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21/10/2022

TOURNONS LA PAGE
Tchad : la répression systématique des manifestations contre la prolongation de la période de transition doit immédiatement cesser

Survie, 21/10/2022
Jeudi 20 octobre 2022, à l’appel d’une plateforme regroupant une partie de l’opposition politique et des organisations de la société civile, des manifestants sont descendus dans les rues de la capitale N’Djaména et de plusieurs villes de provinces dont Moundou pour dénoncer la prolongation de la période de transition. 

Le 10 octobre dernier, à l’issue d’un dialogue dit de « réconciliation nationale » boycotté par une partie de la société civile et de l’opposition, Mahamat Idriss Déby Itno a été investi comme Président de transition pour vingt-quatre mois supplémentaires. Il a aussi obtenu le droit de se présenter en tant que candidat aux prochaines élections présidentielles en contradiction avec la décision du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine du 3 août 2021 [1] et réaffirmée le 19 septembre 2022 fixant au 20 octobre 2022 la fin de la transition et interdisant aux membres du Conseil militaire de transition (CMT) d’être candidat aux élections à la fin de la transition [2].

La manifestation du 20 octobre avait été interdite par les autorités mais de nombreuses mobilisations ont néanmoins été organisées dans les différents quartiers des villes de N’Djamena et Moundou notamment. Ces manifestations ont été immédiatement réprimées par les forces de l’ordre par le jet de gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. Selon le Premier ministre du gouvernement de transition tchadien, au moins une « cinquantaine » de personnes ont été tuées, dont une « dizaine » de membres des forces de sécurité. Il y aurait aussi « plus de 300 personnes blessées ». Mais le bilan pourrait être bien plus lourd que celui annoncé par les autorités. Les organisations de la société civile continuent à documenter les violences en se rendant dans les différents hôpitaux et centres de santé où se trouvent de très nombreux blessés.

Parmi les victimes, on déplore notamment le décès du jeune journaliste Narcisse Oredje. L’artiste Ray’s Kim, engagé depuis de nombreuses années dans la promotion des droits humains et de la démocratie, serait à l’hôpital en soins intensifs après avoir été touché par balle. Ces deux cas sont emblématiques de la brutalité qui s’est abattue sur tous les citoyens présents dans les rues tchadiennes ce jeudi 20 octobre 2022.

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’association et de réunion pacifique, Clément Voule, a rappelé aux autorités tchadiennes que « tout recours à un usage excessif de la force contre les manifestants expose leurs auteurs à des poursuites conformément aux standards internationaux ». Alors que les violations des droits humains perdurent, la France et l’UE ont soutenu la transition et ont maintenu la coopération avec le Tchad, notamment la coopération militaire et policière.

La communauté internationale ne peut se contenter de déplorer ces violences et d’appeler à les faire cesser. Le régime doit être isolé et des sanctions ciblées doivent être mises en place tout en veillant à ce que la population tchadienne ne soit pas la première impactée.

Les organisations signataires de ce communiqué demandent  :

- aux autorités tchadiennes de mettre fin, de façon immédiate, à l’usage délibéré et excessif de la force létale à l’encontre de manifestants ;

- à l’ensemble des acteurs internationaux (États européens, États-Unis, ONU, Union Africaine…) de condamner le recours à la force contre les manifestations pacifiques et d’exiger des enquêtes indépendantes sur ces violations massives des droits humains ;

- à la France et aux Etats-Unis de suspendre toute coopération avec les forces de défense et de sécurité impliquées dans ces violences ;

- à l’ensemble de la Communauté Internationale, et notamment la France et l’UE, d’envisager la mise en place de sanctions ciblées à l’encontre du gouvernement tchadien et des personnes responsables de la répression.

Signataires :

Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France) ; AfricanDefenders ; Agir ensemble pour les droits humains ; CCFD – Terre solidaire ; Civil Society Human Rights Advocacy Platform of LIBERIA ; CRID ; Coalition Burkinabè des Défenseurs des Droits Humains (CBDDH) ; Coalition Ivoirienne des Défenseurs des Droits Humains (CIDDH) ; Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ; Front Citoyen Togo Debout ; Gender Centre for Empowering Development ; Human Rights Defenders Network-SL ; Institute for Democracy & Leadership (IDEAL) Swaziland ; Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN) ; Network of the Independent Commission for Human rights CIDH Africa ; Novation Internationale ; Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) ; Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) ; Réseau Nigérien des Défenseurs des Droits Humains (RNDDH) ; Réseau ouest africain des défenseurs des droits de l’homme (ROADDH) ; ROTAB Publiez Ce Que Vous Payez ; Secours Caholique - Caritas France (SCCF) ; Survie ; Synergie Togo ; Tournons La Page.

[1] Union Africaine, Communiqué de la 1016eme réunion du CPS, 3 août 2021 : https://bit.ly/3TmJppH

[2] Union Africaine, PSC/PR/COMM.1106 (2022), 19 septembre 2022, Addis-Abéba http://www.peaceau.org/uploads/1106th-comm-fr.pdf


17/02/2022

La France au Sahel, fausse note dans la petite musique élyséenne au sommet UE-Afrique
Tribune collective

Tribune collective sur le sommet Union européenne-Union africaine et les annonces qui devraient y être faites, notamment concernant l'intervention militaire française au Mali.

« Un moment décisif de la présidence française de l'Union européenne » : c’est ainsi que Franck Riester, ministre délégué au Commerce extérieur auprès du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, a qualifié début janvier le sommet Union européenne (UE)-Union africaine (UA) qui se déroulera à Bruxelles ces 17 et 18 février [1]. De fait, cet évènement sera sans doute le dernier acte de la comédie du président-pas-encore-candidat à laquelle assistent les ressortissants de l’UE, dont Emmanuel Macron assume une opportune présidence depuis le 1er janvier. Un rendez-vous qui devait venir conclure en beauté une partition initiée en novembre 2017, sur le jeune président refondateur des relations franco-africaines, et dont la petite musique s’est déroulée jusqu’au sommet Afrique-France de Montpellier : c’était compter sans les fausses notes liées aux rebondissements récents au Mali puis au Burkina Faso.

Un sommet de communication macronienne

Ce sommet devait en effet être la vitrine européenne des efforts de communication français. « L'UE souhaite demeurer à tous égards, le premier partenaire de l'Afrique sur le plan économique, commercial, mais aussi en matière de sécurité, d'aide publique au développement et humanitaire », déclarait le même Franck Riester, faisant peu de mystère de l’intérêt pour Paris d’une telle stratégie « européenne ». L’obsession récurrente du verrouillage des migrations et l’avenir des « accords de partenariat économique » (APE) devraient constituer des volets importants des discussions, dans un contexte de libéralisation continue de l’économie africaine, incarné notamment par la Zone de libre-échange africaine (ZLECAf, dont la structuration se poursuit [2]). Mais l’Elysée pouvait aussi espérer utiliser ce sommet pour mettre en scène le « renouveau » qu’Emmanuel Macron tente d’incarner, en matière de politique africaine comme ailleurs. Le « jeune » président, qui aime à rappeler qu’il n’a pas connu l’époque de la colonisation, entend ainsi à nouveau s’afficher au côté du Rwandais Paul Kagame, ennemi d’hier pour Paris et désormais figure africaine de la réussite d’un modèle ultralibéral sur le plan économique – et verrouillé sur le plan politique. Le changement de nom de l’Agence française de développement (AFD), dont le principe a été acté lors du sommet de Montpellier, pourrait aussi être concrétisé à cette occasion, au nom de la priorité européenne donnée au « développement », quelques jours avant l’entrée en campagne officielle d’Emmanuel Macron.

Surtout, cet évènement devait être l’opportunité rêvée pour afficher l’européanisation de l’intervention militaire française au Sahel, par la montée en puissance de la Task Force Takuba, une mobilisation des forces spéciales de différents Etats membres en appui à l’armée malienne, permettant de justifier le retrait d’une partie du contingent de l’opération Barkhane.

La France enlisée, Takuba enterrée

Cette évolution du dispositif militaire tricolore au Sahel, en discussion depuis le début de l’année 2021, s’était subitement accélérée début juin 2021, Emmanuel Macron prenant même de court sa propre diplomatie et son état-major en brandissant la menace d’un retrait des troupes françaises du Mali. L’Élysée entendait ainsi répondre à la contestation croissante de Barkhane sur place, nourrie par les humiliations quotidiennes et la multiplication de bavures meurtrières [3], mais aussi et surtout dans la classe politique et l’opinion publique françaises, au vu de l’enlisement de cette opération. Pour désamorcer la colère de la rue malienne, dont les militaires au pouvoir à Bamako depuis mai 2021 essaient de tirer leur légitimité, le calcul à Paris depuis l’été dernier était de faire oublier le drapeau français, pour mettre en avant un nouvel étendard : présentée commune une force « européenne », la Task Force Takuba restait pourtant un artefact de l’interventionnisme français, puisque le protocole établi en mars 2020 avec les autorités maliennes d’alors prévoit que les pays contributeurs doivent obtenir le feu vert de la France pour participer à l’opération [4] et que la force Takuba reste subordonnée au commandement de Barkhane. Comment s’étonner, dès lors, que le ressentiment légitime contre la politique africaine de la France (qui s’est régulièrement ingérée dans les affaires maliennes depuis 2013, jusque dans le choix des Premiers ministres ou encore en bloquant toute négociation politique avec certains groupes armés) se reporte sur ses partenaires européens, comme le Danemark dont les forces spéciales ont récemment dû quitter le pays à la demande de Bamako ?

11/01/2022

SURVIE
Demande d’audition de l’amiral Lanxade sur le rôle de Paul Barril dans le génocide au Rwanda

 Survie , 10/1/2022

En mai 1994, pendant le génocide des Tutsis, le mercenaire Paul Barril, ancien gendarme de l’Élysée, passe avec ses hommes par la base de l’armée de l’air d’Istres, pour aller au Rwanda fournir une assistance au gouvernement génocidaire. L’association Survie demande l’audition de l’amiral Lanxade, chef d’état-major des armées à l’époque, pour faire la lumière sur cette affaire.

En Mai 1994, alors que le génocide des Tutsis a commencé depuis plus d’un mois, Paul Barril se rend au Rwanda avec plusieurs mercenaires [1] pour fournir une assistance au Gouvernement Intérimaire Rwandais (GIR). Cette prestation, qui consiste à collecter des renseignements, former militairement les forces gouvernementales (FAR) et participer à des opérations militaires, sera officialisée à posteriori par un contrat signé le 28 mai 1994 entre Paul Barril et le Premier ministre du GIR [2].

Il ressort de l’information judiciaire ouverte contre Paul Barril que pour se rendre au Rwanda en Falcon avec ses hommes, l’ancien gendarme de l’Élysée a fait une escale à Istres [3], base de l’armée de l’air française.

Cette révélation soulève des questions cruciales vis-à-vis des plus hautes autorités militaires et politiques, comme le souligne François Crétollier, porte-parole de Survie : « De quelles autorisations a bénéficié Paul Barril pour atterrir sur une base de l’armée, au moment d’aller prêter main-forte aux génocidaires ? Comment ont réagi les autorités françaises suite à ce passage de mercenaires par une base militaire ? Ce passage par Istres établit qu’il est impossible de croire que les mercenaires au Rwanda aient agi dans un cadre privé, sans connaissance et sans aval des autorités françaises [4]. Et surtout, il demeure une question fondamentale : pour quelle raison Paul Barril s’est-il arrêté à Istres ? »

La base aérienne d’Istres (BA125 Istres-Le Tubé) a en effet la particularité d’héberger un Centre d’Essai en Vol (CEV) de Dassault, qui possède tous les moyens technologiques et humains pour effectuer des mesures, configurer et analyser les équipements électroniques d’un avion. Cette escale de Paul Barril le 9 mai pour aller à Kigali [5] est-elle à rapprocher de la découverte quelques jours plus tard dans la capitale rwandaise d’une boite noire de Concorde d’Air France trafiquée [6] ?

C’est pour ces raisons que l’association Survie, partie civile, a demandé à la juge d’instruction [7] d’auditionner l’amiral Lanxade, chef d’état-major des armées au moment des faits, sous la présidence de François Mitterrand.

Contact : Mehdi Derradji : +33 6 52 21 15 61 

Notes

[1] En mai 1994, Paul Barril part au Rwanda avec deux membres de la famille Habyarimana (Léon Habyarimana et Alphonse Ntirivamunda) et avec ses hommes (Marc Poussard et quatre autres qui resteront sur place : Luc Dupriez, Christophe Meynard, Jean-Marc Souren, Franck Appieto). Un avion Falcon est réservé le 6 mai. Le départ a lieu le 9 mai du Bourget. L’avion fait une courte escale sur la base d’Istres. L’avion arrive le 9 mai à Bangui, puis repart le 11 pour Goma. Les passagers passent le 11 mai au Rwanda, vers Gisenyi, puis Kigali.

[2] Jean Kambanda, condamné à la prison à perpétuité pour génocide par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda).

[3] Alors que l’aéroport civil de Marignane est à proximité immédiate, juste de l’autre côté de l’étang de Berre . C’est à Marignane qu’aurait du avoir lieu – à supposer qu’elle ait été requise – une escale technique pour un avion privé.

[4] Au contraire, ce passage par une base de l’armée fait écho à la stratégie indirecte proposée du général Quesnot, et aux rencontre Huchon-Rwabalinda (Voir « Le crapuleux destin de Robert-Bernard Martin : Bob Denard et le Rwanda », rapport de l’association Survie, février 2018, p.25).

[5] A une époque où personne d’autre ne se rend au Rwanda.

[6] Une boîte noire est retrouvée le 27 mai par les casques bleus à Kigali, abandonnée à proximité des lieux du crash de l’avion d’Habyarimana – alors que l’accès à ce lieu leur avait été interdit par les FAR jusqu’au 21 mai. Il sera établi qu’il s’agit en fait d’une boîte noire (voice recorder) de Concorde d’Air France. Elle contient un montage d’extraits de conversation entre la tour de contrôle et un appareil sur le tarmac de Kigali. Cette boîte noire « dépos[ée] dans l’herbe à Kigali après l’attentat du 6 avril 1994, alors que la ville est à feu et à sang » pose de nombreuses questions, dont la réponse – comme l’indique le journaliste Patrick de St Exupéry en conclusion de son article – « se trouve à un endroit, un seul : Paris ». (cf. « Le prétendu mystère de la boîte noire du génocide rwandais » Patrick de St Exupéry, Le Monde, 9 avril 2009)

[7] Paul Barril est visé depuis huit ans par une information judiciaire portant sur des faits de complicité de génocide, suite à une plainte en 2013 de Survie, de la Ligue des droits de l’Homme et de la Fédération internationale des droits de l’Homme. Malgré les multiples preuves du soutien apporté par Paul Barril et ses hommes au régime génocidaire, Paul Barril n’a jamais été mis en examen. Aujourd’hui sévèrement atteint par la maladie de Parkinson, les chances de le voir répondre de ses actes devant la justice s’amenuisent. Près de 28 ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, de nombreuses zones d’ombre demeurent sur le recours par les décideurs français de l’époque à des mercenaires.