المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Affichage des articles dont le libellé est Dakhla. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Dakhla. Afficher tous les articles

16/03/2025

ASIER ALDEA
Faire de Dakhla le “Benidorm” du Sahara occidental : l’écran de fumée de l’occupation marocaine

La ville de Dakhla, située au Sahara occidental, est occupée par le Maroc, qui s’est lancé dans une stratégie visant à stimuler le tourisme dans la région, alors que les dénonciations de la population sahraouie se poursuivent.

Asier Aldea, elDiario.es, 6/3/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

 L’auteur a été refoulé du Sahara occidental par la police marocaine en février dernier.

Dakhla (Sahara occidental occupé) - À peine deux heures après que des dizaines de touristes étaient descendus de l’avion Ryanair pour visiter Dakhla, une des villes occupées par le Maroc du Sahara occidental, la famille de Lahbib Ahmed Aghrishi a de nouveau dénoncé sa disparition. Deux fois par semaine, ils se rassemblent à l’entrée de l’ancienne boutique d’Ahmed, aujourd’hui fermée par la police, pour exiger une réponse. Munis d’affiches à son effigie, de banderoles et d’un mégaphone, ses proches expriment leur angoisse après trois ans de silence de la part des autorités marocaines.


La famille de Lahbib Ahmed Aghrish brandit sa photo devant son ancien magasin, fermé par la police marocaine, après trois ans sans nouvelles de lui. Photo Asier Aldea

Le magasin est situé dans l’une des rues principales de la ville, à proximité de la plage et du marché. La plupart des gens qui marchent près d’eux semblent ignorer la protestation, à l’exception des approches timides de quelques connaissances. C’est une partie de l’arrière-boutique où le Maroc ne veut pas voir arriver ces touristes qui débarquent à Dakhla sans beaucoup d’informations sur la charge symbolique de leur voyage. De l’autre côté de la ville se trouve le décor où Mohamed VI tente d’orienter ses visiteurs : une vitrine d’offres touristiques d’hôtels, de plages, de surf et de dunes que le gouvernement marocain utilise pour tenter de séduire le visiteur étranger. La promotion de Dakhla comme attrait pour les voyageurs masque les allégations d’enlèvements, d’abus policiers et de persécution de la population sahraouie vivant dans les territoires occupés de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental.

À leur arrivée dans la ville côtière, les touristes sont accueillis par un immense drapeau marocain déployé à l’aéroport, où un panneau leur souhaite également la bienvenue : « Bienvenue à la destination touristique de Dakhla Oued Eddahab », peut-on lire sur le panneau, qui est également rédigé en anglais, en français et en arabe. Divers symboles le long des rues revendiquent la marocanité supposée de la zone occupée, des affiches montrant le territoire du Maroc et du Sahara occidental unis en un seul pays, aux avenues portant le nom des anciens rois de la dynastie alaouite, tels que le boulevard Hassan II ou Mohamed V. L’image du monarque actuel, Mohammed VI, est omniprésente.

Parmi les voyageurs, on note une certaine méconnaissance de la région. Plusieurs ont souligné le prix du voyage comme l’une des principales raisons de vouloir visiter la région - moins de 60 euros aller-retour, bien qu’il y ait des offres allant jusqu’à 14,99 euros pour un aller simple. Un touriste finlandais dit qu’il passera quelques nuits à Dakhla, profitant du faible coût du vol, et qu’il visitera ensuite Marrakech. « Je ne sais rien de la ville », dit-il avant de monter dans l’avion, en parlant de Dakhla. Sur le chemin de l’avion, un couple de Colombiens explique avec enthousiasme qu’il a réservé quelques nuits dans un bungalow construit dans le désert après avoir trouvé une bonne affaire. Un autre couple, espagnol celui-là, est un peu inquiet. Ils ont appris l’expulsion d’un journaliste espagnol. Mais, avouent-ils, ils ont choisi cette destination pour une seule raison : « C’était bon marché ».

L’engagement du Maroc en faveur de la touristification de Dakhla, qui compte déjà plus de 20 hôtels et résidences de vacances, vise à transformer la ville occupée en une sorte de Benidorm. L’investissement dans cette tentative de création d’un nouveau paradis pour les voyageurs se fait au détriment de familles comme celle d’Ahmed.

08/02/2025

Dehors les journalistes, bienvenue aux influenceurs espagnols : la stratégie du Makhzen pour blanchir l’occupation de Dakhla

Pillage, surveillance extrême et blocage de l’information... Telle est la réalité de Dakhla, l’ancienne Villa Cisneros. Le Maroc utilise des influenceurs espagnols pour blanchir son image.

Sara S. Bas et Francisco CarriónEl Independiente, 8/2/2025
Traduit par Tafsut Aït BaâmraneTlaxcala


 « Dakhla, jouez les Robinsons des sables », propose le site ouèbe Visit Morocco. Dakhla, l’ancienne Villa Cisneros espagnole, est un paradis de plages et de dunes vierges et de vagues qui font le bonheur des surfeurs les plus intrépides. Une destination que le régime alaouite veut faire figurer sur la carte, en essayant d’ignorer un immense détail : elle se trouve en effet au Sahara occidental, un territoire occupé « manu militari » par le Maroc depuis un demi-siècle et en attente de décolonisation, selon l’ONU. Un territoire interdit à la presse internationale où de graves violations des droits humains sont commises contre la population sahraouie et où, dans le même temps, les autorités occupantes déroulent le tapis rouge aux influenceurs et aux youtubeurs.

Ces dernières semaines, deux journalistes espagnols ont été expulsés de Dakhla. Ce mercredi, le Maroc a refusé l’entrée dans la ville à Francisco Carrión, reporter d’El Independiente. Il y a une semaine et demie, José Carmona, de Público, a été expulsé. Depuis janvier, en revanche, le régime de Mohamed VI a invité des dizaines d’influenceurs espagnols dans le but de promouvoir Dakhla comme une destination de vacances économique et proche de la péninsule, à seulement trois heures de vol. Selon nos informations, le gouvernement marocain organise des voyages pour promouvoir l’image de cette ville, située au sud du Sahara occidental. Dans le cadre du premier vol direct reliant Madrid à Dakhla, plusieurs influenceurs, se désignant eux-mêmes comme « créateurs de contenu », et des journalistes de voyage ont pu se rendre sur place et visiter la ville pendant plusieurs jours.

Une centaine de personnes - parmi lesquelles des agents de voyage, des journalistes et des influenceurs d’Espagne et du Portugal - ont été invitées à Dakhla par l’Office national marocain du tourisme (ONMT). Le « voyage de familiarisation » - « Fam Trip », comme on l’appelle dans le jargon des agents et des journalistes du tourisme - s’est déroulé du 8 au 11 janvier et avait pour objectif de « promouvoir Dakhla comme destination principale pour les marchés ibériques » en pleine offensive du régime alaouite pour obtenir un soutien international à sa revendication de marocanité de l’ancienne colonie espagnole, un territoire non autonome en attente de décolonisation, selon l’ONU.

Huîtres et dunes : un voyage royal

« Le Fam Trip offre une introduction complète au potentiel touristique de Dakhla, en mettant en avant ses atouts culturels, ses paysages naturels et ses opportunités d’investissement », expliquent les autorités touristiques marocaines. Selon le programme, les participants ont visité les principales attractions touristiques de l’enclave, ont assisté à des « sessions de réseautage » et à des « présentations conçues pour montrer l’attrait croissant de la région pour les visiteurs internationaux ». Rabat ne cache pas que son objectif est de positionner Dakhla comme « une porte d’entrée pour les touristes latino-américains via le centre d’opérations de Madrid ». Ryanair a rejoint trois autres compagnies aériennes proposant des liaisons internationales avec Dakhla : Royal Air Maroc (RAM), Binter Canarias et Transavia. Toutes opèrent sur des routes subventionnées par l’État marocain.

« Visit Morocco nous a contactés par l’intermédiaire de Bushido Talent, une agence d’influenceurs et de marketing digital basée à La Corogne, pour réunir un certain nombre de personnes et faire ce voyage », a expliqué à El Independiente l’une des personnes qui s’est rendue à Dakhla et qui préfère garder l’anonymat. Visit Morocco est la marque sous laquelle opère l’autorité touristique du pays voisin. L’objectif, détaille cette source, est de dissocier Dakhla du conflit découlant de l’occupation par le Maroc du Sahara occidental et d’en faire une destination touristique. « Je n’avais aucune idée de l’endroit où se trouvait Dakhla ni de ce à quoi elle ressemblait avant de voyager », admet-il. Depuis que le Front Polisario a rompu le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 en novembre 2020, les hostilités ont repris le long du mur de 2 720 kilomètres de long qui sépare le territoire occupé par Rabat de celui libéré par le Polisario.