Susann Witt-Stahl, junge Welt, 12/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le “Corps des volontaires allemands” [Deutsches Freiwilligen-Korps] se situe dans la tradition de la Wehrmacht nazie - et se bat aux côtés de Kiev.
L’unité de combat a repris la campagne de Russie et est entrée sur les « champs de bataille du front de l’Est de l’Ukraine». « Toutes les roues roulent pour la victoire », annonçait fin juin le “Corps des volontaires allemands” (DFK). Il fait référence aux exploits de ses ancêtres : « Il y a 82 ans aujourd’hui, les soldats allemands et leurs alliés ont franchi les frontières de la Russie soviétique. Dans le ferme espoir d’arrêter Staline et le bolchevisme et de libérer les peuples de la prison soviétique » : le DFK avait déjà présenté sa lecture singulière de cet événement historique mondial à l’occasion de l’anniversaire de l’invasion allemande de l’Union soviétique le 22 juin.
Le groupe ne laisse par ailleurs aucun doute sur le fait que les soldats de la Wehrmacht, et plus encore les “guerriers raciaux” [Rassenkrieger] de la Waffen-SS, sont ses idoles. Leurs combattants portent, outre l’emblème du DFK avec un bouclier et une épée, le symbole de l’aigle du Reich avec une croix gammée dans une couronne de chêne. Sur leur canal Telegram, ils rendent hommage aux membres de la Leibstandarte SS “Adolf Hitler” [garde personnelle de Hitler, devenue division SS].
L’épine dorsale du DFK, qui s’est formé en février 2023 et ne devrait compter jusqu’à présent guère plus d’une poignée de guerriers, est constituée, selon ses propres dires, de membres du parti néonazi “Der III. Weg"”(La troisième voie)). Ce groupuscule, considéré comme anticonstitutionnel par les services de renseignement intérieurs allemands, avait été fondé en 2013 avec la participation de membres du NPD et de membres du “Freies Netz Süd” [Réseau libre sud]. “Der III. Weg” entretient de bonnes relations avec le mouvement fasciste “Azov” en Ukraine et son régiment - devenu entre-temps une brigade - au sein de la garde nationale, qui jouit d’un statut culte parmi les fascistes du monde entier depuis la bataille d’Azovstal au printemps 2022. « Toi et tes camarades avez accompli des choses inimaginables et vivrez éternellement dans l’histoire du peuple ukrainien », pouvait-on lire récemment dans un message d’anniversaire adressé au commandant d’Azov Denis Prokopenko. Le DFK a donc célébré le retour de ce dernier de son internement en Turquie le week-end dernier.
Le fondateur présumé du DFK, Stephan K. de Solingen, entretient des liens particulièrement étroits avec le “Corps des volontaires russes” (RDK). Depuis le printemps 2023, cette troupe dirigée par le hooligan néonazi Denis “White Rex” Kapustine, originaire de Moscou, attire l’attention des médias en attaquant des villages russes, la dernière fois début juin dans la région de Belgorod. Il est arrivé en Ukraine grâce à son “ami proche” Kapustine, a raconté Stephan K. dans une interview publiée le 14 janvier sur le site Internet de “Der III. Weg”.
Kapustin avait émigré en Allemagne en 2001 en tant que “réfugié juif du contingent”* et vivait à Cologne. Avant l’existence du DFK, K. aurait d’abord combattu au sein du RDK, puis aurait entre-temps rejoint le bataillon néonazi “Karpartska” des troupes régulières de Kiev et aurait notamment été en mission à Kharkov, Zaporijjia et Kupjansk.
« Les combattants du ‘Corps volontaire russe’ et de notre ‘Corps volontaire’ sont liés par une camaraderie de front, une communauté qui s’est endurcie sous la grêle d’obus russes et qui est restée ferme dans sa fidélité nibelungienne [=inconditionnelle] », explique le DFK. Cette alliance ténébreuse pourrait donner lieu à de bizarres manifestations revanchardes : selon Kapustine, le DFK reçoit le soutien de l’armée ukrainienne, par exemple dans les domaines du renseignement militaire et de la logistique. L’Allemagne étant actuellement le deuxième plus grand donateur pour l’armement et la formation des forces armées ukrainiennes, le DFK pourrait lui aussi, en tant qu’allié de ces dernières, bientôt obtenir des moyens mis à disposition par le gouvernement rose-vert-jaune de Berlin et lutter à nouveau pour la satisfaction de désirs de l’impérialisme allemand prétendument dépassés historiquement : « Nous sommes bien sûr pour la restitution de la Prusse orientale. Et pour le rétablissement général des anciennes frontières allemandes ». Il y aurait également une “lueur d’espoir” qu’une “section de soldats libres” se développe en Allemagne pour devenir « l’avant-garde de l’idée de la renaissance de la vérité historique » et de « l’unification de l’Europe blanche ».
Les libéraux/progressistes solidaires de l’Ukraine devraient froncer le nez devant de tels idéologèmes nazis moisis. Mais l’élément essentiel du fascisme diffusé par le DFK s’avère tout à fait acceptable parmi eux : Stephan K. a déclaré à “Der III. Weg” qu’il voulait combattre “le néo-bolchevisme de Poutine” et ne pas permettre que l’Europe soit “contaminée pour la deuxième fois” par “la peste rouge”. Aujourd’hui comme hier, un anticommunisme aussi agressif est bien accueilli. Les guerriers néonazis allemands et leur “entreprise Barbarossa 2.0” trouvent un écho favorable au sein de la communauté hipster de l’OTAN “North Atlantic Fella Organization” (NAFO/OFAN), qui collecte des fonds [en vendant des T-shirts, bikinis et caleçons] pour l’achat de pièces d’artillerie et d’autres outils de meurtre par l’Ukraine, car elle veut vraiment en découdre avec la Russie. « C’est quand même bien que même un nazi trouve encore le chemin du bien », a-t-on pu entendre dans la communauté des “fellas”. « Espérons que beaucoup d’autres suivront, quelle que soit leur couleur ».
NdT
*L’Allemagne a accueilli de 1991 à 2012 234 136 personnes successivement catégorisées en tant que « réfugiés du contingent », puis comme « migrants juifs », en provenance de l’ex-URSS.