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02/08/2025

MORGAN LERETTE
Ce n’est ni Blackwater ni Wagner, mais les paramilitaires yankees engagés à Gaza sont à 100 % des mercenaires

Il y a une différence, et ce qui se passe aujourd’hui nous mènera vers un avenir bien plus sombre

Morgan Lerette, Responsible Statecraft, 31/7/2025

Traduit par Tlaxcala

Morgan Lerette est un ancien officier du renseignement militaire US qui a travaillé pour Blackwater de 2004 à 2005. Il est l’auteur de « Guns, Girls, and Greed: I was a Blackwater Mercenary in Iraq » (Armes, filles et cupidité : j’étais mercenaire pour Blackwater en Irak). Après avoir quitté l’armée usaméricaine avec le grade de capitaine, Morgan a obtenu un master en banque et finance internationales à la Fletcher School of Law and Diplomacy de l’université Tufts.

 

Des USAméricains travaillant pour une société militaire privée peu connue basée aux USA ont commencé à se manifester auprès des médias et des membres du Congrès, affirmant que leur travail consistait à utiliser des balles réelles pour contrôler les foules et à prendre d’autres mesures abusives contre des civils non armés qui cherchaient de la nourriture dans des sites controversés de distribution alimentaire gérés par la Global Humanitarian Foundation (GHF) à Gaza.


UG Solutions a été engagée par la GHF pour sécuriser et livrer de la nourriture à Gaza. Le GHF, avec l’aide des SMP [Sous-traitants militaires privés], affirme avoir
fourni près de 100 millions de repas à Gaza. Israël a confié à la GHF le contrôle de ce qui était auparavant la mission d’aide humanitaire dirigée par l’ONU.

L’ONU a toutefois qualifié ce nouveau modèle d’« abomination » qui « n’apporte rien d’autre que la famine et les coups de feu à la population de Gaza », faisant référence aux 1 000 Gazaouis qui ont été tués près ou dans les centres de la GHF depuis mai. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont été accusées d’avoir tiré et bombardé des civils non armés. Les employés des sous-traitants usaméricains affirment en avoir été témoins et avoir reçu l’ordre d’utiliser des balles réelles dans le cadre de leurs propres opérations de contrôle des foules

UG Solutions est l’une des deux sociétés usaméricaines sous contrat travaillant dans les centres alimentaires. Toutes deux ont catégoriquement nié les accusations des employés, tout comme les FDI. La GHF a également publié des réponses détaillées qualifiant ces accusations de totalement fausses.

Inutile de dire que cela soulève de nombreuses questions sur le recours à des entrepreneurs usaméricains dans cette zone de conflit particulière, mais aussi sur leur identité. D’après toutes les informations disponibles sur UG Solutions, cette société n’opère pas sous la bannière ni sous la protection d’une agence usaméricaine, mais d’une entité étrangère. Cette extension de son champ d’action, selon moi, fait d’UG Solutions une organisation mercenaire à part entière et entraîne le secteur dans une voie très sombre.

Qu’est-ce qu’un mercenaire ?

Le recours à des sociétés militaires privées (SMP) en Irak a créé une zone grise entre les combattants et les civils privés remplissant des rôles de combattants dans une zone de guerre. Les USA, ne voulant pas être considérés comme des occupants, ont transféré le pouvoir en Irak en 2004. En théorie, cela signifiait la fin de la mission militaire et le début de la mission diplomatique.

Dans la pratique, la guerre faisait rage et les diplomates devaient être protégés par des membres non militaires. Des civils travaillant pour des entreprises telles que Dyncorp et Blackwater protégeaient les personnes chargées d’aider le gouvernement naissant de l’Irak à se reconstruire. Étaient-ils des mercenaires ? La réponse courte est : en quelque sorte.

Les Nations unies utilisent six critères pour définir le terme « mercenaire ».

Une personne qui :

1. Est spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé

2. Participe directement aux hostilités

3. Est principalement motivée par un gain privé (une compensation importante promise)

4. N’est pas ressortissante d’une partie au conflit

5. N’est pas membre des forces armées d’une partie au conflit

6. N’est pas envoyé par un État dans le cadre d’une mission officielle

Les juristes peuvent débattre de la définition juridique de chaque critère, mais d’après mes calculs et mon expérience chez Blackwater en 2004-2005, les SMP répondent à quatre des six critères (1, 2, 3 et 5).

UG Solutions est-elle la prochaine Blackwater ?

Non. Mais ils présentent des similitudes. Blackwater s’est fait connaître en protégeant des diplomates en Irak en 2003. Le contrat visant à protéger le chef de l’Autorité provisoire de la coalition, Paul Bremer, a débouché sur des contrats avec le département d’État américain (DoS) pour protéger les diplomates, d’autres agences gouvernementales (CIA, FBI, etc.), des sénateurs usaméricains et toute autre personne souhaitant vérifier les progrès réalisés en Irak.

Notre mission était principalement défensive : nous protégions des personnes et des lieux, mais nous devions nous déplacer dans tout le pays pour le faire. Il s’agissait également d’une zone grise, car nous devions nous déplacer dans le pays avec ou sans les personnes que nous protégions. Cela impliquait de dégager la circulation à l’aide des mêmes armes que celles fournies à l’armée usaméricaine. Certains pourraient arguer qu’il s’agissait toujours d’une mission défensive, mais les vidéos de nous sur YouTube ressemblent beaucoup à des opérations offensives.

Ces contrats ont été attribués par le DoS à Blackwater, qui a ensuite engagé des contractants indépendants (moi) pour travailler pour eux en Irak. Compte tenu des multiples niveaux de séparation entre le donneur d’ordre (le DoS) et les hommes qui effectuaient le travail sur le terrain, on a dit que Blackwater n’était pas un groupe mercenaire, mais qu’il les avait engagés.

Pour en revenir à la définition du mercenaire donnée par l’ONU, je soutiens que nous remplissions quatre des six critères : nous avions été recrutés pour combattre, nous avions participé à des hostilités, nous étions motivés par un gain personnel et nous n’étions pas membres des forces armées en conflit.

En entrant dans la zone grise créée par le recours à des SMP, je pourrais faire valoir que nous n’étions pas non plus ressortissants d’une partie au conflit, car la guerre était désormais une mission « diplomatique » entre les USA et l’Irak, ce dernier ayant demandé l’aide militaire des USA, de sorte que nous n’étions techniquement plus « en guerre » avec l’Irak. Mais bon, j’avais un passeport diplomatique et Blackwater m’avait dit que nous bénéficions de l’immunité diplomatique, donc j’étais bien envoyé par l’État en mission officielle.

UG Solutions est-elle le prochain groupe Wagner ?

Non. Honnêtement, ils n’ont aucun point commun. Wagner est communément considéré comme un groupe de mercenaires, mais selon la définition de l’ONU, ce n’est pas le cas. Il s’agit d’une extension de l’armée russe. Certes, ils ont recruté dans les prisons et ont commis des crimes de guerre, mais ce ne sont pas des mercenaires. Des trois sociétés, c’est la seule qui peut prétendre ne pas être mercenaire.

La principale différence entre Wagner et Blackwater est que Wagner est une unité militaire. Elle mène des opérations offensives, s’empare et occupe des territoires, et est envoyée dans des endroits où la Russie veut exercer son influence. Ce n’est qu’en 2023 que Vladimir Poutine a avoué que Wagner était financé par le gouvernement. Ils ont également une structure hiérarchique et un code de conduite similaires à ceux de l’armée usaméricaine. Certes, ils ne semblent pas les respecter de la même manière que les militaires usaméricains sont régis par le Code uniforme de justice militaire (UCMJ), mais ils existent. C’est plus que ce qu’avait Blackwater.

Sur cette base, ils ne sont pas plus une « armée mercenaire » que l’armée usaméricaine. Je sais que cela va en déranger certains, mais je n’ai pas créé ces critères, alors ne m’en voulez pas.

UG Solutions est-elle une nouvelle forme de mercenariat ?

Oui. UG Solutions est un groupe mercenaire. Ils répondent à tous les critères. Ils ne sont pas partie prenante au conflit à Gaza, ont été recrutés pour participer aux hostilités, n’ont pas été envoyés par le gouvernement usaméricain, ne sont pas ressortissants d’une partie au conflit, ne font pas partie d’une armée et sont là pour leur profit personnel. Je tiens à préciser que UG Solutions, en tant qu’entreprise, est un groupe mercenaire. Les hommes qui travaillent pour elle sont également des mercenaires.

À l’instar de Blackwater, ils mènent principalement des opérations défensives et le département d’État usaméricain a contribué au financement de la GHF, mais leur siège social est situé aux USA et ils travaillent pour une entité étrangère, dans une zone de combat, pour de l’argent. Il est temps d’appeler les choses par leur nom : des entreprises usaméricaines sont directement impliquées dans des activités mercenaires et tentent de se protéger sous le couvert d’une société militaire privée.

Qu’est-ce que cela signifie ?

UG Solutions a repris le modèle des SMP et l’a fait évoluer en passant des contrats avec une entité étrangère. Il n’y a aucun lien avec le gouvernement usaméricain. Ils ne peuvent en aucun cas se protéger sous le drapeau usaméricain. Certes, leur mission est ostensiblement humanitaire, soulignant que l’ONU fait appel à des contractants pour des opérations similaires. Ils ont un argument, même s’il est fragile. Des lanceurs d’alerte ont déclaré avoir participé à des tactiques offensives agressives contre la population non armée de Gaza qui se rendait sur les sites de la GHF pour se procurer de la nourriture.

Le recours aux SMP ici a évolué au point qu’il n’y a plus guère de différence entre le travail sous contrat et le mercenariat. UG Solutions a repoussé les limites de ce qui est acceptable pour les SMP basées aux USA, tant sur le plan éthique que juridique, en faisant fi de toute moralité et en travaillant pour une organisation non affiliée au gouvernement usaméricain. Les politiciens restent silencieux face à ce changement radical, refusant de reconnaître, et encore moins de réglementer, les entreprises privées qui agissent comme des mandataires militaires. Malheureusement, cette situation perdurera jusqu’à ce qu’un incident comme l’embuscade de quatre contractuels de Blackwater à Falloujah, en Irak, en 2004, se reproduise.

Il est temps d’appeler ça par son nom : du mercenariat. Si nous refusons de le définir, nous ne pourrons jamais débattre de l’opportunité de continuer à utiliser les SMP comme mandataires de l’armée usaméricaine et de la politique étrangère. Nous nous devons de remédier à cette dérive avant qu’elle n’entraîne l’envoi d’un plus grand nombre de civils usaméricains dans des zones de combat.

02/09/2023

De Niamey à Libreville, de Khartoum à N’Djaména, de Bamako à Ouagadougou et Cotonou, pas de Sankara à l’horizon

 Fausto Giudice, 2/9/2023

Vu du Nord qui se gargarise avec son confort démocratique, le spectacle des dictateurs africains en fin de parcours ou déjà déchus est absolument hilarant, d’un comique irrésistible qui ne fait que confirmer le confort nordiste. Vu du Sud, le même spectacle est tragique, humiliant, vomitif. Le dernier spectacle en date nous a été offert par Ali Bongo, ci-devant Alain Bongo – auteur de l’inoubliable vinyle de funk & soul « A Brand New Man » en 1978 -, qui, planté dans un état semi-paraplégique sur un fauteuil d’un de ses salons à dorures, a lancé un appel poignant à ses amis, en anglais (il a fait adhérer le Gabon au Commonwealth en octobre dernier): « Make noise…make noise…» (Faites du bruit).


1978

 2023

Il venait d’être « mis à la retraite » par son cousin, chef de la Garde dite républicaine, en fait présidentielle, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, qu’il avait placé là en remplacement d’un général gênant qu’il avait mis à la tête de la gendarmerie. Alain-Ali était le successeur dynastique de son papa Omar ( ex-Albert-Bernard), installé à la présidence en 1967 par de Gaulle et son Françafricain en chef Jacques Foccart et mort en 2009.

 Ali était donc devenu Bongo 2, tout comme Faure était devenu Eyadéma 2 à la mort en 2005 de son papa Gnassingbé (ex-Étienne), un ancien sergent de l’armée française qui avait combattu les Vitenamiens et les Algériens, mis au pouvoir par Foccart au Togo aussi en 1967, après avoir au préalable assassiné le président Sylvanus Olympio, en 1963 et un intermède 4 ans avec Nicolas Grunitzy. Ou comme encore Mahamat Idriss devenu Déby 2 après la mort au combat de son papa Idriss, après 31 ans d’exercice de la présidence.

Chaque fois qu’un coup d’État se produit en Afrique, les interrogations, les supputations, les hypothèses vont bon train. La « mise à la retraite » de l’occupant du Palais du bord de mer (c’est le nom du palais présidentiel gabonais) est le septième putsch en Afrique en moins de 3 ans, après ceux qui ont eu lieu au Mali, en Guinée, au Burkina Faso (2), au Tchad, au Soudan et au Niger. La question est : qui est derrière Oligui Nguema ? La France ? Les USA ? La Russie ? 

Macron serre la main du futur “président de la transition” Oligui Nguema  à Libreville en mars 2023

Les réactions mesurées de la Macronie et de la Bidenie, sans commune mesure avec l’indignation suscitée par le renversement de Bazoum au Niger, font plutôt pencher pour l’hypothèse suivante : il était urgent pour le clan Bongo-Nguema and Co. de remplacer Ali s’ils voulaient garder les fortunes colossales accumulées en 56 ans de bongocratie et donc le général Nguema a eu le feu vert des habituels suspects à Paris, Washington et, pourquoi pas, à Londres (Commonwealth oblige) pour tout changer sans que rien ne change.

Les coups d’État en Afrique se suivent et ne se ressemblent pas tous ; le coup gabonais en évoque deux autres : celui de Ben Ali, déposant un Bourguiba gâteux « pour raisons médicales » en 1987. Ben Ali avait été un coursier de la CIA en Pologne, acheminant les aides en espèces sonnantes et trébuchantes à Solidarnosc lorsqu’il était attaché militaire à Varsovie. Un autre général tunisien avait été pressenti pour déposer et remplacer Bourguiba, mais au dernier moment, les donneurs d’ordre avaient décidé de changer de pion.

Et celui de mars 1991 à Bamako, lorsque le chef de la garde présidentielle du sergent devenu général Moussa Traoré (mis au pouvoir par Foccart en 1968), le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (ATT), sous prétexte de le mettre en lieu sûr face à la révolution qui menaçait le palais, l’avait conduit en prison. Dans ce cas, il ne s’agissait pas d’un coup d’État mais d’une révolution déclenchée six mois plus tôt par le peuple, au prix de centaines de martyrs. ATT, sous l’uniforme, était resté ce qu’il avait été, un enseignant, et il ne chercha pas à se maintenir par la force après la transition.

Dans la dernière série de coups d’État, du Mali au Niger, au Burkina, au Soudan, en Guinée, les militaires putschistes n’étaient pas le fer de lance d’un mouvement populaire mais ont agi de l’intérieur des régimes qu’ils disent vouloir changer, abolir, nettoyer etc. (demain on rasera gratis).

Ceci dit, il est évident qu’une partie de la jeunesse urbaine soutient les putschistes, à Niamey comme à Bamako ou à Libreville, en les créditant d’un patriotisme anti-françafricain sur lequel on peut se permettre d’avoir des doutes, même si bien sûr ceux-ci ne se font pas faute de surfer sur cette vague, sous l’œil attentif des Ouled Wagner (qui n’ont qu’un seul point en commun avec les bolcheviks : ils sont russes).

Non, désolé, aucun des bérets verts ou rouges qui occupent aujourd’hui les fauteuils “présidentiels transitoires” au cœur des ténèbres ne sont ni des Thomas Sankara, ni des Jerry Rawlings, ni même des ATT. Oligui Nguema n’a pas étudié les bons classiques pour ça à l’Académie Royale de Meknès (Maroc).

Pour conclure, un petit conseil : s’ils ne veulent pas connaître le sort d’Alain-Ali Bongo, Paul Biya (Cameroun) et Denis Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville) devraient suivre l’exemple de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, l’inamovible patron de la Guinée équatoriale, [venu au pouvoir après avoir renversé son oncle Macias Nguema en 1979] qui nage comme Bongo dans le pétrole et le champagne. Cet autre Nguema, pour s’éviter tout réveil douloureux et assurer sa succession dynastique par son fiston Teodorín, s’est constitué une garde présidentielle composée de gros bras israéliens, zimbabwéens et ougandais. Mais peut-être est-il déjà trop tard à l’heure où j’écris.

PS : Selon le rapport 2018 sur les expéditions de vins de champagne publié par le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC ou Comité Champagne), le premier consommateur sur le continent africain  sont Les Seychelles avec 350,1 bouteilles pour 1000 habitants, suivies par l’Ile Maurice (93,4 bouteilles pour 1000 habitants), ce qui n'est pas étonnant car il s’agit de deux destinations touristiques prisées par les grandes fortunes. En numéro 3, on retrouve le Gabon avec 65,9 bouteilles pour 1000 habitants. A la 4ème place, on retrouve la Guinée équatoriale (28,3 bouteilles pour 1000 habitants), puis à la 5ème le Congo-Brazzaville (22,3 bouteilles pour 1000 habitants). Une bouteille de Pommery 75 cl coûte au Gabon 65€ (salaire moyen mensuel : 400€)