Moments d'une immense carrière musicale et d'une vie bien remplie
Christos Paridis, LIFO,
2/9/2021
Traduit du grec par Jacques Boutard, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Christos Paridis est um journaliste indépendant et traducteur grec, né à Thessalonique et vivant à Athènes, qui a étudié le théâtre et le cinéma au Bard College de New York. Il est le directeur artistique de la « Boîte Noire », une plateforme théâtrale et musicale de la Fondation Mikhalis Cacoyannis. @rueLepsius
Lorsque Mikis Theodorakis a rencontré Konstantinos Karamanlis pendant la période houleuse que fut l'été 1974, marqué par le débarquement à Chypre, l'effondrement du régime des colonels et le danger imminent de guerre avec la Turquie, l'homme d’état lui demanda s'il participerait à un gouvernement de salut national, il répondit par un refus : « Quand je dirige l'orchestre, je m’habille en noir et je deviens le « prêtre de la démocratie », c'est mon rôle, j'utilise mes mains comme si j'embrassais tout l’orchestre et que le monde entier chantait avec moi. Si vous êtes sur la bonne voie, celle à laquelle je crois, je serai de votre côté. »
Cette description du style familier avec lequel il dirigeait l'orchestre lors de ses concerts, était en même temps l’admission de sa part d’un extrême dévouement envers les Grecs et la Grèce qui a joué un rôle clé dans ses choix musicaux et politiques. Ce dévouement envers le pays lui a servi de boussole à toutes les périodes de sa longue vie, provoquant d'innombrables malentendus chez ses admirateurs comme chez ses compatriotes, car cette attitude était parfois la source de réactions enthousiastes et, à d'autres moments, de brouilles, voire d’une guerre acharnée contre lui.
Dans les nombreuses interviews qu'il a accordées une fois parvenu à l’âge de sa plus grande maturité, il disait souvent : « Je suivrais le diable pour défendre mon pays ». Pour la majorité des progressistes grecs, c'était comme s'il était effectivement « parti avec le diable », lorsqu'il a prononcé son fameux « Karamanlis ou les chars », l’été de la chute de la junte - bien qu'il ne l'ait pas dit exactement comme ça, c'est une phrase qui lui a été attribuée dans un titre du journal « Vradini » et qui est restée dans la mémoire historique collective, faisant de la plus grande idole des Jeunes communistes (KNE) un « traître ». Cette étiquette l'a suivi toute sa vie. Ses choix et positions politiques ont souvent envenimé ses relations avec eux, seules les luttes et les épreuves qu’il avait subies dans sa jeunesse le « rachetaient » à leurs yeux.
Il était né à Chios en 1925. Sa mère était originaire de Çeşme en Asie Mineure et son père, originaire du bourg de Galata dans le dème de La Canée en Crète, était un haut fonctionnaire partisan d’Elefthérios Venizélos. Ils s’étaient rencontrés à Urla [entre Smyrne et Chios], où il avait été affecté à l’époque du Haut-Commissariat grec, juste avant la Grande Catastrophe de 1922, et quand la tragédie est survenue, ils ont fait ensemble la traversée en barque afin de sauver leur vie et prendre un nouveau départ.
L'enterrement dans son village natal de Galatas, en Crète