukman pour préparer le soulèvement. Ce sang devait rendre invulnérable. Peinture d’Ernst Prophète, 1996

En Haïti, la valeur d'un seul cochon noir équivalait à deux années d'éducation d'un enfant. Pour les paysans et les Haïtiens pauvres, ce massacre était pire qu'un tremblement de terre. La logique du monde rationnel et développé a échoué avec des résultats tragiques. Tragiques pour les autres, pas pour leurs grandes entreprises. Le chômage a grimpé à 30 %, l'économie est entrée en récession et la dette extérieure est passée de 53 à 366 millions de dollars. La pauvreté a augmenté en même temps que la richesse des 100 familles les plus riches de Port-au-Prince. La dépendance du pays à l'égard des USA a également augmenté par le biais de ses intermédiaires, les familles les plus riches de la demi-île, les habituels vendus qui n'ont jamais cessé de faire la fête avec du champagne.

Les cochons noirs ayant été éliminés du pays, le riz devint le produit alimentaire et commercial le plus important du pays. En 1990, les deux tiers de l'économie haïtienne dépendaient, d'une manière ou d'une autre, du riz. En 1994, formule mythologique d'un marché libre inexistant, les riziculteurs haïtiens feront faillite en masse lorsque le FMI et le président Bill Clinton les obligeront à éliminer les droits de douane sur les importations de riz. L'accord profitera aux riziculteurs de l'Arkansas, l'État natal du président Clinton, mais il ruinera les modestes riziculteurs de l'île, si bien que beaucoup, en désespoir de cause, prendront la mer pour trouver du travail ailleurs. Beaucoup vont sombrer dans les eaux des Caraïbes et dans l'oubli du monde développé.

Les explications des habitants du monde climatisé à cette réalité seront les mêmes que celles d'il y a un siècle sans climatisation. En 1918, le secrétaire d'État du président Woodrow Wilson, Robert Lansing, dans une lettre à l'amiral et gouverneur des îles Vierges, James Harrison Oliver, avait expliqué le problème : « Les expériences du Liberia et d'Haïti montrent que la race africaine n'a pas la capacité d'organisation politique et n'a pas l'intelligence pour organiser un gouvernement. Il y a sans doute dans leur nature une tendance à retourner au monde sauvage et à rejeter les chaînes de la civilisation qui gênent tant leur nature physique...... Le problème des Noirs est pratiquement insoluble ».

Après des siècles d'exploitation et de brutalité impériale, de l'empire français à l'empire usaméricain, après l'extermination des révolutions et des rébellions indépendantistes, et après des générations de dictatures fantoches, quelques Haïtiens parviennent au pays du succès. Aux USA, les moins performants diront que les perdants du monde viennent leur voler leur emploi et profiter de leurs luxueux hôpitaux. Personne ne dira que ce désespoir de fuir un pays brisé est une conséquence du communisme sur l'île. Ils ne diront pas non plus que c'est une conséquence du capitalisme dépendant. Comme avant la guerre froide, on dira que ce sont les défauts de la race noire.

Après avoir perdu le dictateur ami Jean-Claude Duvalier au profit des cochons de l'Iowa, Washington investira 2,8 millions de dollars pour soutenir le Conseil National de Gouvernement (CNG). Comme les escadrons de la mort soutenus par Washington dans les années 1960, les Tontons Macoutes, les forces paramilitaires vont maintenant terroriser le pays au nom de l'ordre. Les militaires et les paramilitaires vont tuer plus de pauvres Haïtiens que la dictature de Baby Doc Duvalier elle-même au cours des quinze dernières années. Lorsque Leslie Manigat (le candidat de la junte militaire pour le parti du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes) se présentera aux élections de 1988, seuls quatre pour cent de la population participera à la fête de la démocratie. Le président élu ne durera que quelques mois, mais la terreur du CNG durera encore quelques années.

Jusqu'à ce que le peuple haïtien insiste, et insiste, et insiste, et réussisse à élire le prêtre de la théologie de la libération Jean-Bertrand Aristide. Aristide a aboli l'armée en 1995 et Washington l'a destitué, pour la deuxième fois, en 2004. En 2017, Jovenel Moise, homme d'affaires prospère et candidat de Washington, rétablit les Forces armées d'Haïti et, après la fermeture du parlement en janvier 2020, gouverne par décret. Comme si l'armée ne suffisait pas dans son rôle traditionnel, des groupes paramilitaires harcèleront le reste des pauvres pour les maintenir au calme.

Rien de mieux qu'une bonne armée spécialisée dans la répression de son propre peuple pour corriger les erreurs du succès étranger.

 NdT

Sur le même thème, lire Envahissez Haïti, exhorte Wall Street. Les États-Unis s’exécutent   
Au début du 20e siècle, les États-Unis occupent Haïti. Derrière cette invasion, des banquiers américains avides de mettre la main sur les finances du pays.
Une enquête de
Selam GebrekidanMatt ApuzzoCatherine Porter et Constant Méheut dans le New York Times du 20/5/2022

05/02/2023

JORGE MAJFUD
Los cien millones de muertos del comunismo
Y los mil millones del capitalismo

Jorge Majfud, Escritos Críticos, 29-1-2023

Resumen de un capítulo del libro de próxima aparición Moscas en la telaraña

Sé que no es necesario desde ningún punto de vista, pero para comenzar me gustaría aclarar que no soy comunista. Tengo otras ideas menos perfectas sobre lo que debería ser la sociedad y el mundo, que no es este, tan fanáticamente orgulloso de sus propios crímenes. Pero como me molesta la propaganda del amo que acusa a cualquier otra forma de pensamiento de propaganda, ahí voy otra vez contra la corriente.

En La frontera salvaje (2021) nos detuvimos en Operación Sinsonte, uno de los planes más secretos y, al mismo tiempo, más conocidos de la guerra psicológica y cultural organizada y financiada por la CIA durante la Guerra fría. Ahora veamos uno de los casos más promocionados y viralizados de los años 90s, como lo fue Le Livre noir du communisme, publicado por el ex maoísta Stéphane Courtois y otros académicos en 1997. No nos detendremos ahora sobre la conocida psicología del converso, porque no es necesario. El libro fue una especie de Manual del perfecto idiota latinoamericano pero del primer mundo y con mucho más vida mediática.

 

De este libro proceden las infinitas publicaciones de las redes sociales sobre “los cien millones de muertos del comunismo”, aunque sus propios autores estiman un número menor, entre 65 y 95 millones. Especialistas en el área (sus autores no lo son) observaron que Courtois enlistó cualquier evento donde estuviese involucrado un país comunista y tomó la cifra más alta en cualquier caso.

Por ejemplo, la Segunda Guerra mundial es atribuida a Hitler y a Stalin, cuando fue este último el primer responsable de la derrota del primero, y fue el primero, no el segundo, el causante de esa tragedia. Es más, llega a la conclusión de que Stalin mató más que Hitler, sin considerar las razones de cada tragedia y atribuyendo parte de los 70 a 100 millones de muertos en la Segunda Guerra a Stalin, siendo que uno comenzó la guerra y el otro la terminó. Los veinte millones de muertos rusos son atribuidos a Stalin. Los especialistas en la Era soviética estiman la responsabilidad de Stalin en un millón de muertos, lo cual es una cifra horrenda, pero lejos de lo que se le atribuye y aún más lejos que cualquiera de las matanzas causadas por las otras superpotencias vencedoras, ex aliadas de Stalin.

En 1945, el general LeMay arrasó con varias ciudades japonesas, como Nagoya, Osaka, Yokohama y Kobe, tres meses antes de las bombas atómicas. En la noche del 10 de marzo, LeMay ordenó arrojar sobre Tokio 1500 toneladas de explosivos desde 300 bombarderos B-29. 500.000 bombas llovieron desde la 1:30 hasta las 3:00 de la madrugada. 100.000 hombres, mujeres y niños murieron en pocas horas y un millón de otras personas quedaron gravemente heridas. Un precedente de las bombas de Napalm fueron probadas con éxito. “Las mujeres corrían con sus bebés como antorchas de fuego en sus espaldas” recordará Nihei, una sobreviviente. “No me preocupa matar japoneses”, dijo el general LeMay, el mismo que menos de dos décadas después le recomendará al presidente Kennedy lanzar algunas bombas atómicas sobre La Habana como forma de resolver el problema de los rebeldes barbudos. A principio de los 80s, el secretario de Estado Alexander Haig le dirá al presidente Ronald Reagan: “Sólo deme la orden y convertiré esa isla de mierda en un estacionamiento vacío”.

El libro de Courtois enlista dos millones de muertos en Corea del Norte atribuidas al comunismo de los tres millones totales de muertos, sin considerar que los bombardeos indiscriminados del General MacArthur y otros “defensores de la libertad” barrieron con el 80 por ciento del país. Desde el año 1950, se solían arrojar cientos de toneladas de bombas en un solo día, todo lo cual, según Courtois y sus repetidoras de Miami y la oligarquía latinoamericana, no habrían sido responsables por la muerte de mucha gente.

Courtois también cuenta un millón de muertos en Vietnam debido a los comunistas, sin considerar que se trató de una guerra de independencia contra las potencias imperiales de Francia y de Estados Unidos, las que dejaron al menos dos millones de muertos, la mayoría no en combate sino bajo el clásico bombardeo aéreo estadounidense (inaugurado en 1927 contra Sandino en Nicaragua) y del uso del químico Agente Naranja, que no sólo borró del mapa a un millón de inocentes de forma indiscriminada sino que sus efectos en las mutaciones genéticas se sienten aún hoy.

También atribuye la barbarie del régimen de los Jemeres Rojos en Camboya enteramente a “el comunismo”, sólo porque el régimen era comunista, sin mencionar que Pol Pot había sido apoyado por Washington y las corporaciones occidentales; que fue el Vietnam comunista que derrotó a Estados Unidos el que puso fin a esa barbarie mientras Occidente continuó apoyando a los genocidas reconociéndolos en la ONU como gobierno legítimo hasta los años 80. Entre 1969 y 1973, cayeron sobre Camboya más bombas (500.000 toneladas) que las que cayeron sobre Alemania y Japón durante la Segunda Guerra. Lo mismo les ocurrió a Corea del Norte y a Laos. En 1972, el presidente Nixon preguntó: “¿Cuántos matamos en Laos?” A lo que su secretario de Estado, Ron Ziegler, contestó: “Como unos diez mil, o tal vez quince mil”. Henry Kissinger agregó: “en Laos también matamos unos diez mil, tal vez quince mil”. El dictador comunista que los seguirá, Pol Pot, superará esa cifra por lejos, masacrando a un millón de su propio pueblo. Los Jemeres Rojos, hijos de la reacción contra el colonialismo de Occidente, fueron apoyados por China y Estados Unidos. Otro régimen comunista, el Vietnam que derrotó a Estados Unidos, puso fin a la masacre de Pol Pot luego de una matanza de 30.000 vietnamitas. Aparte de los masacrados por las bombas de Washington solo en Laos y Camboya, decenas de miles más siguieron muriendo desde el fin de la guerra, debido a las bombas que no explotaron al ser arrojadas.

El mayor número que suman a los 94 millones de víctimas del comunismo se refiere a la catastrófica hambruna de la China de Mao en los 60s. Esta hambruna de 1958-62 no causó 60 millones, sino, muy probablemente, entre 30 y 40 millones y en ningún caso fue un plan de exterminio deliberado y racista, estilo nazi en Alemania o británico en India. La necesidad de industrialización se repitió en países como Brasil y Argentina y su único pecado fue haber llegado tarde. En el caso chino, combinó una política desastrosa con problemas climáticos. Pese a todo, la expectativa de vida en China comenzó a mejorar rápidamente a partir de los 60s. Durante el mismo período de la guerra fría, el nuevo estado democrático en India comenzó a mejorar las expectativas de vida de su población. Pero no se debió a ningún plan sino, simplemente, a haber dejado de ser una colonia hambreada, brutalizada y expoliada por el Imperio británico, que sólo entre 1880 y 1920 fue responsable de la muerte de 160 millones de personas.

No obstante, en este período de democracia capitalista en India, los muertos atribuibles a la ausencia de reformas sociales sumaron 100 millones. El mundialmente premiado economista y profesor de Harvard University, Amartya Sen y Jean Drèze de la London School of Economics, en 1991 habían publicado Hunger and Public Action donde analizaron con rigor estadístico varios casos olvidados de hambrunas mundiales provocadas por sistemas, modelos y decisiones políticas. En el capítulo 11 observaron: “Comparando la tasa de mortalidad de India de 12 por mil con la de China de 7 por mil y aplicando esa diferencia a una población de 781 millones en la India de 1986, obtenemos una estimación del exceso de mortalidad en India de 3,9 millones por año”.

La gran prensa no se hizo eco y el mundo no se enteró. Por el contrario, seis años más tarde saltó a la fama, como por arte de magia, Le Livre noir du communisme y otros del mismo género comercial de venta rápida, de consumo rápido y de fácil digestión.

1878

 Antes analizamos la posición del intelectual y diplomático indio-británico Shashi Tharoor y de los profesores Jason Hickel y Dylan Sullivan sobre el impacto de las políticas imperiales del capitalismo, lo que contradice las narrativas populares más promovidas por los medios dominantes y las agencias de gobierno, lo que se podría resumir en una de sus conclusiones: “En todas las regiones estudiadas, la incorporación al sistema mundial capitalista se asoció con una disminución de los salarios por debajo del mínimo de subsistencia, un deterioro de la estatura humana y un repunte de la mortalidad prematura.

Si, con el mismo criterio de Courtois y sus repetidoras, continuásemos contando los millones de indígenas muertos en las Américas en el proceso que hizo posible le capitalismo en Europa, los al menos diez millones de muertos que el rey belga Leopold II dejó en la empresa llamada Congo y tantas otras masacres de negros en África que no importan, o en India, o en Bangladesh, o en Medio Oriente, pasaríamos fácilmente varios cientos de millones de muertos en cualquier Libro negro del capitalismo.

Más que eso. La reconocida economista y profesora de Jawaharlal Nehru University, Utsa Patnaik, ha calculado que Gran Bretaña le robó a India $45 billones de dólares sólo entre 1765 y 1938 y causó, a lo largo de esos siglos, la muerte no de cien millones sino de más de mil millones de personas. La cifra alcanzada en su libro publicado por Columbia University Press de Nueva York, que a primera vista parece exagerada, no es menos excesiva que la atribuida por Courtois en base a los mismos criterios―sólo que está mejor documentada.

Sólo que una de las dos narrativas alcanza los grandes titulares y su objetivo: en las democracias secuestradas, no importa el peso de las verdades, sino la suma de las opiniones inoculadas.

16/12/2021

JORGE MAJFUD
“El milagro chileno”

Jorge Majfud, mayo de 2021

Extracto del libro La frontera salvaje. 200 años de fanatismo anglosajón en América Latina.

Santiago de Chile. 21 de marzo de 1975—El profesor de la Universidad de Chicago y premio Nobel de Economía, Milton Friedman, visita al general Augusto Pinochet en Santiago. Lo acompaña su colega Arnold Harberger, propagador de la idea del análisis objetivo de la economía y del “uso de las herramientas analíticas aplicadas al mundo real”, ilustrado con su famoso y abstracto Triángulo de Harberger. En otros tiempos, como era el dogma de la época, Harberger había asociado el capitalismo con la democracia, pero ahora, debido a las malas experiencias con el mundo real, queda claro que solo uno de ellos importa de verdad.

Chile es un experimento que, sin importar el resultado, será vendido hasta en sus países de origen, Estados Unidos y Gran Bretaña. Las ideas no son novedosas, pero los políticos necesitan ejemplos para citar, frases cortas e imágenes simples. La gran teoría se llama Trickle-down theory (Teoría del goteo) y la imagen se ilustra con una botella de Champagne llenando las copas que están más arriba de la pirámide de copas. El problema de la alegoría es que asume que el cristal de las copas no crece ni se estira de forma ilimitada como la capacidad de los de arriba para acumular lo que nunca chorrea hacia los de abajo. La imagen tampoco considera una figura similar que no existe en inglés y que ningún traductor puede resolver, pero en español se llama “La ley del gallinero”. Lo que gotea no es riqueza, sino mierda de las gallinas de más arriba.

Esta novedosa ideología ya existía a finales del siglo XIX. En medio de la gran recesión de los años 90 y de la extensión del imperialismo estadounidense sobre el mar, el representante por Nebraska y candidato a la presidencia, William Jennings Bryan, en la convención demócrata del 9 de julio de 1896 en Chicago, lo puso en términos por demás claros: “Están aquellos que creen que, si legislamos para hacer que los ricos se vuelvan más ricos, su riqueza goteará hacia los que están abajo. Nuestra idea de demócratas es que, si legislamos para que las masas sean más prósperas, su prosperidad subirá a todas las clases sociales que se encuentran por encima”. Bryan acusó a los legisladores de ser abogados de los “business-men (hombres de negocios)” y, según el Chicago Tribune del día siguiente, la asistencia aplaudió sus palabras de forma masiva y continua “como nunca antes… durante 25 minutos”. Bryan perdió las elecciones con McKinley en 1896 y en 1900, las primeras dos elecciones donde las donaciones millonarias de las grandes corporaciones decidieron los resultados a pesar de la mayor crisis económica desde la fundación del país. 

En 1964, el profesor e ideólogo Milton Friedman había visitado una de las tantas dictaduras latinoamericanas apoyadas por Washington, Brasil, y había propuesto el mismo plan de privatizaciones y desmantelamiento del Estado. En aquella oportunidad, el nuevo dogma ideológico del neoliberalismo todavía no se había consolidado ni en las dictaduras ni en las democracias latinoamericanas y Brasilia decidió no seguir las sugerencias del célebre profesor estadounidense, sino el camino contrario de la industrialización nacional del economista argentino Raúl Prebisch y, de alguna forma también, del peronismo argentino y del indeseado izquierdoso Getúlio Vargas en Brasil. Por entonces, las universidades latinoamericanas no eran marxistas (como eran acusadas por la CIA y por la oligarquía criolla) sino keynesianas, tanto como el mismo Franklin Roosevelt. El keynesianismo era el enemigo número uno de una nueva ola que tenía a Friedman y Hayek como sus dos mesías.