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27/11/2025

Que savent les Israéliens sur l’armée, cette vache sacrée ?

Gideon Levy, Haaretz, 26/11/2025

Traduit par Tlaxcala

Que savons-nous de notre armée ? Presque rien du tout. Que savons-nous de la qualité de ses commandants ? Encore moins.


De g. à dr. Katz, Bibi et Zamir. Sur la querelle entre Katz et Zamir, lire ici

Chaque officier supérieur nommé à un poste est immédiatement couronné par le chœur des journalistes militaires comme un « officier respecté » – toujours un officier respecté, mais on ne sait pas qui le respecte ni pourquoi – et puis son mandat s’écoule sans que quiconque, dans la population civile, n’ait la moindre idée de s’il a été un bon commandant. Les généraux et les colonels ne sont pas interviewés, sauf lors d’entretiens mielleux et embarrassants organisés par le porte-parole de Tsahal. Personne ne sait vraiment : sont-ils bons ? Sont-ils mauvais ? L’armée qu’ils commandent vaut-elle quelque chose ? Qui sait ?

Ils quittent ensuite l’armée et deviennent des commentateurs de studio et les toutous des politiciens, et alors leur nudité complète se révèle. Il s’avère que nous avons été dupés, trompés. L’officier respecté est parfois un imbécile ; l’agent secret, un idiot complet. Sans citer de noms, les exemples ne manquent pas.

Nombre d’officiers vénérés de Tsahal, du Mossad ou du Shin Bet perdent leur auréole de gloire lorsqu’ils sortent à la lumière. Ils feraient mieux de rester dans l’ombre, surtout ces deux dernières années, lorsque des colonels à la retraite ont pris d’assaut les studios télévisés. Chaque officier et agent de renseignement pense savoir bavarder sur n’importe quel sujet au monde – et la gêne n’a fait que s’intensifier.

Cette semaine, Israël était en transe à leur sujet. La nomination du général Fantôme comme attaché militaire à Washington aura-t-elle lieu ? Le général Walou restera-t-il à la tête du renseignement militaire ? Nous retenons notre souffle. Personne n’a la moindre idée de qui ils sont ni de ce qu’ils valent, mais tout le monde a une opinion sur qui est digne et qui ne l’est pas. Il en va de même pour la bataille des géants entre le ministre de la Défense et le chef d’état-major : chacun a une opinion sur qui est le gentil et qui est le méchant.

En apparence, le camp démocratique devrait se réjouir qu’il existe un ministre de la Défense civil qui freine l’armée et lui fixe des limites. Le fait que ce soit en réalité le camp de droite qui égorge la plus sacrée de toutes les vaches sacrées, Tsahal, devrait être encourageant, même si cela se fait pour de mauvaises raisons.

Tsahal est devenue un monstre débridé. Seul le chaos total et délirant qui règne en Israël pouvait aboutir à une situation dans laquelle le directeur du service secret, le Shin Bet, devient le gardien de la démocratie, et le chef d’état-major de Tsahal, le héros du camp libéral, victime du méchant, le ministre civil de la Défense. Il est vrai que le ministre de la Défense Israel Katz a tout fait pour mériter un nom qui suscite le ridicule et le dégoût, mais que savons-nous de son adversaire, le ieutenent-général Eyal Zamir ? Est-il un bon chef d’état-major ? Un mauvais ? Qui sait ? Attendez qu’il s’installe dans les studios télévisés en civil, et nous risquons encore une fois de nous retrouver à grimacer de gêne.

Ce qui est connu n’intéresse pas la plupart des Israéliens. Zamir est le commandant de l’armée qui a transformé Gaza en cimetière et en champ de ruines. Il est le commandant de l’armée qui a commis (et commet) des crimes de guerre et un génocide. Il est le commandant de l’armée dont les soldats volent le bétail des Palestiniens sans être traduits en justice. Tout soutien à son égard, même contre Katz le Satan, est un soutien à ses iniquités, qui un jour seront révélées et jugées, espérons-le, au moins par le tribunal de l’Histoire, si ce n’est plus tôt.

Il est difficile de croire que son implication claire dans des violations aussi horribles du droit international n’améliore ni n’altère l’opinion que le public a de lui. Comme si cela n’était qu’une question marginale, un passe-temps obscur. Et il n’est pas seul : tous les commandants et soldats de Tsahal – aucun n’est jugé pour ses iniquités. Tout leur est pardonné, parce qu’ils nous protègent, paraît-il. On leur pardonne même l’échec du 7 octobre. Dans la Sparte de 2025, Tsahal est encore au-dessus de tout soupçon, une sorte de vache sacrée.

Apparemment, le camp démocratique devrait se réjouir qu’il existe un ministre de la Défense civil qui freine l’armée et lui fixe des limites.

26/11/2025

L’impunité israélienne

Luis E. Sabini Fernández, 26/11/2025
Traduit par Tlaxcala

La violence

Dans ma vie personnelle, j’ai toujours été sceptique à l’égard des coups de main guérilleros auxquels j’ai assisté ou dont j’ai eu connaissance dans le Cône Sud (bien que certains aient été très sympathiques et que pratiquement tous aient impliqué un engagement personnel énorme, un « dévouement à la cause »), parce qu’ils me semblaient potentiellement autocratiques, facilitant avec trop de rapidité l’intronisation d’autres dirigeants, toujours au détriment du rôle de « gens comme nous ».

Telles sont mes expériences concernant la guérilla latino-américaine, engagée avec beaucoup de courage et d’abnégation, mais aussi d’aveuglement. C’est ainsi que j’ai souscrit au témoignage d’un ancien agent secret cubain, fils du célèbre guérillero argentin Ricardo Masetti, auquel Guevara avait confié la mission de créer un foyer révolutionnaire dans ses plans « continentaux » pour l’Amérique du Sud — mission qu’il put à peine mettre en œuvre¹.
Le fils, Jorge Masetti, Argentin mais élevé à Cuba, fut éduqué et formé comme agent révolutionnaire. Fidel voulait accomplir avec le fils ce qu’il n’avait pu obtenir du père. Et lorsqu’il fut totalement « au point », il renonça à cette voie en constatant la série d’échecs des guérillas latino-américaines (et la phase quasi inévitable suivante : la délinquance commune). Il commenta alors : « Quelle chance que nous n’ayons pas gagné».

Sous-sols de la Mort 3, acrylique sur toile, 2021

Palestine

Tout ce préambule pour reconnaître que la violence existant en Palestine est différente, radicalement différente. La violence venant d’en bas, celle des Palestiniens, n’est guère plus qu’une réponse à la machine israélienne, écrasante.

L’image de l’enfant ou des enfants lançant des pierres face à un tank est extraordinairement précise pour illustrer le rapport de forces. Une telle autodéfense, contre-attaque civile, désespérée, comme celle de la jeune fille brandissant une paire de ciseaux de couture dans la rue, parce qu’elle n’en pouvait plus, et qui fut abattue sans hésitation (et sans nécessité). Car Israël réprime ainsi : de manière brutale, annihilatrice, hors la loi mais avec un excès de technique².

Nous sommes face à un traitement particulier de l’ennemi. Netanyahou et d’autres dirigeants l’ont dit et répété : ils combattent des animaux, pas des humains — ou plutôt si, des humains, mais des Amalécites. Et leur dieu leur a donné la permission, il y a quelques millénaires, de les tuer (voir l’Exode dans la Bible).

C’est un permis de très longue durée. Et « parfaitement valide » au XXI siècle.

Mais qui a dit à Netanyahou que les Palestiniens étaient des Amalécites ?

                 

 Gaza Relief, acrylique et autres matériaux sur toile, 2015

Le comportement de la population israélienne est frappant. Voyons les colons en Cisjordanie. Jamais autorisés par l’ONU, mais s’installant de facto sur un territoire internationalement reconnu comme palestinien, avec l’assentiment non exprimé du gouvernement israélien. Il y a quelques années, ils étaient des dizaines de milliers et, en petits groupes, protégés par l’armée, ils approchaient les villages palestiniens et les lapidaient, endommageaient oliveraies et citronniers. À coups de haches ou de caillasses. Parfois il y avait des blessés. Aujourd’hui, les colons sont des centaines de milliers, toujours protégés par l’armée, et en bandes armées de dizaines ou de centaines, ils rasent des villages palestiniens, détruisant maisons, installations, cultures, véhicules et parfois les corps des Palestiniens qu’ils trouvent sur leur chemin. Cherchant à instaurer la terreur.

Dernièrement, l’armée a pris l’initiative : sous prétexte de chercher des « terroristes », elle a détruit des quartiers entiers de population palestinienne désarmée : maisons, vêtements, jardins, jouets, livres, ustensiles — tous les éléments matériels de la vie sociale. Les familles se retrouvent sans foyer, sans biens, souvent sans proches, assassinés dans une dose quotidienne d’horreur.

Il s'agit pratiquement de la politique de « terre brûlée » attribuée à certaines invasions telles que celle des Huns, « barbares » des IVe et Ve siècles de l'ère chrétienne.

Les militaires israéliens ont même établi des barèmes : pour éliminer un petit guérillero, ils s’autorisent jusqu’à 15 civils tués ; pour un chef guérillero, jusqu’à 100 victimes collatérales⁴.

Depuis des décennies, nous voyons les effets du plan Yinon, exposé au début des années 1980. Oded Yinon proposait de fragmenter les États voisins en unités politiques plus petites : le Liban en deux ou trois ; l’Égypte en cinq ou six ; l’Irak en trois ; le Soudan en deux… et ainsi de suite.

Israël, ouvertement ou sous couvert de structures comme Daesh, a vu ses objectifs se réaliser progressivement : Libye, Irak, Syrie, Soudan, Liban, Palestine ont été dévastés par sa politique d’usure, toujours soutenue matériellement par les USA, qui ont joué le rôle de remorque et d'approvisionneur de l’imparable machine israélienne.

Ce soutien inconditionnel des USA à la géopolitique israélienne s'explique de plusieurs façons ; il existe un certain parallélisme entre les développements historiques des USA et d'Israël, bien que dans des contextes historiques très différents. Une base religieuse relativement commune, car les protestants sont les chrétiens qui ont réévalué certains aspects de l'Ancien Testament, qui est le noyau idéologique de la religion juive. Et ce sont eux qui ont colonisé l'Amérique du Nord, exterminant la population autochtone. Bible en main.

Mais surtout, parce qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les USA rompent leurs liens avec la Société des Nations obsolète (disparue en 1946) et fondent « leur » ONU (octobre 1945), l'élite WASP, fondatrice des USA, avait déjà été partiellement remplacée par l'élite juive grâce à une série de stratagèmes : think tanks, l'intelligentsia juive a un poids de plus en plus important ; la Réserve fédérale (le capital financier juif devient majoritaire parmi les dix banques fondatrices, en 1913) ; Hollywood (six des sept grandes entreprises seront dans les années 30 détenues et dirigées par des Juifs, de sorte que de plus en plus les images des USA seront produites avec un regard juif ; et surtout grâce au financement coûteux du personnel politique usaméricain, pour lequel l'AIPAC est fondé en 1951.2 Sans ces subventions, l'insertion sociale de la plupart de ces législateurs serait très difficile.

C'est pourquoi l'une des images les plus simplistes et erronées de certains analystes de politique internationale a été, et est encore souvent, celle du « sous-marin de la flotte usaméricaine » pour parler d'Israël au Proche-Orient. L'image (tail wagging the dog), très connue dans la pensée critique usaméricaine, selon laquelle la queue fait remuer le chien, semble plus appropriée.

Deux événements récents, dans l'orbite de l'ONU, cet ancien instrument que les USA se sont arrogé à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour ordonner et/ou administrer le monde, nous montrent à quel point Israël mène la danse, changeant même les modalités de domination.

     

Sans titre, 2020

Jusqu'à récemment, très récemment, le pouvoir avait l'habitude de cacher son visage, ou ses crocs, et de dissimuler ses actions sous le couvert de la « volonté de paix », de la « recherche d'objectifs démocratiques », de la « conciliation » et de l'« aplanissement des difficultés ». Après tout, le résultat de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, a été la victoire contre toutes les formes de dictature (il restait là, « derrière le rideau », une dictature prétendument prolétarienne, et donc totalement différente de celles connues jusqu'alors ; il restait également celle de Franco en Espagne, mais cette dernière, comme tant d'autres en « Amérique latine », faisait partie de cette politique pragmatique yankee consistant à prendre soin du fils de pute s'il est « à nous »).

En d'autres termes, la défense de la démocratie avait ses difficultés, mais elle était encore invoquée.

1. La résolution du Conseil de sécurité du 11 novembre 2025

La résolution « sur le conflit à Gaza » exonère totalement Israël. Elle accepte tacitement la version israélienne d’un Israël « victime du terrorisme du Hamas », ignorant totalement les décennies de blocus, d’étouffement et d’abus qui ont façonné l’événement du 7 octobre 2023.

Israël ne subit ainsi aucune égratignure politique (ni économique) avec la résolution.

Ils n'auront même pas à rendre compte des meurtres collectifs et de leurs monstrueuses « équivalences » en vies humaines4, ni à indemniser les dommages brutaux causés à un territoire qui apparaît broyé et écrasé comme rarement auparavant. Ils n'auront pas non plus à faire face aux dépenses que nécessiteront la remise en état des sols, des logements, des réseaux de communication et d'assainissement, ni la reconstruction des hôpitaux, sans parler des milliers d'êtres humains brisés par le simple fait de vivre dans le cercle infernal conçu par Israël.

Le président des USA, qui aspire à maintenir l'hégémonie qui leur a été confiée en 1945, s'attribue désormais une présidence ou un gouvernement virtuel de la bande de Gaza, pour ─proclame-t-il─ sa reconstruction, toujours à la recherche de la prospérité (la seule chose positive dans cette démarche serait d'ôter à Israël son emprise sur ce territoire, mais je le mets au conditionnel, car ce n'est pas exactement Trump qui décide).

Le plan prévoit deux ans pour la reconstruction urbaine et immobilière. Compte tenu des dégâts visibles, de leur étendue et de leur ampleur, ce délai semble insuffisant.

Il comporte toutefois un aspect positif : l'idée de l'exil forcé des Gazaouis, tant promue par le gouvernement israélien, est abandonnée. Au contraire, du moins en paroles, la résolution déclare expressément la volonté de voir les habitants historiques rester dans la bande de Gaza.

Quoi qu'il en soit, le plan ne cache pas ses ambitions de business : attirer des capitaux importants pour créer des zones de confort, non pas pour les Gazaouis précisément, mais pour les milliardaires que Jared Kushner s'efforce tant d'attirer dans le futur complexe touristique de Gaza.

Nous ne pouvons oublier que des prospections ont confirmé la présence au moins de gaz en Méditerranée, à hauteur de la bande de Gaza. Et que la régence transnationale et impériale que Trump et Blair ─rien de moins─ cherchent à incarner a une préférence marquée pour leur propre prospérité.

L'ONU ne demande pas de comptes à Israël. Toujours absous de tout. Par droit de naissance, faut-il supposer. Mais en outre, dans les faits, l'ONU rétablit le colonialisme pur et dur : une puissance impériale, les USA, désigne Trump et Blair « roi et vice-roi » de ces domaines, afin de rétablir le cadre colonial. Seulement, il ne s'agit pas du colonialisme israélien, mais usaméricain.

La tâche que se sont assigné les chefs colonisateurs est ardue : ils se proposent de « changer les mentalités et les récits palestiniens », afin de persuader, semble-t-il, ces sauvages « des avantages que peut apporter la paix » (sic !).

Si ces maîtres pédagogues ─Blair et Trump─ voulaient proclamer les vertus de la paix, ils devraient s'adresser de toute urgence à la formation politique sioniste, qui, depuis cent ans, a toujours suivi la voie de la violence, et non celle de la paix, la voie de la guerre et de la conquête, envahissant des terres occupées depuis des millénaires, sur la base de documents bibliques douteux. Confondant délibérément religion et légende avec l'histoire documentaire.

La résolution du 11 novembre 2025 a été adoptée par le Conseil de sécurité élargi de l'ONU, qui ne comprend plus seulement les cinq membres originaux (USA, Royaume-Uni, France, Russie, Chine), mais aussi les membres actuels : Argentine, Italie, Espagne, Mexique, Colombie, Pakistan, Corée du Sud, Turquie, Indonésie et Allemagne.

Seules deux abstentions (peu fondées) de la Russie et de la Chine. Aucune des 15 représentations nationales n'a demandé pourquoi Israël pouvait se permettre un comportement violent, raciste et génocidaire en toute impunité.

       

          Détenu, 2024

Les personnes lucides et courageuses, désignées ou fonctionnaires de l'ONU elle-même, au fil du temps, comme Francesca Albanese, Susan Akram ou Richard Falk avant elles, et même Folke Bernadotte au tout début de l'ONU, et tant d'autres, ne suffisent pas à contrebalancer le rôle impérial, puis néo-impérial, que l'ONU continue de jouer, malgré les restrictions et les coupes budgétaires.

2. Le vote du 21 novembre 2025 contre la torture

Le 21 novembre 2025, l'Assemblée générale des Nations unies a rendu un avis contre le recours à la torture. La plénière comptait 176 délégations nationales et la résolution a été approuvée à une écrasante majorité (il y a eu 4 abstentions, dont celles du Nicaragua et de la Russie, ce qui soulève de nombreuses questions), mais surtout, elle a suscité la vive opposition de trois représentations nationales : les USA, Israël et l'Argentine. Ces pays ont alors défendu précisément cela : le recours à la torture.

De sombres nuages planent sur notre présent : non seulement la torture est encore utilisée, mais certains la préconisent, à l'instar des dictatures telles que les célèbres dictatures « latino-américaines » de Trujillo ou Pinochet, ou celle du shah d'Iran et, surtout aujourd'hui, celles très perfectionnées d'Israël et de son système de domination très rationnel qui comprend tant de types de torture.

  

Sans date, dessin au fusain et au pastel

Notre trame culturelle est tellement bouleversée qu'une militaire israélienne, Yifat Tomer-Yerushalmi, procureure qui, après avoir ignoré tant d'abus et de tortures antérieurs, a récemment choisi de criminaliser cinq soldats de « l'armée la plus morale du monde » pour avoir introduit des tubes métalliques dans l'anus d'un prisonnier palestinien et (évidemment) lui avoir fait du mal. Les médias du monde entier parlent de l'arrestation de la procureure, mais pas de la santé (ou de la mort) du Palestinien ; la procureure a elle-même été emprisonnée.

Netanyahou a condamné la diffusion de la vidéo faite par Tomer parce que, bien sûr, « cela nuit à l'image ».

Ce qui compte pour Netanyahou, c’est « l’image » et pas la réalité (sérieusement endommagée).

Ce qui est arrivé à Tomer est un exemple clair du comportement adopté et défendu par les gouvernements des USA, d'Israël et d'Argentine.

De la honte, ne serait-ce que comme posture, nous sommes passés au « grand honneur ». Les « légitimes » torturent et non seulement ils ne se déshonorent pas, nous déshonorant tous, mais ils en sont même fiers.

Illustrations : œuvres du peintre palestinien Mohamed Saleh Khalil, Ramallah

Notes

¹ Il a écrit un livre : La fureur et le délire, Tusquets, Barcelone, 1999.

² Israël minimise la responsabilité individuelle en menant ses raids via drones et systèmes automatisés…

³ AIPAC (American Israel Public Affairs Committee – Comité Américain des affaires publiques d’Israël). On estime qu'aujourd'hui, les trois quarts des représentants et sénateurs du pouvoir législatif usaméricain reçoivent de généreux dons d'organisations telles que l'AIPAC. Autrement dit, les votes sont gagnés d'avance.

⁴ Les militaires israéliens ont établi des tableaux d’équivalence : pour localiser et éliminer un guérillero de peu d'importance, ils s'autorisent à tuer jusqu'à quinze civils désarmés, souvent étrangers à l'affaire ; s'il s'agit d'un chef guérillero ─tel qu'ils le définissent─, ils s'autorisent à tuer jusqu'à cent personnes étrangères à l'objectif lui-même.

 

22/11/2025

Le “traitement” israélien pour un adolescent gravement malade : des menaces de déportation vers Gaza

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 21/11/2025
Traduit par Tlaxcala


Yamen Al Najjar, avec sa mère Haifa, devant l’hôpital Makassed à Jérusalem-Est, où il est soigné.

Yamen Al-Najjar, un adolescent de 16 ans atteint d’une grave maladie sanguine, est hospitalisé à Jérusalem-Est depuis deux ans. Cette semaine, Israël a tenté de le déporter à Gaza, où sa famille vit sous une tente après la destruction de leur maison. Sa mère est certaine qu’il ne survivrait pas un seul jour s’il y était renvoyé.

À 5 heures du matin, lundi, Yamen Al Najjar, 16 ans, était censé quitter son lit dans le service de médecine interne de l’hôpital Makassed à Jérusalem-Est, où il vit depuis deux ans avec sa mère, rassembler ses peintures et ses quelques vêtements, et retourner dans la bande de Gaza dévastée où il a grandi.
Quelques jours plus tôt, l’hôpital avait informé tous deux qu’Israël avait décidé d’expulser la plupart des Gazaouis hospitalisés ici vers la bande. Selon l’ONG Médecins pour les droits humains, des dizaines d’autres devaient être expulsés avec lui : environ 20 patients et leurs accompagnants du centre médical Sheba, à Ramat Gan ; 60 patients atteints de cancer et leurs accompagnants de l’hôpital Augusta Victoria à Jérusalem-Est ; et 18 patients et accompagnants de Makassed.
À la dernière minute, après un reportage de CNN, la décision a été suspendue – on ne sait pour combien de temps.

Yamen est né et a grandi à Khan Younis, un garçon en bonne santé avec un désir presque inné de peindre. En septembre 2017, il a souffert d’une blessure au nez et a saigné sans interruption pendant 21 jours. Des hémorragies se sont également produites dans son système digestif, et il souffrait d’hématomes sous-cutanés à divers endroits du corps.
Les services médicaux de Gaza n’ont pas pu établir de diagnostic et, après environ trois mois, Yamen a été transféré à Makassed, où l’on a découvert qu’il souffrait de la maladie de von Willebrand, qui affecte la capacité du sang à coaguler. La vie de Yamen – et celle de sa mère – a été bouleversée, mais ce n’était pas la fin de leurs épreuves.

Nous les avons rencontrés cette semaine dans un jardin municipal sale et négligé près de l’hôpital, au milieu de la misère de Jérusalem-Est. La mère du garçon, Haifa, élégante et charmante, oscille entre rires et larmes, et refuse de révéler son âge. Rien dans son attitude ne laisse deviner qu’elle partage un lit d’hôpital avec son fils depuis plus de deux ans, ni qu’elle n’a pas de maison. Elle et son mari, Ramzi, 50 ans, avocat travaillant pour l’Autorité palestinienne, ont quatre enfants – Yamen est le plus jeune.

Haifa et Yamen Al-Najjar à l’hôpital. Après que les médecins de Gaza n’ont pas pu établir de diagnostic, il a été transféré à Jérusalem-Est.

Yamen fait plus que son âge, avec de cheveux noirs épais, bien qu’un début de moustache signale qu’il reste un adolescent. Il porte des lunettes épaisses aux verres sombres depuis que sa vision a été affectée par la maladie. Il transporte un sac en plastique contenant des peintures et des feuilles de papier.
À peine assis sur un banc métallique du jardin, Yamen se met à créer une peinture acrylique aux couleurs vives, avec l’aide occasionnelle de sa mère, elle aussi peintre amateur. À la fin de notre conversation, il aura terminé son tableau du jour – une œuvre frappante et magnifique.

En décembre 2017, après le diagnostic, Yamen a été transféré à l’hôpital universitaire Hadassah à Aïn Karem, Jérusalem. Sa mère raconte l’histoire avec vivacité, se souvenant de chaque date, chaque nom de maladie et chaque symptôme.
Dans les mois suivants, ils se sont rendus à Hadassah tous les trois mois pour des examens ; les trajets depuis Gaza se passaient sans problème et l’état du garçon était stable. Mais en 2020, de nouveaux symptômes graves sont apparus, apparemment sans lien avec sa maladie d’origine. Sa température corporelle chutait brutalement à 32-33 °C, et sa tension sanguine à 70/40, voire moins.
Une IRM réalisée à l’hôpital d’amitié turco-palestinienne à Gaza a montré des dommages au thalamus. Il a été transféré à l’hôpital arabe Istishari à Ramallah, où l’on a également diagnostiqué une atteinte de son hormone de croissance. Puis il a été transféré pour traitement au service d’hématologie de Sheba, où il revenait tous les trois mois avec sa mère pour des contrôles.
Les résultats de ses tests ont été envoyés à des centres médicaux aux USA et au Canada, mais aucune maladie n’a encore été identifiée. L’étape suivante consistait à réaliser des tests génétiques sur toute la famille – puis est arrivé le 7 octobre 2023.

Ce jour-là, Yamen était patient à l’hôpital ophtalmologique St. John de Jérusalem-Est, en raison de problèmes de vision. Le lendemain, il a recommencé à saigner et a été transféré à Makassed. Quelques jours plus tard, il a été transféré à Sheba puis renvoyé à Makassed. Il s’y trouve depuis lors. Pendant que sa mère parle, sa peinture progresse : il a déjà peint le ciel et un champ en bleu et vert intenses, et commence maintenant à peindre la silhouette d’un jeune ou d’un homme. Nous le découvrirons plus tard.


Haifa et Yamen. Pendant notre conversation, le dessin de Yamen progresse – il peint un ciel et un champ en bleu et vert vifs.

Son état se détériore, dit sa mère. Sa température corporelle descend sous les 32 degrés et sa tension chute à 60/23. Elle fait des cauchemars où celle-ci tombe à zéro. Il souffre de douleurs articulaires, d’éruptions cutanées et d’enflures. Il dort 18 heures par jour et le moindre effort l’épuise. Rien de tout cela n'est visible alors qu'il est assis sur le banc, entièrement absorbé par sa peinture.

Depuis quelques semaines, depuis le cessez-le-feu à Gaza, lui et sa mère ont été avertis que leur temps ici touchait à sa fin. Ils ont commencé à chercher un pays qui accepterait de les recevoir et de fournir des soins à Yamen. En janvier dernier, il devait se rendre avec des dizaines d’enfants blessés à Abou Dhabi pour traitement, mais le cessez-le-feu s’est effondré, les combats ont repris et la bande a de nouveau été scellée.

Haifa a contacté des organisations, dont l’OMS, PHR, la Croix-Rouge internationale, le Croissant-Rouge des Émirats et du Qatar, et d’autres. L’OMS a reconnu la gravité de son état, mais aucun pays n’a accepté de l’accueillir. Ses deux oncles, en exil en Grande-Bretagne et en Turquie, ont tenté d’aider, sans succès.
Les 22 000 enfants grièvement blessés dans la guerre à Gaza ont la priorité, dit-elle, même si l’état de Yamen n’est pas moins dangereux. Elle comprend aussi que sa situation serait meilleure s’il avait un diagnostic clair.

Dimanche dernier, il a été annoncé que tous les patients gazaouis, à l’exception des cas les plus graves, seraient renvoyés. Haifa a été rassurée, pensant que Yamen faisait partie des cas graves. Mais deux jours plus tard, on lui a annoncé que Yamen serait expulsé dans les deux jours – jeudi dernier.
Mercredi, on leur a dit que l’expulsion était repoussée à lundi matin, à 5 heures.
Elle a compris qu’elle devait agir vite pour renverser cette décision et sauver son fils. Pour la première fois, elle s’est tournée vers les médias internationaux. Abeer Salman, productrice et journaliste à CNN, a publié l’histoire et, immédiatement après, dimanche, la famille a été informée que leur expulsion était reportée sine die.


Les tentes des familles déplacées à Muwasi cette semaine. Lorsque l’armée israélienne est entrée à Khan Younis, la famille de Yamen a dû fuir à Muwasi sans rien. Photo  Mahmoud Issa / Reuters

C’est une vie dans l’angoisse, sous un nuage sombre et menaçant. « Yamen ne survivra pas un seul jour à Gaza », nous dit sa mère, des larmes apparaissant sur ses joues pour la première fois – vite essuyées. « Son seul péché est d’être né à Gaza. »
À présent, elle l’aide à achever sa peinture. Yamen a peint un homme tenant une branche d’arbre, avec des papillons voletant au-dessus. Sa mère ajoute un ou deux papillons. Ces dernières semaines, il peint beaucoup de papillons, dit-elle. Elle-même peint souvent des femmes tristes.
L’une des œuvres de Yamen, un dessin en noir et blanc datant de quelques semaines, montre un garçon agenouillé, du sang coulant de son doigt, une fleur poussant d’une terre fissurée, des maisons désolées en arrière-plan. Il a dit à sa mère que c’est ainsi qu’il imagine le retour à Gaza, avec son doigt blessé.

En réponse à une demande de Haaretz, le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) a déclaré :
« Contrairement aux affirmations, la coordination pour le retour des résidents de Gaza soignés en Israël vers la bande n’a été effectuée qu’après avoir reçu le plein consentement de chaque patient et de sa famille, conformément à leurs souhaits. Les patients ont commencé leur traitement en Israël avant la guerre et, en raison de la fermeture des points de passage, leur retour n’a pas été possible jusqu’à présent, bien qu’ils aient terminé leurs soins. Le processus a été coordonné professionnellement, avec la sensibilité requise, et en toute transparence avec toutes les parties concernées. »
En d’autres termes, une « déportation volontaire ». Difficile de croire que des dizaines de patients et leurs proches souhaitent réellement rentrer dans une Gaza dévastée et ensanglantée, où il ne reste aucun hôpital fonctionnel et où nul ne sait s’ils ont encore une maison.

Concernant Yamen, une source au COGAT a déclaré ne connaître aucun plan pour l’expulser. Pourtant, Yamen et sa famille affirment qu’ils ont déjà été informés deux fois de préparer leurs affaires pour une expulsion imminente, dont encore ce lundi. Dans les deux cas, l’administration de l’hôpital leur a dit agir sur instruction du COGAT.

Après l’article de CNN, une ONG sud-africaine a exprimé sa volonté d’aider à lui trouver un lieu de traitement dans ce pays, mais rien encore n’a abouti. Pour Haifa et Yamen, il est vital que Yamen puisse être soigné quelque part et aussi retrouver, après plus de deux ans, son père, ses sœurs et son frère.
La ligne téléphonique entre eux est ouverte presque en permanence, malgré les difficultés de connexion dans la zone de tentes de Muwasi où la famille vit. Ramzi et le frère de Yamen, Yusef, ont été blessés dans un bombardement.
Le 8 octobre 2023, la famille a quitté sa maison à Khan Younis et s’est installée dans sous tente dans la cour d’une école servant d’abri pour déplacés. Mais le site a bientôt été bombardé et la tente a pris feu. Pendant quelques jours, ils ont dormi dans la rue, jusqu’à pouvoir acheter une nouvelle tente et la monter à Rafah, où ils sont restés jusqu’en juin 2024.

Lorsque l’armée israélienne a envahi Rafah, ils ont dû fuir vers Muwasi. Ils ont tout laissé derrière eux et acheté une nouvelle tente. Lors du cessez-le-feu en janvier dernier, ils ont tenté de revenir aux ruines de leur maison. Une pièce se tenait encore debout, alors ils l’ont entourée de bâches plastifiées et s’y sont installés. Mais lorsque le danger s’est accru, ils ont dû fuir de nouveau et retourner à Muwasi avec une autre tente.

À quelle fréquence parlez-vous à votre famille ? demandons-nous.
« Chaque fois qu’ils se disputent et crient, ils appellent », dit Haifa. Et Salman, la journaliste, proche de la famille, ajoute en riant : « Et ça arrive souvent. » Ils se battent dans la tente de Muwasi pour une tranche de pain, une place sur un matelas, pour savoir qui se lavera ou qui aura quelque chose à boire, dit Haifa. Elle dit à chacun qu’il a raison.
Il y a eu de longs jours sans aucun contact, et tous deux vivaient dans la terreur. Haifa appelait quiconque elle connaissait à Gaza pour retrouver son mari et ses enfants, et écoutait chaque bulletin d’information, tremblante. « C’était une période très dure », dit-elle, et les larmes reviennent. Son mari avait besoin d’un déambulateur les premiers mois après sa blessure. Son cœur s’arrêtait à chaque mention de bombardements ou d’incendies à Muwasi.

Quand Yamen est éveillé, il peint ou joue en ligne à des jeux vidéo avec ses oncles en Turquie et à Londres. La vie à l’hôpital est difficile. « Il n’y a ni intimité, ni confort », dit Haifa, encore souriante.
Depuis qu’il a 3 ans, Yamen gardait tous ses jouets dans leurs boîtes d’origine. Lorsque son père et ses frères et sœurs ont dû quitter la maison le 8 octobre, tous les jouets ont été laissés derrière. Son père lui a demandé quel jouet sauver, et Yamen lui a dit d’emporter un jeu de cartes doré. Elles ont survécu jusqu’à ce que la famille doive fuir de la tente à Rafah, puis ont été perdues aussi.
Le personnel de l’hôpital remplace désormais la famille, dit Haifa, mais elle essaie de ne pas trop s’y attacher, sachant qu’ils devront partir. La semaine dernière, quand elle a appris l’expulsion, elle s’est dit qu’elle avait finalement fait ce qu’il fallait. Tout ce qu’elle veut maintenant, c’est que Yamen reçoive le meilleur traitement possible et que la famille soit réunie. Il saigne presque chaque jour, dit-elle, ce qui le plonge dans la dépression.

Maintenant, il a fini sa peinture et l’a signée en bas.

20/11/2025

La “malédiction bénie” qui redéfinit Israël : limites globales, tournant de Gaza et nouvel ordre

Gideon Levy, Haaretz, 19/11/2025
Traduit par Tlaxcala


Des manifestants protestent contre le Premier ministre Benjamin Netanyahou et la guerre à Gaza, près de Jérusalem en septembre. Photo Olivier Fitoussi

 

Les bonnes nouvelles nous tombent dessus comme des cadeaux venus du ciel. Tandis que dans les médias tout est présenté comme défaites et désastres, cela faisait longtemps que nous n’avions pas connu un changement susceptible d’augurer l’espoir.

Voici la liste : Israéliens et Palestiniens subissent une internationalisation accélérée du conflit ; le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé une résolution qui va dans le bon sens ; Israël est ramené à ses véritables dimensions à une vitesse encourageante, et le sort des Palestiniens est de plus en plus soustrait à son contrôle exclusif. Difficile d’en demander davantage. Ce qui a été présenté en Israël comme une série de défaites humiliantes est en réalité une collection d’évolutions encourageantes.

La plus importante d’entre elles est le retour d’Israël à ses véritables dimensions. La superpuissance est redevenue une superpuissance, et son État-client est revenu à sa place naturelle. L’état de choses où il était difficile de savoir qui était dans la poche de qui, l’effacement des rôles entre la superpuissance et son État-client, qui a duré des décennies, a pris fin. C’est une bonne nouvelle pour Israël.

La mégalomanie est morte, le délire de grandeur et d’omnipotence de l’État est terminé. Et c’est une bonne chose. Israël ne peut plus faire tout ce qui lui plaît. Le génocide à Gaza devait prendre fin – non pas parce que le Premier ministre Benjamin Netanyahou le voulait, mais parce que le président usaméricain Donald Trump l’a ordonné. Sans lui, le massacre aurait continué.

La « défaite » sous la forme de l’accord visant à fournir des avions de chasse F-35 à l’Arabie saoudite n’est pas nécessairement une défaite. La décentralisation des armes dans la région pourrait mener à une forme d’endiguement d’Israël, qui jusqu’ici s’est comporté comme le caïd du quartier que tout le monde craint : bombardant et assassinant à travers la région, violant toutes les souverainetés possibles, à qui tout était permis et qui n’était sanctionné pour rien.

C’est terminé – et c’est une bonne chose pour Israël, car nombre des désastres qui l’ont frappé étaient la conséquence directe de son arrogance et de son agressivité, comme s’il n’existait ici aucun autre pays. Désormais, il y en a un. Israël ne sera plus le seul dans le voisinage à posséder l’avion de chasse le plus avancé du monde ; cette arme ne sera plus exclusivement entre ses mains, et il lui faudra réfléchir avant sa prochaine sortie de bombardement dans la région.


Netanyahou s’adresse à la séance plénière de la Knesset, le parlement israélien, à Jérusalem, la semaine dernière.
Photo Ronen Zvulun/Reuters

L’appropriation par les USA de ce qui se passe à Gaza est également une évolution positive. Depuis des décennies, et tout particulièrement ces deux dernières années, nous avons vu ce qu’Israël sait faire dans la bande. Le résultat : Gaza est un cimetière. Il y a un nouveau garçon dans le quartier ; voyons ce qu’il saura faire. Cela ne peut être pire que ce qu’Israël a fait.

Retirer à Israël le contrôle pourrait mener à un processus similaire en Cisjordanie. Cela prend des allures de rêve. L’entrée d’une force multinationale en Cisjordanie pourrait mettre fin à une situation où une nation y vit, sans défense et sans droits, tandis qu’une autre l’abuse sans relâche. Cela reste une vision lointaine, mais elle pourrait se réaliser.

Pendant ce temps, les USA renforcent leurs liens avec l’Arabie saoudite. En quoi cela lèse-t-il exactement Israël ? Israël demande déjà une compensation pour la perte de son « avantage militaire qualitatif », comme si celui-ci lui avait été donné par une promesse divine en même temps que ses droits exclusifs sur cette terre. Sur quelle base Israël pense-t-il être le seul à mériter et à avoir le droit de s’armer jusqu’aux dents ?


Des Palestiniens passent devant les décombres de bâtiments détruits, au milieu d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, dans la ville de Gaza, mercredi.
Photo Dawoud Abu Alkas/Reuters

Des attaques chaque fois que quelque chose ne lui plaît pas, des violations flagrantes de cessez-le-feu, des assassinats et des actes de terreur : Israël ne croit pas seulement que tout lui est permis, il est convaincu que rien n’est permis aux autres.

Cet état d’esprit l’a corrompu, et peut-être qu’à présent il prendra fin. Un Israël plus modeste dans ses ambitions et moins armé de moyens offensifs pourrait avoir une chance d’être davantage accepté dans la région. 

En 1970, l’historien israélien Shabtai Teveth a publié les versions hébreue et anglaise de son livre sur le lourd prix qu’Israël a payé pour sa victoire lors de la guerre des Six-Jours en 1967, La bénédiction maudite : l’histoire de l’occupation par Israël de la Cisjordanie. L’heure est venue, aujourd’hui, de « la malédiction bénie » : il ne s’agit pas de malédictions qui s’abattent sur nous, mais peut-être de bénédictions qui marqueront la fin de l’ère du messianisme et de l’arrogance envers tous. Le début d’un retour à la réalité.


31/10/2025

Nous, Israéliens, sommes tous Itamar Ben-Gvir
Il n’est plus possible d’être sionistes sans être fasciste

Gideon Levy, Haaretz, 29/10/2025

Traduit par Tlaxcala

En fin de compte, nous sommes tous Itamar Ben-Gvir. Une même ligne relie Naftali Bennett, Yair Lapid et Avigdor Lieberman — l’espoir de l’opposition — à Ben-Gvir, le grand épouvantail : nationalisme, fascisme et militarisme ne différant que par des nuances infimes. Entre le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël et ceux qui aspirent au pouvoir, il n’existe que cinquante nuances de droite.

Ainsi, tout ce discours sur une « fracture nationale » et sur « les élections les plus importantes de l’histoire du pays » — le dernier cliché en date qui fait des vagues — n’est qu’un mensonge. Israël n’a pas de Zohran Mamdani et n’en aura pas de sitôt. Des Ben-Gvir, en revanche, nous en avons à la pelle.


Des soldats israéliens montent la garde près d’une porte close pendant la récolte des olives dans le village de Kobar, près de Ramallah, en Cisjordanie occupée, samedi. Photo Mohamad Toroman/Reuters

La saison électorale est ouverte, et nul n’est plus prompt que Lapid à identifier l’air du temps — à savoir le fascisme — et à surfer sur la vague. C’est le produit le plus hot du marché depuis le 7 octobre, et Lapid s’en régale déjà.

Cette semaine, le « chef de l’opposition » a promis de soutenir une loi interdisant de voter à ceux qui ne s’enrôlent pas dans l’armée. Ni à Sparte, ni dans la super-Sparte on n’aurait osé imaginer une telle mesure militariste. Là-bas, on aurait eu honte. Les Arabes, les ultraorthodoxes, les invalides, les malades, les criminels et les handicapés seraient jetés dans le Nil. Ils ne font pas partie de notre démocratie, alors pourquoi ne pas expulser tous ceux qui ne servent pas ? Leur retirer la citoyenneté ? Ou peut-être les mettre dans des camps ?

Selon Lapid, c’est le service militaire qui donne accès aux droits fondamentaux. Si vous ne tuez pas d’enfants à Gaza, chers Israéliens, Lapid vous retirera votre carte d’électeur. Le peuple, épuisé et meurtri par des années de Benjamin Netanyahou, est désormais censé voir en un tel personnage une source d’espoir.

L’espoir suprême de l’opposition est encore plus décourageant. « Dans le Néguev, un État palestinien est en train de naître », a averti Bennett cette semaine les habitants de la ville d’Omer. « Si nous n’agissons pas, nous nous réveillerons face à un 7 octobre dans le Néguev. » Les citoyens bédouins d’Israël, le groupe le plus défavorisé et dépossédé de la société, seraient donc le Hamas. Le danger qu’ils représentent serait un autre 7 octobre.

Puisque Ben-Gvir parle ainsi, à quoi bon Bennett ? Pour son anglais impeccable ? Ses manières policées ? Son service militaire dans une unité de commando ? Une épouse qui ne se promène pas avec un pistolet à la ceinture ? Parce qu’il vit à Ra’anana (et non à Tel Rumeida) ?

Pour Bennett, pas moins que pour Ben-Gvir, cette terre est réservée aux Juifs. Les Bédouins, dont certains ont été expulsés vers le Néguev depuis d’autres régions d’Israël, n’en seraient pas les enfants. Ils sont une menace à contenir. Pourtant, le fait est que le Néguev leur appartient autant qu’à Bennett ou aux bons citoyens d’Omer.

Le Néguev, c’est ce qu’il leur reste après qu’on les a dépossédés de leurs terres, détruit le tissu de leurs vies et enfermés dans des enclos misérables. Certains ne sont pas aimables, il est vrai : ils conduisent dangereusement, ont plus d’une femme et sont violents. Il faut corriger ça — mais sans porter atteinte à leurs droits civiques, qu’il est impossible de leur nier.

Bennett, comme Lapid, est un homme sombre. Tous deux croient que les droits sont accordés par la bonté de l’État, comme un cadeau ou une récompense pour une « bonne conduite ». C’est là le fascisme dans sa forme la plus pure — et Lieberman, le plus ancien fasciste des trois, les rejoindra avec enthousiasme. Lui aussi est favorable à priver de droit de vote ceux qui n’ont pas participé à la guerre ni commis ses crimes. Lui aussi voit dans les Bédouins des invités indésirables dans ce pays.

La ressemblance fasciste entre la coalition et l’opposition n’est pas fortuite. Elle s’appelle le sionisme. En 2025, on ne peut plus défendre cette idéologie nationale sans être fasciste ou militariste. C’en est désormais l’essence. Peut-être l’était-ce déjà depuis le début, et l’honnêteté exige de le reconnaître.

Netanyahou et Bennett, Ben-Gvir et Lapid sont des sionistes comme presque tous les Israéliens. Pour eux, la terre appartient aux Juifs, ils croient à la suprématie juive et au mensonge d’un État à la fois juif et démocratique. Le fascisme est la conséquence inévitable de cela. Il n’est plus possible d’être sioniste sans être fasciste.



30/10/2025

Tucumán, Argentine : la pieuvre sioniste étend ses tentacules dans toutes les directions, de la communauté juive aux institutions de l’État

 Rubén Kotler, 30/10/2025

Rubén Kotler (né en 1974) est un historien argentin, juif antisioniste, spécialiste de l’histoire récente de Tucumán, cofondateur de l’Association d’Histoire Orale de la République argentine et coadministrateur du Réseau latino-américain d’Histoire Orale. Il est aussi coscénariste et responsable de la recherche historique du documentaire El Tucumanazo (sur les révoltes ouvrières et étudiantes de Tucumán). https://www.deigualaigual.net/

L’historien israélien Ilan Pappe définit un lobby comme « l’influence exercée pour modifier la politique gouvernementale d’un pays ou altérer l’opinion publique ». Dans son récent ouvrage[1], il analyse l’histoire du lobby sioniste entre les USA et le Royaume-Uni. La pénétration sioniste en Amérique latine plonge ses racines dans la première moitié du XX siècle ; elle est essentielle au soutien de l’État dIsraël et de ses politiques de génocide, de nettoyage ethnique, dapartheid, de colonialisme, dexpansionnisme, de racisme et d’islamophobie — les colonnes vertébrales sur lesquelles s’édifie cet État juif autoproclamé au détriment du peuple palestinien.
Ce dispositif colonial est soutenu par les communautés judéo-sionistes du monde entier. On le constate aisément, à la loupe, dans des communautés comme celle de Tucumán, en Argentine.
 



La plus petite province d’Argentine abrite une petite mais influente communauté judéo-sioniste, mêlant héritages ashkénaze et séfarade. On y trouve diverses institutions : synagogues, écoles, un club nommé Unidad Sionista, et un cimetière.
L’école principale de la communauté — celle où moi-même j’ai étudié — offre une double scolarité ; sa formation judéo-sioniste constitue un pilier central du soutien à Israël. Les programmes d’enseignement juif, loin de l’orthodoxie religieuse, visent à forger une identité sioniste très marquée. On y célèbre avec un même enthousiasme les fêtes nationales argentines et les fêtes juives, les deux étant enveloppées d’un récit nationaliste comparable à celui enseigné dans les écoles de la colonie israélienne elle-même.
La pénétration sioniste dans le monde juif religieux est telle que, dans certaines communautés réformées, on a ajouté une prière demandant à Dieu de protéger l’armée israélienne.

 

Photos d’une cérémonie scolaire de “patriotisme israélien” à Tucumán
(Archives de l’auteur)

Un système de bourses finance des voyages initiatiques vers l’État juif autoproclamé — comme un pèlerinage à Disneyworld — et toutes les institutions locales entretiennent une identité soudée autour de la défense d’Israël, considéré tantôt comme seconde patrie, tantôt comme refuge eschatologique face à la crainte d’un nouvel « holocauste ».

Les attentats contre l’ambassade d’Israël (1992) et contre l’AMIA (1994) à Buenos Aires ont nourri cette peur. Depuis 1994, les institutions judéo-sionistes argentines maintiennent des murs anti-voitures piégées ; depuis trente ans, la communauté attend son « troisième attentat » comme le Messie.
Le serment des soldats israéliens à Masada, jurant que Sion ne tombera plus, est reproduit dans les écoles judéo-sionistes avec la même ferveur.

La DAIA (Délégation des Associations israélites d’Argentine) est une institution de lobbying prosioniste dont la mission initiale était de protéger les intérêts juifs en Argentine ; elle défend en réalité les intérêts sionistes et propage la confusion entre antisionisme et antisémitisme.


Le kirchnériste José Jorge Alperovich (1955) a été trois fois gouverneur de la province de Tucumán entre 2003 et 2015. En novembre 2019, il a fait l'objet d'une plainte pénale et a été inculpé pour abus sexuels. En 2024, il a été condamné à 16 ans de prison pour abus sexuels et a été déchu à vie de ses droits civiques.

Mais revenons à la pénétration du sionisme dans la province de Tucumán ces dernières années, en tant que soutien d'une cinquième colonne qui justifie et accompagne le génocide. Les différents gouvernements provinciaux depuis 2003 ont maintenu des liens économiques, culturels, politiques et sociaux solides avec Israël. 

L'élection du gouverneur José Alperovich, fils d'une famille judéo-sioniste de Tucumán appartenant à une élite commerciale économiquement puissante, s'est avérée paradigmatique dans un pays dont la religion officielle majoritaire est le catholicisme romain. L'élection d'Alperovich était novatrice, tout comme l'étaient ses alliances avec le sionisme à l'échelle mondiale. Ces alliances existaient déjà avant cette élection, mais elles ont été renforcées par l'inclusion dans le cabinet provincial de membres de la communauté juive locale. Des membres éminents de la communauté ont embrassé le péronisme comme parti où ils ont ancré leur influence politique et ont lié l'État provincial à l'État d'Israël par le biais de divers accords économiques.

Juan Luis Manzur (1969), le fonctionnaire le plus riche de l’administration nationale

Son successeur, le gouverneur Juan Manzur, qui entretenait des liens étroits, voire affectifs, avec une partie de la communauté judéo-sioniste - Chabad Lubavitch-, a poursuivi cette ligne de soumission au sionisme. Manzur a rapidement conclu des accords commerciaux avec Israël dans l'un des domaines où l'enclave coloniale excelle, à savoir la sécurité. Vers la fin de l'année 2018, le gouvernement provincial a acheté 4 000 pistolets semi-automatiques Jericho 9 millimètres avec un cadre en polymère, développés par la société IMI (Israel Military Industries), privatisée en 2018 et intégrée à Elbit Systems. L'accord conclu pour un montant de neuf millions de dollars a permis à la province d'acquérir ces armes et d'autres utilisées notamment dans la répression des Palestiniens en Cisjordanie. L'une de ces armes, utilisée par la police de Tucumán, a tué Luis Espinoza dans le contexte répressif de la pandémie, lorsque la police de Tucumán est intervenue lors d'une réunion sociale le 15 mai 2020, réunion au cours de laquelle Espinoza a été enlevé et a disparu pendant sept jours, jusqu'à ce que son corps sans vie soit retrouvé dans une autre province.

Mais les accords ne s'arrêtent pas là. Deux ans avant la disparition suivie du décès de Luis Espinoza, le 13 août 2018, l'Orchestre symphonique de Jérusalem donnait un concert dans l'un des principaux théâtres de la province, sous l'égide du gouvernement provincial lui-même. Ce que j'ai alors intitulé « Un concert de mitraille » rendait compte de la manière dont on embrassait l'État sioniste à travers un événement culturel qui normalisait l'oppression du peuple palestinien. La normalisation de la structure coloniale par le biais de la culture et du sport sont des caractéristiques distinctives de ce type d'alliances et de cette pénétration à l'échelle mondiale. Je pourrais remonter beaucoup plus loin dans le temps, mais ces faits relatés sur l'influence sioniste suffisent à illustrer mon propos. Surtout dans ce qui a suivi, avec une série d'accords commerciaux et autres, qui n'ont fait que renforcer ces liens avec le lobby sioniste dans la province.

Les péronistes, alliés des sionistes

Aujourd'hui, on évoque le gouvernement d'extrême droite de Javier Milei, allié stratégique du sionisme et partisan du génocide palestinien, mais avec beaucoup d'hypocrisie, une partie des péronistes se taisent ou regardent ailleurs lorsqu'il s'agit des accords entre l'État et l'entité sioniste. Les voyages en Israël des fonctionnaires argentins se répètent d'un gouvernement à l'autre. Au niveau provincial, les accords signés tant par le gouvernement local que par les autorités universitaires se répètent d'une administration à l'autre.

Il faut rappeler que le premier voyage à l’étranger du président péroniste Alberto Fernández, dans les mois qui ont précédé la pandémie, l'a conduit en Israël pour serrer la main du criminel de guerre Netanyahu ; et rappelons que c'est l'un de ses ministres, Wado de Pedro, fils de disparus pendant la dernière dictature civilo-militaire en Argentine, qui a fait venir l'entreprise israélienne Mekorot en Argentine pour contrôler une ressource stratégique comme l'eau. De Pedro ne pouvait ignorer les accusations internationales qui pèsent sur l'entreprise israélienne dans le cadre du régime d'apartheid contre les Palestiniens dans le contrôle des ressources en eau de la Palestine occupée. Ces accords sont aujourd'hui renforcés grâce aux tentatives du gouvernement ultralibéral de Milei de privatiser Agua y Saneamiento Argentino - AYSA. Est-ce Mekorot qui bouffera AYSA ? C'est très probable.

Le 13 octobre 2021, alors que la pandémie de Covid-19 sévissait encore, le ministère provincial de la Santé a signé un accord avec le « Réseau de santé Hadassah » d'Israël. L'accord a été signé par la ministre de la Santé de l'époque, Rossana Chahla, aujourd'hui mairesse de la capitale provinciale, et dont nous parlerons dans le dernier chapitre de cette saga de capitulation de la province face au sionisme. Mais pour en revenir à l'accord de « coopération » avec l'institution israélienne, celui-ci n'a pas été suffisamment diffusé. Selon le site web du ministère provincial de la Santé, « cet accord a pour objectif de partager les connaissances médicales développées à l'hôpital Hadassah Medical Center en Israël afin de donner accès à des formations, des ateliers, des journées médicales animées par des professionnels, ainsi qu'à la coopération et à l'intégration des hôpitaux et des centres de santé de Tucumán au réseau de santé Hadassah, afin que les professionnels puissent bénéficier des connaissances les plus modernes et les plus qualifiées ».

L'objectif est clairement énoncé : partager les informations de la province avec l'entité coloniale israélienne, ce qui est sans précédent dans un domaine aussi sensible que la santé publique. Il est également précisé que la relation entre le gouvernement provincial et le réseau Hadassah remonte à plus de 15 ans, précisément à l'époque du gouvernement Alperovich.

Le milieu universitaire local renforce le discours sioniste

Le discours sioniste a besoin de scribes. La « Hasbara »[1] déploie toute une série de ressources allant du financement des médias de masse à l'inondation des réseaux sociaux par des personnalités qui instaurent un sens commun, entre autres. Comme l'a récemment déclaré le criminel Netanyahou, Israël doit acheter Tik Tok. Mais dans ce schéma où la Hasbara cherche à toucher tous les domaines possibles, le monde universitaire joue un rôle fondamental. Les accords conclus entre les universités publiques argentines et des institutions sionistes ou prosionistes sont remarquables.


Revenons à Tucumán. Le 23 juillet dernier, la faculté de droit de l'université nationale de Tucumán a accueilli une activité de hasbara dans le but clair de renforcer le discours sioniste. Il s'agissait de la présentation du livre d'Ariel Gelblung, « Antisémitisme : définir pour combattre ». Gelblung est directeur du controversé Centre Simon Wiesenthal, partisan du discours sioniste. De plus, l'activité a été soutenue par la DAIA locale et les autorités universitaires et judiciaires de la province, puisque des membres de la Cour suprême de justice de Tucumán, Claudia Sbdar et Daniel Posse, le journaliste du principal quotidien local, La Gaceta, Álvaro José Aurane, et les fonctionnaires du gouvernement provincial Raúl Albarracín et Hugo Navas y ont participé. Il convient de souligner que la présentation des travaux de Gelblung s'inscrivait dans le cadre des activités du diplôme de troisième cycle sur le génocide et les crimes contre l'humanité, dispensé par la faculté de droit elle-même, et dans lequel le génocide contre le peuple palestinien n'est pas mentionné.

Le 25 juillet, une conférence a également été organisée pour les étudiants de la province, au cours de laquelle il a également été fait référence à l'association entre antisémitisme et antisionisme. Dans une interview accordée au journal local, Gelblung a déclaré que « nous vivons actuellement la pire période d'antisémitisme dans le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le conflit au Moyen-Orient, dont nous ne parlons pas ici, a mis en danger les communautés juives qui vivent dans chacune de ces régions. Le fait de ne pas séparer certaines choses et d'avoir laissé tomber certains masques en se rangeant dans certains cas du côté du terrorisme est vraiment dangereux ».

Pour ce propagandiste, « sionisme n'est pas un mot péjoratif. Le sionisme est le mouvement d'autodétermination nationale du peuple juif sur sa terre ancestrale. Et personne ne peut venir dire : « Je suis d'accord avec l'autodétermination de tous les peuples du monde sauf un ». C'est vraiment de la discrimination. On ne peut donc pas dire : « Je ne suis pas antisémite, je suis antisioniste. C'est une erreur ». Pour le directeur du Centre Wiesenthal, comme pour toute la communauté judéo-sioniste, il n'y a pas de génocide en cours à Gaza, contrairement à ce qu'affirment les rapports sur le sujet élaborés par des organismes de défense des droits hiumains d'Israël même, tels que B'Tselem. Ni Gelblung, ni les autorités de l'université ou du pouvoir judiciaire de la province n'ont manifestement lu le rapport intitulé « Notre génocide » et, se faisant l'écho de la définition de l'antisémitisme de l'IHRA, ils assimilent ce terme à l'antisionisme. Rien n'est plus fallacieux que cela. De plus, depuis un certain temps, surtout après le 7 octobre 2023, ils répètent haut et fort que nous assistons à une recrudescence de l'antisémitisme dans le monde entier, augmentation qui n'est pas vérifiée dans les faits. Dire Gaza ou mentionner la Palestine transforme le dénonciateur en antisémite, quel que soit le contexte ou la forme. En Argentine, des députés nationaux ont même été poursuivis pour avoir mentionné le génocide en Palestine, accusés d'antisémitisme, comme cela a été le cas pour la députée du Front de gauche et des travailleurs Vanina Biassi.



Rossana Chahla (1966), mairesse de Tucumán, justicialiste (péroniste/kirchnériste)

Le dernier chapitre de l'alliance entre Tucumán et le sionisme

L'un des derniers chapitres de l'alliance entre Tucumán et le sionisme est à nouveau écrit par Rossana Chahla. Aujourd'hui mairesse de la capitale, San Miguel de Tucumán, elle a signé un accord de coopération en matière de sécurité avec l'agence israélienne Mashav pour la formation du personnel municipal en matière de sécurité. Malgré les protestations de l'organisation « Tucumán por Palestina » (Tucumán pour la Palestine), la municipalité a poursuivi cet accord ignoble. En plein génocide, la mairesse, médecin de profession et d'origine syro-libanaise, renforce ses liens avec le sionisme.

Selon le site web de la municipalité elle-même, « pendant le cours, qui est dispensé en espagnol et se déroule sur le campus de l'Institut à Beit Berl, près de Tel Aviv, des thèmes clés sont abordés, tels que la coordination entre les municipalités et les forces de police, la création de corps de police communautaires, la gestion des urgences, le travail avec les jeunes en situation de risque et la coordination avec les établissements d'enseignement, les organisations communautaires et le secteur privé ». Ce genre d’ accords est signé à travers tout le continent, renforçant ce que le journaliste Antony Loewenstein a appelé « le laboratoire palestinien », pour rendre compte de la manière dont Israël montre au monde « ses avancées technologiques » en matière de sécurité et de guerre grâce au fonctionnement de ses systèmes répressifs sur le peuple palestinien. Il convient de rappeler ici qu'Israël est l'un des principaux États dont l'industrie de l'armement et de la sécurité s'étend à travers le monde entier, négociant même avec des dictatures.


Un fantôme hante Tucumán : celui du génocide

Le groupe Tucumán por Palestina, composé d'un ensemble hétérogène comprenant notamment des Palestiniens, des Juifs antisionistes, des artistes, des militants politiques et syndicaux, des universitaires, dénonce depuis des années le sionisme et expose les crimes commis par l'État d'Israël contre le peuple palestinien. Cela ne leur a pas valu une seule ligne dans le principal quotidien de Tucumán. En revanche, chaque fois que la communauté judéo-sioniste est descendue dans la rue ou a organisé une activité, le média lui a consacré d'importants espaces de diffusion hasbaratique. En général, à quelques exceptions près, les médias locaux ne couvrent pas les activités de dénonciation menées avec une persistance militante dans la capitale. 

Il est clair que la pénétration sioniste dans la province s'étend aux trois pouvoirs de l'État, à la presse locale hégémonique, à différents membres du monde universitaire, entre autres. En tant que fils de cette communauté juive, je réitère mon opposition au sionisme et au génocide. Je fais entendre ma voix chaque fois que je le peux, comme le font mes camarades de Tucumán por Palestina. La pénétration de ce fantôme appelé génocide a des noms et des prénoms dans la province, dont beaucoup sont des descendants de Syro-Libanais, comme la mairesse de la capitale de Tucumán. 

Briser le récit, faire autant de bruit que possible et convaincre les membres des communautés juives du monde entier qu'Israël ne représente pas le judaïsme dans aucune de ses variantes religieuses ou culturelles peut contribuer à affaiblir l'enclave. Le fait de lui retirer le soutien de la communauté, comme le font différentes organisations juives antisionistes ou propalestiniennes, peut contribuer à la chute d'un régime qui, depuis plus d'un siècle, mène la guerre, commet des crimes contre l'humanité, soutient un génocide et un nettoyage ethnique dans la Palestine historique et dans d'autres points tout aussi stratégiques du Moyen-Orient. 

Notes

[1]  Ilan Pappé,  Le lobby sioniste des deux côtés de l'Atlantique, Ethos 2025
[2] Hasbara ou « explication » en hébreu, est l'appareil propagandiste utilisé par Israël pour redorer le blason du régime et instaurer un discours qui présente l'État sioniste comme la seule démocratie du Moyen-Orient, démontre que son armée est la « plus morale du monde » et que toutes les actions militaires contre les pays de la région sont des actions de « défense ».