Affichage des articles dont le libellé est Hasbara. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Hasbara. Afficher tous les articles

17/06/2025

RICH WILLED
Le miroir du tyran : ce que Netanyahou ne dira pas sur l’Iran et la démocratie

Rich Willed, 16/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


S’il y a une chose qui commence vraiment à m’agacer ces derniers temps, c’est la façon dont les Occidentaux privilégiés regardent avec mépris les Palestiniens ou les Iraniens « non civilisés », sans la moindre goutte d’introspection.

Nous parlons de ces personnes en termes binaires. Antisémites. Théocratie. Axe du mal.

 

Pas d’histoire. Pas de contexte. Aucune reconnaissance de notre propre rôle dans cette histoire.

 

En écoutant Netanyahou expliquer ces derniers jours les raisons qui le poussent à attaquer l’Iran, je ne peux m’empêcher de penser qu’il existe une forme particulière d’hypocrisie réservée aux puissants. Une hypocrisie qui ne se nourrit pas du silence, mais des discours.

 

Elle se dissimule derrière le langage de la démocratie, de la liberté et de la moralité, tout en commettant les crimes qu’elle prétend condamner. Peu de personnalités illustrent mieux cette inversion que Benjamin Netanyahou. Ces derniers temps, je me surprends à inverser le sens de ses propos en temps réel. Ce serait presque drôle s’il ne traînait pas le monde au bord de la guerre nucléaire.

 

Le titre d’aujourd’hui en est un parfait exemple : « L’Iran a tenté d’assassiner Trump – à deux reprises ». Aucune preuve. Aucun détail. Juste : « Faites-moi confiance ».

 

Comme s’il allait de soi que nous devions croire un homme qui a menti plus de fois qu’on ne peut compter. Un homme actuellement jugé pour corruption dans son propre pays. Un homme sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

 

Et pourtant, Netanyahou monte sans cesse sur la scène internationale pour dépeindre l’Iran comme un régime tyrannique. Une théocratie brutale qui menace la stabilité régionale, la paix mondiale et l’ordre moral des nations « civilisées ». Il parle de répression, d’autoritarisme religieux, d’ambitions nucléaires...

 

Et pourtant, pendant qu’il parle, des enfants palestiniens gisent sous les décombres israéliens. Dans son propre pays, les juges sont privés de leur indépendance. Les manifestants envahissent Tel-Aviv pour mettre en garde contre la descente d’Israël vers l’autocratie. Et pourtant, les médias et les politiciens occidentaux répètent ses paroles comme s’ils n’en voyaient pas la fausseté.

 

C’est l’astuce séculaire de l’empire : présenter la résistance comme un danger et la domination comme la paix. Traiter son ennemi de tyran tout en larguant des bombes, en construisant des murs et en réduisant au silence toute dissidence. Il s’agit d’un renversement psychologique si profondément ancré dans la psyché occidentale que nous ne le remarquons même plus.

 

Mais que se passerait-il si nous inversions les rôles ?

 

Et si la vraie question n’était pas de savoir ce qui ne va pas en Iran, mais ce qui s’est passé la dernière fois que l’Iran a tenté de se libérer ?

 

Car derrière chaque accusation portée contre l’Iran se cache une histoire que nous ne sommes pas censés nous rappeler. Une histoire qui n’est pas celle du fanatisme, mais celle de la démocratie. Non pas celle de l’extrémisme, mais celle de l’autodétermination nationale. Et c’est cette histoire, et non les missiles ou les milices, que des hommes comme Netanyahou redoutent le plus.

 

Il est révélateur que si peu de gens connaissent cette histoire. Mais je suppose que c’est le but recherché.

 

Car si le monde se souvenait de ce qui s’est passé en Iran en 1953, le discours de Netanyahou commencerait à s’effriter. Toute la supériorité morale de l’Occident commencerait à s’écrouler.



Il y a soixante-dix ans, l’Iran n’était pas une théocratie. C’était une démocratie. Et son Premier ministre, Mohammad Mossadegh, n’était pas un religieux extrémiste ou un fanatique anti-occidental. C’était un réformateur laïc et instruit, largement respecté dans tout l’Iran et même dans certaines régions d’Europe.

 

Il était également profondément attaché à une idée révolutionnaire : les ressources naturelles de l’Iran devaient profiter à son propre peuple.

 

À l’époque, les entreprises britanniques contrôlaient le pétrole iranien, notamment l’Anglo-Iranian Oil Company (BP). Les travailleurs iraniens vivaient dans la pauvreté tandis que les élites britanniques engrangeaient les profits. Mossadegh voyait cela pour ce que c’était : un vol colonial. C’est pourquoi, en 1951, il a fait ce que tout dirigeant qui se respecte aurait dû faire. Il a nationalisé le pétrole iranien.

 

Cet acte a scellé son destin.



Mossadegh porté en triomphe par la foule après la nationalisation de l'Anglo-Iranian

 

Les Britanniques étaient furieux. Mais leur empire déclinant, ils avaient besoin d’aide. Ils se sont donc tournés vers leur partenaire d’après-guerre dans le contrôle mondial : les USA. Ensemble, la CIA et le MI6 ont lancé l’opération Ajax, un coup d’État secret qui a renversé Mossadegh et rétabli le Shah, un monarque aligné sur l’Occident qui a dirigé l’Iran d’une main de fer pendant les 26 années qui ont suivi.

 

Oui, vous avez bien entendu. Et non, ce ne sont pas des rumeurs. Tout cela est accessible à quiconque souhaite s’informer.

 

Dans les années 1950, l’Iran était une démocratie qui fonctionnait. Son dirigeant était élu au suffrage universel. Ce dirigeant agissait dans l’intérêt de son peuple. Et pour cela, l’Occident l’a écrasé.

 

Pourquoi ? Pas à cause de la tyrannie. Mais à cause de la souveraineté.

 

Parce qu’un Iran libre qui contrôlait son propre pétrole était bien plus dangereux pour les intérêts occidentaux qu’un régime brutal qui se pliait aux règles de l’empire.

 

Avant de juger ces pays comme arriérés ou mauvais, nous devrions peut-être prendre le temps de réfléchir. Et faire un peu d’introspection.

 

Car l’Iran n’était pas le seul.

 

Le renversement de Mossadegh n’était pas une anomalie. C’était un modèle. Un coup de semonce à toute nation, en particulier celles riches en ressources, qui osait imaginer l’indépendance. Au cours des décennies qui ont suivi, le schéma est devenu indéniable : chaque fois qu’un pays du Sud tentait d’affirmer sa souveraineté, en particulier sur ses propres ressources, les puissances occidentales intervenaient. Non pas pour défendre la démocratie, mais pour la démanteler.

 

Au Chili, ce fut Salvador Allende. Élu démocratiquement en 1970, il entreprit de nationaliser l’industrie du cuivre, contrôlée en grande partie par des sociétés usaméricaines. Trois ans plus tard, avec le soutien de la CIA, l’armée chilienne organisa un coup d’État violent. Allende fut tué. À sa place, le dictateur Pinochet prit le pouvoir, torturant et faisant disparaître des milliers de personnes. Washington qualifia cela de victoire pour la stabilité.

 

Au Congo, c’était Patrice Lumumba. Jeune, charismatique et déterminé à se libérer de l’exploitation belge, il a été élu Premier ministre en 1960. En quelques mois, il a été renversé puis exécuté, son assassinat ayant été orchestré avec la complicité de la CIA. Le pays a été livré à Mobutu, un homme fort corrompu qui l’a saigné à blanc pendant des décennies.

 

En Irak, Saddam Hussein a été armé et soutenu par les USA jusqu’à ce qu’il se retourne contre les intérêts de l’empire. Lorsqu’il a osé vendre du pétrole en dehors du système pétrodollar et laissé entendre qu’il souhaitait exercer un leadership régional échappant au contrôle usaméricain, le mensonge des armes de destruction massive a vu le jour. La guerre a été présentée comme une libération. Elle s’est transformée en occupation, en chaos et en mort.

 

En Libye, Mouammar Kadhafi était peut-être un personnage complexe, mais une chose est sûre : sa proposition d’une monnaie panafricaine adossée à l’or constituait une menace directe pour la domination des systèmes financiers occidentaux. Quelques mois après avoir lancé cette idée, il a été pris pour cible, bombardé et brutalement exécuté. Son pays n’a plus connu la paix depuis.

 

Et ce ne sont là que quelques exemples parmi les plus connus.

 

Le scénario de l’empire se répète sans cesse. Les dirigeants qui servent les intérêts occidentaux, aussi brutaux soient-ils, sont tolérés, voire soutenus. Mais ceux qui remettent en cause l’ordre économique, qui revendiquent le contrôle de leur pétrole, de leur eau, de leurs terres ou de leur monnaie, sont qualifiés de fous, d’extrémistes ou de terroristes. Leurs démocraties sont déstabilisées. Leurs pays sont sanctionnés, envahis ou réduits en ruines.

 

Il ne s’agit pas de liberté. Cela n’a jamais été le cas.

 

Il s’agit d’obéissance.

 

Et nous revoilà dans le présent, où le scénario continue de se dérouler, presque mot pour mot. Même si, peut-être enfin, il commence à s’effriter.

 

L’Iran est une fois de plus présenté comme le grand méchant. Netanyahou, Trump, les politiciens occidentaux et les médias parlent d’une voix presque unanime. L’Iran est un État voyou, une force déstabilisatrice, le premier sponsor mondial du terrorisme. Israël a mené une « frappe préventive ». Il a le droit de se défendre. Le monde doit défendre Israël contre la théocratie vicieuse qui ne vit que pour le détruire. Le langage est clinique. Répété. Incontesté.

 

Mais arrêtons-nous un instant.

 

Qu’a fait exactement l’Iran ? A-t-il envahi un voisin ? Renversé des gouvernements ? Commis des assassinats ciblés sur le sol étranger ? Posé des bombes dans des hôpitaux et des écoles ?

 

Ou son véritable crime est-il tout autre, bien plus familier et bien moins pardonnable ?

 

L’Iran soutient la résistance palestinienne. Il était l’un des sept pays cités dans le désormais tristement célèbre plan du Pentagone visant à « éliminer » certains pays après le 11 septembre. Le seul qui soit encore debout...

 

L’Iran refuse de s’incliner devant Israël. Il ne se soumettra pas aux USA. Il détient d’immenses réserves de pétrole et de gaz et a insisté, à maintes reprises, pour tracer sa propre voie. Et pour cela, il est présenté comme un grand danger pour la paix mondiale.

 

Pendant ce temps, Israël, un régime d’apartheid doté de l’arme nucléaire et se livrant à un génocide sans vergogne, est en quelque sorte considéré comme l’acteur responsable.

 

Il s’agit là d’un renversement d’une ampleur presque incompréhensible.

 

C’est la tyrannie vendue comme démocratie. La résistance qualifiée de terrorisme.

 

Posez-vous la question suivante : si la guerre nucléaire était vraiment la préoccupation qui motive les actions d’Israël, pourquoi personne ne s’inquiète-t-il du pacte de défense conclu entre l’Iran et l’une des deux plus grandes puissances nucléaires de la planète, la Russie ?

 

Ou peut-être que les menaces nucléaires ne sont des menaces que lorsqu’elles proviennent de ceux qui ne suivent pas les ordres ?

 

Et pendant ce temps, Netanyahou, qui a passé des décennies à démanteler les institutions démocratiques d’Israël, à inciter à la haine raciale et à entraîner son peuple dans un état de guerre sans fin, se tient à la tribune et donne des leçons de liberté au monde entier.

 

Ce serait risible si ce n’était pas aussi mortel.

 

La vérité profonde est la suivante : l’Occident ne craint pas l’extrémisme religieux. Il ne craint pas l’autoritarisme. S’il le craignait, il aurait sanctionné Israël depuis longtemps. Ce qu’il craint, ce qu’il a toujours craint, c’est l’indépendance. Une nation qui pense par elle-même, défend sa dignité et refuse de vendre son âme à l’empire.

 

C’est là la véritable menace.

 

Et peut-être que la question la plus importante que nous devons nous poser est la suivante : qui a le droit d’être libre ?

 

Car c’est là le cœur du problème. Pas seulement en Iran, à Gaza ou en Libye, mais partout où le joug de l’empire a écrasé ceux qui ont osé rêver d’autre chose.

 

Qui a le droit de revendiquer sa souveraineté ? Qui a le droit de nationaliser son pétrole, son eau, ses terres ? Qui a le droit de répondre aux puissances qui dominent le monde ?

 

Est-ce que je vis vraiment dans un pays démocratique si le simple fait de poser ces questions me met en danger ? Est-ce cela que nous prétendons être la liberté ?

 

Car les preuves sont claires : l’Occident applaudira une dictature tant qu’elle respectera ses règles. Et il écrasera une démocratie dès qu’elle sortira du rang.

 

L’Iran n’est pas devenu une dictature parce qu’il était tyrannique. Il est devenu ce qu’il est parce qu’il a osé être libre. La théocratie est née des cendres d’un rêve qui n’a jamais pu se réaliser.

Il ne s’agit pas ici de romancer le régime actuel de l’Iran. Il est brutalement répressif. Les dissidents sont réduits au silence, les femmes sont asservies et la violence d’État est bien réelle. Mais si nous nous arrêtons là, si nous isolons cette vérité du contexte qui l’a fait naître, nous ne nous livrons pas à une réflexion honnête. Nous nous livrons à une morale sélective.

 

La République islamique n’est pas apparue dans le vide. Elle s’est élevée des décombres d’une démocratie écrasée par l’Occident, comme beaucoup de dictatures qui l’ont suivie. Et tant que nous ne serons pas prêts à nous demander comment nous en sommes arrivés là, nous continuerons à commettre la même erreur : réagir aux flammes tout en ignorant l’étincelle.

 

Il en va de même pour le 7 octobre. Cette journée a été horrible. Des vies innocentes ont été perdues. Mais l’isoler, le traiter comme une explosion inexplicable du mal, c’est participer à une amnésie narrative. Car l’horreur ne survient jamais de manière isolée. Elle éclate sous la pression. Et si nous parlons du sang versé ce jour-là sans parler du siège, de l’occupation, de la dépossession, des décennies de déshumanisation qui l’ont précédé, nous ne recherchons pas la vérité. Nous préservons le pouvoir.

 

Netanyahou peut parler de menaces autant qu’il veut. Il peut battre les tambours de guerre, se draper dans le langage de la liberté et appeler au feu au nom de la civilisation.

 

Mais il ne craint pas l’Iran parce que c’est une théocratie. Il le craint parce que c’est une mauvaise théocratie, une théocratie qui ne se plie pas à ses règles et ne se soumet pas à son agenda.

 

Et au final, tout semble toujours revenir à la Palestine.

 

En 2001, sept pays de la région soutenaient ouvertement la cause palestinienne. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’un, qui est désormais dans le collimateur d’Israël.

 

Il est difficile de ne pas se poser la question suivante : si le monde avait agi plus tôt, s’il avait combattu l’injustice au cœur du conflit israélo-palestinien au lieu de la laisser perdurer pendant des décennies, en serions-nous là aujourd’hui ? Cette guerre serait-elle également nécessaire ?

 

Car peut-être, juste peut-être, que résoudre la blessure la plus ancienne du Moyen-Orient pourrait commencer à en guérir d’autres.

 

L’histoire jugera ce moment avec beaucoup plus de clarté que nous ne pouvons le faire aujourd’hui.

 

Mais je ne peux m’empêcher de penser que nous avons peut-être le luxe du recul.

L’avenir de l’humanité exige peut-être que nous allions droit au cœur du problème, dès maintenant.

Lire aussi

15/06/2025

GIDEON LEVY
Les trompettes de la victoire retentissent, mais leur mélodie envoûtante ne fera que duper les Israéliens

Gideon LevyHaaretz, 15/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

Les Israéliens aiment les guerres, surtout quand elles commencent. Il n’y a jamais eu une guerre que l’ensemble du pays n’a pas soutenue à ses débuts ; il n’y a jamais eu de guerre – à l’exception de celle du Yom Kippour en 1973 – sans que le pays entier ne s’émerveille au départ des incroyables capacités militaires et de renseignement d’Israël. Et il n’y a jamais eu de guerre qui ne se soit pas terminée dans les larmes.


Des secouristes travaillent à côté d'un bâtiment endommagé après avoir été touché par un missile balistique iranien dans le centre d'Israël samedi soir. Photo JACK GUEZ/AFP

Menahem Begin a lancé la première guerre du Liban dans un état d’euphorie. Il l’a quittée en dépression clinique. Begin comme parabole. Il y a de fortes chances que cela se reproduise à la fin de la guerre contre l’Iran. Nous vivons déjà un début euphorique – les albums photos de guerre sont déjà prêts à l’impression – mais cela pourrait très bien se terminer en dépression.

Les ailes sur les uniformes de nos pilotes de l’armée de l’air, couvertes du sang de milliers d’enfants et de dizaines de milliers de civils innocents, ont été purifiées en un instant après quelques sorties vers l’Iran. Quels héros ! Un tel élan national d’adulation pour notre armée de l’air ne s’était plus entendu depuis la « miraculeuse » guerre des Six Jours de 1967.

Regardez comme ils ont envoyé le missile à travers le balcon et la fenêtre. Même Benjamin Netanyahou a été blanchi du jour au lendemain, redevenant Winston Churchill – du moins pour certains. Les chaînes de télévision et les réseaux sociaux débordent d’autosatisfaction.


Les forces de sécurité israéliennes inspectent des bâtiments détruits qui ont été touchés par un missile tiré depuis l'Iran, près de Tel Aviv, en Israël, dimanche. Photo Ohad Zwigenberg/AP

« Quand nous le voulons, nous savons planter le couteau et le tourner », se vantait Liat Ron sur le site de Walla News.

« Ce 13 juin, de portée historique, est une autre occasion à ne pas manquer. Chapeau bas à Tsahal et longue vie à l’État d’Israël ! », écrivait la journaliste considérée comme la plus influente du pays.

Les premiers jours de guerre sont toujours les plus agréables, les plus enivrants, les plus flatteurs. Souvenez-vous de notre destruction de trois forces aériennes en 1967, ou des 270 policiers de la circulation tués le premier jour de l’opération Plomb Durci en 2009 à Gaza. C’est toujours le même orgueil, la même mise en avant des exploits de l’armée et du Mossad.

Le système de défense aérienne israélien Dôme de fer tire pour intercepter des missiles au-dessus de Tel Aviv, en Israël, tôt dimanche matin. Photo Ohad Zwigenberg/AP

Dès vendredi, certains, après seulement 100 sorties, parlaient déjà de remplacer le régime iranien. Cette fierté démesurée s’accompagne toujours d’un sentiment de légitimité morale. Il n’y avait pas d’autre choix en 1967 ni en 1982 – aucune guerre n’était plus juste que celles-là. Et vendredi, encore une fois, « il n’y avait pas d’autre choix ». Le début ressemble à un film hollywoodien ; la fin pourrait bien sortir d’une tragédie grecque.

Vendredi soir, le sentiment agréable s’était déjà dissipé : trois séries de sirènes ont envoyé des millions de personnes dans leurs abris, avec leur lot de destructions et de morts. Les neuf scientifiques nucléaires iraniens tués ne compensent pas cela ; même la mort du commandant des Gardiens de la révolution (déjà remplacé) n’est d’aucune consolation.

Israël s’est précipité dans une guerre choisie qui aurait pu être évitée, s’il n’avait pas convaincu les USA d’arrêter les négociations sur l’accord nucléaire – que Donald Trump aurait été heureux de signer. Israël l’a fait en affirmant qu’il n’avait « pas le choix », une rengaine bien connue.

Le pays contemple les « réussites » du premier jour avec des œillères, sans penser aux jours suivants. Après plusieurs mois à courir dans les abris trois fois par nuit, avec une économie en ruines et un moral en berne, on commencera à se demander si ça valait vraiment la peine, et s’il n’y avait réellement aucune autre option. Mais ces questions, aujourd’hui, ne sont même pas jugées légitimes.

Quelle est la capacité de résilience de l’Iran, comparée à celle d’Israël ? Tel-Aviv peut-elle résister longtemps sous la menace constante de missiles, sans devenir un nouveau Kiev ? Et Téhéran ?

Cette question devait être posée avant de décoller pour bombarder Natanz, pas après le retour triomphal des pilotes. Ce n’est pas pour gâcher la fête, mais pour adopter un regard lucide sur la réalité – et surtout, pour tirer les leçons du passé, chose qu’Israël refuse obstinément de faire.

Y a-t-il une guerre dont Israël est réellement sorti renforcé sur le long terme ? Y en a-t-il une seule qu’il n’aurait pas pu éviter ? La guerre contre l’Iran pourrait devenir une guerre comme nous n’en avons encore jamais connue.

La seule et mince chance de la voir se terminer rapidement dépend en grande partie de l’humeur d’un président fantasque à Washington. C’est sans aucun doute la guerre la plus dangereuse qu’Israël ait jamais connue. Et c’est peut-être celle que nous regretterons plus que toutes les autres.

04/04/2025

HELYEH DOUTAGHI
Déclarations sur ma suspension puis mon licenciement par l’Université Yale

Ci-dessous, traduites par Tlaxcala, deux déclarations de Helyeh Doutaghi suite à sa suspension (4 mars) puis son licenciement (28 mars) par l’Université Yale. Son crime : le soutien à la résistance du peuple palestinien, étiqueté comme “terrorisme” par des sionistes anonymes recourant à l’intelligence artificielle.

Suspendue pour un discours en faveur de la Palestine : ma déclaration sur l’adhésion de la faculté de droit de Yale aux calomnies générées par l’IA

Helyeh Doutaghi, 13/3/2025 

Je m’appelle Helyeh Doutaghi. Je suis spécialiste du droit international et de l’économie géopolitique. Mes recherches portent sur les approches du droit international par le tiers monde (TWAIL), les critiques postcoloniales du droit et l’économie politique mondiale des sanctions. J’ai particulièrement examiné les mécanismes et les conséquences de la guerre économique contre l’Iran, ainsi que les formes de connaissances produites dans le cadre du droit international humanitaire (DIH) afin d’obscurcir les opérations militaires usaméricaines et de les soustraire à l’obligation de rendre des comptes. Le 1er octobre 2023, j’ai été nommée directrice adjointe du projet Droit et économie politique (LPE) et j’ai rejoint l’équipe. J’occupais également le poste de chercheuse associée à la Yale Law School (YLS), un poste de professeure non permanente sans responsabilités d’enseignement.

Le matin du 3 mars, j’ai été informée d’un rapport en ligne me concernant. Une obscure plateforme sioniste de droite alimentée par l’IA et appelée “Jewish Onliner” a publié un rapport m’accusant à tort d’être une “terroriste”. Plutôt que de me défendre, la faculté de droit de Yale a décidé, moins de 24 heures après avoir pris connaissance du rapport, de me mettre en congé.

L’administration ne m’a donné que quelques heures de préavis pour assister à un interrogatoire basé sur des allégations d’extrême droite générées par l’IA à mon encontre, tout en subissant un flot de harcèlement en ligne, de menaces de mort et d’abus de la part de trolls sionistes, ce qui a exacerbé une détresse et des complications sans précédent au travail et à la maison. J’ai enduré tout cela alors que je jeûnais, et ma demande d’aménagements religieux pour le Ramadan a été rejetée. Quelques heures plus tard, l’YLS m’a mis en congé, m’a retiré mon accès aux technologies de l’information - y compris mon courrier électronique - et m’a interdit de quitter le campus. Je n’ai bénéficié d’aucune procédure régulière ni d’aucun délai raisonnable pour consulter mon avocat.

Plutôt que d’enquêter d’abord sur la source de ces allégations, la « meilleure école de droit » du pays les a prises pour argent comptant et a transféré la charge de la preuve de l’accusateur à l’accusée, me considérant, prima facie, comme coupable jusqu’à preuve du contraire. Que les avocats de la faculté de droit de Yale se soient sciemment appuyés sur des allégations fabriquées par  l’IA ou aient simplement choisi l’ignorance volontaire reste sans réponse.

Pour mener l’interrogatoire, la faculté de droit de Yale a retenu les services de David Ring du cabinet d’avocats Wiggin and Dana - un avocat dont le profil public mentionne “Israël” comme un “service” qu’il fournit et dont le portfolio se targue de conseiller “les plus grandes entreprises aérospatiales et de défense du monde”. Nommé à deux reprises par le département d’État usaméricain en tant que Special Compliance Officer [agent spécial de conformité], sa carrière est profondément ancrée dans les industries qui soutiennent le génocide et les crimes de guerre en Palestine. Lorsque j’ai fait part de mes inquiétudes concernant le conflit d’intérêts potentiel posé par sa participation à ce processus, l’YLS les a rejetées, déclarant qu’il n’y avait “aucune inquiétude quant à sa capacité à mener un entretien équitable”. Il est répréhensible que l’YLS nomme un avocat qui profite de la machinerie de la mort palestinienne pour “interviewer” une employée à propos de ses positions publiques contre le génocide et en faveur de la Palestine.

Yale a fait preuve de mauvaise foi tout au long de ce "processus". Cela s’est manifesté par l’insistance de l’administration sur un interrogatoire immédiat avec un délai déraisonnable, par le type d’avocat engagé pour m’“interviewer”, par le fait que cet avocat externe a refusé de répondre aux questions sur les protections procédurales, et par le refus de ma demande d’un bref accommodement religieux. La préoccupation singulière de l’YLS de maintenir l’approbation des bailleurs de fonds sionistes qui financent leur complicité dans le génocide a conduit l’organisation à me faire subir un interrogatoire dont j’avais toutes les raisons de penser qu’il était conçu non pas pour découvrir la vérité, mais pour justifier un résultat prédéterminé. Pour plus de détails, voir la note de mon avocat à la fin de cette déclaration.

Ce qui est clair, c’est que les actions de l’Université Yale constituent un acte flagrant de représailles contre la solidarité palestinienne - une violation de mes droits constitutionnels, de ma liberté d’expression, de ma liberté académique et de mes droits fondamentaux à une procédure régulière. Je suis prise pour cible pour une seule raison : pour avoir dit la vérité sur le génocide du peuple palestinien dont l’université Yale est complice.

L’Endowment Justice Coalition (EJC) a exposé les liens financiers étroits de Yale avec les fabricants d’armes, sur la base de déclarations fiscales accessibles au public. Parmi les gestionnaires d’actifs de l’université figurent JLL Partners, lié à General Dynamics et Lockheed Martin, et Farallon Capital, qui investit dans HowMet Aerospace, une société qui produit des composants clés pour les avions de chasse usaméricains F-35 utilisés par Israël pour commettre un génocide.

En tant qu’universitaire du mouvement qui s’oppose sans équivoque à l’impérialisme et au génocide usaméricano-sioniste, ma présence - en particulier en tant que musulmane iranienne dans une université d’élite qui est profondément impliquée dans les structures matérielles et idéologiques du génocide - est intolérable pour les forces du fascisme qui dirigent ce pays.

Les attaques contre moi, y compris les diffamations amplifiées par des trolls fascistes, sont emblématiques d’une politique officielle plus large de ce régime autoritaire visant à utiliser l’IA pour cibler les étudiants, les professeurs et les organisateurs qui osent s’élever contre le génocide, la famine systémique et le nettoyage ethnique des Palestiniens. Cette répression, désormais formalisée dans le cadre du programme de l’initiative “Catch and Revoke” [Attraper et révoquer] marque une dangereuse escalade dans la répression étatique, explicitement conçue pour favoriser une atmosphère de peur sur les campus universitaires. Tous les défenseurs de la liberté d’expression devraient être profondément préoccupés par le fait que ces mots infâmes, « Êtes-vous ou avez-vous déjà été membre de... », redeviennent un refrain courant. Nous entrons dans l’ère du maccarthysme sioniste, une époque où la dissidence est invariablement réprimée, où des carrières sont détruites pour avoir dit la vérité et où le simple fait d’être solidaire de la libération de la Palestine est considéré comme un crime. Tout comme le maccarthysme cherchait à écraser la résistance anti-impérialiste par la peur et la répression, cette nouvelle itération vise à réduire au silence, à intimider et à purger ceux qui contestent le colonialisme sioniste et l’impérialisme usaméricain.

Il ne s’agit pas d’une démonstration de force ; c’est le dernier refuge d’un ordre qui s’effondre - un empire en déclin, qui recourt à la répression brutale pour étouffer et écraser ceux qui exposent son hégémonie en train de s’effilocher.

La connaissance doit être au service des opprimés. Si ce que nous apprenons et enseignons ne nous oblige pas et ne nous donne pas les moyens d’utiliser nos plumes et nos voix pour remettre en cause les systèmes d’oppression, alors c’est un exercice intellectuel dénué de sens. Les institutions universitaires occidentales cultivent une classe lâche de collaborateurs intellectuels qui écrivent des articles critiques sur l’oppression mais la maintiennent par leur silence lorsque leurs privilèges sont menacés. La complicité de l’université de Columbia dans la dernière vague de répression contre ses étudiants en est un exemple.

C’est ainsi que le fascisme gagne : non seulement par la force brute, mais aussi en restant réactif face à l’oppression, et grâce à la complicité de ceux qui prétendent défendre la justice mais choisissent de rester silencieux lorsque le fascisme frappe. Les 17 derniers mois ont prouvé que de nombreux membres de la “gauche” occidentale ne sont pas disposés à faire les sacrifices nécessaires pour mettre fin au génocide. Dans le monde universitaire et à l’extérieur, ils profitent - à titre personnel et professionnel - des structures mêmes du génocide et de l’impérialisme auxquelles ils prétendent s’opposer. Leur confort est acheté aux dépens des opprimés. La gauche occidentale est aujourd’hui confrontée à un choix clair : soit elle relève le défi de lutter contre la vague de répression, soit elle continue à garder le silence au service du génocide.

Mais je ne me tairai pas. Je suis fière d’avoir utilisé ma voix et ma plume pour soutenir la lutte pour la libération de la Palestine. Ils peuvent me dépouiller de mes droits et privilèges, mais mon engagement en faveur d’une Palestine libre et du démantèlement complet de l’impérialisme usaméricain dans le monde ne dépend pas d’une reconnaissance institutionnelle ou d’une stabilité matérielle. Il est enraciné dans la lutte collective des opprimés mais puissants, dans les luttes anticoloniales en cours dans notre région, et dans la certitude que la libération viendra - non pas grâce à la bienveillance de l’empire sous l’égide des partis “démocrate” ou “républicain” qui sont unis dans le génocide de notre peuple, mais par sa défaite politique.

Vivre sous une dictature fasciste aux USA peut sembler étouffant, créant l’illusion que nous sommes isolés et en infériorité numérique. Mais la réalité est tout autre : nous sommes aux côtés de la grande majorité du monde, de la Palestine au Liban, en passant par l’Iran, le Yémen, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua et bien d’autres encore. Notre lutte est celle des opprimés mais puissants, des damnés de la Terre.

La campagne incessante visant à écraser la solidarité palestinienne par des arrestations massives, l’intimidation, le harcèlement et la censure a échoué. Cet échec est la raison pour laquelle l’État se tourne maintenant vers la force brute, comme en témoigne la dernière escalade à Columbia, où des manifestants ont été brutalement battus et où Mahmoud Khalil, étudiant à Columbia - aujourd’hui prisonnier politique - a été enlevé de force par l’État en collaboration avec l’université. Je suis entièrement solidaire de Mahmoud Khalil. Il s’agit d’une violation flagrante des droits constitutionnels les plus élémentaires, qui marque une nouvelle étape dans la descente des USA vers une tyrannie sans foi ni loi.

Le régime colonial israélien traverse une crise profonde. La défaite de sa machine de propagande - si vitale pour sa survie - a été accélérée par sa défaite sur le terrain à Gaza. L’empire ne peut se maintenir sans soutien intellectuel et institutionnel, et par conséquent, la suppression dont j’ai fait l’objet, comme beaucoup d’autres dans le monde universitaire usaméricain et au-delà, n’est pas fortuite, elle est structurelle. Le gouvernement usaméricain, reconfiguré en un appareil de sécurité fasciste, ne se contente pas de réprimer la contestation - il se prépare à la guerre, à l’étranger comme à l’intérieur du pays. Les institutions d’élite et les universités, chargées de reproduire ce système et de former la prochaine génération à le défendre et à le maintenir, se sont transformées en mécanismes de surveillance, veillant à ce que les voix de la résistance soient éradiquées pour permettre les atrocités commises à l’étranger. Mais l’université n’est pas seulement un lieu de répression, c’est un lieu de lutte. Nous devons le reconnaître comme tel et nous dresser pour reprendre le pouvoir sur ces institutions ou, le cas échéant, les démanteler et les perturber. Le temps de la critique passive est révolu depuis longtemps ; nous devons agir collectivement pour exposer, contester et résister au rôle des universités occidentales dans le maintien de l’empire et du génocide.

Appel à l’action

La faculté de droit de Yale doit rendre des comptes. J’appelle à un boycott immédiat et effectif de la faculté de droit de Yale et à une demande collective de divulgation complète et de désinvestissement de Yale dans le domaine du génocide. En outre, Yale doit prendre des mesures concrètes et efficaces pour réparer le préjudice qu’elle m’a infligé, être tenue responsable des dommages qu’elle a causés et faire une déclaration publique pour rétablir ma réputation.

Pas un seul professeur de Yale ne s’est levé pour s’opposer publiquement à ce que Yale m’a fait subir jusqu’à présent. Dans tout le pays, les universitaires et les administrateurs d’université - à quelques honorables exceptions près - ont joué un rôle lâche et collaboratif en facilitant l’attaque contre les droits démocratiques. Ceux qui sont trop préoccupés par leur salaire et leur carrière pour s’opposer à cette attaque sans précédent contre la liberté d’expression sont complices de leur propre assujettissement et de l’érosion de la force collective de la communauté. J’appelle chaque professeur, universitaire, chercheur, étudiant et membre de la communauté à se lever et à s’exprimer publiquement contre le fait que la faculté de droit de Yale fonctionne comme une extension de l’appareil d’État fasciste.

Je ne me laisserai pas intimider. Je ne reculerai pas. Je reste fidèle à mon engagement en faveur de la libération de nos peuples de l’impérialisme usaméricain, de la justice, de la vérité et de la solidarité indéfectible qui nous lie dans la lutte pour une Palestine libre.

En avant, quoi qu’il en coûte,

Helyeh Doutaghi

Mon avocat, Eric Lee, fait la déclaration suivante :

J’ai été engagé par la Dre Doutaghi en fin de matinée le 4 mars. Vers 14 h 30 cet après-midi-là, j’ai reçu un courriel du bureau de l’avocat général de Yale renvoyant à l’article du “Jewish Onliner” et indiquant que la Dre Doutaghi faisait l’objet d’une enquête à la suite de cet article. J’ai ensuite été contacté par l’avocat externe de Yale qui a insisté pour que la Dre Doutaghi accepte une interview l’après-midi même. J’ai demandé à m’entretenir avec l’avocat externe et nous avons discuté à 16 heures. J’ai demandé quelles procédures seraient mises en place pour l’entretien et j’ai expliqué qu’en raison de réunions déjà planifiées, je ne serais pas en mesure de participer à un entretien l’après-midi même. L’avocat externe m’a demandé d’envoyer un courriel proposant les prochaines étapes, ce que j’ai fait à 17h30, environ une heure après la fin de notre appel téléphonique. Dans ce courriel, j’ai indiqué que nous demandions un bref accommodement religieux en raison du fait que Mme Doutaghi avait jeûné pendant le ramadan tout en subissant un harcèlement et une violence intenses en ligne, et que nous serions mieux préparés à discuter des prochaines étapes le lendemain, après que Mme Doutaghi eut passé une bonne nuit de sommeil. Au moment où j’ai envoyé ce courriel, j’ai reçu un courriel du bureau de l’avocat général de Yale indiquant que la Dre Doutaghi avait été placée en congé administratif pour avoir prétendument omis de répondre à la demande d’entretien.

Après une recherche Google sur “Jewish Onliner”, nous avons appris qu’en janvier 2025, le journal israélien Haaretzavait enquêté sur “Jewish Onliner” et l’avait présenté comme un type de bot généré par l’IA qui diffuse des informations erronées pour contrer les discours pro-palestiniens en ligne. Haaretz a également indiqué que le robot pourrait avoir des liens avec le gouvernement et l’armée israéliens. À la lumière de ces informations, j’ai écrit à Yale le 5 mars pour leur demander (1) s’ils étaient au courant de l’illégitimité de la source, (2) si ce n’était pas le cas, s’ils avaient pris des mesures pour déterminer la légitimité de la source avant de se précipiter pour juger la Dre Doutaghi, et (3) si la précipitation pour forcer la Dre Doutaghi à une interview immédiate avait pour but de nous empêcher d’avoir le temps d’enquêter sur la légitimité de la source. Yale a refusé de répondre à ces questions.

Yale plie le genou devant les efforts de Trump pour supprimer la liberté d’expression, écraser la liberté académique et établir une dictature. Sa réussite dépendra entièrement de la réaction de la population. Nous exhortons tout le monde à se lever et à prendre la défense de la Dre Doutaghi et des principes démocratiques de liberté d’expression et de respect de la légalité qui sont fondamentaux pour nous tous. Nous demandons à nouveau à Yale de réintégrer la Dre Doutaghi, de lui donner accès au campus et à son courrier électronique, et de prendre des mesures publiques pour restaurer sa crédibilité et sa réputation.


 

Ma déclaration sur mon licenciement par la faculté de droit de Yale et le projet “Droit et économie politique” (Law and Political Economy Project, LEP)

1er avril 2025

Le vendredi 28 mars, jour d’Al-Quds, quelques jours avant que nous, musulmans, ne célébrions notre deuxième Aïd à l’ombre d’un génocide continu contre nos familles en Palestine, la faculté de droit de Yale (YLS) m’a licenciée pour avoir dénoncé la barbarie sioniste en Palestine. Cet acte s’inscrit dans le cadre d’une répression violente et plus large à l’encontre des étudiants et des universitaires à travers le pays, dont beaucoup occupent des postes précaires.  Ce à quoi nous assistons dans des institutions comme Yale, Cornell, Columbia et Harvard, c’est à la normalisation d’une gouvernance fasciste.  De l’enlèvement d’étudiants et de chercheurs pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression à la criminalisation, à l’exécution, à la suspension et au bâillon institutionnel qui sont maintenant monnaie courante sur les campus, les universités sont devenues des collaboratrices actives dans la réduction au silence de la dissidence et la criminalisation de la résistance. Fonctionnant comme des sites efficaces de surveillance et d’oppression, ces institutions - en collaboration avec l’appareil répressif de l’État - établissent de nouveaux et dangereux précédents pour les règles d’engagement dans tout le pays.

Yale affirme m’avoir donné de multiples occasions au cours des trois dernières semaines de répondre à ses “préoccupations” - des préoccupations qui sont apparues après que l’YLS a été publiquement exposée pour avoir agi sur la base d’un rapport généré par l’IA à mon encontre. Bien que j’aie déclaré à plusieurs reprises que j’étais disposée à répondre par écrit aux questions d’YLS, j’ai maintenu ma position selon laquelle je ne coopérerai pas avec les forces sionistes qui représentent et défendent les intérêts des génocidaires. Je ne légitimerai pas un processus mené par des acteurs sionistes qui défendent les intérêts d’un régime dont la politique consiste à tuer des enfants. Pour cette raison, l’YLS a jugé “inappropriées” mes graves préoccupations concernant l’implication d’un conseiller externe ayant des liens publics avec Israël et les fabricants d’armes.

Ils ont tenté de me faire taire, en vain. Plus d’un millier de professeurs, d’avocats, d’universitaires, d’étudiants et d’organisateurs se sont levés en signe de solidarité, condamnant la capitulation de Yale face à la répression sioniste et sa complicité avec les et sa complicité dans la chasse aux sorcières sioniste-maccarthyste dont je fais l’objet. (lire et signer la lettre de soutien)

Dans la lettre mettant fin à ma nomination, l’YLS prétend avoir vérifié de manière indépendante mon affiliation à Samidoun, le réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens. Je rejette catégoriquement la criminalisation de l’organisation politique face à la répression, y compris celle dirigée contre Samidoun. Pourtant, même selon ses propres critères illégitimes, l’YLS n’a pas réussi à établir le seuil de preuve le plus élémentaire. L’article qu’elle cite pour insinuer mon affiliation à Samidoun date de 2022, soit plus de deux ans avant que l’organisation ne soit inscrite sur la liste des entités terroristes au Canada. À cette époque, Samidoun était en fait une organisation à but non lucratif légalement enregistrée au Canada.

Ni l’YLS ni aucun rapport sioniste (ou les deux !) n’ont présenté la moindre preuve démontrant un lien ou un acte illégal de ma part. J’ai été licenciée sur la base d’allégations non prouvées, en l’absence de toute procédure régulière ou d’allégation fondée. Pour un compte rendu complet des faits relatifs à mon engagement avec Yale, et pour corriger leurs fausses affirmations, veuillez vous référer à la déclaration publiée par mon avocat, M. Eric Lee, ci-dessus.

Cela crée un précédent qui fait froid dans le dos. Si une pipistrelle artificielle ou n’importe qui accuse un professeur ou un étudiant de Yale d’avoir commis un acte répréhensible, cela peut désormais suffire à mettre un terme à sa carrière. Tel est l’état de l’académie juridique usaméricaine aujourd’hui : le respect des procédures et l’État de droit sont enseignés dans les salles de classe, mais abandonnés dans la pratique.

Il est profondément ironique qu’en tant qu’universitaire dont le travail interroge les architectures juridiques des régimes de sanctions, j’aie été licenciée de mon poste à la faculté de droit de Yale et du projet LPE sur la base d’allégations d’affiliation à une organisation sanctionnée. Depuis plus d’une demi-décennie, mes recherches portent sur la manière dont les régimes de sanctions, y compris ceux qui sont présentés comme des mesures antiterroristes, fonctionnent comme un outil de gouvernance impériale. Ces mécanismes, conçus pour discipliner et contenir les soi-disant “États voyous” comme l’Iran qui défient l’impérialisme américain, ont longtemps permis l’expropriation d’actifs et l’inscription d’individus sur des listes noires par le biais de procédures secrètes sans procès en bonne et due forme, ainsi que la négation de la souveraineté. Ce qui se passe actuellement aux USA est l’effet boomerang de ces régimes de sanctions.

Les technologies juridiques développées pour gérer et punir les acteurs du Sud qui contestent l’oppression et la domination occidentales sont de plus en plus redéployées vers l’intérieur, en tournant leur regard vers les universitaires, les activistes, les organisations et les mouvements qui critiquent les régimes usaméricain ou israélien.  Des mécanismes tels que la liste SIGN, qui s’est développée après le 11 septembre 2001 dans le cadre d’un appareil de sécurité mondial visant à contrôler les menaces perçues par les USA à l’étranger, élargissent aujourd’hui leur cible et criminalisent les activités de plaidoyer en faveur de la Palestine, tout en supprimant les dissensions internes. Sous couvert de conformité et de sécurité nationale, ces outils sont utilisés pour priver les individus de leurs droits sans procédure régulière. Dans mon cas, aucune preuve n’a été présentée, aucune audience n’a été accordée, seule l’invocation d’un rapport généré par IA a suffi à mettre fin à mon emploi à la faculté de droit de Yale et au projet LPE. Il ne s’agit pas d’une erreur d’appréciation institutionnelle, mais de la manifestation d’un ordre juridique impérial qui érode les protections des accusés, rend les États et les peuples hors la loi et définit la dissidence comme une menace. Les sanctions servent donc à légitimer et à étendre la violence, au-delà des frontières et maintenant dans les universités usaméricaines.  Ce qui était à l’origine un instrument de domination à l’étranger est devenu un outil de contrôle autoritaire à l’intérieur du pays.  Dans ce changement, l’architecture de l’impérialisme capitaliste révèle son visage intérieur : l’autoritarisme fasciste, qui s’appuie de plus en plus sur la répression, la surveillance et la criminalisation de la résistance. Nous sommes à un moment charnière de l’histoire et du déclin de l’empire usaméricain. Le régime usaméricain coordonne la répression violente sur le front intérieur avec une escalade de la guerre sur le front extérieur. Sur de multiples fronts, y compris le génocide en cours en Palestine par le fondé de pouvoir terroriste sioniste des USA dans notre région, le bombardement sauvage du Yémen, le nettoyage ethnique en Syrie par des chargés de mission usaméricains, les assauts israéliens contre le Liban et les menaces quotidiennes contre l’Iran dans le discours officiel et la propagande médiatique, les USA conduisent activement le monde vers une guerre plus large en Asie occidentale. 

Pour maintenir l’illusion de la stabilité intérieure, les mécanismes du pouvoir autoritaire doivent supprimer la dissidence, en ciblant toute personne qui s’oppose à ces politiques afin de créer un effet de refroidissement sur la parole et de faire taire l’opposition. 

Cette suppression de la dissidence vise à maintenir l’impunité des USA et des sionistes face à la résistance croissante à leur impérialisme génocidaire en Asie occidentale et au-delà. Le gouvernement usaméricain tente d’empêcher l’inévitable. Mais rien n’arrêtera la chute de l’empire usaméricain, et rien n’empêchera l’histoire de se souvenir qu’il s’agit de l’un des empires les plus brutaux que le monde ait jamais connu.

Ce à quoi nous assistons aux USA, ce n’est pas l’échec de la démocratie, c’est la démocratie libérale occidentale en soi. Un système construit pour servir la propriété capitaliste. Un système né dans le génocide et l’esclavage, dont l’objectif a toujours été, en premier et dernier lieu, la “liberté” des classes possédantes d’accumuler des richesses par la négation de la liberté et de la souveraineté des colonisés. Face aux défis sans précédent lancés à l’impérialisme capitaliste occidental par le monde majoritaire, ce système a de nouveau montré sa véritable essence, une fois pour toutes, en retournant à ses racines génocidaires.