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10/01/2022

MARINELLA SALVI
« Je suis beaucoup plus dérangée par les sangliers que par les migrants » : Propos de comptoir dans un bar à la frontière italo-slovène

 Marinella Salvi , il manifesto, 7/1/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les histoires des migrants qui tentent d'entrer en Italie depuis la Slovénie dans les commentaires des clients d'un bar de Trieste.

Les troncs élancés des charmes aux premières lueurs du jour, le silence, juste quelques bruissements parmi les robiniers. La route asphaltée, glissante en ces étranges jours de brouillard, est une longue montée et descente sur le flanc de la montagne. Là-haut, la Slovénie surplombe la plaine, qui s'épaissit peu à peu de maisons : on voit Trieste, blanche, couronnant une mer laiteuse qui semble se fondre dans le ciel gris. Cinq jeunes hommes marchent prudemment sur le bord de la route. Emmitouflés, trempés jusqu’aux os, ils ont des têtes d’Afghans ou de Pakistanais, qui sait ?

La Slovénie a mis en place un vaste programme d'interception des trafics illégaux et des centaines de passeurs sont déjà hébergés dans les quelques prisons slovènes. Mille euros pour un passage à travers la République jusqu'à la frontière italienne. À quelques reprises, la police slovène a poursuivi des camionnettes jusqu'à la frontière italienne et des arrestations rocambolesques ont été effectuées dans la banlieue de Trieste. Il y a ensuite les patrouilles mixtes italo-slovènes le long des chemins et la pratique illégale des réadmissions informelles, qui sont la manière bureaucratique de dire qu'ici on ne peut pas passer, que chaque migrant doit repartir en Bosnie, sans protection, sans droits. Ces cinq personnes semblent être arrivées par leurs propres moyens, loin des routes principales, à travers les bois. Après la descente, il y a le village. L'école primaire, la caserne des carabiniers, le monument aux partisans... C'est le matin, une petite agitation de personnes qui se rassemblent sur la place jusqu'au bar, qui vient de cuire du pain et des strudels et commence à servir du café et des cappuccinos.

Dans le bar, tout le monde parle slovène car les communes autour de Trieste abritent la majorité de la communauté slovène, mais il suffit de dire « buongiorno » au lieu de « doberdan » pour que tout le monde passe à l'italien. Ils ont vu ces cinq garçons passer. « C'est normal, très normal, du moins en été ; ces jours-ci, c'est bizarre, on n’en a pas vu depuis un moment. La traversée des Balkans est devenue une tâche presque impossible. Ils sont toujours passés par ici : cette frontière a vu des gens arriver par les chemins depuis des dizaines d'années ».