Éditorial, El País, 27/6/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Les accords de l'Espagne avec le Maroc stipulent le respect strict des droits humains des migrants.
La frontière de Melilla avec le Maroc a été le théâtre d'un épisode ignominieux vendredi. Selon les données officielles fournies par le Maroc, au moins 23 migrants sont morts asphyxiés, écrasés ou des suites de blessures subies lors d'une tentative de franchissement de la clôture frontalière impliquant quelque 1 700 migrants ; 133 d'entre eux ont réussi à franchir la frontière et les autres ont été pris au piège dans une souricière. Les images enregistrées et transmises par les ONG humanitaires travaillant dans la région, dont certaines font état d'un bilan plus lourd, permettent de conclure que certains jeunes hommes ont agonisé sans que personne ne leur vienne en aide ou ne leur fournisse les soins qui auraient peut-être pu leur sauver la vie.
Même si les frontières sont inviolables et que l'obligation des forces de sécurité des deux côtés est d'empêcher les pénétrations massives, nous avons assisté à une violation flagrante et cruelle des droits humains. Un principe minimum d'humanité devrait permettre d'éviter des situations aussi déchirantes que la façon dont des dizaines de personnes ont été piégées dans une avalanche mortelle et la façon dont elles ont été traitées par la suite. Ces êtres humains recroquevillés sur le sol, dans pêle-mêle d’ont ne sait combien de corps blessés ou morts, constituent une scène insoutenable.
C'est l'épisode le plus sanglant et avec le plus grand nombre de victimes parmi tous ceux qui se sont produits de tentatives d’entrer en Espagne par Ceuta ou Melilla. Au moins de ceux qui sont enregistrés. Le précédent, le plus tragique, avec 15 morts, a eu lieu en 2014 dans la zone d'El Tarajal à Ceuta, lorsque des agents de la Garde civile ont tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes sur un groupe de migrants qui tentaient d’entrer dans l’enclave par la mer. Le dossier ouvert pour cette action a récemment été clos, mais la conviction que nombre de ces décès auraient pu être évités ne s'est pas éteinte. Ce qui s'est passé vendredi appelle une enquête supervisée par des organismes internationaux. Il est difficile de gérer un tel afflux massif, une telle avalanche humaine, mais l'action de la police, avec son utilisation de gaz lacrymogènes, ses coups de matraque, ses jets de pierres et la négligence des soins de santé à l'égard des migrants blessés et extrêmement affaiblis après des jours sans nourriture, pourrait avoir exacerbé les conséquences.
Le président Pedro Sánchez s'est empressé vendredi, alors que seuls cinq décès avaient été officiellement signalés, de faire l'éloge des actions des forces de police marocaines, et a eu tort samedi d'insister sur cet éloge, alors que des images avaient déjà été vues qui remettaient en question la manière dont l'opération s'était déroulée et le traitement ultérieur des détenus blessés. Il n'échappe à personne que c'était la première fois - après la crise diplomatique puis l'accord - que le pays voisin avait l'occasion de montrer qu'il respectait son engagement à garder sa frontière et à empêcher l'accès massif aux frontières espagnoles de Ceuta et Melilla. Après un bras de fer tendu avec le Maroc, le gouvernement a réussi à rétablir des relations bilatérales essentielles pour l'Espagne. Mais le gouvernement de Sánchez ne peut ignorer la manière dont l'accord est appliqué lorsque des indices de graves violations des droits humains sont constatées. Les pactes ont un prix, mais certains ne peuvent être payés.