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07/09/2024

YOSSI VERTER
Le harcèlement organisé ne dissuadera pas le seul ministre israélien qui se préoccupe des otages, Yoav Gallant

La campagne de harcèlement contre le ministre de la Défense Yoav Gallant s’est intensifiée cette semaine, mais il n’a pas l’intention de démissionner Cette semaine pourrait bien rester dans les mémoires comme celle où Netanyahou a renoncé à la récupération des otages Ben-Gvir et Smotrich ne se laissent pas intimider par la menace d’une guerre régionale qui engloberait la Cisjordanie ; au contraire, ils aspirent à l’Armageddon

Yossi Verter, Haaretz, 6/9/2024
Traduit par  Fausto GiudiceTlaxcala

 

Illustration : Amos Biderman

Ce samedi, Yoav Gallant fête son onzième mois en tant que ministre de la défense au cours d’une guerre effroyable comme Israël n’en a jamais connue. Ce n’est pas le seul événement auquel son nom sera associé dans les années et les décennies à venir, lorsque les élèves apprendront le massacre du 7 octobre, les échecs qui l’ont précédé et la guerre qui s’en est suivie.

Les élèves apprendront que le ministre de la défense - un illustre ancien général - a été le seul ministre d’un gouvernement d’échec à se préoccuper du sort des otages retenus à Gaza. Ils apprendront qu’il a été le seul à se battre pour leur retour face à un Premier ministre cynique et indifférent et à ses collègues apeurés, pour lesquels le terme de lemming est trop gentil.

Ils apprendront que, malgré son rôle dans les échecs précédents, le public lui faisait grandement confiance et qu’il était en conflit permanent avec le premier ministre (comme tous les autres ministres de la défense qui ont servi sous Netanyahou). Dans les livres, ils liront qu’à certains moments, il semblait que se débarrasser du ministre de la défense était l’un des objectifs de Netanyahou pour la guerre. Cela aurait-il pu être le cas ? Ils se poseront la question avec incrédulité.


Les membres de la coalition Shalom Danino, à gauche, David Amsalem, David Biton et Simcha Rothman à la Knesset le mois dernier. Photo Olivier Fitoussi

La semaine dernière, la campagne de harcèlement organisée contre Gallant s’est intensifiée. Lors d’une conférence de presse, Netanyahou a présenté une note écrite en arabe qui avait été trouvée à Gaza par des troupes en janvier et qui avait été rapportée par Channel 12 News : elle contenait des directives pour mener une guerre psychologique contre Israël. L’une des sections stipulait qu’il fallait augmenter la « pression psychologique sur Gallant ».

Au même moment - et ce n’est pas une coïncidence - quatre députés du Likoud à la Knesset ont envoyé une lettre au premier ministre pour lui demander de renvoyer l’ensemble de la direction des Forces de défense israéliennes et le ministre de la défense avec elle « avant d’entamer la guerre au Liban ». D’autres députés marginaux comme Moshe Saada et Nissim Vaturi ainsi que le ministre du Venin [des Communications, NdT]  Shlomo Karhi se sont joints à eux. Ils ont affirmé que Gallant est faible, qu’il représente l’opposition et qu’il doit partir.

Personne au sein du parti ou du cabinet n’a pris la défense de Gallant. Même les collaborateurs du ministre admettent que la situation n’est pas bonne. Le discours sur sa faiblesse risque de s’amplifier. Entre-temps, il continue de jouir de la confiance de la population [israélienne juive, NdT] qui, dans sa grande majorité, refuse d’avaler les pilules empoisonnées. Grâce à l’opinion publique, Gallant n’a pas été poussé vers la sortie, même s’il a « adopté le récit du Hamas », pour citer Netanyahou.


Le ministre de la Justice Yariv Levin, le ministre de la Défense Yoav Gallant et Benjamin Netanyahou à la Knesset en février. Photo Olivier Fitoussi

Il a été demandé à Gallant de convoquer une conférence de presse et de présenter son cas, mais ce serait peut-être aller trop loin. Cela reviendrait à provoquer directement Netanyahou et, contrairement à ce que l’on pense, Gallant ne « veut pas être viré ». Il est convaincu que sans lui, un larbin de Netanyahou sera installé dans le bureau du ministre de la défense au 14ème étage du quartier général de la défense à Tel Aviv. Cela pourrait profiter à Netanyahou personnellement, mais ne permettrait pas d’atteindre les objectifs de la guerre, et certainement pas l’objectif que Gallant considère comme le plus important : sauver la vie des otages.

« Tout ce qui a été réalisé à Gaza peut être revendiqué, à l’exception de la vie des otages », dit Gallant aux personnes qu’il rencontre en privé et au cabinet. « Si nous ne concluons pas un accord maintenant, non seulement nous les perdrons, car ils mourront s’ils restent là-bas, mais nous continuerons à nous battre à Gaza et nous ne serons pas en mesure de traiter avec le Liban, que ce soit par le biais d’un accord ou d’une opération militaire ».

C’est pourquoi il a demandé à Netanyahou de réunir le cabinet il y a une semaine, au cours de laquelle Gallant a présenté son « carrefour stratégique »: l’escalade ou l’accord. « Comprenez ce sur quoi vous votez », a dit Gallant aux ministres. « Si vous choisissez l’escalade, nous risquons de nous retrouver dans une guerre régionale ».

Le reste appartient à l’histoire. Après de longues heures de discussions que plusieurs participants ont qualifiées de sérieuses et approfondies, le premier ministre a demandé un vote sur le maintien de Tsahal dans le corridor de Philadelphie (son « Masada », selon les associés de Gallant). L’objectif, selon l’entourage du ministre de la défense, était de détourner l’attention du carrefour stratégique, moins confortable pour Netanyahou, et de l’orienter vers le corridor. C’est le roc de notre existence, ai-je écrit dimanche avec sarcasme. Mais soyons clairs : c’est le roc de l’existence (politique) de Netanyahou.


Netanyahou en conférence de presse, mercredi. Photo Ohad Zwigenberg/AP

L’embuscade du cabinet a donné lieu à deux conférences de presse de Netanyahou, l’une en hébreu et l’autre en anglais, consacrées à l’importance de la route Philadelphie. Netanyahou est premier ministre depuis 2009. Il a présidé trois opérations militaires à Gaza, s’est catégoriquement opposé à la prise du corridor, n’a pas exigé que les FDI s’en emparent au début de l’opération terrestre actuelle et, pendant des années, a approuvé le transfert de milliards de shekels au Hamas dans le but de le renforcer. Il explique maintenant au monde entier, par le biais d’une multitude de présentations et de documents, pourquoi cette bande de sable garantit l’existence d’Israël et que, sans elle, le massacre du 7 octobre se reproduira encore et encore.

Si le sens de cette farce n’était pas si triste - les derniers espoirs d’une prise d’otages s’amenuisant - nous serions morts de rire.

Gallant connaît la vérité : Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich détiennent le droit de veto sur toute mesure considérée comme un retrait des FDI de la bande de Gaza. Ils ne peuvent pas non plus être effrayés par l’idée d’une guerre régionale impliquant la Cisjordanie. Au contraire, ils aspirent à l’apocalypse. C’est leur rêve. À une autre époque, avec d’autres partenaires et sans qu’un procès pour corruption ne plane sur lui, Netanyahou aurait agi différemment. Aujourd’hui, il est leur otage.

Sa captivité est volontaire ; d’autres otages n’ont jamais choisi leur sort.

La mentalité du troupeau

Les personnes qui ont rencontré Gallant cette semaine disent avoir vu un homme le cœur est honnêtement touché par le sort des otages. Disons-le franchement : jusqu’à ce que survienne cette tragédie nationale, nous n’aurions jamais soupçonné qu’il était capable d’une telle humanité et d’une telle compassion. Nous l’avons connu courageux le 25 mars 2023 lorsqu’au plus fort de la controverse sur la réforme du système judiciaire, il a mis en garde contre le danger clair et présent pour la sécurité nationale d’Israël (ce qui lui a valu d’être licencié puis réembauché). Au courage et à la responsabilité dont il a fait preuve s’ajoutent désormais l’humanité et les valeurs [sic].

Le problème est qu’il est seul et isolé. Il est l’un des 32 membres du groupe parlementaire du Likoud, l’un des 64 membres de la coalition. Lorsqu’on lui a demandé ce que c’était que d’être l’animal que le troupeau expulse, Gallant a répondu nonchalamment qu’il était plus rapide que le troupeau et que personne ne devrait douter de son endurance, car il a subi des épreuves plus difficiles dans sa vie, dans des endroits beaucoup plus rudes que la salle du cabinet.


Des manifestants à Tel-Aviv jeudi ; sur la pancarte : « Les otages avant tout ». Photo Itai Ron

Les insultes et les humiliations qu’il y subit le laissent indifférent. Il n’a pas appris grand-chose de Shimon Peres, mais il a adopté l’un de ses dictons : « C’est moi qui décide par qui je suis prêt à être offensé ».

Malgré les difficultés, il n’a pas l’intention de démissionner. Même si, à Dieu ne plaise, les négociations sur les otages échouent, si la proposition imminente des USAméricains ne se concrétise pas, si la situation va de mal en pis et si sa mise en garde contre une escalade en l’absence d’un accord se vérifie, il ne démissionnera pas pour autant. « C’est la chose la plus importante que j’ai faite ou que je ferai dans ma vie publique », avait-il coutume de dire. « Il y a des choses importantes - l’Iran, le Liban. J’ai une responsabilité unique. La trajectoire de ma vie m’a amené à ce point ».

Lors de cette fameuse réunion du cabinet, connue sous le nom de « séance de coups de gueule », alors qu’il tentait d’empêcher Netanyahou de soumettre la question de Philadelphie à un vote, Gallant a déclaré aux ministres : « Avec cette décision, vous poussez [Yahya] Sinwar, le chef du Hamas, à dire : “Si c’est le cas, il n’y a pas d’accord” ». Ils l’ont regardé d’un air absent. L’accord en question, qui pourrait démanteler le gouvernement, les renverrait à la maison.

D’ailleurs, cette question le concerne. Comme les autres, Gallant a également un intérêt personnel à la survie du gouvernement. Il considère son poste de ministre de la Défense comme le plus important de sa vie. Mais ce n’est pas la chose la plus importante pour lui. Un drôle d’oiseau. Un excentrique.

À ses yeux, toute cette agitation autour de la route Philadelphie, comme s’il s’agissait du Saint des Saints, est absurde. L’establishment de la défense qu’il dirige a des réponses à toutes les objections, certainement pour les 42 jours de la première étape de l’accord proposé qui devrait ramener plus de 20 personnes vivantes en Israël - des jeunes femmes, des personnes âgées, des malades et des blessés.


D’autres manifestants à Tel Aviv jeudi. Photo Hadas Parush

Le Washington Post a rapporté jeudi que le Hamas envisageait d’exécuter d’autres otages afin d’exacerber les divisions en Israël et de susciter davantage de protestations. Un responsable diplomatique affirme la même chose. Les vidéos publiées par le Hamas sur les six otages qui ont été exécutés par la suite sont choquantes. Les jeunes hommes et femmes sont maigres et pâles, faibles, les yeux enfoncés dans les orbites. Comment peut-on dire que le maintien d’une barrière terrestre est plus important que la libération immédiate des otages ?

Netanyahou, je suis désolé de le dire, a perdu sa dernière once d’humanité il y a quelque temps. Monstrueux, sans cœur, têtu, Netanyahou déteste autant Gallant car la comparaison est si peu flatteuse.

On se souviendra peut-être de cette semaine (et on l’oubliera peut-être) comme celle où le premier ministre israélien a déclaré au monde que l’objectif de la guerre, à savoir le retour des otages, était à ses yeux lettre morte.

Lors de sa rencontre avec le secrétaire d’État usaméricain Antony Blinken, il y a deux semaines, le ministre de la défense lui a demandé : « Vous voulez que nous mettions fin à la guerre, mais si, après 42 jours, nous sommes contraints de reprendre le combat et que le Conseil de sécurité des Nations unies vote contre nous, comment les USA voteront-ils ? » « Nous opposerons notre veto », a promis Blinken. Cela aurait dû apaiser les inquiétudes du premier ministre. Même si Ben-Gvir et/ou Smotrich quittent la coalition pendant l’accord, ils reviendront quand Israël reprendra la guerre.

Gallant ne comprend pas : si les USA sont de notre côté, comment pouvons-nous insister sur Philadelphie au prix de l’abandon des otages ? Comment pouvons-nous agir de la sorte sur le plan moral ? Qu’en est-il des valeurs de Tsahal ? De l’éthique israélienne ? Il sait exactement où elles se trouvent. Sur le tas de cendres de cette coalition du désastre.


Faux cercueils d’otages à Tel-Aviv, jeudi. Photo Itai Ron

Les erreurs de Bibi hier et aujourd’hui

D’accord, ce n’est plus drôle. Les erreurs de Netanyahou sur le jour où ont eu lieu les massacres à la frontière de Gaza peuvent être considérées comme un événement médical, psychologique ou cognitif. Appelez cela comme vous voulez, mais il n’est pas raisonnable qu’une personne, et certainement pas un Premier ministre, ne se souvienne pas de la pire date de l’histoire du pays.

Lors de la journée de commémoration de l’Holocauste, il a lu un discours et a dit « 7 novembre ». Cette semaine, lors de sa conférence de presse en hébreu, il a dit « 9 octobre ». Le lendemain, lors d’une interview accordée à Fox News, il a de nouveau dit « 7 novembre ».

Au moins, il n’est pas loin. En fait, il lui arrive quelque chose. Les gens qui passent du temps avec lui disent qu’il a mauvaise mine. À la télévision, caché sous des couches de maquillage, c’est moins visible. Ce qui est sûr, c’est que si Joe Biden se trompait aussi souvent sur Israël, il se ferait lyncher par les porte-parole de Bibi sur Canal 14.

Outre le nombre croissant d’erreurs, regarder les discours de Netanyahou est également devenu une sorte de jeu. On peut l’appeler « Le jeu du mensonge » ou « Twister », même s’il ne s’agit pas d’une façon particulièrement stimulante de tester ses capacités cérébrales.

Au contraire, il est devenu plus facile de détecter les tromperies de Netanyahou. Ses mensonges, manipulations et demi-vérités sont devenus superficiels et maladroits. Ils ne présentent pas de véritable défi intellectuel.

Prenons l’exemple du retrait de Gaza en 2005. Tous les consommateurs israéliens raisonnables d’informations peuvent réciter dans leur sommeil comment Netanyahou, ministre des finances à l’époque, a soutenu le plan d’Ariel Sharon d’évacuer les colonies de Gaza (et quatre autres dans le nord de la Cisjordanie). Ils se souviennent des remarques de Netanyahou à la Knesset, de son rôle dans la rédaction de la proposition au cabinet, puis de sa volte-face et de sa démission une semaine avant que la décision de la Knesset (pour laquelle il avait voté) n’entre en vigueur.


Manifestants devant la résidence du premier ministre à Jérusalem, lundi.  Photo Olivier Fitoussi

C’est simple. Mais un autre détail a été négligé, et c’est le plus important en ce qui concerne le rôle de Netanyahou dans la poursuite du désengagement.

En mai 2004, environ 15 mois avant le retrait des forces de défense israéliennes, le Likoud de Sharon a sondé les militants pour savoir s’ils soutenaient le plan. Netanyahou - et les médias s’en sont fait l’écho - a annoncé qu’il voterait en faveur du plan. L’hypothèse était qu’il s’agissait d’une affaire réglée et que la plupart des membres du parti voteraient en faveur du plan. Mais ce ne fut pas le cas : 60 % des députés se sont opposés au retrait. Sharon subit une défaite humiliante.

Sharon a promis qu’il respecterait le vote du parti, mais quelques heures après l’annonce des résultats, il a clairement fait savoir qu’il ne le ferait pas. Un démocrate ?

Le moment était venu pour Netanyahou de contrecarrer le retrait. Quoi de plus légitime que de dire : « Le parti a voté contre, nous représentons un mouvement et nous devons respecter sa décision. » Mais même là, alors qu’un cadeau tombait du ciel, Netanyahou n’a rien fait.

D’accord, ce n’est pas tout à fait exact. Netanyahou a fait quelques remarques indécises, et c’est ainsi qu’a commencé une farce qui a été appelée plus tard « l’affaire Livni ». La ministre du logement, Tzipi Livni, s’est interposée entre lui, Sharon et plusieurs ministres indécis, et a rédigé un document évoquant un retrait par « étapes », avec une évaluation de la situation à l’issue de chacune d’entre elles.

Au sein du cabinet, Netanyahou et ses amis ont voté en faveur de ce document. Plus tard, Sharon a rejeté le plan de Livni. Mais même à ce moment-là, Netanyahou est resté silencieux. Toutes les raisons qu’il a invoquées cette semaine pour démissionner du gouvernement Sharon existaient depuis de nombreux mois avant qu’il n’agisse, et chaque fois qu’il a soutenu un retrait.

Une semaine avant l’évacuation elle-même, un de ses proches conseillers m’a appelé le matin de la réunion du cabinet. « Bibi est en route pour la réunion avec sa démission plus tard », m’a-t-il chuchoté.

« Pourquoi ? » lui ai-je demandé.

« Il est paniqué. Les sondages montrent qu’Uzi Landau* le devance dans la course à la direction du Likoud. »

Non, ce ne sont pas les armes passées en contrebande sur la route Philadelphie qui l’ont fait changer d’avis. C’était juste un Uzi.

NdT

*Uzi Landau (81 ans) est un caméléon bien représentatif de la caste politico-militaire israélienne. Il a été député et ministre un nombre conséquent de fois, outre d’avoir présidé l’entreprise militaire Rafael. Il s’est promené au fil des années entre le Likoud et Yisrael Beiteinu (Avigdor Liberman), le parti « russe » disputant l’héritage révisionniste de Jabotinsky au Likoud.


 

13/06/2024

DAHLIA SCHEINDLIN
Une véritable opposition va-t-elle se lever ? Y aura-t-il quelqu’un pour essayer de sauver* Israël de Netanyahou, de la guerre sans fin et de l’isolement ?

 Dahlia Scheindlin, Haaretz, 10/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le départ sans surprise de Benny Gantz du gouvernement Netanyahou ne renforcera pas l’opposition, car Israël en possède à peine une digne de ce nom. C’est une mauvaise nouvelle pour qui veut mettre fin à la guerre à Gaza et au conflit israélo-palestinien


L’ancien ministre israélien Benny Gantz après avoir annoncé sa décision de quitter le cabinet de guerre du Premier ministre Benjamin Netanyahou, dimanche à Ramat Gan. Photo : Nir Elias/Reuters

Benny Gantz a fait les dernières unes politiques en Israël en annonçant dimanche soir son départ de la coalition d’urgence de guerre, sans surprendre personne.

Le pays est encore sous le choc – cette fois de bonheur – après le sauvetage de quatre otages de Gaza samedi. Les médias israéliens sont occupés à rendre compte du sauvetage triomphal tout en se contorsionnant pour éviter de mentionner que les forces israéliennes ont tué des centaines de Palestiniens lors du raid , dont de nombreux civils. Lundi, l’actualité s’est déplacée vers le projet de loi sur le service militaire pour les Haredim [orthodoxes religieux] et Gantz est devenu un thème de une parmi d’autres,  , distrayant Israël des plus grands dilemmes d’aujourd’hui et de demain.

Gantz voulait rendre les élections inévitables, surtout avant le vote clé sur le projet Haredi de lundi. Il a tenté de déclencher une dynamique politique en appelant le ministre de la Défense Yoav Gallant à se joindre à lui et à se rebeller contre le Premier ministre Netanyahou au sein du Likoud, car le départ de Gantz ne peut à lui seul provoquer des élections anticipées.

Mais même si les factions se rapprochent, cela aura-t-il une quelconque importance ? Si Gantz est l’espoir, il n’y a pas de véritable opposition en Israël aujourd’hui : pas de compétition sur les idées ou les voies pour l’avenir, ni sur les principes du type de pays qu’Israël devrait être.

Gantz s’est présenté lors de cinq scrutins, mais n’a réussi à rien promettre concernant le plus grand problème du pays : l’occupation [des territoires palestiniens depuis 1967] et le conflit israélo-palestinien. Honte à quiconque estime que cela aurait été une erreur stratégique de la part de Gantz de clarifier ses positions au cours de ses cinq années dans la politique israélienne. Personne n’aurait dû avoir besoin de la guerre actuelle pour savoir à quel point c’était une erreur mortelle et impardonnable de « gérer le conflit » et de mettre la question de côté pendant toutes ces années.


Morad Kotkot, Palestine, 2022

Quel est aujourd’hui l’attrait électoral de Gantz auprès du public ? Dimanche, il a déclaré qu’il quittait le gouvernement parce que Netanyahou a donné la priorité à sa survie politique avant le bien du pays et n’a donc pas réussi à prendre les bonnes décisions – ou aucune des décisions fondamentales – en conséquence.

05/03/2024

MONICA MOOREHEAD
Une armée et une société lézardées, un isolement international croissant : pour Israël, rien ne va plus

Monica Moorehead, Workers World, 4/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Réseau d’information de la Résistance (Resistance News Network) a rapporté le 3 mars que « des colons sionistes ultra-orthodoxes bloquent une autoroute de Tel Aviv pour protester contre la loi de conscription de l’entité, qui les verrait incorporés pour la première fois dans les FOI  [Forces d’occupation israéliennes], alors que les FOI  s’efforcent de compenser leurs pertes significatives et exigent un recrutement plus important. Un certain nombre de colons ont été arrêtés ». Aucun drapeau israélien n’était visible lors de cette confrontation entre les colons fascistes et la police. Les colons ultra-orthodoxes bénéficiaient jusqu’à présent d’une exemption totale du service militaire.


Qu’est-ce que cette nouvelle loi sur la conscription ? Elle propose d’allonger la durée de la conscription militaire pour les colons sionistes de deux à trois ans, ainsi que de porter la limite d’âge des soldats de réserve à 45 ans.  Actuellement, des milliers de ces colons fuient Israël pour éviter la conscription. 

Le ministre israélien de la guerre, Yoav Gallant, a déclaré dans un discours prononcé le 28 février : « Nous payons un prix très élevé dans nos rangs. Les coûts que nous encourons en termes de nombre de morts et de blessés sont très élevés. Nous n’avons pas connu une telle guerre depuis 75 ans, et cela nous appelle à approuver des amendements à la loi sur la conscription ».  

Gallant est le même criminel de guerre monstrueux qui a qualifié les Palestiniens d’ »animaux humains », alors qu’il a coupé la nourriture, l’eau et les médicaments à plus de 2 millions de personnes.  Il a également lancé un appel à l’aide internationale et à l’augmentation du nombre d’Israéliens pour soutenir une force d’occupation dégonflée.

Au-dessus de Gaza, par Mohamed Afefa, Palestine

Il s’agissait d’un aveu public stupéfiant sur le fait que les forces d’occupation israéliennes, bien armées et bien entraînées, ont subi un nombre sans précédent de morts et de blessés depuis que le déluge d’Al-Aqsa a été déclenché par les forces de la résistance islamique, le Hamas, le 7 octobre.  

La résistance démoralise le régime sioniste

Le Hamas, ainsi que d’autres forces de résistance palestiniennes, se sont regroupés avec des armes artisanales à leur disposition. Grâce à des tactiques de guérilla, la résistance a réussi à démoraliser le régime d’apartheid soutenu par USA dans les territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie pendant près de cinq mois. 

Depuis le 8 février, il a été prouvé que les brigades Al-Qassam du Hamas ont détruit ou mis hors d’usage plus de 1 100 véhicules militaires de l’armée israélienne, et que d’autres engins militaires ont été détruits par d’autres factions de la résistance armée.

Cette protestation contre l’allongement de l’âge de la conscription militaire intervient au moment même où l’opposition de masse croissante dans les rues contre le régime israélien, dirigé par un autre criminel de guerre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, appelle à sa démission. L’assassinat de trois autres otages israéliens lors d’une tentative de sauvetage malheureuse de l’armée israélienne a jeté de l’huile sur le feu en ce qui concerne la demande de démission de Netanyahou. 

De plus en plus d’Israéliens exigent que Netanyahou accepte un cessez-le-feu négocié avec la résistance pour mettre fin au génocide catastrophique que lui et Gallant ont perpétré contre les habitants de Gaza et qu’il libère des milliers de prisonniers palestiniens en échange de la centaine d’otages israéliens encore détenus par le Hamas.


 Cam Cardow, The Ottawa Citizen, Canada

L’isolement croissant d’Israël dans le monde

La détérioration de la situation interne d’Israël trouve son origine dans la dégradation de son image mondiale, qui n’a été qu’une façade depuis sa création. Dans une tribune du New York Times du 27 février, intitulée « Israël perd son plus grand atout : l’acceptation », Thomas Friedman écrit : « J’ai passé ces derniers jours à voyager de New Delhi à Dubaï et Amman, et j’ai un message urgent à délivrer au président Biden et au peuple israélien : Je constate l’érosion de plus en plus rapide de la position d’Israël parmi les nations amies - un niveau d’acceptation et de légitimité qui a été laborieusement construit au cours des décennies. Et si Biden n’y prend pas garde, la position mondiale de l’Amérique s’effondrera en même temps que celle d’Israël.

« Je ne pense pas que les Israéliens ou l’administration Biden mesurent pleinement la rage qui bouillonne dans le monde entier, alimentée par les médias sociaux et les images télévisées, après la mort de milliers de civils palestiniens, en particulier des enfants, avec des armes fournies par les USA dans la guerre d’Israël à Gaza. Le Hamas a beaucoup à se reprocher dans le déclenchement de cette tragédie humaine, mais Israël et les USA sont perçus comme les moteurs des événements et comme les principaux responsables ».

La vérité est que la position mondiale des USA et d’Israël s’est déjà tellement dégradée qu’il n’y a pas d’inversion dans l’avenir immédiat. L’article de Friedman énonce une évidence : Israël et son plus grand soutien financier et militaire, les USA, sont de plus en plus isolés et méprisés, non seulement dans le Sud, mais aussi dans le Nord. Des millions de personnes continuent de protester dans le monde entier, non seulement contre le génocide, mais aussi pour défendre le droit des Palestiniens à toutes les formes de résistance contre le génocide. 

Le régime sioniste est également confronté à une crise de plus en plus profonde de son économie, qui a déjà chuté de 20 % depuis le 7 octobre, en raison non seulement des pertes humaines et des dépenses militaires, mais aussi de l’efficacité du mouvement mondial de boycott, de désinvestissement et de sanctions contre Israël. 

Ali Divandari, Iran

Plus de 50 pays ont poursuivi Israël devant les tribunaux internationaux pour accuser le régime colonial de génocide. Nombre de ces mêmes pays ont coupé le commerce d’armes et les relations diplomatiques avec Israël. Les forces navales yéménites ont empêché des centaines de navires de livrer des marchandises destinées à Israël, causant des pertes qui se chiffrent en milliards de dollars.

L’Union européenne et d’autres pays ont rétabli leur financement à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine après qu’un petit nombre d’employés de l’UNWRA ont été accusés par Israël d’être membres du Hamas. Cette réprimande est un coup politique porté à Israël.  

L’auto-immolation d’Aaron Bushnell le 24 février pour exprimer sa solidarité avec la Palestine a contribué à renforcer l’indignation face à l’horrible rôle de complice joué par les USA dans le nettoyage ethnique à Gaza. 

Comme l’a déclaré le président vénézuélien Nicolás Maduro le 2 mars, « ce soldat [Aaron Bushnell] de l’armée de l’air usaméricaine a ébranlé la société usaméricaine et le monde entier. Nous assistons à l’épuisement, au déclin définitif de l’empire usaméricain et du système de domination impérial occidental. Nous vivons un moment historique ».

 

Joel Pett, Lexington Herald, USA


 

09/10/2023

De los subhumanos de Varsovia a los animales humanos de Gaza

    “He ordenado el asedio total de la Franja de Gaza. No habrá electricidad, ni alimentos, ni combustible, todo está cerrado. Estamos luchando contra animales humanos y actuamos en consecuencia”.

    General Yoav Gallant, Ministro de Defensa israelí, 9 de octubre de 2023


 

    “Durante la operación de hoy se han incendiado varios bloques de edificios. Este es el único y definitivo método que obliga a sacar a la superficie estos desechos y esta subhumanidad”.

    SS-Gruppenführer Jürgen Stroop, Varsovia, 26 de abril de 1943

    “Todo el antiguo gueto ha sido hurgado hoy por comandos en busca de refugios y judíos restantes. Como se informó hace unos días, un número de subhumanos, bandidos y terroristas todavía están en los refugios, donde el calor se ha vuelto intolerable debido a los incendios. Estas criaturas saben muy bien que su única opción es permanecer ocultos el mayor tiempo posible o salir a la superficie e intentar herir o matar a los hombres de las Waffen-SS, la policía y la Wehrmacht que mantienen la presión contra ellos”.

    SS-Gruppenführer Jürgen Stroop, Varsovia, 8 de mayo de 1943

    “Nunca ha habido una insurrección. Una insurrección tiene un principio, un plan, un final y, sobre todo, una esperanza de victoria. En el gueto de Varsovia, en abril de 1943, no había esperanza. Es cierto que, en la conciencia de judíos, polacos y otros, seguía siendo un levantamiento. Pero, en realidad, se trataba de autodefensa. Básicamente, decidimos elegir nuestra propia forma de morir...”.

    Marek Edelman, comandante de la Organización Judía de Combate del Gueto de Varsovia, Le Soir, 19-4-1993

El autor de la primera frase citada, el general Gallant, hijo de un guerrillero antinazi en los bosques de Ucrania y Bielorrusia y de una polaca superviviente del Holocausto, no estará contento con la comparación con el autor de la segunda y tercera citas, el Gruppenführer Stroop, que dirigió la solución final del gueto de Varsovia y fue ahorcado por sus crímenes en 1952, en el mismo lugar del gueto.

Gallant nunca será ahorcado e incluso podría recibir un Premio Nobel de la Paz por haber luchado tan valientemente contra los “animales humanos” de Gaza. Para Stroop, los combatientes judíos eran “terroristas, bandidos, subhumanos, basura”. Uno de ellos, Marek Edelman (1919-2009), que sobrevivió y se negó toda su vida a pisar Israel, dijo de la acción de los combatientes del gueto: “En realidad, se trataba de autodefensa. Básicamente, decidimos elegir nuestra propia forma de morir”. Los combatientes del gueto de Gaza pueden decir lo mismo.

 

Cartel de la Żydowska Organizacja Bojowa (ŻOB), la Organización Judía de Combate. El texto dice: “Todos los hombres son hermanos: el amarillo, el moreno, el negro y el blanco. Hablar de pueblos, colores, razas, ¡es una historia inventada!

Des sous-humains de Varsovie aux animaux humains de Gaza

Fausto Giudice, Basta Yekfi!, 9/10/2023

Affiche de la Żydowska Organizacja Bojowa (ŻOB), l’Organisation juive de combat. Le texte dit : “Tous les hommes sont frères : les jaunes, les bruns, les noirs et les blancs. Parler de peuples, de couleurs, de races, c’est une histoire inventée !”

16/08/2021

La Haute Cour de justice d'Israël annule la décision de l’ex-ministre de l’Éducation de refuser un prix prestigieux au professeur de gauche Oded Goldreich

Or Kashti  רוא יתשק, Haaretz, 12/8/2021
Traduit par Fausto Giudice


Or Kashti est analyste des questions d'éducation pour le quotidien israélien Haaretz.

 

La ministre de l’Éducation, Yifat Shasha-Biton, aura prochainement l'occasion de décider si elle confirme la décision de l'ancien ministre de l'Éducation, Yoav Gallant, de ne pas décerner le prix au professeur Oded Goldreich.

 

  Le ministre israélien de l'Éducation, Yoav Gallant, lors de la cérémonie de remise du Prix Israël, en février. Photo : Ohad Zwigenberg

 Jeudi, la Haute Cour de justice d'Israël a annulé à l'unanimité la décision de l'ancien ministre de l’Éducation Yoav Gallant de ne pas attribuer le Prix Israël en mathématiques et en informatique au professeur Oded Goldreich.

La ministre de l’Éducation, Yifat Shasha-Biton, aura la possibilité de décider si elle confirme ou non la décision de Gallant, conformément à l'opinion majoritaire émise par les juges Noam Sohlberg et Yael Willner.

Le juge Yitzhak Amit a émis une opinion dissidente.

Le mois dernier, le procureur général Avichai Mendelblit a décidé de ne pas défendre la position de Gallant dans le cadre d'une requête de la Haute Cour de justice contre la décision déposée par les membres du comité du prix Israël. Estimant que la décision de Gallant "s'écartait de la limite du raisonnable et n'était pas légale", Mendelblit a soutenu que le comité devait être autorisé à décerner le prix au professeur Goldreich.

En juin, le ministre de l’Éducation Yoav Gallant avait informé vendredi le procureur général Avichai Mendelblit qu'il avait finalisé sa décision de ne pas décerner le prix d'Israël au professeur Oded Goldreich, dans l'un de ses derniers gestes en fonction, juste avant la prestation de serment du nouveau gouvernement israélien.