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25/09/2024

KIT KLARENBERG/MAX BLUMENTHAL
Des documents fuités révèlent les plans de contre-révolution en Iran concoctés par les habituels suspects yankees

Kit Klarenberg et Max Blumenthal, The GrayZone,  19/9/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Des fuites révèlent les efforts secrets déployés par Carl Gershman, dirigeant retraité de la National Endowment for Democracy[1], pour consolider le contrôle des néoconservateurs assoiffés de guerre sur l’opposition iranienne, tout en canalisant les fonds du gouvernement usaméricain vers ses propres initiatives de changement de régime.


Carl Gershman (à g.) et Bill Kristol (à dr.)

Des documents et des courriels ayant fait l’objet d’une fuite et obtenus par The Grayzone révèlent un effort apparemment secret de la part d’agents usaméricains chargés du changement de régime pour imposer une direction radicale aux vestiges du mouvement de protestation iranien contre le tchador obligatoire, afin de renverser le gouvernement de l’Iran.

L’initiative a été lancée par Carl Gershman, directeur de longue date de la National Endowment for Democracy (NED), une organisation à but non lucratif financée par le gouvernement usaméricain qui soutient les opérations de changement de régime dans le monde entier. Conçue à l’origine par la CIA de l’administration Reagan, la NED s’est immiscée dans des élections et a soutenu des putschistes du Nicaragua au Venezuela, en passant par Hong Kong et bien d’autres pays encore.

Les fuites révèlent comment Gershman a comploté en privé pour canaliser les ressources du département d’État vers la construction d’une « coalition pour la liberté de l’Iran » composée de militants iraniens pro-occidentaux et d’agents néoconservateurs usaméricains qui réclament à cor et à cri une attaque militaire usaméricaine contre l’Iran.

Tout en visant à « mobiliser un soutien international » en faveur du mouvement « Femmes, vie, liberté », « et à faire tout ce qui est possible pour soutenir [leur] lutte" » la Coalition pour la liberté représente une tentative manifeste d’imposer une direction en exil à l’opposition iranienne de base qui est dirigée et parrainée par les éléments les plus belliqueux de Washington.

Les tentatives de The Grayzone de joindre plusieurs membres de la Coalition pour obtenir des commentaires ont été infructueuses. Nous n’avons donc pas pu déterminer si les personnes citées par Gershman s’étaient explicitement engagées à participer, ou si elles avaient été nommées par le vétéran de la NED en tant que leaders potentiels.

Quel que soit le niveau de participation des membres énumérés, la composition de la Coalition pour la liberté de l’Iran proposée par Gershman montre comment le mouvement pro-démocratique autoproclamé de l’Iran est devenu un jouet pour le lobby Bomb Iran. Parmi les personnes triées sur le volet par Gershman pour diriger l’initiative, on trouve William Kristol, l’impresario néocon qui mène depuis des décennies une campagne de lobbying en faveur d’une invasion militaire de l’Iran par les USA. Joshua Muravchik, un partisan flamboyant du Likoud israélien, a également été choisi, car il affirme que « la guerre avec l’Iran est probablement notre meilleure option ».

Les membres iraniens de la Coalition pour la liberté sont essentiellement des personnalités culturelles parrainées par le gouvernement usaméricain et des membres du personnel des laboratoires d’idées occidentaux interventionnistes tels que l’Institut Tony Blair. Alors que ces personnalités sont citées dans les médias occidentaux comme les leaders de la lutte pour la « liberté » en Iran, leur implication dans des campagnes soutenues par le gouvernement usaméricain, comme celle conçue par Gershman, révèle qu’elles ne sont rien d’autres que des figurants de façade persans pour les bellicistes de Washington.

Des manifestations ont éclaté dans les villes iraniennes en septembre 2022 après la mort d’une jeune femme iranienne, Mahsa Amini, brièvement placée en garde à vue à Téhéran pour avoir enfreint les codes moraux imposant aux femmes de porter le tchador. Le mouvement a attiré le soutien zélé de gouvernements occidentaux, de célébrités et d’ONG féministes, qui l’ont encouragé même après qu’il se fut éteint dans les rues.

Comme l’illustre la proposition divulguée par Gershman, ces éléments ont rapidement détourné les manifestations, en insérant des exilés parrainés par le gouvernement usaméricain comme figures et voix internationakles du mouvement, garantissant ainsi que leur effet final serait un renforcement des sanctions usaméricaines contre les Iraniens moyens.

Dans une enquête publiée en août dernier, The Grayzone a révélé qu’après s’être retiré de son poste de longue date à la tête de la NED en 2021, Gershman s’est enfermé dans une lutte de pouvoir vicieuse avec ses successeurs plus jeunes et plus progressistes sur le plan social. Les fuites sur l’Iran que nous avons obtenues montrent comment, même à la retraite, Gershman a tenté de contourner la bureaucratie, en mobilisant ses relations dans les réseaux de politique étrangère des USA pour canaliser les ressources gouvernementales vers ses propres projets de changement de régime.

Demande d’une part du fonds “illégitime” de 55 millions de dollars du département d’État

Lorsque Gershman a voulu donner le coup d’envoi à son dernier complot de changement de régime en Iran, il s’est adressé à un allié de longue date qui a enregistré un “hommage à la retraite” de trois minutes pour honorer son mandat à la NED. Il s’agit du député Mario Díaz-Balart, un représentant républicain du lobby cubano-usaméricain basé dans le sud de la Floride. En tant que président de la sous-commission du département d’État au sein de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Diaz-Balart exerçait une influence considérable sur les opérations étrangères des USA.

Le 27 août 2023, Gershman a envoyé un courriel à Díaz-Balart et à son assistant parlementaire, Austin Morley, déclarant que l’une de ses “initiatives de retraite” était de « travailler avec Freedom House pour créer une coalition de groupes de travail ». En l’appelant Iran Freedom Coalition (IFC), Gershman a affirmé que la Coalition était déjà “établie”. Cependant, aucune trace de son existence ne peut être trouvée en ligne.

Gershman a expliqué à Díaz-Balart que ses « amis iraniens ont été surpris » par les lignes directrices du Fonds pour la démocratie en Iran 2023 du Département d’État, qui réservent 55 millions de dollars à des propositions visant à « renforcer l’engagement de la société civile dans les processus électoraux ». Selon Gershman, étant donné que le mouvement “Femmes, vie, liberté”, à l’origine des manifestations nationales, « ne reconnaît pas la légitimité du régime qui gérera ces processus électoraux » une partie de l’argent devrait être affectée à une initiative plus dure.

La Coalition devait être composée « d’une douzaine de groupes de travail solidaires représentant [...] les femmes, la société civile et les groupes de défense des droits de l’homme, les parlementaires, les syndicalistes et les médecins qui aident les manifestants blessés et traumatisés ». Bizarrement, alors que les manifestations s’étaient éteintes en Iran, Gershman a proposé à son IFC de « soutenir... le soulèvement de masse » en Iran, comme s’il s’agissait d’un phénomène contemporain.

Il a suggéré à Díaz-Balart d’user de son influence au sein du Congrès pour « diriger... peut-être 10 % » du budget annuel de 55 millions de dollars du Fonds controversé pour la démocratie en Iran du département d’État vers sa propre NED.

« Les fonds pourraient être gérés par la NED, écrit Gershman, qui dispose déjà d’un petit programme de subventions pour l’Iran et qui est en contact étroit avec des groupes aux USA et ailleurs qui tentent très discrètement d’aider le mouvement de résistance.  En fait, cela permettrait à la NED d’étendre ce qu’elle fait déjà. Prendre une telle initiative en ce moment serait un acte de solidarité important ».

13/04/2022

CHRIS HEDGES
Les marlous va-t-en-guerre

Chris Hedges, ScheerPost, 11/4/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La coterie de néocons et d'interventionnistes libéraux qui ont orchestré deux décennies de fiascos militaires au Moyen-Orient et qui n'ont jamais eu à rendre de comptes, attisent maintenant une guerre suicidaire avec la Russie.

  "Putes de guerre" - Illustration originale par M. Fish

 La même camarilla d'experts bellicistes, de spécialistes de la politique étrangère et de responsables gouvernementaux, année après année, débâcle après débâcle, fuit avec suffisance la responsabilité des fiascos militaires qu'ils orchestrent. Ils sont protéiformes, se déplaçant adroitement au gré des vents politiques, passant du parti républicain au parti démocrate et vice-versa, passant de guerriers froids à néoconservateurs et à interventionnistes libéraux. Pseudo-intellectuels, ils exsudent un snobisme exagéré Ivy League [chaine d’universités privées d’élite, NdT] alors qu'ils vendent la peur perpétuelle, la guerre perpétuelle et une vision raciste du monde, où les moins-que-rien de la terre ne comprennent que la violence.

Ce sont des maquereaux de guerre, des marionnettes du Pentagone, un État dans l'État, et des entrepreneurs de la défense qui financent généreusement leurs groupes de réflexion - Project for the New American Century, American Enterprise Institute, Foreign Policy Initiative, Institute for the Study of War, Atlantic Council et Brookings Institution. Comme une souche mutante d'une bactérie résistante aux antibiotiques, ils ne peuvent être vaincus. Peu importe à quel point ils ont tort, combien leurs théories sont absurdes, combien de fois ils mentent ou dénigrent d'autres cultures et sociétés en les qualifiant d'inciviles ou combien d'interventions militaires meurtrières tournent mal. Ils sont des accessoires inamovibles, les mandarins parasites du pouvoir qui sont vomis dans les derniers jours de tout empire, y compris le nôtre, sautant d'une catastrophe autodestructrice à la suivante.

J'ai passé 20 ans en tant que correspondant à l'étranger à rendre compte de la souffrance, de la misère et des massacres que ces marchands de guerre ont conçus et financés. Ma première rencontre avec eux a eu lieu en Amérique centrale. Elliot Abrams - condamné pour avoir fourni un témoignage trompeur au Congrès dans le cadre de l'affaire Iran-Contra, puis gracié par le président George H.W. Bush afin qu'il puisse retourner au gouvernement pour nous vendre la guerre en Irak - et Robert Kagan, directeur du bureau de diplomatie publique du département d'État pour l'Amérique latine - étaient des propagandistes pour les régimes militaires brutaux du Salvador et du Guatemala, ainsi que pour les violeurs et les voyous meurtriers qui composaient les forces rebelles de la Contra combattant le gouvernement sandiniste du Nicaragua, qu'ils finançaient illégalement. Leur boulot était de discréditer nos reportages.

Avec leur coterie de compères amoureux de la guerre, ils ont ensuite poussé à l'expansion de l'OTAN en Europe centrale et orientale après la chute du mur de Berlin, violant un accord de ne pas étendre l'OTAN au-delà des frontières d'une Allemagne unifiée et se mettant imprudemment à dos la Russie. Ils ont été et sont toujours des supporters de l'État d'apartheid d'Israël, justifiant ses crimes de guerre contre les Palestiniens et confondant de façon myope les intérêts d'Israël avec les nôtres. Ils ont préconisé des frappes aériennes en Serbie, appelant les USA à "éliminer" Slobodan Milosevic. Ils ont été les auteurs de la politique d'invasion de l'Afghanistan, de l'Irak, de la Syrie et de la Libye. Robert Kagan et William Kristol, avec leur ignorance typique, ont écrit en avril 2002 que « la route qui mène à une sécurité et une paix réelles » est « la route qui passe par Bagdad ».