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24/07/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Que se passe-t-il en Syrie… et en Asie occidentale ?

   Sergio Rodríguez Gelfenstein, 24/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

À Carlos Pereyra Mele, professeur et maître.

L’un des plus aigus et brillants analystes en géopolitique
qui nous a quittés hier, trop tôt.
Adieu, Maestro !

Comme cela devient habituel, , les médias transnationaux à but lucratif, censés informer, se consacrent paradoxalement à la désinformation. On peut le constater de manière particulièrement aberrante lorsqu’il s’agit des événements en Asie occidentale. Bien que la déformation des faits soit une pratique quotidienne, la situation est aujourd’hui atroce lorsqu’on tente de reconstruire les péripéties et les actions qui se déroulent dans cette région depuis deux ans et demi.

Ces derniers jours, ce sont les faits en Syrie dominent l’actualité régionale. Comme si le génocide en Palestine, l’agression permanente contre le Liban et la rhétorique belliciste contre les voisins s’étaient arrêtés, la falsification des faits cache la véritable toile de fond de l’affaire.


La situation géographique de la Syrie, située au carrefour des peuples et des civilisations, en a fait, tout au long de l’histoire, un joyau inestimable pour ceux qui aspiraient à contrôler la région. La présence de peuples différenciés dans certaines zones du pays a créé des aires d’influence traditionnelles d’idéologies, de leaders et de tribus ayant leur propre identité, culture et histoire. Par exemple, les Kurdes se trouvent au nord, les Druzes au sud-est, les Alaouites sur la côte méditerranéenne, et les Sunnites dans la zone centrale.

Cette situation, stabilisée sans grands conflits [sic] sous le gouvernement de Bachar Al Assad, a été détruite par une intervention étrangère qui, en attisant les différences sectaires et religieuses à son avantage, a engendré la division et la disparition de la sécurité fondée sur l’équilibre.

Au-delà de la dynamique interne syrienne, trois puissances étrangères ont joué un rôle déterminant dans la situation actuelle : Israël, les USA (avec la France en appendice), et la Turquie.

Comme je l’ai écrit à d’autres occasions, il est presque impossible aujourd’hui d’analyser un scénario de manière isolée. De même, tout événement international doit être compris dans ses trois dimensions — locale, régionale et globale — si l’on veut réellement en cerner les fondements et les implications.

Ce texte tente donc d’analyser ce scénario complexe sous une vision holistique, seule capable de fournir des pistes pour sa compréhension. Malgré l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban conclu en novembre dernier, l’entité sioniste l’a violé à de multiples reprises. Les USA et la France, garants de cet accord, ont trahi leur engagement en permettant que l’agression — qui a déjà causé la mort de près de 400 Libanais — se poursuive en toute impunité.



Cet accord était censé prolonger la résolution 1701 de 2006 du Conseil de sécurité de l’ONU, signée après 34 jours de guerre suite à l’invasion du Liban par Israël. L’accord établissait un cessez-le-feu total et le retrait des troupes israéliennes. Israël n’avait pas atteint ses objectifs à l’époque : détruire le mouvement chiite libanais Hezbollah et « démilitariser » le Liban.

Ce non-respect de la résolution 1701 reste une épée de Damoclès suspendue au-dessus de toute tentative de stabilisation. Dans le contexte actuel, Thomas Barrack, envoyé spécial du président Donald Trump pour la Syrie, a insisté sur l’obligation du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, menaçant Beyrouth de détruire le Liban pour l’annexer à la Syrie si cela n’était pas fait. En réalité, si cet ultimatum était mis à exécution, il signifierait la fin des Accords Sykes-Picot de 1916, qui avaient organisé le contrôle de la région selon les intérêts européens sous le couvert d’une stabilité jamais atteinte.

L’instabilité nécessaire au maintien des intérêts occidentaux s’est poursuivie ces dernières années. De la première guerre du Golfe (1990–1991), à celle d’Irak (2003–2011), en passant par l’Afghanistan (2001–2021), le prétendu Printemps arabe débuté en 2011, la guerre au Yémen commencée en 2015, le génocide permanent contre le peuple palestinien, les attaques israéliennes intermittentes contre le Liban, l’intervention turque en Syrie, ou encore les guerres contre le terrorisme d’Al-Qaïda et de Daech en Irak et Syrie, toutes ont pour objectif le maintien de l’instabilité, pour affaiblir, fragmenter, dominer et contrôler la région.

Pour les USA, la priorité stratégique est d’assurer leur sécurité énergétique. Les centres de production pétrolière sont donc constamment dans leur viseur, ce qui explique leur présence active en Asie occidentale — région possédant les plus grandes réserves mondiales. Cela explique aussi leur implication dans le conflit ukrainien. Dans ce cadre, le Venezuela est également concerné, mais en tant que pays d’Amérique latine — « l’arrière-cour » de Washington — sa dynamique est différente et ne sera pas abordée ici.

Rassemblant tous ces éléments, on peut commencer à répondre à la question : Pourquoi la Syrie ? Bien avant le conflit actuel, même avant la guerre du Golfe, des projets de construction d’oléoducs existaient déjà. L’un devait partir du Golfe Persique, traverser l’Irak et la Syrie jusqu’à la Turquie pour approvisionner l’Europe. Le second a motivé le coup d’État de 1953 en Iran contre le Premier ministre Mossadegh, après qu’il eut nationalisé le pétrole [jusque-là “british”]. Ce projet fut définitivement écarté après la révolution islamique de 1979. Aujourd’hui, plusieurs projets d’oléogazoducs partant du Golfe Arabo-Persique vers l’Europe passent par la Syrie.

C’est dans la continuité de ces projets que, presque en même temps que le Printemps arabe de 2011, une grande conspiration occidentale a vu le jour pour affaiblir la région et s’emparer de ses ressources. Les USA et l’OTAN ont ainsi conçu, financé et mis en œuvre un coup d’État en Ukraine pour atteindre le même but : éliminer la Russie comme fournisseur énergétique de l’Europe. Il s’agissait de faire venir l’énergie du Golfe Arabo-Persique, région dominée par des monarchies conservatrices aisément contrôlables.

Dans un premier temps, après la chute de l’URSS et devant la faiblesse de la Russie sous Eltsine, l’Occident a tenté d’exciter les minorités nationales et religieuses russes. Cette tentative ayant échoué, il a reporté leurs efforts sur l’Asie occidentale.

Bachar Al Assad a été pressé par l’Occident d’approuver les projets d’oléoducs. Il a toujours refusé. C’est ce qui explique pourquoi, après avoir renversé Kadhafi en Libye, le Printemps arabe a « atterri » en Syrie. Ce refus d’Al Assad est l’une des raisons du coup d’État en Ukraine en 2014, et de l’implication directe de la Russie : Moscou avait compris que la cible stratégique de cette guerre était la Russie, pas la Syrie.

Aujourd’hui, après la chute de Bachar Al Assad et le génocide à Gaza, le plan des oléoducs a été relancé. Le terroriste Ahmed Al Charaa alias Al Joulani, devenu président de la Syrie, agit comme instrument des USA et d’Israël. Sur leurs ordres, il a attaqué la province de Soueïda, peuplée majoritairement de Druzes. Bien qu’ils ne représentent que 3 % de la population, les Druzes ne sont pas monolithiques et sont divisés politiquement — ce qui « facilite » l’action des terroristes devenus gouvernement. Une faction soutient Al Joulani, une autre Israël, menée par Hikmat al Hijri, né au Venezuela comme beaucoup d’habitants de Soueïda [surnommé « le peitit Venezuela », ce dernier étant appelé « Venesueida », NdT]. Une troisième est nationaliste et avait de bonnes relations avec Al Assad.

MBS, Trump et Al Charaa, mai 2025

Al Joulani ne gouverne pas vraiment. Sa coalition est pleine de contradictions ethniques, religieuses, et politiques. Il se maintient au pouvoir grâce aux USA, à Israël et à la Turquie, et se consacre au massacre des minorités : d’abord les Kurdes au nord, puis les Alaouites sur la côte, et maintenant les Druzes au sud.

Pour attaquer Soueïda, Al Joulani utilise des sunnites de Daraa (frontalière avec la Jordanie), des tribus bédouines locales, et une armée composée à 40 % de terroristes étrangers (principalement ouïghours de Chine et du Pakistan, mais aussi Afghans, Tchétchènes, Daguestanais…), 40 % de terroristes syriens loyaux à Al Joulani, et 20 % de membres de diverses tribus et courants musulmans. Ensemble, ils forment une force de 60 000 hommes.

Les attaques visent à justifier l’intervention israélienne en Syrie sous prétexte que les tribus bédouines menacent la sécurité du pays. Mais en réalité, c’est Al Joulani qui orchestre cette instabilité sur ordre de Washington et Tel-Aviv. Le gouvernement syrien actuel n’a pris aucune mesure contre l’intervention militaire sioniste.

Al-Charaa, vu par Kamal Sharaf, Yémen

Soueïda est devenue la pierre angulaire des intérêts internationaux. Israël veut y créer un “Corridor de David” sécurisant le territoire syrien qu’il occupe [le Golan]. Les USA visent les gisements pétroliers. La Turquie veut des oléogazoducs qui traverseraient son territoire, ce qui lui rapporterait d’énormes revenus.



Mais les ambitions vont plus loin : les USA et Israël veulent démembrer la Syrie en quatre micro-États ethnico-confessionnels, pour justifier l'existence raciste de l'entité sioniste. Ces mini-États, dirigés par des marionnettes comme Al Joulani, permettraient la réalisation du plan du “Grand Israël” et la création d’un nouveau Moyen-Orient.

Ainsi, la Syrie serait divisée en :

  • un secteur kurde au nord sous influence turque,
  • une région alaouite sur la côte (Lattaquié et Tartous),
  • un émirat islamique contrôlé par Al Joulani au centre,
  • un corridor israélo-druze au sud-est, aux frontières jordanienne et irakienne.

Si ce plan est mis en œuvre, toute la région serait morcelée, permettant à l’Occident de s’approprier les ressources énergétiques et d’écarter la Russie du marché européen. Le Golfe Arabo-Persique, via la Syrie et la Turquie, deviendrait le nouveau fournisseur.

Erdoğan le marionettiste, par Adnan Al Mahakri,Yémen

La Turquie cherche à devenir ce pont énergétique vers l’Europe. Cela explique son rôle dans la chute d’Al Assad. Le projet des Frères musulmans, dont Erdogan est issu, vise à devenir le porte-parole des musulmans du monde. Mais cela nécessite un Iran affaibli, ce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir.

Les événements de Soueïda doivent donc être compris dans une perspective plus large :

  • Les USA veulent nuire à la Russie et s’approprier le pétrole.
  • Israël veut construire son corridor pour fragmenter davantage le monde arabe.
  • La Turquie veut des bénéfices énergétiques et un rôle de leader.

Ce plan n’a pas abouti à cause de la résistance de l’Iran et de ses alliés (Irak, Liban, Yémen…). Les prochaines cibles pourraient être la Jordanie et surtout l’Égypte, qui possède une des plus grandes armées du monde et un fort sentiment national. Un rapprochement Iran-Égypte serait un obstacle majeur aux projets impérialistes.

Le journaliste égyptien Mohamed Hassanein Heikal (sunnite et panarabiste) affirmait que seule une alliance stratégique Iran-Égypte pouvait sauver le monde arabe. C’est la plus grande peur de l’Occident.

Des erreurs égyptiennes ont empiré les choses : la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite en 2017, puis leur probable transformation en bases militaires usaméricaines, a provoqué une vive opposition au sein de l’armée égyptienne.

De même, les pressions usaméricaines sur les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) pour réduire leur aide à l’Égypte après qu’elle les eut pourtant défendus, ont été mal vues.

Une alliance Iran-Égypte créerait un bloc de 200 millions d’habitants et une armée de plus de 2,5 millions de soldats, contrôlant le détroit d’Ormuz, le canal de Suez et Bab el-Mandeb — les trois nœuds clés de la circulation énergétique mondiale.

Dans ce contexte, la désintégration de la Syrie et de l’Asie occidentale, et la construction d’oléogazoducs passant par ces territoires, devient un enjeu stratégique majeur.

Voici les acteurs en jeu. Le reste — même l’Arabie saoudite — compte peu. Les monarchies médiévales ne cherchent qu’à conserver leur richesse, maintenir leur pouvoir, et apaiser leur population au strict minimum. La cause palestinienne, arabe ou musulmane ne les intéresse que si elle ne menace pas le statu quo ni ne dérange les puissances occidentales qui garantissent leur contrôle sur leurs peuples.

05/05/2025

HAYTHAM MANNA
Syrie : la loi de la jungle

 Haytham Manna , 4/5/2025
Original : شريعة الغاب

Traduit par Tlaxcala

Ci-dessous le chapitre 3 du livre « Manifeste contre le fascisme djihadiste », à paraître prochainement. [chapitre 1 chapitre 2]

Lorsque nous lisons un « message sur le jugement de la musique » du nouveau ministre de l’Intérieur de Damas, Anas Khattab, nous réalisons que notre problème en Syrie aujourd’hui n’est pas de revenir à « la loi de Dieu », mais de revenir « triomphalement » à la loi de la jungle. En effet, chez le créateur des termes « djihad sunnite » et « culte du djihad », nous lisons :

« Les instruments de musique sont la cause du tremblement de terre, de la transformation et des secousses... Ce consensus a été rapporté par Al-Qurtubi, Ibn Rajab, Ibn Salah, Ibn Hajar al-Haytami et d’autres"... Et le Cheikh de l’Islam Ibn Taymiyya, que Dieu lui accorde sa miséricorde, a dit : “Quiconque pratique ces amusements dans un but religieux et pour se rapprocher de Dieu, il n’y a aucun doute sur son égarement et son ignorance”. "Quant à celui qui le fait pour le plaisir et le divertissement, les écoles des quatre imams s’accordent à dire que tous les instruments de musique sont interdits, car il a été établi dans Sahih al-Bukhari et ailleurs que le Prophète, paix soit sur lui, a informé qu’il y aurait parmi sa communauté ceux qui rendraient licites la soie, l’alcool et les instruments de musique, et il a mentionné qu’ils seraient transformés en singes et en porcs. "Les instruments de musique sont les amusements, comme l’ont mentionné les gens de la langue, le pluriel d’instrument (ma’azifah) est l’outil avec lequel on joue : c’est-à-dire avec lequel on fait du bruit, et aucun des suiveurs des imams n’a contesté l’interdiction des instruments de musique »[1]...

Je remercie Dieu que ma mère croyante, qui veillait à prier, jeûner, faire le pèlerinage et donner la zakat, jouait du luth pour nous lorsque nous rentrions de la visite à  mon père emprisonné* , pour alléger notre chagrin, et qu’elle a enseigné les mathématiques et les sciences naturelles à plus d’une génération. Elle nous a quittés avant de voir et d’entendre ce que nous voyons et lisons aujourd’hui, venant de ceux que Hassan Aboud, le fondateur du mouvement Ahrar al Sham en Syrie, a qualifiés de « nouveaux venus, enfants de la jeunesse, dépourvus de sagesse, sans connaissance en matière de religion ni en politique légitime »


Urgent - Nettoyage en cours” : al-Jazeera, machine de blanchiment d’al-Joulani
Dessin d’Adnan Al Mahakri, Yémen

Le problème des takfiristes ne se limite pas à leur rejet de la musique, de la pensée et de la poésie, ni à leur considération de tout désaccord culturel comme un danger pour ahl alssuna, « les gens de la sunna ».  Cela va au-delà, touchant leur vision globale de l’homme, de l’islam, des systèmes politiques et des groupes humains. Ils répètent, de manière odieuse, un vers célèbre attribué à l’imam Al-Shafi’i :

« Tout savoir en dehors du Coran est une distraction... Sauf l’enseignement des hadiths et la jurisprudence religieuse ».

« Le savoir est ce qui contient le récit “Nous avons entendu”... Tout le reste n’est que suggestions des démons ».

En ce qui concerne les systèmes politiques, on trouve constamment des critiques des réformateurs musulmans du type :

« Nous les avons vus autoriser la démocratie au nom de la consultation... Ils mentent !

Avant cela, ils ont permis le socialisme...

Et ils ont autorisé la législation en dehors d’Allah et la création de partis politiques sous prétexte d’appliquer la charia... Ils prétendent!

Et ils ont permis à une femme et à un chrétien de gouverner les musulmans...

Et ils ont interdit de se rebeller contre le dirigeant sans ce qu’Allah a fait descendre...

Et ils ont considéré les laïques, les communistes, les libéraux, les socialistes et d’autres comme des musulmans croyants !

Et ils ont considéré les chrétiens comme des frères des musulmans...

Et ils ont permis l’occupation américaine de l’Afghanistan !!!

Et certains d’entre eux ont permis d’assister à la messe des chrétiens infidèles et de les féliciter pour la nomination de leurs papes !!

Et certains d’entre eux ont permis aux hommes de se raser la barbe...

Et certains d’entre eux ont permis aux femmes de porter le pantalon...

Et d’autres innovations et égarements qu’ils ont répandus parmi les musulmans comme étant des certitudes dans la religion de l’islam... Et Allah nous suffit, et Il est notre meilleur protecteur » [2].

Qu’est-ce que le djihad sunnite ?

Anas Khattab répond : « Le djihad, en plus d’être un acte d’adoration, est également l’une des activités de l’individu dans sa vie. L’histoire de l’humanité et sa réalité contemporaine témoignent que l’être humain doit combattre les autres, quelle que soit la raison ou la motivation de ce combat... ! L’islam est venu pour orienter ce combat et le classer parmi les actes d’adoration ».

Pour les takfiristes, la destinée de l’homme est de combattre les autres, et cet “autre” peut être fabriqué selon les besoins. Il est nommé “nusayri” en Syrie, “chrétien” ou “chiite” dans d’autres pays, et “sectes égarées” ailleurs. Le concept s’élargit et se resserre selon les besoins, et il suffit d’un caricaturiste européen ou d’un enregistrement falsifié soigneusement préparé d’une personne dite appartenant à la secte des Druzes unitariens pour déclencher la guerre. Le peuple est facilement mobilisé, et les historiens en ont souvent assez de mentionner les précédents. Ceux dont les droits à la connaissance, au travail et à la culture ont été bafoués se mobilisent pour défendre « la religion », « le Prophète » et « le dogme ». Ils se dirigent comme des loups vers leurs semblables pour se libérer de ceux que leurs griffes peuvent atteindre, en soutenant Dieu et Son Prophète.

Cela nous rappelle l’histoire racontée par Yaqout al-Hamawi dans son “Dictionnaire des villes” : « Les habitants de la ville étaient trois groupes: les chafi’ites, qui étaient les moins nombreux, les hanafites, qui étaient les plus nombreux, et les chiites, qui constituaient la majorité... La rivalité entre les sunnites et les chiites s’est intensifiée, et les hanafites et les chafi’ites se sont unis contre eux. Des guerres ont éclaté, toutes victorieuses pour les chafi’ites, malgré leur petit nombre. Mais Dieu les a soutenus. Les habitants de Rustaq, qui étaient hanafites, venaient à la ville avec des armes et soutenaient leurs coreligionnaires, mais cela ne leur a rien apporté, jusqu’à ce qu’ils soient exterminés. Ces lieux en ruines que vous voyez sont les lieux des chiites et des hanafites, tandis que ce quartier connu pour les chafi’ites demeure. Et il ne reste des chiites et des hanafites que ceux qui cachent leur doctrine ».[4]


Erdo
ğ
an le marionettiste
Adnan Al Mahakri

Depuis la naissance de « Jabhat al-Nusra » sous le commandement d’Abou Bakr al-Baghdadi, les slogans principaux qu’ils ont exprimés sont : "La démocratie est un péché et une mécréance", "Les chrétiens doivent être  pourchassés a Beyrouth, et les nusayris aux cercueils". Le djihad en Syrie et pour la Syrie est "contre les nusayris et leurs alliés", "contre le régime nusayri et les milices chiites", et en soutien aux gens de la sunna. Des fonds ont afflué de tous les pays du Golfe vers ce groupe, atteignant "le gaspillage" d’un milliard de dollars au cours de sa troisième année, selon Abou Mohammed al-Joulani. Cela a également été une opportunité pour les pays du Golfe de se débarrasser de ceux qu’ils n’ont pas réussi à réhabiliter parmi les détenus de Guantanamo et les prisonniers d’Al-Qaïda, le directeur des renseignements saoudiens Bandar bin Sultan s’étant chargé de les éliminer dans le brasier syrien. Cela a également été une occasion d’envoyer des salafistes du Maghreb vers l’Est ! Cependant, Recep Tayyip Erdoğan et le directeur du MIT [services de renseignement turcs, NdT] à l’époque, Hakan Fidan, ont considéré cela comme une opportunité de diriger "l’islam sunnite" et de s’emparer des fonds du Golfe. Le résultat a été que ce qu’ils avaient imaginé comme une promenade d’un an ou deux s’est transformé en cauchemar avec l’arrivée de la plus grande masse de réfugiés syriens sur son territoire. Malgré cela, le gouvernement turc a réussi à investir massivement sur le plan économique et géopolitique dans la tragédie syrienne, et cela se poursuit.


Hakan Fidan et Ahmed al-Charaa à Damas le 24 décembre 2025

L’ouverture des frontières turques aux dizaines de milliers de combattants non syriens pour le djihad a complètement modifié la carte des forces opposées au régime dictatorial syrien. Les voix démocratiques ont été marginalisées, et parler du slogan de la révolution syrienne "Le peuple syrien est un" est devenu un blasphème et une hérésie jusqu’à ce que des mots comme "peuple", "liberté", "souveraineté" et "État national" soient désormais combattus et provoquent des attaques de factions armées de l’opposition. Avec la prise de contrôle de Hay’at Tahrir al-Sham sur une partie importante de la province d’Idlib, le travail a sérieusement commencé à "nettoyer" la ville de quiconque différait de "Jabhat al-Nusra" dans son mode de vie et de ses habitudes... Des sanctions ont été appliquées contre "les déviants et les violations", ce qui a conduit à l’exil d’un tiers de la population. Dans certains villages, des complexes djihadistes ont été établis selon le pays d’origine des combattants, comme pour les Ouïghours, les Tchétchènes et les Marocains... Même des Français se sont installés là où ceux qui ont été expulsés ou contraints à fuir se trouvaient. Il est ironique que ceux qui fuyaient les réformes sociales en Arabie Saoudite aient apporté avec eux les souvenirs de la "Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice" à Idlib, avec un financement généreux d’organisations "caritatives" wahhabites au Qatar et en Arabie Saoudite, pour propager le port du niqab, interdire le mélange dans les restaurants et les bureaux, et empêcher la présence de femmes non accompagnées dans les magasins. En outre, il était également interdit de vendre des vêtements féminins aux hommes et de surveiller les salles de mariage et les événements festifs pour interdire "les comportements immoraux", ainsi que la consommation publique de chicha dans les rues, les magasins et les restaurants. Ils ont aussi interdit les coupes de cheveux exagérées et les comportements "inappropriés", en surveillant les jeunes filles et les garçons dans les instituts d’enseignement et les moyens du transports.

Après que les "juristes" et les "djihadistes" ont commencé à porter des cravates, l’euphorie a atteint un certain nombre de déçus qui pensaient que les gens les avaient oubliés, mais ils se sont mis à parler de "l’oppression sunnite" et à chercher les mérites de ceux qui "ont libéré et décidé"... Ils ont oublié que le changement de peau d’un serpent n’enlève pas le venin de ses morsures. L’attaque contre la zone côtière a révélé la nature instinctive de ceux qui sont devenus le nouveau pouvoir à Damas. Nawar Jabour décrit la tragédie du nettoyage sectaire en disant : « Les massacres qui ont eu lieu sur la côte ont ajouté une dimension où les Alaouites sont devenus un ennemi explicite, tués et filmés morts, leurs magasins et leurs terres incendiés, et ils sont pourchassés même lorsqu’ils fuient vers les forêts ou les vallées. Mais ce qui était encore plus cruel, c’était le meurtre ritualisé ou le meurtre inspiré, où les tueurs veillaient à exécuter les massacres conformément à ce qui avait été prescrit religieusement contre les ‘nusayris’, ce qui a consacré le caractère religieux de la violence, de sorte que le message n’était pas seulement destiné aux victimes, mais leur corps même est devenu un message politique et religieux. Le meurtre n’était pas seulement un acte de violence gratuit, mais des vidéos ont circulé documentant des meurtres célébratoires, où l’objectif n’était pas seulement d’éliminer physiquement les victimes, mais de se vanter de détruire leurs biens et de les voler. Une vantardise ouverte sur le pillage des maisons des tués, des combattants brandissant les biens des habitants comme des butins, illustrant la fierté du vol, tout comme les Syriens l’avaient précédemment observé avec les soldats du régime déchu et les milices de défense nationale. Les victimes tuées sont devenues des symboles de la victoire de la foi, où le devoir sacré de purification se manifeste sur les corps tués et abandonnés à la vue de tous, consolidant une image à long terme selon laquelle ils sont politiquement, religieusement et spirituellement rejetés ». [7]

Jusqu’à aujourd’hui, l’autorité d’Ahmad al-Charaa n’a émis aucune décision claire pour mettre fin aux agressions qui touchent les terres, les biens et le droit à la sécurité des Alaouites en tant que tels !

Il est difficile de savoir qui a fabriqué un enregistrement audio et l’a attribué à un Syrien de la communauté druze, mais il est facile de suivre les réactions parmi ceux qui sont maintenant officiellement définis comme "les éléments et factions non disciplinés". Par un coup de génie et au nom de la défense du Prophète Mohamed, le verset coranique "Nul ne porte le fardeau d’un autre" a été modifié dans l’esprit des foules (sans le "non"), et le Parti de la mobilisation et de la haine s’est dirigé vers la Syrie miniature (Jaramana) pour se venger de ses habitants dans une affaire qui ne les concernait pas. Le nombre de victimes dans cette folie collective a dépassé la centaine, avec des dizaines de détenus et de disparus.

N’est-ce pas le parti des trois “T”  (altakfir waltahrim waltafjir, التكفير والتحريم والتفجير) qui détient réellement le pouvoir sur les autorités sécuritaires et militaires aujourd’hui ? Ahmad Al-Charaa peut-il adresser des critiques ou des plaintes à ceux qu’il a nommés au Conseil de sécurité nationale, une autorité au-dessus de tout ? Y a-t-il quelqu’un parmi eux, y compris le nouveau chef des renseignements, dont les mains ne soient pas tachées du sang des Syriens ?

Une personne raisonnable peut-elle croire aujourd’hui que “l’autorité de transition” à Damas veut construire une Syrie pour tous les Syriens et Syriennes ?

NdT
* Yousef Aloudat, avocat, a été emprisonné pendant 18 ans sous le régime Assad [NdT]
Notes

[1] https://t.ly/NoHFs 

[2] Anas Khattab, ibid, bien que ce passage soit plagié à partir de plusieurs autres textes sans mentionner les autres sources.

[3] https://t.ly/8g1_F   (Le djihad sunnite et les voies de la déviation).

[4] Voir Yaqut al-Hamawi, Lexique des pays, 3/117, voir aussi : Le phénomène du fanatisme à travers l’histoire islamique, Muhammad Amjad Abdul Razzaq al-Bayat, 2018, Dar al-Maymana, Médine.

[5]  https://t.ly/v4Lgr 

[6]  https://t.ly/rNEt1 

[7] https://t.ly/_i1Bg  https://t.ly/rPfmR 


03/05/2025

MICHELE GIORGIO
Les Druzes pris en tenaille entre l’“aide” d’Israël et la répression de Damas

 Michele Giorgio, il manifesto, 3/5/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Syrie - La communauté druze est prise en étau entre les violences sectaires internes et les manœuvres géopolitiques externes. Netanyahou, qui se proclame « protecteur » des Druzes, bombarde à quelques encablures du palais présidentiel syrien. 

Michele Giorgio est un journaliste italien, correspondant au Machrek du quotidien il manifesto et directeur de la revue en ligne Pagine Esteri. Auteurs de 3 livres. X

Maître dans l’art d’adapter les événements à une version politique commode, Benjamin Netanyahou s’est à nouveau déguisé en « protecteur des Druzes » après avoir ordonné à l’armée de l’air israélienne de frapper à une courte distance du palais du président syrien autoproclamé et chef du groupe alqaïdiste HTA, Ahmad Charaa. « C’est un message clair au régime syrien. Nous ne permettrons pas aux troupes syriennes de se déplacer au sud de Damas ou de constituer une menace pour la communauté druze », a déclaré le premier ministre israélien. Il se référait aux violences qui, au début de la semaine et jusqu’à jeudi, ont vu des miliciens sunnites liés au gouvernement prendre d’assaut Jaramana, Sahnaya et d’autres centres à majorité druze, après la diffusion d’un clip audio offensif contre le prophète Mohamed dans le sud de la Syrie.


Des miliciens du nouveau régime en faction à Sahnaya. Photo AP

La réaction de Damas au bombardement israélien a été lente. « Il s’agit d’une escalade dangereuse », a déclaré le nouveau régime syrien qui a remplacé celui de Bachar el-Assad. L’UE est intervenue et a exigé qu’Israël respecte la souveraineté syrienne et les termes de l’accord de désengagement de 1974 sur le Golan syrien. Bruxelles n’a pas compris, ou feint de ne pas comprendre, que Netanyahou n’a pas l’intention de renoncer à une occasion en or de prendre le contrôle de facto du sud de la Syrie.

Les Druzes israéliens (150 000), dont beaucoup servent dans les forces armées, l’aident à masquer des intérêts stratégiques par un prétendu engagement humanitaire. Ces derniers jours, des centaines de Druzes - réservistes de l’armée, activistes et simples citoyens - ont bloqué des routes dans le nord d’Israël, exigeant une intervention en faveur de leurs « frères menacés en Syrie ». Netanyahou a donc ordonné le bombardement à quelques mètres du palais de Charaa. Il a ensuite téléphoné au cheikh Muwafaq Tarif, chef spirituel des Druzes israéliens, qui, selon son bureau, « apprécierait l’action dissuasive contre Damas ».

Le principal allié de Netanyahou est l’instabilité syrienne, marquée par les vagues de « purification » menées par les milices djihadistes du HTS et de ses alliés contre les prétendus restes du régime Assad et contre les « apostats » : en mars les Alaouites, aujourd’hui les Druzes. « Nous sommes massacrés et le silence de la communauté internationale nous condamne deux fois », a protesté le cheikh Hikmat al-Hijri, autorité spirituelle de la communauté druze syrienne, en référence aux attaques subies ces derniers jours de la part des forces djihadistes près de Damas. Pour convaincre l’Occident de lever les sanctions contre son pays - décrétées après 2011 pour viser Bachar el-Assad - Ahmad Charaa a adopté un profil modéré et s’est à plusieurs reprises porté garant d’une Syrie « inclusive et respectueuse des minorités ». Mais si déradicalisation il y a eu, elle ne s’est produite qu’au sommet. Car à la base du nouveau régime, une pléthore de formations salafistes - qui incluent des combattants étrangers - ne partagent pas la ligne modérée et font pression pour que les musulmans « apostats » et les sectes hétérodoxes comprennent qui tient désormais le manche en Syrie.

Après les Alaouites de la côte, les plus extrémistes voudraient mettre en œuvre une « normalisation armée » également dans les régions du sud, qui sont restées en marge du nouveau pouvoir. Soueïda, la principale ville druze, a maintenu une autonomie de fait après 2011, résistant à la fois au pouvoir d’Assad et à la pénétration salafiste. Aujourd’hui, cette fragile indépendance est assiégée. Elle doit également se prémunir contre les manœuvres israéliennes. Al-Hijri continue de rejeter toute ingérence extérieure, réaffirmant « l’appartenance des Druzes à la patrie syrienne unie » et dénonçant les tentatives d’instrumentalisation par des acteurs étrangers. Lors d’une réunion entre les dirigeants druzes, les anciens et les groupes armés à Soueïda, la communauté a accepté d’être « une partie inséparable de la patrie syrienne unifiée ». « Nous rejetons la division, la séparation ou le désengagement », a ajouté un porte-parole. Certaines ONG syriennes, comme le Réseau syrien pour les droits humains, avertissent que « l’ingérence israélienne contribue à la polarisation sectaire et entrave toute tentative de médiation » entre Damas, les Druzes et d’autres minorités.

« La communauté druze se trouve prise au piège entre la violence sectaire interne et les manœuvres géopolitiques externes », explique au manifesto Giovanna Cavallo, militante des droits des Druzes syriens qui s’est récemment rendue à Soueïda avec une délégation italienne. « La question qui se pose aujourd’hui est inquiétante : le gouvernement syrien est-il tout simplement incapable de faire face à la vague de violence ou s’agit-il plutôt d’une ambiguïté délibérée, d’un calcul politique qui évite la confrontation avec les franges les plus radicales, aujourd’hui de plus en plus présentes dans les appareils du pouvoir ? » Dans ce contexte, ajoute-t-elle, « une action extérieure comme celle d’Israël apparaît encore plus dangereuse », car elle accentue « les divisions au sein même de la communauté druze, entre la majorité qui appelle à un accord avec le gouvernement central et une minorité qui voudrait choisir le moindre mal (Israël, ndlr) ». « Nous ne voulons ni de Damas ni de Tel-Aviv« , déclare pour sa part une femme d’al-Qurayya, « nous voulons vivre libres, sans que d’autres décident de notre sort par les armes ».

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