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26/09/2024

MILENA RAMPOLDI
‘Joe Hill ain’t dead’: 5 questions to Fausto Giudice

 Milena Rampoldi, 12/7/2022

How did you discover Joe Hill?

I was a young immigrant in Sweden in the late 60s. Those were the ‘golden years’ of the reigning social democracy, which declared all dissent to be ‘deviance’ to be treated by psychiatry. I identified with the ‘damned of the earth’ and found the reigning Lutheran morality incomparably hypocritical. Those who claimed to want the good of the people had rewritten history, erasing the ‘other workers’ movement', which had fought against capital by anything but peaceful means. Joe Hill was a legendary figure in that ‘other labour movement’. In 1970, I found myself with a few hundred outsiders as an extra in Bo Widerberg's film about Joe Hill, in the southern districts of Stockholm. Until then, all I knew about him was the song sung by Joan Baez at Woodstock. Joe Hill told me that the Swedish working class had not always been the peaceful pachyderm of social democratic representation. Then I discovered Anton Nilsson, ‘the Amalthea man’. This 21-year-old worker had, with 2 comrades, planted a bomb near a ship called the Amalthea, moored in Malmö, which housed British strike-breakers imported by the bosses against a dockers' strike in 1908. Anton Nilsson was sentenced to death, but his sentence was commuted to life imprisonment following an international campaign, led in particular by the International Workers of the World, the union where Joe Hill was active in the USA.

What is Joe Hill telling us today?

Essentially, he is telling us two things: 1. that it is possible to organise the most exploited and the most oppressed in an intelligent and effective way by adapting the forms of organisation to the social reality of those ‘down below’ - migrants, women, the precarious, the unskilled - which is what the IWW did, avoiding any form of social-democratic bureaucracy. That's what the ‘other workers’ movement’ is all about, as opposed to apparatuses like the German DGB, AFL-CIO or the Swedish LO: a movement that sticks to the reality of the class, which is mobile, fluid and changing. 2- We can invent popular, creative, hard-hitting and humorous forms of communication. Joe Hill's songs are a magnificent example of this.

Are there any Joe Hills today?

Not that I know of. Some rappers could be, if they chose to sing with and for the workers who are organising themselves at Amazon, McDonalds, Starbucks, Deliveroo, Uber and all the companies of the ‘new capitalism’, which is only new in its forms.

What would Joe Hill and the IWW have done today?

They would have organised ‘other’ workers by walking on two legs: physical and virtual contact. That's what's happening in China, for example, where young workers in the world's factories, with no union to defend them, are using social media to make demands and organise themselves.

Why the ‘erga omnes’ series?

‘erga omnes’, “For all”, was the motto of the slave rebels led by Spartacus who endangered the Roman Republic between 73 and 71 BC. This collection aims to publish books on the great, sometimes forgotten, figures of logical revolts through the centuries. Others will follow Joe Hill.

 
 
CONTENTS
  • A child of the iron
  • Svenskamerika
  • From New York to California
  • Wobbly!
  • Rebel Girl
  • A Yankee lawsuit

25/08/2024

Jesse W. Lewis Jr.
En 1963 le racisme l‘a empêché d’accéder à l’espace. 61 ans plus tard, il y est parvenu

J’ai interviewé Ed Dwight en 1963, alors qu’il s’apprêtait à devenir le premier astronaute noir, et de nouveau après son triomphe tardif.

Jesse W. Lewis Jr., The Washington Post, 25/8/2024
Traduit par  
Fausto GiudiceTlaxcala

Jesse W. Lewis Jr. (1937) a travaillé pour le Washington Post entre 1962 et 1974, d’abord comme copiste, puis comme reporter, éditorialiste et correspondant étranger, couvrant notamment la guerre du Vietnam et la guerre des Six Jours en 1967. Il a ensuite travaillé dans le corps diplomatique, puis dans la sécurité maritime. En 2009, il a créé Fresh Eye, Clear Lens Productions, qui produit des films documentaires sur l’Afrique du Sud

C’était un mercredi après-midi, le 6 novembre 1963, lorsque j’ai interviewé le capitaine Edward J. Dwight Jr. au Pentagone.

Il avait 30 ans, était pilote de chasse de l’armée de l’air usaméricaine, avec plus de 1 500 heures de vol à son actif, et venait d’être sélectionné comme premier Afro-Américain à suivre une formation d’astronaute.

J’avais 26 ans et j’étais jeune reporter au Washington Post. Comme j’étais l’un des quatre journalistes noirs du Post à l’époque, j’ai été chargé de couvrir l’événement. De plus, les rédacteurs en chef connaissaient mon intérêt - et mon expérience - pour l’aviation.

Le journaliste du Washington Post Jesse Lewis interviewe le capitaine Edward J. Dwight Jr. au Pentagone le 6 novembre 1963, alors que Dwight devait devenir le premier astronaute noir. Il est finalement allé dans l’espace cette année. Photo : Ed Dwight et Armée de l’air US

À l’époque, l’USAmérique était différente.

En 1955, à l’âge de 17 ans, j’ai volé en solo sur un Piper J-3 Cub. Mais pour voler en solo et obtenir plus tard une licence d’élève-pilote, je devais passer un examen médical, y compris un test de vision, auprès d’un médecin agréé par l’Agence fédérale de l’aviation (FAA). Le seul médecin agréé par la FAA à Wichita Falls, au Texas, où je vivais à l’époque, était blanc, et je devais emprunter la porte arrière de la ruelle pour entrer dans son cabinet.

En 1963, le Post avait coutume d’affecter des journalistes noirs à la couverture de l’actualité noire, y compris l’importance croissante de la lutte pour les droits civiques - et maintenant la nouvelle du premier astronaute noir stagiaire au monde.

Il s’agissait d’une assignation marquante pour le jeune reporter que j’étais, notamment en raison de l’intérêt que je portais depuis toujours à l’aviation.

Après la publication de l’article, j’ai perdu la trace de Dwight. Il avait été confronté à un racisme flagrant dans le cadre du programme de formation et, moins de trois semaines après notre entretien, il a perdu son protecteur dans le bureau ovale lorsque le président John F. Kennedy a été assassiné. Il est rapidement « désélectionné » du programme et démissionne de l’armée de l’air en 1966. Il devient sculpteur et historien.

 L'équipe du NS-25. De gauche à droite : Gopi Thotakura, Mason Angel, Carol Schaller, Ed Dwight, Ken Hess et Sylvain Chiron

Et voilà que, 61 ans après avoir été sélectionné pour s’entraîner à quitter l’orbite terrestre, il est finalement allé dans l’espace à bord de la capsule New Shepard-25 de Blue Origin le 19 mai, devenant ainsi, à 90 ans, la personne la plus âgée à avoir jamais quitté l’atmosphère de la planète.

Ed Dwight a été le premier stagiaire noir du programme spatial Apollo. Il est ensuite devenu sculpteur. Photo Matthew Staver pour le Washington Post

« Je me suis vraiment senti bien », m’a dit Ed Dwight lors d’un entretien téléphonique. C’était notre première conversation depuis un bref entretien en 2019, après qu’une photo de nous deux ensemble après notre rencontre de 1963 avait été diffusée dans un documentaire de PBS sur le 50e  anniversaire du module lunaire Eagle d’Apollo 11, le 20 juillet 1969.

« Le voyage à bord de la capsule Blue Origin a comblé mon imagination [...] en décollant et en étant capable de regarder la Terre depuis le bord de l’espace », m’a-t-il dit. « C’était absolument fantastique ».

Il a ajouté : « ça faisait longtemps qu’on attendait ça».

La race et la course à l’espace*

Alors que la course à l’espace battait son plein en 1963, les défenseurs des droits civiques ont convaincu Kennedy que les Noirs usaméricains devaient jouer un rôle visible dans le programme spatial. Leurs efforts ont abouti à la sélection de Dwight, qui s’est faite en fanfare.

Mais elle a été critiquée par certains officiers supérieurs de l’armée de l’air.

« C’était décevant », dit Dwight, « et tellement mesquin ».

Le colonel Charles « Chuck » Yeager, qui a franchi le mur du son en 1947, s’est vivement opposé à la participation de Dwight au programme. Dans son autobiographie, Yeager écrit que Dwight « n’était pas un mauvais pilote, mais il n’était pas non plus exceptionnellement doué. En volant avec un bon groupe dans un escadron, il pouvait probablement s’en sortir. Mais il ne pouvait tout simplement pas rivaliser, dans le cadre du programme spatial, avec les meilleurs pilotes d’essai militaires expérimentés ».

Plus douloureux encore pour Dwight, sa sélection n’a pas été bien accueillie par certains membres des Tuskegee Airmen, la célèbre unité entièrement noire de l’armée de l’air usaméricaine qui s’était distinguée au combat pendant la Seconde Guerre mondiale. Dix-huit ans après la fin de la guerre, les premiers Tuskegee Airmen avaient dépassé la limite d’âge de 30 ans pour la formation d’astronaute, mais certains n’appréciaient toujours pas d’avoir été écartés.

« Cela a été particulièrement pénible parce que la NASA et le Pentagone ont activement encouragé ma sélection, mais je n’ai pas reçu le même enthousiasme de la part des anciens Tuskegee Airmen », dit Dwight.

Et d’ajouter : « J’ai été assailli de lettres de leur part me demandant : “Qui êtes-vous ?”. J’étais le premier de ma classe à voler en solo. J’avais accumulé 1 500 heures de vol sur des avions à réaction. Voilà qui j’étais ».

Il se souvient : « J’ai rencontré de nombreux sénateurs usaméricains, dont [le ségrégationniste convaincu] Strom Thurmond, et des membres de la Chambre des représentants - tous m’ont tapoté le dos et m’ont souhaité bonne chance ».

Mais il précise que Benjamin O. Davis Jr, alors major général et directeur des effectifs et de l’organisation de l’armée de l’air et ancien commandant des Tuskegee Airmen, a refusé de le rencontrer.

Dwight m’a dit que la NASA et le département d’État avaient largement diffusé mon article de 1963, ainsi qu’une photo de moi en train d’interviewer Dwight, auprès des ambassades usaméricaines à l’étranger et des ambassades étrangères à Washington, afin de montrer que les Afro-Américains faisaient partie du programme spatial usaméricain et pour contrer les préjugés raciaux omniprésents. La photo et l’article ont contribué à réduire la vandalisation des stations de repérage à l’étranger, en Afrique et en Asie, a déclaré M. Dwight.

Aujourd’hui, les Afro-USAméricains participent régulièrement au programme spatial, en tant que pilotes et spécialistes de mission, et occupent des postes de direction.

De 2009 à 2017, l’administrateur de la NASA était Charles F. Bolden Jr, un Afro-USAméricain retraité du corps des Marines, pilote de chasse et astronaute ayant participé à quatre vols spatiaux. Bolden, ainsi que d’autres astronautes noirs, ont été honorés pour leur participation au programme spatial usaméricain lors d’une cérémonie organisée au Smithsonian’s Udvar-Hazy Center à Chantilly, en Virginie, le 27 juillet. Dwight avait été invité, mais des problèmes médicaux l’ont empêché d’y assister.

Un « dédommagement » après une brillante carrière

Après avoir quitté l’armée de l’air en 1966, Dwight, encore âgé d’une trentaine d’années, a travaillé dans l’immobilier et a tenu un restaurant de grillades, entre autres. Il a également créé des œuvres d’art à partir de ferraille et a ravivé son intérêt pour l’histoire des Noirs.

George L. Brown, le premier gouverneur noir du Colorado, lui a commandé une statue pour le Capitole de l’État en 1974. Quatre ans plus tard, Brown lui a commandé une statue à son effigie.

Dwight a également créé une statue de Frederick Douglass qui est exposée dans la maison historique de l’abolitionniste à Anacostia, dans le sud-est de Washington.

Depuis, Dwight a créé de nombreuses autres sculptures qui ornent des espaces publics à travers les USA. Au total, il y a 128 œuvres publiques et à grande échelle, ainsi que des œuvres de galerie plus petites. Dans la région de Washington, on peut citer le Kunta Kinte-Alex Haley Memorial, qui montre Haley, l’auteur de « Roots », lisant à trois enfants, sur le quai de la ville d’Annapolis, et une sculpture intitulée « Black Madonna », exposée dans la chapelle Our Mother of Africa de la basilique du sanctuaire national de l’Immaculée Conception, sur le campus de l’université catholique.

Son buste d’A. Philip Randolph, qui a dirigé la Fraternité des porteurs de wagons-lits, le premier syndicat afro-usaméricain couronné de succès, normalement exposé dans le hall de l’Union Station à New-York, est en cours de réparation après avoir été endommagé par des actes de vandalisme.

Dwight a déclaré que sa vie riche et variée - pilote, historien et sculpteur - ne se serait pas déroulée de cette manière s’il n’avait pas été désélectionné du programme d’entraînement des astronautes.

Bien qu’il garde en mémoire la façon dont il a été traité en 1963, son récent voyage dans l’espace a jeté un nouvel éclairage sur son passé.

« Aujourd’hui, je me sens dédommagé et j’éprouve un sentiment de justice après que diverses choses - des forces des ténèbres - ont été mises en travers de mon chemin », dit-il. « Aujourd’hui, j’ai bouclé la boucle et, avec le recul, j’ai ouvert le débat sur la présence des Noirs usaméricains dans l’espace. J’ai contribué à mettre cette question sur la table ».

NdT

*L’original, “Race and the space race”, est un jeu de mots sur le double sens du mot race en anglais (race et course)

 


 

23/08/2024

AIDA ALAMI
Somali·es et USAméricain·es : portrait d’une communauté du Minnesota

Le Minnesota compte la plus grande communauté de personnes originaires de Somalie aux USA : elles étaient 86 610 en 2023, dont 37 048 nées en Somalie. La plus célèbre est sans doute Ilhan Omar, élue au Congrès pour le 5ème district en 2018 et qui vient de remporter les primaires démocrates pour les prochaines élections face à Don Samuels, soutenu et financé par le lobby israélien. Née à Mogadiscio en 1982, Ilhan fait partie du noyau initial de “The Squad”, “l’équipe” des 4 députées progressistes de choc démocrates, avec la Palestinienne Rashida Tlaib, la Latina Alexandria Ocasio-Cortez et l’Afro-Usaméricaine Ayanna Pressley, rejointes par 5 autres membres du Congrès. Ilhan a été la première congressiste d’origine somalienne et la première porteuse de hijab élue au Congrès (l’interdiction qui y prévalait a été abrogée en son honneur). Elle dénonce le génocide en cours à Gaza et est une partisane résolue du mouvement de boycott d’Israël. Ci-dessous un portrait de la communauté somalienne du Minnesota, dont le gouverneur est le candidat à la vice-présidence Tim Waltz. Ce reportage a été réalisé avec le soutien du programme Round Earth Media de l’International Women’s Media Foundation.-FG

Aida Alami, The New York Review of Books, 2/7/2019
Photos Paul Middlestaedt
Traduit par 
Fausto GiudiceTlaxcala

Aida Alami est née à Fès, a grandi à Marrakech et a émigré à New York à l’âge de 18 ans. Elle est journaliste marocaine indépendante et collabore régulièrement, entre autres, à la New York Review of Books, au New York Times et à la BBC.
Elle a contribué à l’anthologie Our Women on the Ground : Essays by Arab Women Reporting from the Arab World. Elle est professeure invitée à l’École de journalisme de Columbia (New York), où elle a obtenu son diplôme @AidaAlami

Fondée par des colons européens au XIXe siècle, cette ville était autrefois appelée « White Cloud » (nuage blanc). Mais aujourd’hui, cette ville de 68 000 habitants a vu arriver un nombre croissant de réfugiés somaliens au cours des deux dernières décennies, pour travailler dans les usines de viande ou fréquenter le campus local de l’université d’État.


Fosia Omar, 20 ans, profite d’une conversation avec des amis en attendant le coucher du soleil pour rompre le jeûne de la journée, le 25 mai 2018. Cette habitante de Waite Park est étudiante à l’université d’État de St. Cloud et prévoit de se spécialiser en psychologie.

Les réfugiés disent souvent que la guerre ressemble à une vague de violence qui les submerge, laissant derrière elle mort et destruction. Ce sentiment n’a pas été différent pour Katra Ali Hethar, qui a fui la Somalie déchirée par la guerre en 1991 avec ses neuf jeunes enfants.

Être responsable de tant de vies était un cauchemar logistique. Mais même dans les moments d’urgence, lorsqu’elle avait la possibilité de monter dans un camion ou une voiture, elle refusait d’en laisser un seul derrière elle. Elle a décidé qu’ils survivraient ou périraient tous ensemble, choisissant de les porter à tour de rôle sur son dos. Finalement, ils ont réussi à traverser la rivière Shebelle, jusqu’à la sécurité d’un camp de réfugiés au Kenya.

Deux ans plus tard, toute la famille, y compris son mari, qui avait été victime d’une attaque cérébrale mineure nécessitant des soins médicaux immédiats et qui a quitté la Somalie séparément, a trouvé refuge aux USA. Après avoir vécu brièvement à New York, puis quelques années à Atlanta, la famille s’est installée dans le centre du Minnesota en 2006. Depuis près de trente ans, la mère qui a survécu à la guerre et à ce voyage périlleux a soutenu tous ses enfants, dont trois sont nés depuis son arrivée, jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge adulte. Les USA leur ont offert un foyer et la sécurité.

Comme la plupart des histoires de migration, la sienne est empreinte à la fois de tristesse et d’espoir. L’adaptation à la vie dans un nouveau pays a eu son lot de difficultés. Déménager à St.Cloud, puis à Waite Park, une petite ville qui est pratiquement une banlieue de sa grande voisine, a été un autre type de voyage pour une femme qui n’a jamais travaillé en dehors de la maison, mais qui a consacré sa vie à ses enfants et à sa communauté.

Lors d’une des premières soirées chaudes du printemps tardif de cette année, je me suis retrouvée dans l’appartement d’Ali Hethar pour un événement très spécial. Elle avait invité un groupe de personnes rencontrées dans un centre pour personnes âgées à St. Cloud, une ville dont près de 80 % de la population est blanche et non musulmane, à partager un repas pour rompre le jeûne du ramadan et apprendre à mieux connaître les membres de différentes communautés. La plupart des invités à son Iftar étaient ses voisins habituels, des USAméricains blancs d’un certain âge.

Les femmes et les hommes ont enlevé leurs chaussures et se sont assis par terre sur une moquette bleue agréablement douce, portant des badges avec leurs noms et échangeant quelques mots. Ils conversaient avec leurs hôtes somaliens pendant que, sur un téléviseur muet, les Bucks de Milwaukee affrontaient les Raptors de Toronto dans le cadre des séries éliminatoires de la NBA. Au coucher du soleil, ils ont mangé des dattes, bu de l’eau, puis dégusté un repas somalien composé de sambusas à la viande, de chèvre cuite au four et de riz, avec des malawax (crêpes sucrées) en guise de dessert.


Katra Ali Hethar, avec Hanni App et d’autres invités, lors d’un dîner d’Iftar, Waite Park, Minnesota, 25 mai 2019.

Née à Djibouti, un petit pays d’Afrique de l’Est situé à la frontière nord de la Somalie, Ali Hethar n’est pas sûre de son âge. Son passeport indique qu’elle est née en 1946, mais elle pense qu’elle est née bien plus tard, en 1958 - le dernier jour du ramadan, en fait. Elle n’a jamais appris l’anglais, mais pendant que je la regardais, elle saluait, embrassait et souriait à ses invités, communiquant verbalement grâce à la traduction de l’une de ses filles.

Malgré son atmosphère décontractée, cette réunion sociale n’avait rien d’anodin. Le Minnesota, un État à tendance bleue [Démocrates], est à bien des égards exceptionnellement accueillant pour les immigrés ; il compte la deuxième plus grande population de Hmong d’Indochine du pays et abrite plus de Somaliens que n’importe quel autre État du pays. Mais le Minnesota central, où se trouve St. Cloud, à environ une heure à l’ouest de Minneapolis, n’est pas un endroit où il est si facile pour les étrangers de s’installer. Il est marqué par une forte tradition catholique et compte un grand nombre d’électeurs partisans d’une question unique, à savoir [la prohibition de ] l’avortement. Plus de 60 % des électeurs ont voté pour Trump en 2016.

Cette année-là, cependant, une jeune Somalienne-USAméricaine du nom d’Ilhan Omar a battu un élu démocrate de longue date pour un siège à la Chambre d’État ; deux ans plus tard, elle a été élue au Congrès des USA pour représenter le cinquième district du Minnesota (qui est centré sur Minneapolis). Son élection témoigne de l’engagement politique de la communauté somalienne. Alors qu’Omar a acquis une grande notoriété sur la scène nationale - à la fois comme l’un des démocrates de 2018 de l’aile fortement progressiste du parti, et pour la controverse suscitée par certaines de ses déclarations les plus combatives - deux autres Somaliens-USAméricains siègent à l’Assemblée législative du Minnesota, et d’autres aux conseils municipaux de Minneapolis et de Saint-Paul.

07/08/2024

MK BHADRAKUMAR
Changement de régime à Dhaka : une allégorie morale

 

La rapidité avec laquelle l’agitation étudiante s’est transformée en un mouvement antigouvernemental soulève des questions troublantes.

M K Bhadrakumar, Deccan Herald, 7/8/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

L’impasse politique au Bangladesh a pris une tournure dramatique. Ce qui avait commencé comme une agitation étudiante contre le système de quotas pour les rares emplois gouvernementaux destinés aux descendants des Mukti Bahini [combattants de la guerre d’indépendance de 1971, NdT] a abouti à un changement de régime. Il y a là des leçons salutaires à tirer.

La démocratie ne consiste pas seulement à organiser scrupuleusement des élections à intervalles prescrits, mais celles-ci doivent être libres, équitables et perçues comme telles. Deuxièmement, l’aliénation politique peut se transformer en ulcère. Au Bangladesh aussi, le taux de chômage des jeunes est très élevé, et ce qui s’est passé est un signal d’alarme pour l’Inde. Troisièmement, ne poussez pas l’opposition dans ses retranchements. L’opposition doit avoir l’espace nécessaire pour fonctionner. Enfin, l’orgueil démesuré a conduit à l’autoritarisme et l’élite dirigeante est devenue dictatoriale. Alors que la Première ministre Sheikh Hasina a fui son pays, l’opposante politique qu’elle avait enfermée, Khaleda Zia, sera libérée. C’est une question de morale. Les Grecs de l’Antiquité pensaient que l’orgueil démesuré offensait les dieux.

Il n’y a eu que peu de cas où une armée est retournée volontairement dans ses casernes. Personne ne sait ce qui va se passer ensuite. Le chef de l’armée lui-même est en poste depuis moins de deux mois.

Le 21 juillet, la Cour suprême du Bangladesh a atténué le système des quotas, répondant ainsi à la principale revendication des étudiants. L’agitation aurait dû prendre fin à ce moment-là, mais au lieu de cela, elle a été relookée en lutte pour la démocratie. Il est à espérer que le Bangladesh envisagera d’urgence d’organiser de nouvelles élections et que les partis politiques bénéficieront de conditions équitables. L’aspect positif est que Hasina, 76 ans, monarque absolue, s’est envolée vers son crépuscule sans se battre, car elle a vu ce qui était écrit sur le mur.

 Le dénouement peu glorieux à la sri-lankaise semble s’être répété - c’est ainsi que le régime de Rajapaksa avait pris fin. La médiation anglo-usaméricaine l’a peut-être rendu possible à Dhaka. Le chef de l’armée, le général Waker-Uz-Zaman, est un produit achevé du King’s College de Londres [et du Collège Interarmées de Défense britannique, NdT]

Waker-Uz-Zaman, 58 ans, général 4 étoiles, beau-fils d'un ancien chef de l'armée

La rapidité avec laquelle l’agitation étudiante s’est transformée en un mouvement antigouvernemental est impressionnante. Cela soulève des questions troublantes. Il existe une étrange similitude avec les révolutions de couleur. Du point de vue usaméricain, le Bangladesh est un pays prioritaire pour la “démocratisation” et un pilier de la stratégie Indopacifique des USA. Washington a exercé des pressions sur Hasina pour qu’elle prenne le train en marche. Le refus obstiné d’Hasina d’adhérer au Quad a probablement été l’élément décisif. Avec l’échec de la révolution colorée en Thaïlande, l’impasse dans laquelle se trouve l’insurrection au Myanmar et la consolidation chinoise au Sri Lanka et aux Maldives, l’importance du Bangladesh pour la stratégie occidentale dans la région est sans égale.

02/08/2024

Larry Itliong y los “manongs” de Stckton a Delano
La epopeya de l@s trabajador@s pin@y* de California

En plena guerra de Vietnam, los soldados usamericanos se vieron de repente inundados de cantidades industriales de uva. El Pentágono había comprado toda la cosecha recolectada por los esquiroles de Delano en el valle californiano de San Joaquín. Los vendimiadores filipinos, a los que pronto se unieron sus compañeros mexicanos, habían lanzado allí una huelga en septiembre de 1965 que duró hasta 1970 y terminó con la victoria de los trabajadores.

Los organizadores de la huelga tuvieron la ingeniosa idea de llamar a los comerciantes y consumidores a boicotear la uva en solidaridad con los huelguistas. La figura legendaria surgida de esta lucha fue César Chávez, el "Martin Luther King chicano", dejando en la sombra al principal líder real de los trabajadores filipinos, Larry Itliong.

 Tuvieron que pasar 50 años para que la figura del organizador de esta huelga -y de muchas otras- obtuviera pleno reconocimiento público. Esto se debe a la labor   de los hijos y nietos de los "manangs" (hermanos mayores) de primera generación, que emigraron a EEUU en los años 40 desde Filipinas, que fue colonia yanqui hasta 1946 y luego neocolonia del Tío Sam.

A continuación se presentan tres artículos que relatan esta epopeya, traducidos y editados por Fausto Giudice, Tlaxcala/El Taller Glocal

NdT: *Pinoy - femenino Pinay - es el término tagálog con el que l@s filipin@s se refieren a sí mism@s. Lo escribimos pin@y para incluir masculino y femenino

Índice

Gayle Romasanta
Por qué cad@ filipinousamerican@ debería conocer a Larry Itliong

Dawn Bohulano Mabalon
¡Mabuhay ang Causa! [¡Viva la Causa!]
El vínculo entre Stockton, la huelga de la uva de Delano y la Unión de Campesinos

David Bacon
L@s migrantes filipin@s dieron a la huelga de la uva su carácter político radical 

 

29/07/2024

Larry Itliong et les “manongs”, de Stockton à Delano : l’épopée des travailleurs pinoys* de Californie

En pleine guerre du Vietnam, les soldats US furent soudain submergés de quantités industrielles de raisin. Le Pentagone avait acheté l’entier produit des vendanges exécutées par des briseurs de grève de Delano, dans la vallée de San Joaquin, en Californie. Les ramasseurs de raisin philippins, bientôt rejoints par leurs camarades mexicains, y avaient déclenché en septembre 1965 une grève qui dura jusqu’en 1970 et aboutit à une victoire des travailleurs.
Les organisateurs de la grève avaient eu l’idée géniale d’appeler les commerçants et les consommateurs au boycott des raisins en solidarité avec les grévistes. La figure légendaire qui émergea de ce combat fut celle de César Chávez, le “Martin Luther King chicano”, laissant dans l’ombre le principal dirigeant réel des travailleurs philippins, Larry Itliong.
Il a fallu attendre 50 ans pour que la figure de l’organisateur de cette grève -et de beaucoup d’autres – accède à une reconnaissance publique pleine et entière. Ceci grâce au travail     de récupération historique des enfants et des petits-enfants des “manangs” (les grands frères) de la première génération, émigrés aux USA dans les années 1940 depuis les Philippines, qui furent une colonie yankee jusqu’en 1946 puis une néo-colonie de l’Oncle Sam.

Ci-dessous trois articles qui racontent cette épopée, traduits par Fausto Giudice, Tlaxcala. [ 

*NdT : *Pinoy -féminin Pinay – est le terme tagalog par lequel les Philippin·es s’autodésignent.

 

SOMMAIRE

Gayle Romasanta
Pourquoi tous les USAméricains d’origine philippine devraient connaître Larry Itliong...................................................................2

Dawn Bohulano Mabalon
Mabuhay ang Causa ! [Vive la Cause !] Le lien entre Stockton, la grève du raisin de Delano et les Travailleurs agricoles unis................................................................................................12

David Bacon
Les migrants philippins ont donné à la grève du raisin son caractère politique radical .........................................................17