« Le sionisme est un mouvement très jeune ; c'est le plus jeune des mouvements nationaux européens. Cela ne l'empêche pas de prétendre, bien plus que tous les autres nationalismes, qu'il tire sa substance d'un passé extrêmement lointain. Tandis que le sionisme est en fait le produit de la dernière phase du capitalisme, du capitalisme commençant à pourrir, il prétend tirer son origine d'un passé plus que bimillénaire. Alors que le sionisme est essentiellement une réaction contre la situation créée au judaïsme par la combinaison de la destruction du féodalisme et de la décadence du capitalisme, il affirme qu'il constitue une réaction contre l'état de choses existant depuis la chute de Jérusalem en l'an 70 de l'ère chrétienne. Sa naissance récente est naturellement la meilleure réplique à ces prétentions. En effet, comment croire que le remède, à un mal existant depuis deux mille ans, ait seulement pu être trouvé à la fin du XIXe siècle ? Mais comme tous les nationalismes, et bien plus intensément encore, le sionisme considère le passé historique à la lumière du présent. C'est ainsi d'ailleurs qu'il déforme l'image du présent. Tout comme on présente aux enfants français la France comme existant depuis la Gaule de Vercingétorix ; tout comme on présente aux enfants de Provence les victoires que les rois de l'Ile-de-France ont remportées contre leurs ancêtres, comme leurs propres succès, ainsi le sionisme essaie de créer le mythe d'un judaïsme éternel, éternellement en butte aux mêmes persécutions. »
Abraham Léon, l’auteur de ces lignes, a disparu à Auschwitz en 1944, à 26 ans. Juif né à Varsovie, résistant à l’occupation nazie de la Belgique, il rédige entre 1940 et 1942 Conception matérialiste de la question juive, qui ne pourra être édité qu’en 1946. Un texte à (re)découvrir de toute urgence.
https://glocalworkshop.com/fr/produit/conception-materialiste-de-la-question-juive-abraham-leon/