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27/06/2022

STEPHANIA TALADRID
Les dernières heures de l’arrêt Roe c. Wade dans l’une des plus grandes cliniques d’avortement des USA

Stephania Taladrid, photos de Meridith Kohut, The New Yorker, 25/6/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

À Houston, une journée de consternation, de confusion et d'effroi après que la Cour suprême a mis mis fin au droit constitutionnel à l'avortement.

Quelques instants après avoir appris que la Cour suprême avait annulé le l’arrêt Roe c. Wade, Ivy, la superviseure de la Clinique pour femmes de Houston (HWC), qui y travaille depuis près de vingt ans, s'est rendue dans une pièce voisine et a pressé ses doigts sur ses yeux, luttant contre ses larmes.

Vendredi matin, à sept heures, Ivy a allumé les lumières de la HWC, le plus grand pourvoyeur d'avortements de l'État, où elle travaille en tant que superviseure depuis près de deux décennies. Depuis le mois de mai, lorsque le projet de décision de la Cour suprême a fuité, révélant l'intention de la majorité conservatrice de renverser Roe c. Wade, Ivy, qui a cinquante-six ans et a demandé à n'être identifiée que par un pseudo, est allée travailler chaque jour en sachant que cela pourrait être son dernier. Mais ni la fin probable du droit des femmes à l'avortement, ni la réglementation lourde du Texas en la matière, n'ont modifié ses habitudes matinales. Formant ses cheveux grisonnants et longs jusqu’aux hanches en chignon et les couvrant d'un bonnet chirurgical noir, elle stérilise toutes les seringues, compte les curettes une par une et attend que ses collègues arrivent. Seul le message d'Ivy à ses patients a changé. Maintenant, chaque salutation doit être accompagnée d'un avertissement.

Un jugement sur l'arrêt Roe c. Wade est imminent et la procédure peut être interdite à tout moment, prévient Ivy les femmes enceintes qui s'approchent de la réception, après les salutations d’usage. Le vendredi, les patientes commencent à arriver à huit heures, après avoir négocié avec les piqueteurs (anti-avortement) qui squattent le parking. « Montre-moi ta carte d'identité, mija », dit Ivy à la première femme qui arrive dans le hall lumineux, où un grand aquarium murmure. La femme, vêtue d'un pantalon noir et d'un sweat à capuche gris, s'est vu attribuer un numéro de patiente pour protéger sa vie privée. Après seulement quatre semaines de grossesse, elle venait, comme la grande majorité des patientes de la matinée, pour sa deuxième visite sur deux. Selon la loi du Texas, les femmes doivent attendre au moins vingt-quatre heures après avoir reçu les documents et l'échographie qui confirment leur grossesse. Elle revient maintenant dans l'espoir de passer une seconde échographie et de subir un avortement. À droite du bureau où Ivy l'a enregistrée se trouve une proclamation encadrée, signée par le maire de Houston, honorant le quarante-quatrième anniversaire de l’arrête Roe contre Wade.

Ce jour-là, malgré les avertissements d'Ivy, seules quelques femmes à l'accueil semblent avoir compris que leur accès à l'avortement était menacé. La préoccupation dominante était de savoir si l'échographie déterminerait qu'elles étaient enceintes de plus de six semaines ou qu'elles présentaient une activité électrique dans les cellules fœtales - des éventualités qui, suite à l'adoption d'une loi d'État en septembre dernier, signifieraient qu'elles ne pourraient pas se faire avorter au Texas et devraient se faire traiter dans un autre État.

Une à une, les femmes sont appelées au fond de la clinique pour recevoir leurs échographies et leurs séances de conseil, ou pour attendre le médecin, qui n'est pas encore apparu. Une rangée de chaises en bois raides où elles attendent leur heure fait face à une photo encadrée de la baie céruléenne de Portofino. Tandis que les femmes fixent le village italien ou leur téléphone, une douzaine de membres du personnel inquiets se serrent les coudes à la réception. L'une des assistantes médicales a posé son téléphone contre une pile de dossiers de patientes afin que ses collègues puissent voir le programme de la Cour suprême pour la journée. Une infirmière a commencé à tresser les cheveux de la réceptionniste, teints en couleurs vives.

La patronne d'Ivy, Sheila, qui dirige la clinique, avait pris contact avec des avocats de l'A.C.L.U. [Union américaine pour les libertés civiles] « Ça peut arriver d'une minute à l'autre », a-t-elle dit à ses collègues en annonçant la décision, ajoutant avec un sourire nerveux : « Ma sœur essaie de me distraire. Elle vient de m'envoyer un article : "Comment arrêter de sortir avec des gens qui ne sont pas faits pour vous"»,  Quelqu'un a crié depuis une autre pièce : « Envoye-le-moi ! »

Malgré la tension, pendant l'heure qui suit, les employés essaient de se concentrer sur leurs responsabilités particulières, notamment répondre au téléphone, qui sonne constamment. Plus elles travaillaient vite, plus elles pouvaient préparer de patientes à voir le médecin, qui donnerait aux femmes admissibles des pilules pour entamer un avortement médicamenteux ou procéderait à un avortement chirurgical. Mais à 9 h 11, avant que le médecin ait franchi la porte et que les avortements aient commencé, un avocat de l'A.C.L.U. a appelé Sheila. « Roe, annulé », a-t-elle dit platement. Ivy, sortant du laboratoire, n'avait pas saisi les mots exacts de Sheila, mais elle les a compris en voyant ses mains trembler.

Priscilla et Nina, de l’équipe de la Houston Women's Clinic, le plus grand pourvoyeur d'avortement de l'État, ont réagi immédiatement après avoir appris la décision de la Cour suprême de revenir sur le droit constitutionnel des femmes aux USA à l'avortement.

Bernard Rosenfeld, le médecin de la clinique, a serré dans ses bras les membres de l’équipe Ivy et Nina le jour de la décision de la Cour.

20/01/2022

Stephania Taladrid
“Llegamos vivos. Muchos no lo han hecho”: un desastre sin fin en la frontera México-USA

Stephania Taladrid, The New Yorker, 18/01/2022
(Fotografías de Alejandro Cegarra-Véase su reportaje premiado “Los dos muros)

Traducido del inglés por
Sinfo Fernández, Tlaxcala

Los migrantes de toda la región han vuelto a llenar los campamentos del norte de México, donde los delincuentes y los traficantes se aprovechan de ellos.

Dolores apenas reconoce el campamento improvisado en el norte de México donde se instaló hace seis meses. En sus inicios había muchas menos familias y todas se apiñaban bajo el techo de una pérgola situada en el centro de la Plaza de la República, la plaza principal de la ciudad de Reynosa. Por aquel entonces, los residentes locales todavía paseaban por el recinto de la plaza, deteniéndose de vez en cuando ante una estatua de latón de un águila posada en una chumbera, con una serpiente de cascabel colgando de su pico: el escudo de México. Poco a poco, la visión de furgonetas blancas con gente de calzado sin cordones se hizo más común. Eran migrantes de países centroamericanos, de Haití y del propio México, muchos de los cuales, como Dolores, habían sido detenidos por agentes de la Patrulla Fronteriza de Estados Unidos en el sur de Texas y expulsados en virtud del Título 42. La disposición es una oscura orden de salud pública que la Administración Trump puso en marcha al inicio de la pandemia. La medida fue ampliamente considerada como un esfuerzo de la Administración para lograr su largo objetivo de cerrar la frontera. Joe Biden, para sorpresa de los defensores de la inmigración, mantuvo la orden en vigor. Mientras tanto, la población del campamento improvisado de Reynosa ha aumentado hasta cerca de tres mil personas.


Hoy, la Plaza de la República está cubierta de tiendas de campaña, lonas grises y azul marino de las que las familias cuelgan su ropa para que se seque. Los recién llegados duermen sobre el suelo desnudo; todos los refugios improvisados han sido reclamados por las personas que viven allí permanentemente, muchas de las cuales son niños. Un viernes reciente, Dolores, una mujer corpulenta de cincuenta años, yacía en una cama construida con varillas y tablas de madera usadas. Nos explicó por qué abandonó El Salvador con su hija adolescente, Rosalba, el verano pasado. A principios del año pasado, los miembros de una banda local se presentaron en la pequeña tienda de la que era propietaria, donde vendía pollos, pirotecnias y especialidades locales, exigiendo el dinero de la protección. Primero dijeron que un par de pollos bastarían. Con el tiempo, recuerda Dolores, exigieron ciento cincuenta dólares al mes, y luego quinientos. “Me encontré trabajando para ellos, y yo no quería eso”, dijo.


Una mañana de agosto, Dolores recibió una llamada para recordarle que era día de pago. “Vengan al mediodía y lo tendré listo”, les dije.

 “Inmediatamente después, hice las maletas, y así fue como llegué aquí”, recuerda. Su marido, que ya vivía en Virginia con los dos hijos varones, ayudó a hacer los preparativos de última hora. Dolores y Rosalba, que pidieron que se cambiaran sus nombres, pagaron más de siete mil dólares a los traficantes, que las hicieron pasar de contrabando por la frontera; acabar en Reynosa nunca formó parte del plan. Dolores no sabía que el noreste de México era una de las regiones más peligrosas del país: era la primera vez que viajaba fuera de El Salvador. Pero esa realidad no tardó en hacerse evidente para ella y Rosalba. Apenas dos meses antes de su llegada a Reynosa, en lo que parecía ser una disputa entre miembros rivales de un cártel local, se produjeron unos ciento ochenta disparos a plena luz del día, matando a quince civiles. A los pocos días se produjo un tiroteo entre delincuentes armados y fuerzas especiales de seguridad. Los secuestros eran recurrentes en el campamento. Los hombres se aprovechan de las chicas jóvenes, prometiendo darles comida si les siguen a una calle adyacente. Una ONG local ha registrado al menos veinte casos de violación en los últimos meses.

21/12/2021

STEPHANIA TALADRID
El desierto del aborto del Valle del Río Bravo

Stephania Taladrid (bio), The New Yorker, 18/12/2021
Traducido del inglés por Sinfo Fernández, Tlaxcala

La nueva ley de Texas es la culminación de décadas de restricciones legales y recortes presupuestarios que han dejado a las mujeres de una de las regiones más pobres del país con escaso acceso al aborto.

La ley 8 prohíbe el aborto después de aproximadamente seis semanas de embarazo y permite que ciudadanos privados puedan presentar demandas civiles contra cualquiera que ayude a una mujer a obtener el procedimiento. (Foto: Jennifer Whitney/NYT/Redux)

La única clínica de abortos que queda a lo largo de la frontera de Texas con México es un edificio poco atractivo de una sola planta situado en el corazón de McAllen. Su antigua recepcionista, Andrea Ferrigno, una mujer enérgica de cuarenta años, recuerda vívidamente una época, en los años noventa, en la que funcionaba tranquilamente y sin obstáculos. Su tío, el Dr. Pedro Kowalyszyn, uno de los ginecólogos más respetados de la ciudad, era el propietario y administrador. “Todo el mundo sabía que se podía abortar en la clínica del centro”, dice Ferrigno. Mientras estudiaba, vivía con su tío y trabajaba en la clínica a tiempo parcial. “Me presentaron el operativo como un procedimiento médico”, dijo Ferrigno, añadiendo que los abortos eran uno de los muchos servicios ginecológicos que su tío proporcionaba. “Él daba a luz a muchas de las personas a las que luego ofrecía la atención del aborto”.

A principios de 2000, Kowalyszyn vendió la clínica a Amy Hagstrom Miller, que la rebautizó como sede en el sur de Texas para su nueva organización, Whole Woman's Health. Al igual que otras ciudades del Valle del Río Bravo [llamado Rio Grande Valley/Valle del Río Grande en los USA, NdE], McAllen tenía uno de los índices más altos del país de personas empobrecidas y sin seguro médico. Al mantener la clínica abierta, Hagstrom Miller quería ofrecer a las residentes de la zona un lugar donde pudieran acceder al procedimiento de forma segura. “Poco a poco, empezamos a cambiar la consulta”, recuerda Ferrigno. “Antes, era muy parecido a ‘Aquí está el formulario de consentimiento. ¿Conoce los riesgos? ¿Las complicaciones? ¿Alguien la está obligando?’” La nueva propietaria de la clínica quería empoderar a las mujeres y fomentar un enfoque más holístico. A las pacientes se les ofrecían sesiones de asesoramiento durante su visita; las paredes de la clínica estaban pintadas de color malva y llenas de citas de Frida Kahlo y otras personas notables; sonaba música relajante de fondo y cada habitación tenía un tenue aroma a lavanda. Hagstrom Miller creía que nadie se quedaba embarazada para abortar, por lo que era necesario que hubiera un lugar donde las mujeres pudieran hablar libremente de sus decisiones y emociones.

“No nos arrepentimos de lo que hacíamos”, recuerda Ferrigno. Cuando el derecho al aborto se convirtió en una amarga batalla política a nivel nacional, el ambiente dentro y fuera de la clínica de McAllen cambió. Mientras que antes solo eran dos o tres piquetes los que se reunían cada semana frente a la consulta del Dr. Kowalyszyn, la clínica pronto se convirtió en un lugar de encuentro para los manifestantes. Un grupo local conocido como Los Caballeros de San Miguel se reunía en círculo, cantando oraciones frente a una cuna llena de figuras de bebés. Con el tiempo, otros intentaron intimidar al personal pinchando las ruedas de sus coches, amenazándoles con un hacha y gritando los nombres de sus hijos. “Se les puede escuchar desde el interior”, dice Ferrigno sobre los piquetes. “Tienen megáfonos”. La clínica ha recibido numerosas amenazas de bomba; hace unos años, alguien intentó incendiar el lugar en plena noche. Sin embargo, el personal ha intentado mantener un ambiente acogedor. Un mural en la fachada norte del edificio muestra a un grupo de mujeres de color, con las manos enlazadas, en un frondoso valle. Las palabras “dignidad, empoderamiento, compasión y justicia” están escritas en la parte superior.

En septiembre entró en vigor la ley S.B. 8 de Texas, que prohíbe los abortos después de aproximadamente seis semanas de embarazo y permite a los ciudadanos privados interponer demandas civiles contra cualquiera que ayude a una mujer a obtener el procedimiento. Nadie, ni siquiera una víctima de violación o incesto, está exenta de la ley. Ferrigno, que ahora es vicepresidenta de Whole Woman's Health, estimó que la clínica estaba atendiendo a una cuarta parte de las pacientes que trataba antes de la S.B. 8. Cada día, las nuevas restricciones obligaban al personal de la clínica a rechazar a docenas de pacientes, incluidas adolescentes. “Es agotador decir que no”, dijo. “Te consume”. Recientemente, la clínica tuvo que rechazar a una migrante de catorce años procedente de Guatemala que había cruzado la frontera sur por su cuenta y ahora estaba bajo custodia del gobierno. La niña había sido violada en su viaje hacia el norte: estaba en su séptima semana de embarazo, una semana más allá del nuevo límite estatal. “Hace un par de meses habríamos podido ayudarla”, explica Verónica Hernández, que acaba de asumir la dirección de la clínica, donde trabaja desde hace doce años. “Pero ya no podemos ayudarla. No podemos hacer nada por esas pacientes”.

Incluso antes de la S.B. 8, las nuevas leyes y los recortes presupuestarios promulgados por la legislatura de Texas en las décadas anteriores han restringido constantemente el acceso de las mujeres a un aborto en el estado. En 2000, los legisladores aprobaron la Ley del Derecho de la Mujer a Saber, también conocida como H.B. 15, que obligaba a las mujeres que querían abortar a esperar veinticuatro horas antes de someterse al procedimiento, sin hacer excepciones en el caso de los embarazos resultantes de violación o incesto. El personal de las clínicas también se vio obligado a entregar a las pacientes un paquete de lectura exigido por el Estado que incluía fotografías en color de fetos e información sobre la relación, largamente desmentida, entre los abortos y el riesgo de cáncer de mama. El mandato hizo que el tío de Ferrigno, que había seguido trabajando como director médico de la clínica, se retirara, después de treinta años. “Ese fue el catalizador”, dijo Ferrigno.

  

La ley estatal exige una ecografía antes de abortar. Eso significa dos viajes a una clínica, una dificultad para muchas pacientes de aborto, la mayoría de las cuales ya son madres.
(
Foto: Jennifer Whitney/NYT/Redux) 

19/12/2021

STEPHANIA TALADRID
Le désert de l'avortement de la Rio Grande Valley, au fin fond du Texas

Stephania Taladrid (bio), The New Yorker, 18/12/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 NdT : Rio Grande est le nom donné par les USAméricains au fleuve frontalier entre USA et Mexique, que les Mexicains appellent Rio Bravo (del Norte)

La nouvelle loi du Texas est l'aboutissement de décennies de restrictions légales et de coupes budgétaires qui ont laissé aux femmes de l'une des régions les plus pauvres du pays un accès limité à l'avortement.

Le projet de loi 8 du Sénat texan (S.B. 8) interdit l'avortement après environ six semaines de grossesse et permet aux particuliers d'engager des poursuites civiles contre toute personne aidant une femme à obtenir cette procédure. Photo : Jennifer Whitney / NYT / Redux

La seule clinique d'avortement qui subsiste le long de la frontière entre le Texas et le Mexique est un bâtiment terne d'un étage situé au cœur de McAllen. Son ancienne réceptionniste, Andrea Ferrigno, une femme dynamique d'une quarantaine d'années, se souvient très bien de l'époque où ses activités se déroulaient tranquillement, dans les années 90. Son oncle, le Dr Pedro Kowalyszyn, l'un des gynécologues les plus respectés de la ville, en était le propriétaire et l'exploitant. « Tout le monde savait que l'on pouvait se faire avorter à la clinique du centre-ville », raconte Mme Ferrigno. Pendant ses études, elle a vécu chez son oncle et a travaillé à la clinique à temps partiel. « J'ai été initiée à l'avortement en tant que procédure médicale », dit Mme Ferrigno, ajoutant que les avortements faisaient partie des nombreux services gynécologiques fournis par son oncle. « Il a accouché un grand nombre de personnes auxquelles il offrait ensuite des soins d'avortement ».

 

La loi de l'État exige une échographie avant un avortement. Cela signifie qu'il faut se rendre deux fois dans une clinique, ce qui constitue une épreuve pour de nombreuses patientes, dont la majorité sont déjà parentes. Photo : Jennifer Whitney / NYT / Redux

Au début des années 2000, Kowalyszyn a vendu la clinique à Amy Hagstrom Miller, qui l'a renommée en tant que site du sud du Texas pour sa nouvelle organisation, Whole Woman's Health. Comme d'autres villes de la vallée du Rio Grande, McAllen avait l'un des taux les plus élevés du pays de personnes pauvres et sans couverture médicale. En gardant la clinique ouverte, Mme Hagstrom Miller voulait offrir aux habitantes de la région un endroit où elles pourraient accéder à la procédure en toute sécurité. « Petit à petit, nous avons commencé à changer la pratique », se souvient Mme Ferrigno. « Avant, c'était du genre 'Voici le formulaire de consentement. Comprenez-vous les risques de la procédure ? Les complications ? Est- ce que quelqu'un vous force ? ' » La nouvelle propriétaire de la clinique voulait à la fois responsabiliser les femmes et favoriser une approche plus holistique. Les patientes se voyaient proposer des séances de conseil pendant leur visite ; les murs de la clinique étaient peints en mauve et remplis de citations de Frida Kahlo et d'autres célébrités ; une musique apaisante était diffusée en fond sonore, et chaque pièce dégageait une légère odeur de lavande. Hagstrom Miller pensait que personne ne tombait enceinte dans le but de se faire avorter, et qu'il fallait donc un lieu où les femmes pouvaient s'ouvrir librement à leurs décisions et à leurs émotions.

« Nous n'avions pas à rougir de ce que nous faisions », se souvient Ferrigno. Le droit à l'avortement étant devenu une bataille politique acharnée au niveau national, l'environnement à l'intérieur et à l'extérieur de la clinique de McAllen a changé. Alors qu'il n'y avait auparavant que des piquets [anti-avortement] de deux ou trois personnes qui se rassemblaient chaque semaine devant le cabinet du docteur Kowalyszyn, la clinique est rapidement devenue un lieu de rassemblement pour les manifestants. Un groupe local connu sous le nom de Los Caballeros de San Miguel se rassemblait en cercle, chantant des prières devant un berceau rempli de figurines de bébés. Au fil du temps, d'autres personnes ont tenté d'intimider le personnel en crevant les pneus de leur voiture, en les menaçant avec une hachette et en criant les noms de leurs enfants. « Vous pouvez les entendre de l'intérieur », dit Ferrigno, à propos des piqueteurs. « Ils ont des mégaphones ». La clinique a reçu de nombreuses alertes à la bombe ; il y a quelques années, quelqu'un a tenté d’y mettre le feu en pleine nuit. Néanmoins, le personnel a essayé de préserver un environnement accueillant. Une peinture murale sur la façade nord du bâtiment montre un groupe de femmes de couleur, les mains liées, dans une vallée luxuriante. Les mots "DIGNITY EMPOWERMENT COMPASSION JUSTICE" sont inscrits en haut de la fresque.

En septembre, le S.B. 8 [Senate Bill 8], une loi texane qui interdit les avortements après environ six semaines de grossesse et permet aux citoyens d'engager des poursuites civiles contre toute personne qui aide une femme à obtenir cette procédure, est entrée en vigueur. Personne, pas même une victime de viol ou d'inceste, n'est exemptée par cette loi. Mme Ferrigno, qui est maintenant vice -présidente de Whole Woman's Health, a estimé que la clinique recevait environ un quart des patientes qu'elle traitait avant la S.B. 8. Chaque jour, les nouvelles restrictions obligeaient le personnel de la clinique à refuser des dizaines de patientes, y compris des adolescentes. « C'est épuisant de dire non », dit-elle. « On s'épuise ». La clinique a récemment dû refuser une jeune migrante guatémaltèque de quatorze ans qui avait traversé la frontière sud par ses propres moyens et se trouvait maintenant sous la garde du gouvernement. La jeune fille avait été violée pendant son voyage vers le nord - elle était dans sa septième semaine de grossesse, une semaine après la nouvelle limite fixée par l'État. « Il y a quelques mois, nous aurions pu l'aider », dit Verónica Hernández, qui a récemment pris la direction de la clinique, où elle travaille depuis douze ans. « Mais nous ne pouvons plus l'aider. Il n'y a rien que nous puissions faire pour ces patientes ».