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05/10/2023

ANTONIO MAZZEO
Pont de Messine : les comptes fantastiques de Webuild & Co

Antonio Mazzeo, Blog, 1/10/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Le Pont sur le détroit : “une œuvre de référence de l’ingénierie italienne dans le monde”. C’est la définition utilisée par le géant de la construction Webuild* dans le communiqué de presse annonçant la “livraison de la documentation mettant à jour le projet final” à la Società Stretto di Messina S.p.A..

Le préfet de police Gianni De Gennaro, le président nommé par Webuild à la tête d'Eurolink


En attendant de connaître toutes les “mises à jour” prévues pour contourner les innombrables aspects critiques du point de vue technique et de l’ingénierie, socio-environnemental et économique de l’infrastructure pour la liaison stable entre Charybde et Scylla, il y a un passage de la note de Webuild qui frappe par ses approximations et son caractère de propagande ridicule.

 

« La structure accueillera deux routes à trois voies dans chaque direction (deux voies de circulation et une voie d’urgence) et une ligne ferroviaire à double voie, permettant un flux de 6 000 véhicules par heure et jusqu’à 200 trains par jour, révolutionnant la mobilité de la zone et de tout le sud de l’Italie », tonitrue le grand groupe économico-financier.

 

Je laisse aux économistes et aux universitaires le soin d’examiner scientifiquement l’“étude” économique et de transport de Webuild, et je me permettrai seulement de faire quelques calculs au boulier pour mettre en évidence le caractère insoutenable et le surdimensionnement des données.

 

La traversée du pont par 6 000 véhicules par heure correspond à 144 000 véhicules par jour ou 52 560 000 par an. En ce qui concerne les trains (aujourd’hui un nombre correspondant aux doigts d’une main suite au démantèlement progressif du trafic ferroviaire dans le détroit par Trenitalia), les 200 quotidiens correspondraient à 73 000 trains par an.

 

Imaginons que les véhicules et les trains circulent sur le pont avec un nombre de passagers vraiment minimal, 2 par voiture et pas plus de 200 par train, ce qui représente un énorme gaspillage de ressources financières pour les particuliers et pour Trenitalia.

 

En termes de véhicules, 105 120 000 passagers passeraient ainsi en un an, et 14 600 000 en train. Au total, cela représenterait 119 720 000 passagers en transit, soit près de douze fois plus que ce qui a été calculé pour l’année 2022 par l’Autorité portuaire du détroit.

 

Plus précisément, l’autorité a documenté qu’entre les ports de Messine, Villa San Giovanni et Reggio Calabria, « plus de 10 000 000 de passagers transitent chaque année, à pied et à bord d’environ 1 800 000 voitures et 400 000 véhicules lourds, auxquels s’ajoutent plus de 1 500 000 passagers et 800 000 véhicules lourds et voitures sur les itinéraires Tremestieri-Villa San Giovanni-Reggio Calabria ».

 

Compte tenu du coût prévu des péages pour les véhicules et les poids lourds, deux/trois fois supérieur à la valeur du billet payé aujourd’hui sur les ferries, il est tout simplement inimaginable que tous les véhicules choisissent le pont (voir ce qui se passe dans la Manche, où le tunnel enregistre chaque année d’énormes déficits économiques, précisément parce que ceux qui voyagent entre la France et le Royaume-Uni continuent à privilégier le ferry).

 

Mais imaginons aussi un scénario dans lequel plus aucun ferry n’emprunterait le détroit. L’Autorité portuaire du détroit a estimé qu’un quart des passagers en transit sont des navetteurs qui se déplacent quotidiennement, principalement pour leur travail, entre les provinces de Messine et de Reggio de Calabre : seraient-ils prêts à subir des tranches très longues entre les deux capitales, sur des kilomètres et des kilomètres entre tunnels, galeries et viaducs, alors qu’ils peuvent désormais rejoindre les centres-villes en hydroglisseur avec des temps de trajet inférieurs à 20/30 minutes ? Impossible à croire.

 

Un quart de 10 millions correspond à 2 500 000 passagers, soit 2 500 000 personnes qui ne doivent pas lutter pour atteindre les maxi-piles entre Scylla et Charybde mais qui ont besoin d’un moyen de transport rapide, confortable et écologiquement durable.

 

En fin de compte, seuls 7 500 000 passagers traversent le détroit chaque année pour parcourir des distances moyennes. Mais Webuild fera les choses en grand, il y aura de la place pour tout le monde, soit près de quinze fois la demande réelle de mobilité. Pour balancer des conneries, faut surtout pas se priver. De toute façon, c’est l’État qui casque.

Note du traducteur

*Webuild S.p.A. est depuis 2020 le nouveau nom de Salini Impregilo S.p.A.. C’est le principal groupe italien de bâtiment et travaux publics, avec un chiffre d’affaires de 8,2 milliards d’euros en 2022. Son PDG Pietro Salini, membre de la Commission Trilatérale, est le petit-fils de Pietro Salini, fondateur de l’entreprise principale du conglomérat en 1936 et le fils de Simonpietro, membre de la loge P2 de Licio Gelli. La première réalisation du fondateur fut le stade de 100 000 places construit sur ordre de Mussolini pour accueillir Hitler, appelé Stade olympique depuis 1960, suivi de grands travaux en Éthiopie grâce aux bons offices de Giulio Andreotti, ou du métro de Stockholm ou encore du doublement du Canal de Panama. En 2005, Impregilo était le premier de cordée d’un consortium d’entreprises, Eurolink S.C.p.A., qui remporta l’appel d’offres pour la construction du pont sur le détroit, avec un devis de 3,88 milliards d’euros et un temps prévu de réalisation de 70 mois. La société créée à cet effet, Stretto di Messina S.p.A., fut dissoute 2 ans plus tard. Les aventures byzantines du projet dans les années qui ont suivi sont dignes d’un roman de Leonardo Sciascia. En 2012, le gouvernement Monti a voté un paiement de 300 millions d’euros de pénalités pour non-réalisation du projet. En 2013, la société a été mise en liquidation.

18 ans plus tard, Eurolink refait surface, grâce au duo Meloni-Salvini, mais avec d’autres composantes : Webuild (45%), l’Espagnol Sacyr (18,7%), Condotte d’Acqua (15%), CMC (13%), le Japonais IHI (6,3%) e Consorzio ACI (2%). Et Webuild nomme à sa tête Gianni De Gennaro, ancien chef de la police, ancien PDG de Leonardo (ex Finmeccanica) et président depuis 10 ans du Centre d’Études Américaines. Idem pour la “ Società Stretto di Messina”, que l’on croyait liquidée depuis 10 ans.

 N’oublions pas que la scène se joue à Messine, qui fut, avec Syracuse, la seule cité sicilienne à ne pas porter plainte contre le propréteur Verrès pour concussion, abus de pouvoir, détournement de fonds et vols d’œuvres d’art. Cela Se passait en l’an 70 avant J.-C... 2093 ans plus tard, la Sicile -et l’Italie avec elle - attend en vain son nouveau Cicéron.

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Les drapeaux rouges se suivent et ne se ressemblent pas


14/07/2023

ANTONIO MAZZEO
L’OTAN sort du sommet de Vilnius plus riche, plus agressive et mieux armée

Antonio Mazzeo, Pagine Esteri, 12/7/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Si, au lieu du sommet de l’OTAN, la capitale lituanienne Vilnius avait accueilli des Jeux olympiques, le podium des vainqueurs aurait certainement accueilli le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, le président usaméricain Joe Biden et le président turc Recep Tayyip Erdoğan.

 Erdoğan, Stoltenberg et Ulf Kristersson à Vilnius. Photo Reuters

Le premier a été récompensé par une nouvelle prolongation de son mandat pour avoir élargi l’adhésion de jure à l’OTAN de la Finlande et de la Suède et l’adhésion de facto de la moitié du monde. Le second pour avoir imposé la vision géostratégique de Washington et du Pentagone à tous les alliés, en réaffirmant la suprématie militaire et nucléaire incontestée des USA et en transformant l’Union européenne et les puissances moyennes du vieux continent en distributeurs automatiques de billets pour financer la folle course mondiale aux armements. Le troisième pour avoir obtenu l’accord unanime des alliés sur le plan de liquidation de la question kurde à coups de raids et de bombes en échange d’un oui à l’entrée de la Suède, autrefois non-alignée, dans l’OTAN. 


 Le grand perdant des “Jeux olympiques” de Vilnius 2023 a été le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy : il s’attendait à être accueilli immédiatement et à bras ouverts par ceux qui lui garantissaient des armes et des munitions d’une valeur de dizaines et de dizaines de milliards d’euros pour les contre-offensives anti-Moscou, mais il a finalement été congédié avec un “on veut bien de toi, mais on se revoit demain” très mal digéré. Très décevantes ont été les performances des chefs diplomatiques et militaires de Londres, Paris, Berlin, Rome et Bruxelles, figurants opaques d’une compétition qui consacre la surpuissance du complexe militaro-industriel et nucléaire transnational, grand sponsor et divinité tutélaire de l’OTAN du troisième millénaire. Une alliance qui sort de Vilnius tout sauf monolithique, mais encore plus agressive et armée, de plus en plus antirusse et antichinoise, et plus prête à intervenir rapidement pour imposer la pax americana dans tous les coins de la planète.

Oliver Schopf, Autriche

 « L’entrée de la Finlande est une étape historique pour l’OTAN et nous serons encore plus grands et plus forts lorsque le processus d’adhésion de la Suède sera achevé », a souligné le secrétaire Jens Stoltenberg à l’issue du sommet qui s’est tenu sur le sol lituanien. « Nous sommes très heureux de l’engagement pris par le président turc de présenter le protocole de ratification de l’adhésion de la Suède à l’OTAN à l’assemblée parlementaire nationale dès que possible. La Turquie et la Suède continueront à coopérer dans la lutte contre le terrorisme. Les autorités de Stockholm ont modifié la constitution, changé les lois et augmenté de manière significative la coopération antiterroriste contre le PKK et repris les exportations d’armes vers la Turquie ». (1) Washington a également œuvré personnellement pour obtenir le feu vert d’Erdoğan à la 32e étoile suédoise de l’OTAN : à la veille du sommet de Vilnius, le chef du Pentagone, Lloyd Austin, a fait savoir au dirigeant turc qu’il était déterminé à autoriser le transfert de 40 chasseurs-bombardiers F-16 à Ankara, une commande attendue depuis plusieurs années par l’armée de l’air turque. (2)

Les invités d’honneur en Lituanie, aux côtés des chefs de gouvernement des deux nouveaux pays membres de l’alliance, étaient également les représentants de l’Union européenne, avec laquelle l’OTAN partage des missions stratégiques et des charges financières afin de renforcer les réseaux de production de guerre et d’infrastructure pour la mobilité des hommes et des moyens militaires, les ministres des Affaires étrangères de la Géorgie, de la République de Moldavie et de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que ceux de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Japon et de la Corée du Sud. Pour l’OTAN, la région Indo-Pacifique joue un rôle fondamental « dans les efforts euro-atlantiques de sécurité et de défense en Ukraine » et dans « la coopération dans le domaine de la cyberdéfense, de la lutte contre le terrorisme et de la production d’armes et de nouvelles technologies ». Dans le document final du sommet de Vilnius, les États membres de l’Alliance atlantique appellent également à un partenariat plus étroit avec certaines des principales organisations internationales et régionales telles que l’ONU, l’OSCE et l’Union africaine. « Nous renforcerons ces interactions afin de promouvoir nos intérêts communs et de contribuer à la sécurité mondiale », promet l’OTAN. « Nous étudions également la possibilité d’établir un bureau de liaison à Genève afin de renforcer nos liens avec les Nations unies ».

Arcadio Esquivel, Costa Roca

Une grande partie du communiqué final du sommet de Lituanie est consacrée à l’ennemi numéro un de l’alliance militaire, la Russie de Poutine. « La Fédération de Russie a violé les normes et les principes qui contribuent à un ordre de sécurité européen stable et fiable », écrivent les pays de l’OTAN. " La Fédération de Russie viole les règles et les principes qui contribuaient à la stabilité et à la prévisibilité de l’ordre de sécurité européen. Elle constitue la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique. (...) La Russie porte l’entière responsabilité de la guerre d’agression, illégale et injustifiable, qu’elle mène contre l’Ukraine, guerre qui ne fait suite à aucune provocation et nuit gravement à la sécurité euro-atlantique et internationale, et pour laquelle elle devra pleinement répondre de ses actes. (…) Nous ne reconnaissons pas et ne reconnaîtrons jamais les annexions, illégales et illégitimes, auxquelles la Russie a procédé, y compris celle de la Crimée. Les crimes de guerre et autres atrocités perpétrés par la Russie ne sauraient rester impunis, notamment les attaques contre des civils et les destructions d’infrastructures civiles, qui empêchent des millions d’Ukrainiens d’accéder aux services de base. (…) La destruction du barrage de Kakhovka est un exemple des terribles conséquences de la guerre déclenchée par la Russie ».

10/06/2023

KARIM EL SADI
Antonio Mazzeo : le pont sur le détroit de Messine vise à relier les bases de l’OTAN

Karim El Sadi, antimafiaduemila, 8/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Karim El Sadi, né à Cattolica de parents palestiniens originaires de Kufr Zibad, près de Toulkarem, est étudiant en Études globales à l’université de Palerme, rédacteur du magazine en ligne AntimafiaDuemila et militant des associations Jeunes Palestiniens d’Italie, Our Voice et Voix dans le Silence.

L’interview du journaliste sur le mégaprojet de pont sur le détroit de Messine : « Le début des travaux entraînerait une augmentation de la présence militaire sur le territoire ». [vidéo en haut de cette page]

Après plus de dix ans, le spectre du pont sur le détroit est revenu occuper les sessions parlementaires, les pages des journaux et les réunions syndicales. La victoire du mouvement “No Ponte” - qui a eu lieu en 2012 lorsque le Conseil des ministres a adopté un arrêt du projet après une mobilisation populaire très suivie - n’est plus qu’un lointain souvenir maintenant que le gouvernement Meloni a ressuscité ce projet de construction utopique et dépourvu de sens pour le mener à bien d’ici 2030. Ces derniers jours, la Chambre des députés et le Sénat ont également donné leur feu vert à ce qui est considéré comme « la mère de tous les grands travaux en Italie » (il s’agirait du pont à travée unique le plus long du monde), les travaux devant commencer en 2024. Mais il s’agit d’une entreprise irréalisable, car sa construction va à l’encontre des lois de la physique, de l’ingénierie et même de l’économie (pas une seule brique n’a été posée et il a déjà coûté un demi-milliard d’euros aux caisses de l’État). Depuis que le ministre des infrastructures et des transports Matteo Salvini - qui, il y a quelques années encore, répudiait l’idée du pont entre Messine et Reggio de Calabre - a mis en branle les “bétonnières bureaucratiques”, le mouvement “No Ponte” est revenu sur le terrain pour empêcher la construction de cette folie d’ingénierie. Au sein de cette réalité populaire, on trouve des syndicats, des étudiants, des politiciens, des ingénieurs et des journalistes. Parmi eux, Antonio Mazzeo, journaliste et essayiste antimilitariste qui, depuis quarante ans, rapporte et dénonce l’implication de l’Italie et surtout de la Sicile dans les différents théâtres de guerre internationaux. Nous l’avons interviewé à Palerme à l’occasion de la présentation de sa BD-enquête “Sigonella, le guerre alle porte di Casa (La Revue Dessinée Italia) réalisée avec le dessinateur Lelio Bonaccorso et la coloriste Deborah Braccini.

 « Le pont sur le détroit est aussi irréalisable qu’il l’était il y a dix ans, mais cette fois-ci, certains acteurs font pression pour mettre en route ce chantier. Non pas la construction du pont, mais une série de travaux, justifiés par le pont, qui permettront évidemment le transfert de ressources qui seront soustraites aux besoins réels du territoire », a dit Mazzeo à nos micros. « Je pense à la sécurité : nous avons une zone perturbée du point de vue hydrogéologique ». Selon Mazzeo, par rapport à 2012, « cette fois-ci, on va faire face à une volonté de commencer à percer le territoire ». En arrière-plan, en effet, il y a la militarisation de la Sicile et la guerre en Ukraine pour laquelle l’île représente un territoire fondamental étant donné les différentes bases de l’OTAN déjà présentes : de Sigonella à Niscemi, à Trapani ou Augusta.

« Si les travaux commencent, on ne peut que s’attendre à un renforcement de la présence militaire sur le territoire », explique le journaliste. « Des casernes seront créées, la présence de l’armée et de la marine sera plus forte. Nous l’avons déjà vu dans le Val di Susa avec le NO TAV (TGV Lyon-Turin), où il y a eu une énorme pression du point de vue militaire et une énorme réduction de l’espace d’action démocratique ». Selon Antonio Mazzeo, ce qui est annoncé « c’est la vendabilité du pont ».

« Un ouvrage de cette importance ne peut que nécessiter - et les forces armées le disent - une série d’interventions : batteries de missiles (une seule batterie coûte 800 millions d’euros, ndlr), chasseurs-bombardiers, patrouilles constantes de sous-marins ». « Il s’agit évidemment d’une militarisation accrue du territoire », poursuit le journaliste. Mais ce qui est encore plus grave, selon Antonio Mazzeo, « c’est la justification que le gouvernement donne aujourd’hui pour effectuer ce travail ». « Nous avons découvert que le gouvernement considère qu’il est d’une importance géostratégique fondamentale de relier les bases de l’OTAN dans le sud de l’Italie aux bases de l’OTAN en Sicile. Le pont est alors justifié comme un élément fondamental du renforcement militaire de la mobilité militaire. C’est une fantaisie d’un point de vue technique, mais elle nous inquiète parce qu’elle peut être utilisée comme un cheval de Troie pour justifier la nécessité de commencer à opérer parce que dans un monde de guerre, dans un territoire de guerre, c’est fondamental pour la guerre ». Non seulement il accroît la militarisation de la Sicile, mais le pont aiguise également l’appétit des mafias, en particulier des deux mafias des deux régions, Cosa Nostra en Sicile et la ‘Ndrangheta en Calabre. Antonio Mazzeo a écrit un livre à ce sujet il y a 13 ans : “I padrini del ponte. Affari di mafia sullo stretto di Messina”(Edizioni Alegre).

« Il y a treize ans, nous avons identifié comment les grandes organisations mafieuses internationales voulaient investir dans ce projet pour se légitimer », a raconté Mazzeo. « Le risque, avertit le journaliste, est qu’aujourd’hui, face aux anticorps de la culture mafieuse, celui qui se présente comme le constructeur du pont, même s’il est un mafioso, gagne en légitimité. Les grandes organisations mafieuses pourraient se légitimer en tant que grand élément : “avant on posait des bombes et on commettait des massacres, aujourd’hui on fait le pont et vous nous pardonnez ».

 

Pont ? Mon cul ! (ou Quelle connerie !)-Art populaire sicilien, Messine, début du XXIème Siècle

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04/06/2023

ANTONIO MAZZEO
Le marché de l’armement italien est toujours florissant : la holding Leonardo réalise des affaires juteuses avec l’Algérie

Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 1/6/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Alger est l’un des principaux partenaires commerciaux et militaires de la Russie sur le continent africain, mais l’Italie ne cesse de faire des affaires de millions de dollars avec elle. Après les accords stratégiques signés dans le secteur de l’énergie par ENI avec l’entreprise publique SONATRACH, c’est le complexe militaro-industriel qui frappe aux portes du gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire pour développer la production et les commandes dans le secteur de l’industrie de guerre.

 
Le secrétaire de la Défense, Luciano Portolano, et les représentants de Leonardo à Alger

Le 25 mai s’est achevée la visite institutionnelle en Algérie du secrétaire général de la Défense et directeur national de l’armement, le général Luciano Portolano, et d’une délégation de hauts responsables de Leonardo SpA, conduite par Pasquale Di Bartolomeo (directeur commercial du groupe).


Portolano et Benchiba

Dans la capitale maghrébine, la délégation italienne a rencontré le secrétaire du ministère de la Défense, le général de division Mohamed Salah Benbicha. Avant de quitter Alger, le général Portolano et le Dr Di Bartolomeo ont visité le site industriel d’Aïn Arnat, dans la province de Sétif (nord-est de l’Algérie), siège de la coentreprise créée en mars 2019 par Leonardo et EPIC/EDIA (Établissement public de caractère industriel/Établissement de développement des industries aéronautiques), une entreprise publique qui opère dans le domaine industriel militaro-aéronautique.

« Le secrétaire général de la défense et directeur national de l’armement a souligné que, dans ce cas également, la synergie entre le ministère de la défense et l’industrie italienne est un exemple de l’efficacité du système de défense du pays », rapporte l’état-major de la défense. « L’occasion a permis de donner une impulsion supplémentaire afin que toutes les conditions nécessaires pour rendre concrètement opérationnelle la joint-venture industrielle italo-algérienne et passer à la phase industrielle de l’assemblage des hélicoptères soient finalisées ».


L’hélicoptère AW 139

« En particulier, des contingences ont été créées pour accélérer le calendrier de signature des accords auxiliaires et la commande des sept premiers hélicoptères AW139 sur un total de 70 (dont 53 pour le marché algérien) », ajoute la Défense. « L’homologue algérien a confirmé l’avancement des négociations et le fait que le ministère algérien de la Défense lui-même a déjà alloué les ressources financières nécessaires pour garantir la durabilité industrielle dans les années à venir ».

Luciano Portolano a rencontré son homologue algérien, Mohamed Salah Benbicha, à l’occasion du 12ème Comité bilatéral Italie-Algérie, qui s’est tenu à Alger le 2 mars. L’objectif central du sommet était de renforcer le partenariat et les relations bilatérales industrialo-militaires, en commençant bien sûr par la relance de l’accord Leonardo-EPIC/EDIA pour la production d’hélicoptères de guerre, après le “ralentissement” dû à la pandémie de Covid 19.


2016

L’usine d’Aïn Arnat est détenue à 51 % par le ministère algérien de la Défense et à 49 % par la holding italienne. Selon l’accord de 2019, Leonardo assurera l’assemblage, la vente et la prestation de services pour divers modèles d’hélicoptères AgustaWestland, principalement pour les besoins nationaux algériens (avions de transport légers et moyens, évacuation médicale, surveillance et contrôle). Une partie de la production sera destinée à l’exportation vers les marchés d’Afrique et du Moyen-Orient ; la coentreprise fournira également aux clients des services après-vente tels que la réparation et la révision, la formation et le développement de capacités technologiques dans le domaine de la production de matériaux aéronautiques.

Le groupe Leonardo (anciennement Finmeccanica) a obtenu d’autres commandes importantes dans le secteur militaro-sécuritaire en Algérie. En janvier 2008, les filiales SELEX Sistemi Integrati et Elsag Datamat ont signé un contrat d’une valeur de 230 millions d’euros avec la Gendarmerie nationale pour la fourniture d’équipements et de systèmes de surveillance, de contrôle et de sécurité, soutenus par un réseau de communication pour l’intégration de différentes technologies.

Plus précisément, une structure C4I (commandement, contrôle, communication, informatique et renseignement) flexible a été fournie, avec de multiples centres opérationnels régionaux et intermédiaires, des postes de commandement mobiles, ainsi que 250 centres de contrôle locaux à déployer dans toute l’Algérie.

SELEX Sistemi Integrati, en tant que maître d’œuvre, s’est chargée de la logistique, de la formation des techniciens algériens et du service après-vente ; SELEX Communications a fourni le système de communication mobile TETRA, ainsi que les connexions radio HF, satellite et micro-ondes. Elsag Datamat, pour sa part, a fourni les applications logicielles pour l’exploitation des systèmes de surveillance.

Le 15 juillet 2010, lors d’une visite officielle en Algérie du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Franco Frattini, une commande de 30 hélicoptères AgustaWestland d’une valeur de 460 millions a été annoncée pour “renouveler” la flotte des forces armées algériennes.

En fait, selon le site spécialisé sud-africain Defenceweb, entre 2010 et 2016, le groupe italien a fourni aux forces armées, à la police et à la gendarmerie algériennes environ soixante-dix hélicoptères de différents types, pour un montant total de 1,3 milliard de dollars (8 AW101, 24 AW109, 8 AW119 Koala pour la formation des pilotes, 20 AW139 et 10 Super Lynx).

Leonardo a également livré un lot de canons OTO Melara 127/64 LW (Lightweight) pour armer les nouvelles frégates Meko A200 de la marine algérienne, qui seront construites en Allemagne à partir de 2016 par le groupe ThyssenKrupp Marine Systems.

Les frégates Meko A200 sont également équipées de torpilles anti-sous-marines MU90 fabriquées par le groupement européen Eurotorp, détenu à 50 % par WASS - Whitehead Alenia Sistemi Subacquei S.p.A., une société de la holding Leonardo basée à Livourne.