Trita Parsi, MSNBC, le 4/10/2022
Traduit par Fausto Giudice,
Tlaxcala
Les manifestations en Iran se poursuivent, mais aucun·e dirigeant·e du mouvement n'est apparu·e clairement
Les Iranien·nes continuent d'exprimer leur indignation suite à la mort de Mahsa Amini, 22 ans, à la mi-septembre, après que la « police des mœurs » iranienne l'a arrêtée pour avoir prétendument violé le code vestimentaire islamique strictement appliqué dans le pays. Photo MSNBC / ZUMA Press
Après des mois de manifestations et de grèves sans
cesse croissantes ciblant son régime despotique, le Shah d'Iran a
désespérément tenté d'apaiser les masses dans une allocution télévisée
du 6 novembre 1978. « J'ai entendu la voix de votre révolution », a dit
le shah, reconnaissait les erreurs passées et promettant de modifier sa
conduite. Mais plutôt que de sauver son règne, ce fut le moment, selon
le récit des révolutionnaires, où le shah scella sa propre destitution.
[la même chose est arrivée en Tunisie avec Ben Ali et son « Je vous ai
compris » du 13 janvier 2011, NdT].
Ce que le shah a fait en 1978
est ce que les dirigeants de la République islamique d'Iran refusent de
faire aujourd'hui alors que les Iraniens continuent d'exprimer leur
indignation face à la mort de Mahsa Amini, 22 ans, dans un hôpital
quelques jours après son interpellation par la “police des mœurs”
iranienne pour avoir prétendument violé le code vestimentaire islamique
strictement appliqué dans le pays. Parce qu'ils pensent que la tentative
du shah de rencontrer les manifestants à mi-chemin était son erreur la
plus décisive, les dirigeants intransigeants de Téhéran ont gouverné
pendant plus de 40 ans avec la maxime de ne jamais céder d’un pouce —
de peur que tout le régime révolutionnaire ne tombe.
L'Iran,
selon Amnesty International, a plutôt choisi de battre, d'arrêter et
même de tuer les jeunes femmes et hommes iraniens qui ont osé demander
justice. Mais plutôt que d'être réduits au silence, les manifestants ont
détourné leurs slogans de la simple fin du hijab obligatoire vers la
fin de la République islamique dans son ensemble — précisément parce que
le régime ne cède jamais un centimètre lorsque le peuple réclame ses
droits et sa dignité. Le slogan « Zan, zendaghi, azadi » ("Femme, vie,
liberté") est lui-même l’expression d’une vision brillante et positive
pour l'Iran sans règle cléricale, par rapport au négatif “A bas le
dictateur”, un slogan utilisé contre le shah en 1979 et plus tard contre
les dirigeants cléricaux.
C'est là que réside l'ironie des
leçons que les dirigeants actuels de l'Iran ont tirées de la “mollesse”
du shah : en bloquant les réformes, en réduisant le spectre politique de
l'Iran et en emprisonnant les dissidents, la République islamique a
fait en sorte que les Iraniens ne croient plus en la réforme et soient
amenés à conclure qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de demander
beaucoup plus : la fin du régime clérical.