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23/07/2024

JEREMY SCAHILL
Kamala Harris peut-elle effacer le sang de ses mains ?

Si la probable candidate démocrate n'a pas les 50 ans d’histoire de soutien de Joe Biden au militarisme israélien, ses antécédents indiquent qu'elle maintiendrait une politique pro-israélienne sans faille.

Jeremy Scahill, Drop Site News, 22/7/2024
Schuyler Mitchell a contribué aux recherches pour cet article
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

  

Kamala Harris s'adressant à la conférence 2017 de l'AIPAC à Washington, D.C. Photo : Michael Brochstein/SOPA Images/LightRocket via Getty Images.

Quelques heures après que Joe Biden a annoncé qu'il ne se représenterait pas à l’élection présidentielle du 4 novembre prochain, l'élite du Parti démocrate a commencé à consolider son soutien à la vice-présidente Kamala Harris pour qu'elle prenne la tête de la campagne contre Donald Trump. Si elle obtient l'investiture démocrate, Kamala Harris devra notamment regagner le soutien des électeurs indignés par le fait que l'administration Biden a facilité la guerre génocidaire d'Israël contre les Palestiniens de Gaza. Rien que dans l'État critique du Michigan - où un sondage dévastateur de la Detroit Free Press a montré dimanche matin que Biden avait perdu 7 points de pourcentage par rapport à Trump dans l'ensemble de l'État - il y a eu plus de 100 000 électeurs primaires “non engagés”.

Le maire de Dearborn (Michigan), Abdullah Hammoud, ne s'est pas immédiatement prononcé en faveur de Mme Harris. Au lieu de cela, il a gazouillé : « Les démocrates ont l'occasion de faire preuve d'audace lors de cette convention. De désigner un candidat capable de mettre en place une politique intérieure historique ET d'abandonner la voie génocidaire tracée à Gaza et au-delà. L'Amérique a besoin d'un candidat qui puisse donner envie aux électeurs de se rendre aux urnes en novembre prochain ».

Mme Harris se trouve dans une position historique inhabituelle. L'équipe de presse de la Maison Blanche a donné l'image d'une Harris plus sensible à la situation humanitaire des Palestiniens, alors même qu'elle soutient l'agenda de Biden dans la région. En tant que candidate à la présidence, elle pourrait expliquer aux électeurs les divergences internes qu'elle a pu avoir dans les discussions autour de la guerre de Gaza. En tant que vice-présidente en exercice, cependant, de telles démarches poseraient des problèmes à Biden. 

La vérité est que, comme la plupart des démocrates, Harris a soutenu les politiques de Biden, même si elle a soulevé des objections tactiques ou exprimé un malaise moral face au nombre effroyable de morts. Si Harris n'est pas Biden - et n'a pas au compteur un demi-siècle de soutien massif à la brutalité et au militarisme d'Israël qui alimente ses positions - elle a ses propres antécédents de soutien intransigeant à Israël, à la fois en tant que sénatrice et que vice-présidente.  


Ben Jennings, The Guardian, 23/7/2024

 Peu après son élection au Sénat en 2016, Mme Harris a acquis une réputation d'ardente défenseuse d'Israël. Elle a pris la parole deux années de suite lors de conférences de l'AIPAC et a coparrainé une législation visant à saper une résolution des Nations unies condamnant l'annexion illégale de terres palestiniennes par Israël. L'un de ses premiers voyages internationaux en tant que sénatrice a eu lieu en Israël, où elle a rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahou en 2017. « Je soutiens l'engagement des USA à fournir à Israël une aide militaire de 38 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie", a déclaré Mme Harris lors d'une conférence de l'AIPAC cette année-là. « Je crois que les liens entre les USA et Israël sont indéfectibles, et nous ne pouvons jamais laisser quiconque creuser un fossé entre nous. Tant que je serai sénatrice usaméricaine, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour assurer un soutien large et bipartisan à la sécurité d'Israël et à son droit à l'autodéfense ».

Mme Harris a comparé le soutien à Israël aux coalitions forgées pendant le mouvement des droits civiques aux USA et a approuvé les accords d'Abraham du président Donald Trump, une série d'accords de normalisation entre Israël et les États arabes qui ont contourné les demandes d'un État palestinien indépendant. Mme Harris a coparrainé une loi qualifiant ces accords de “réalisation historique”. Dans un entretien en 2016, Mme Harris a déclaré : « Le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions repose sur l'hypothèse erronée qu'Israël est le seul responsable du conflit israélo-palestinien ». Elle a ajouté :  « le mouvement BDS cherche à affaiblir Israël, mais il ne fera qu'isoler le pays et braquer les Israéliens contre les compromis préalables à la paix ».

Lors d'une conférence privée de l'AIPAC en 2018, on a demandé à Mme Harris pourquoi elle soutenait Israël de manière aussi catégorique. « C'est simplement quelque chose qui a toujours fait partie de moi », a-t-elle répondu. « Je ne sais pas quand cela a commencé, c'est presque comme dire quand vous avez réalisé pour la première fois que vous aimiez votre famille, ou que vous aimiez votre pays, c'était juste toujours là. Cela a toujours été là ». 

 « Son soutien à Israël est au cœur de sa personnalité », a déclaré Lily Adams, directrice de la communication de la campagne de Mme Harris, en 2019, lorsque cette dernière était candidate à l'investiture démocrate. 

En mars 2019, au milieu des appels de militants du Parti démocrate à boycotter la conférence de l'AIPAC de cette année-là, Mme Harris a rejoint d'autres candidats, dont les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren, pour ne pas participer à la réunion. Au lieu de cela, elle a gazouillé qu'elle avait rencontré en privé « les dirigeants de l'AIPAC de Californie pour discuter de la nécessité d'une alliance forte entre les USA et Israël, du droit d'Israël à se défendre et de mon engagement à lutter contre l'antisémitisme dans notre pays et dans le monde entier ».

Alors que Mme Harris s'exprime généralement en faveur de l'autodétermination palestinienne et d'une solution à deux États -conformément aux positions politiques générales du parti démocrate depuis l'accord d'Oslo de 1993 - elle s'est simultanément opposée aux efforts visant à imposer des conséquences à Israël pour ses violations flagrantes du droit international. 

Mme Harris a donné le ton de sa position sur Israël en tant que sénatrice lorsqu'elle a coparrainé en 2017 une loi condamnant la décision de l'ancien président Barack Obama de s'abstenir d'opposer son veto à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU critique à l'égard d'Israël. La résolution, adoptée en décembre 2016, affirmait que « L'établissement par Israël de colonies dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n'a aucune validité juridique et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution à deux États et d'une paix juste, durable et globale ». Mme Harris et ses collègues du Sénat ont affirmé que le refus d’Obama de bloquer la résolution de l'ONU était « incompatible avec la politique menée de longue date par les USA ». Ils ont déclaré que la politique usaméricaine devrait viser à empêcher l'ONU de prendre des mesures qui « isolent davantage Israël par le biais de boycotts économiques ou autres ou de toute autre mesure » et ont exhorté les futures administrations « à maintenir la pratique du veto à toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui reconnaissent les actions palestiniennes unilatérales, dont la déclaproclamation ration d'un État palestinien, ou qui dictent les termes et le calendrier d'une solution au conflit israélo-palestinien ».

 « Je pense que lorsqu'une organisation délégitime Israël, nous devons nous lever et nous exprimer pour qu'Israël soit traité de manière égale », a déclaré Mme Harris à propos de son vote. 

Lors de la course à la présidence de 2020, le New York Times a demandé à Mme Harris si elle pensait qu'Israël respectait les normes internationales en matière de droits humains. « Dans l'ensemble, oui », a-t-elle répondu. 

Lors du premier appel de Mme Harris avec M. Netanyahou après sa nomination à la vice-présidence, le 3 mars 2021, elle a dit au dirigeant israélien que les USA s'opposaient à ce que la Cour pénale internationale enquête sur les crimes de guerre présumés d'Israël contre les Palestiniens. Harris et Netanyahou « ont noté l'opposition de leurs gouvernements respectifs aux tentatives de la Cour pénale internationale d'exercer sa juridiction sur le personnel israélie », selon un compte-rendu par la Maison Blanche de cet appel. 

Harris, le 7 octobre et le génocide à Gaza

Après les attaques menées par le Hamas en Israël le 7 octobre, Mme Harris a adopté une position publique qui divergeait rhétoriquement de celle de Joe Biden. Tout en plaidant pour un soutien militaire, financier et diplomatique des USA à la guerre d'Israël, Harris a fréquemment souligné qu'Israël devait respecter les lois de la guerre, protéger les vies civiles et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire. Par rapport à  Biden, Harris a plus souvent mis l'accent sur les souffrances des civils palestiniens. « Israël a incontestablement le droit de se défendre. Cela dit, il est très important de ne pas faire d'amalgame entre le Hamas et les Palestiniens », a déclaré Mme Harris lors de l'émission “60 Minutes” diffusée sur la chaîne CBS le 29 octobre 2023. « Les Palestiniens méritent les mêmes mesures de sûreté et de sécurité, d'autodétermination et de dignité, et nous avons été très clairs sur le fait que les règles de la guerre doivent être respectées et que l'aide humanitaire doit être acheminée ».

Fin 2023, des proches de Harris ont commencé à divulguer aux médias que la vice-présidente avait fait pression sur Biden pour qu'il adopte une position plus “dure” à l'égard de Netanyahou et pour que l'administration exprime plus publiquement son inquiétude face aux décès de civils palestiniens. À certains moments, Biden et d'autres hauts responsables ont critiqué publiquement les bombardements israéliens “aveugles” et ont appelé Israël à faire preuve de plus de retenue dans ses tactiques. Au début de l'année 2024, il est devenu évident que l'administration Biden reconnaissait que son soutien à la guerre d'Israël allait probablement poser des problèmes majeurs à sa campagne de réélection. Elle a organisé une série de réunions avec des dirigeants arabo-usaméricains pour tenter de stopper l'hémorragie et a commencé à donner aux hauts fonctionnaires usaméricains les moyens de s'exprimer plus ouvertement sur le sort des civils palestiniens, tout en affirmant toujours qu'Israël avait le droit de se défendre.

Le 3 mars, après des mois de bombardements israéliens massifs sur la bande de Gaza et plus de 30 000 Palestiniens tués, Kamala Harris a pris l'initiative de plaider en faveur d'un cessez-le-feu conditionnel de six semaines à Gaza. « Ce que nous voyons chaque jour à Gaza est dévastateur. Nous avons vu des familles manger des feuilles ou des aliments pour animaux. Des femmes donnent naissance à des bébés souffrant de malnutrition, avec peu ou pas de soins médicaux, et des enfants meurent de malnutrition et de déshydratation », a déclaré Mme Harris. « Nos cœurs se brisent pour les victimes de cette horrible tragédie et pour tous les innocents de Gaza qui souffrent de ce qui est clairement une catastrophe humanitaire. Les habitants de Gaza meurent de faim. Les conditions sont inhumaines ». Le lendemain, le Washington Post titrait : « Harris joue un rôle plus public en critiquant les actions d'Israël à Gaza ».

Alors que de nombreux démocrates espèrent que l'abandon de Biden ouvrira la voie à une réinitialisation, l'histoire politique de Mme Harris indique qu'elle continuera à poursuivre l'agenda bipartisan du gouvernement usaméricain sur Israël et la Palestine, y compris les politiques qui ont aidé et encouragé la mort de plus de 40 000 Palestiniens en neuf mois.

En réalité, la guerre de Gaza n'est pas la question centrale de la campagne de 2024, même si, dans une course où chaque voix compte, elle pourrait causer des dommages substantiels aux démocrates. Le Parti démocrate mise sur l'espoir que les électeurs désillusionnés par la guerre sont tellement terrifiés par le retour de Trump à la Maison Blanche qu'ils mettront de côté leur indignation au sujet de Gaza et se rallieront à un candidat qui n'est pas Joe Biden. La question sera de savoir si les électeurs tiennent Harris pour responsable de la politique de l'administration à l'égard de Gaza ou s'ils se contenteront du retrait de Biden du ticket.

« Pendant des mois, nous avons prévenu que le soutien de Biden à l'assaut israélien contre Gaza nuirait à son éligibilité », a déclaré Layla Elabed, l'une des dirigeantes du mouvement Uncommitted*, qui a appelé Biden à mettre fin aux livraisons d'armes à Israël par les USA.

« En finançant un gouvernement qui commet des violations des droits humains, nous compromettons la position de notre parti contre l'extrémisme de droite et contredisons notre engagement en faveur de la démocratie et de la justice. Il est temps d'aligner nos actions sur nos valeurs. La vice-présidente Harris peut entamer le processus de reconquête de la confiance en tournant la page des politiques horribles de Biden à Gaza ».

 NdT

*Uncommitted= Non engagés. Lors des primaires présidentielles démocrates du Michigan 2024, du Minnesota 2024 et de Washington 2024, de nombreux militants et élus, dont le maire de Dearborn Abdullah Hammoud et la représentante à la Chambre des représentants Rashida Tlaib, ont fait campagne pour que les électeurs choisissent l'option de non-engagement en signe de protestation contre la gestion par Biden de la guerre contre Gaza. Certains USAméricains d'origine arménienne ont également suggéré de voter sans engagement en raison des actions de Biden concernant l'offensive azerbaïdjanaise de 2023 au Nagorno-Karabakh. À Washington, le plus grand syndicat de l'État, United Food and Commercial Workers, a soutenu l'option sans engagement. En réponse, le groupe de lobbying  Democratic Majority for Israel a diffusé des publicités arguant que voter “sans engagement” affaiblirait Biden et soutiendrait Donald Trump. Gretchen Whitmer, gouverneure du Michigan, a déclaré que bien qu'elle reconnaisse la “douleur” ressentie par les gens à propos de la guerre, elle encourageait tout de même à voter pour Biden car « tout vote qui n'est pas exprimé en faveur de Joe Biden soutient un second mandat de Trump ». Au final, dans le Michigan, Joe Biden a reçu 81,1 % des voix (618 426 votes), les candidats non engagés ont reçu 13,3 % des voix (101 100 votes), tandis que les autres candidats ont reçu 5,7 % des voix (43 171 votes). La part des non engagés a dépassé celle de Barack Obama en 2012, la dernière campagne de réélection d'un président démocrate (bien qu'en 2012 il se soit agi d'un caucus et non d'une primaire. Dans le Minnesota, les non engagés ont obtenu une part encore plus importante des voix, soit 18,9 %, tandis que Biden n’obtenait que 70,6 %.
Le Mouvement National Non-Engagé, né dans le Michigan, mène campagne pour appeler les électeurs à voter « Uncommitted » afin de promouvoir 3 revendications :

1-Assurer un cessez-le-feu immédiat et permanent

2-Arrêter toute livraison de munitions et toute aide militaire à Israël

3-Mettre fin au siège interminable de Gaza (6248 jours depuis le 15 juin 2007)

 


 

13/08/2022

FRANCO "BIFO" BERARDI
Abandonne les illusions et prépare-toi au combat
Rien à attendre des élections italiennes de septembre

 Franco “Bifo” Berardi, Opera Viva, 13/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Des élections générales anticipées auront lieu le 25 septembre 2022 en Italie afin d'élire 200 sénateurs et 400 députés, suite à la crise qui a conduit à la démission du gouvernement “ramasse-tout” de Draghi. On assiste à la montée en puissance du parti (post-, néo- ?) fasciste Fratelli d'Italia (Frères d'Italie) dirigé par Giorgia Meloni, qui a bénéficié de sa situation de seul parti parlementaire à ne pas participer à la "draghionnade covidienne "et donc a joué le rôle d'unique parti d'opposition au "système" géré par le "centre-gauche", autrement dit les anciens communistes et satellites. Avec la Ligue (ex-lombarde, ex-du Nord), Forza Italia (Berlusconiens) et Noi moderati (Nous les modérés, résidus de chrétiens-démocrates), les Frères d'Italie ont conclu un accord pour un “gouvernement des Patriotes” qui fait froid dans le dos. Face à eux, le centre-gauche”, qui en appelle rituellement à l’antifascisme, ne vaut gère mieux, écrit Bifo-FG

Istubalz, What Appears Is Good (2021)

L'argument avec lequel le centre-gauche nous appelle à voter est l'antifascisme. Et ça te paraît rien ? répond ma voix intérieure. Non, non, réponds-je moi-même à ma voix intérieure. C'est très important. Tant que cet appel ne vient pas de ceux qui ont les mêmes programmes que les fascistes, sinon cet appel sonne creux, surtout pour les moins de soixante- dix ans. Donc, si vous le permettez, j'aimerais mieux comprendre. Quelles sont les autres questions sur lesquelles le centre-gauche nous appelle à voter ? Que peuvent dire ces démocrates, qui nous demandent de voter, sur le travail, l'école, les droits humains, la paix, après avoir perdu en route deux favoris de la Confindustria [Confédération patronale, NdT] qui ont été, l'un secrétaire du PD et l'autre ministre du PD et qui s'agitent maintenant au centre pour se faire remarquer ?

Dans un premier temps, je me demanderai donc qui a détruit le pouvoir de négociation du travail en précarisant chaque moment du temps social ? Le nom qui vient à l'esprit est celui du Tony Blair italien, secrétaire du Parti démocrate et Premier ministre Matteo Renzi. Il s'agit du Jobs Act qui systématise la déréglementation du travail. Lui et son parti, qui est aujourd'hui dirigé par Enrico Letta. Je ne sais pas si Letta a l'intention de suivre les traces de Yolanda Diaz [ministre du Travail et de l’Économie sociale,  PCE, NdT] qui, en Espagne, a rétabli pour les travailleurs les garanties que les démocrates italiens ont annulées. De ce point de vue, je ne vois pas pourquoi je devrais voter pour le centre-gauche. Et comme moi, la majorité des travailleurs italiens qui votent pour Giorgia Meloni, et il doit y avoir une raison.

Je me demande alors qui a lancé le processus de privatisation du système scolaire qui a appauvri l'école publique ? Le nom qui me vient à l'esprit est celui d'Antonio Laforgia, gouverneur de la région Emilia Romagna, qui, avec la loi Rivola, a été le premier à reconnaître la soi-disant parité des écoles publiques, ce qui a en fait ouvert la voie au démantèlement du système public auquel la ministre Gelmini a contribué avec les maxi- coupes de 2008. La privatisation de tout est l'idéal de tous les démocrates, à commencer par Pier Luigi Bersani lui-même, droit dans ses bottes [ancien président de la Région Émilie-Romagne et plusieurs fois ministre, Parti démocrate, NdT].

En ce qui concerne les droits humains, je réfléchis à la question de la migration, au droit de refuge pour ceux qui fuient des pays détruits par des guerres lancées par l'Occident (et régulièrement soutenues par des gouvernements de centre-gauche). Bien sûr, je pense immédiatement à l’énergumène  Matteo Salvini, qui représente le centre-droit et qui a hâte de noyer de ses propres mains quelques dizaines de milliers de personnes. Mais je me souviens alors que celui qui a construit le dispositif juridique et politique pour noyer les gens et les livrer aux mains des tortionnaires libyens n'était pas l’énergumène  Salvini, mais le camarade Marco Minniti, qui dirige aujourd'hui Med-Or, la fondation de Leonardo, un fabricant d'armes de premier plan dans le secteur de l'aéronautique et de la sécurité.

C'est Minniti qui est le principal responsable de la mort de dizaines de milliers de migrants cherchant le salut de l’autre côté de la mer. Bien sûr, Salvini le remercie car il lui a fourni les instruments juridiques pour le refoulement systématique et la détention dans les camps de concentration, pour la clandestinité obligatoire et l'esclavage dans les champs de tomates du sud. En outre, je n'oublie pas que le parti démocrate a reporté, oublié, omis à plusieurs reprises de porter au vote la délibération sur la question du droit du sol, qui permettrait à huit cent mille Italiens à la peau pas parfaitement blanche d'avoir les mêmes droits que les autres Italiens, ceux qui sont immaculés.

Enfin, je me demande : qu'en est-il de la paix ? Le centre-gauche sera-t- il au moins un peu moins horrible sur ce point que les amis de Poutine convertis à la cause de la nation européenne dès que la guerre a sonné ses trompettes ? Malheureusement, je dois l'admettre : le plus belliciste de tous est certainement le doucereux Enrico Letta. C'est le centre-gauche qui appelle à la guerre, veut la guerre, et proclame à tue-tête sa loyauté indéfectible envers l'OTAN, que le président Macron déclarait en état de mort cérébrale il y a seulement un an, mais qui s'est maintenant levée comme un seul zombie pour armer le bataillon Azov, afin de poursuivre ad vitam aeternam une guerre meurtrière.

Je me demande donc pourquoi je devrais voter pour le centre gauche. Je suis déconcerté. Mais au moins, me dis-je, ils ne seront pas aussi ignorants, ils ne seront pas aussi hautains. Si le centre-gauche de Letta gagnait, me dis-je, nous aurions au moins des dirigeants qui savent de quoi ils parlent, qui connaissent l'histoire et qui choisissent le progrès plutôt que la guerre et la violence. Puis j'écoute la déclaration d'Enrico Borghi, membre du secrétariat du PD. Borghi a déclaré aujourd'hui que « la droite se dit atlantiste, mais avec cette droite, nous n'allons pas vers Washington, mais plutôt vers Bogotá ». J'aimerais mieux comprendre si ce Borghi préfère les escadrons paramilitaires d'Alvaro Uribe ou la répression armée de Duque à un président progressiste élu par la grande majorité des électeurs colombiens.

Mais la phrase de Borghi signifie avant tout que son idéal est Washington, comme le montre le soutien que les démocrates italiens ont apporté à la guerre en Afghanistan, à la guerre en Irak, et au massacre de centaines de milliers de civils, et comme le montre le soutien que les démocrates italiens ont apporté et apportent au régime raciste et colonialiste d'Israël qui tue quelques Palestiniens chaque jour. Mais peut-être que la phrase qui s'est échappée de la poitrine de Borghi signifie seulement que la classe politique démocrate est composée d'ignorants comme le ministre des Affaires étrangères Di Maio d’après lequel il y a, au Venezuela, un dictateur appelé Pinochet.

Chers démocrates de mes deux, à Bogotá, il y a un président qui s'appelle Gustavo Petro, élu par la grande majorité des électeurs, un président qui, pour la première fois, propose d'apporter la paix là où il y a eu une guerre civile pendant cent cinquante ans. Je ne sais pas si Petro réussira son programme, ce que je sais c'est qu'il essaie de défendre le genre humain contre les bêtes sauvages, les exploiteurs au service desquels sont Enrico Borghi et Enrico Letta. J'ai décidé de ne pas voter pour eux, même si je sais très bien qu'un régime para-fasciste meurtrier est en préparation. Mais les tortionnaires sont des deux côtés. Alors je me suis dit : ne vote ni pour l'un ni pour l'autre. Abandonne les illusions et prépare-toi au combat.

“Armons l’Ukraine !” : un cri du cœur unanime de Letta et Meloni -Dessin de Paride