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18/02/2025

MOHAMMED MHAWISH
Instantanés : J’ai parlé avec 20 personnes à Gaza après le cessez-le-feu. Mon cœur s’est brisé 20 fois

Au lendemain de la guerre, les habitants de Gaza recollent les morceaux de leurs maisons, de leurs familles et de leurs vies. Ces 20 instantanés montrent à quoi ressemble la survie et ce qu’elle coûte.

Mohammed R. Mhawish,  6/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Mohammed Mhawish est un journaliste palestinien indépendant de Gaza, actuellement réfugié en Égypte. Il collabore avec plusieurs sites et médias anglophones. Meta Insta x

 

Dans les semaines qui ont suivi le cessez-le-feu, j’ai parlé à vingt personnes à Gaza - des mères, des pères, des enfants et des grands-parents - pour connaître leurs premiers moments, leurs premiers jours et leurs premières semaines après l’arrêt des bombardements. Leurs récits ne se limitent pas à la survie. Ils parlent de la perte : de maisons, d’êtres chers, de rêves, du rythme de la vie quotidienne.


Gaza au lendemain de la guerre. Photo Mohammed Salem/Reuters

 Ahmed, 32 ans, ouvrier du bâtiment (camp de Jabaliya)

A couru 5 kilomètres pour retrouver ses parents, une heure après l’annonce du cessez-le-feu.

« Je n’ai même pas réfléchi. J’ai couru si vite que mon cerveau et mon cœur avaient du mal à me rattraper. Lorsque j’ai vu ma mère, vivante et debout dans l’embrasure de la porte, je suis tombé à genoux. Elle tenait un balai et balayait les décombres comme si c’était un mardi comme les autres. Je l’ai serrée dans mes bras et ne l’ai pas lâchée pendant des minutes. Avant la guerre, je construisais des maisons pour les gens. Maintenant, je ne sais même pas si je pourrai reconstruire la mienne ».

Mariam, 45 ans, enseignante (Beit Hanoun)

Elle a marché dans les ruines de sa maison, ramassant des fragments des jouets de ses enfants, trois heures après le cessez-le-feu.

« J’ai trouvé la petite voiture de mon fils sous les débris de béton. Elle était écrasée, mais je l’ai tenue comme si c’était de l’or. J’ai continué à creuser : des photos, une tasse de thé, ma robe de mariée. Chaque pièce était comme une partie de moi. Mais je n’ai pas pleuré. J’ai continué à creuser ».

Youssef, 17 ans, étudiant (Ville de Gaza)

A fait la queue pendant des heures à un point de distribution d’aide improvisé le deuxième jour du cessez-le-feu.

« Je n’avais pas mangé depuis deux jours. Mon estomac se mangeait tout seul. Lorsque j’ai enfin obtenu le sac de farine, je l’ai serré dans mes bras comme s’il s’agissait de mon petit frère. J’ai couru jusqu’à la maison et ma mère a fait du pain dans la rue. Nous n’avons même pas attendu qu’il refroidisse. Je voulais aller à l’université à l’étranger. Mon rêve est devenu d’avoir un repas complet ».

Samira, 60 ans, grand-mère (Shuja’iyya)

A organisé un groupe de femmes pour nettoyer la mosquée locale, deux jours après le cessez-le-feu.

« La mosquée était à moitié détruite, mais le minaret était toujours là. Je me suis dit : “Si le minaret est encore là, nous le sommes aussi”. Nous avons balayé, transporté des briques et même lavé le sol avec l’eau d’un tuyau cassé. Au coucher du soleil, c’était à nouveau un lieu de paix. Mais la prière du vendredi n’est pas la même sans mes petits-enfants ».

Khaled, 28 ans, pêcheur (camp d’Al Shati [La Plage])

A enterré son frère à mains nues, trois jours après le cessez-le-feu.

« Nous n’avions pas de pelle. Nous n’avions que nos mains. J’ai creusé le béton jusqu’à ce que mes doigts saignent. Shady aimait la mer, alors je l’ai enterré au bord de l’eau. Je suis restée assis à regarder les vagues pendant des heures. Je ne pouvais pas pleurer. Je n’arrêtais pas de dire : “Je suis désolé”. Son visage est là chaque fois que je regarde la mer ».

Leila, 9 ans, enfant (Rafah)

Joue à la marelle dans une rue bombardée, quatre jours après le cessez-le-feu.

« Maman m’a dit de ne pas m’éloigner, mais je voulais juste jouer. J’ai dessiné des cases de marelle avec un morceau de craie que j’avais trouvé. Mes amis sont venus, et pendant un petit moment, on se serait cru à l’Aïd. Nous avons ri si fort que les voisins sont sortis pour nous regarder ».