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28/07/2022

GIDEON LEVY
Israël peut-il sonner les cloches à la Russie en matière d’occupation et de crimes de guerre ?

 Gideon Levy,  Haaretz, 28/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Parfois, la fête est terminée, même lorsqu'il semble qu'elle pourrait durer éternellement. Il en va de même pour Israël, qui a porté l'art du jonglage à des sommets jamais atteints auparavant. Il ne danse pas seulement à deux mariages - mais à tous - en même temps, tout en réussissant à ne pas tomber, jusqu'à ce qu'il tombe.

Des manifestants devant l'ambassade de Russie à Tel Aviv, au début de cette année. Photo : Ariel Schalit/AP

C'est ainsi qu'Israël a dansé la danse de la démocratie et du monde libre pendant des décennies, malgré l'existence d'une dictature militaire brutale dans son arrière-cour. C'est ainsi qu'il a jonglé ces derniers mois entre la Russie et les USA. Il s'avère maintenant qu'il est impossible d'avoir le meilleur des deux mondes pour toujours. Parfois, la fête est finie - et c'est peut-être mieux ainsi.

Certes, les USA auraient supporté n'importe quoi de la part d'Israël, mais pas la Russie. Washington pardonne tout à Israël, même le fait de tourner le dos à l'Occident en temps de crise. Tous les crachats qu'Israël lance aux demandes des USA sont reçus à Washington comme une pluie bénie. En ce qui concerne les USA, les murmures d'Israël et son attitude hésitante face à la guerre en Ukraine ne méritaient pas un haussement de sourcil. L'Europe a également pardonné - mais ensuite, M. Moralité internationale, Yair Lapid, s'est levé. En tant que ministre des Affaires étrangères, il a produit d'autres bruits - qui sonnaient plus agréablement aux oreilles des USAméricains. La Russie s'est réveillée, comment ne pas le faire, et maintenant Jérusalem craint sa fureur.

Les menaces de la Russie ressemblent en fait à des promesses. La fermeture de l'Agence juive pour Israël en Russie et la fin des bombardements en Syrie pourraient très bien constituer des évolutions positives, même pour Israël. Tout a déjà été dit sur la fermeture de l'Agence juive : assez de subversion et d'encouragement à l'immigration inutile. Cependant, les bombardements sans contrainte en Syrie, comme s'il s'agissait d'un État vassal sous souveraineté israélienne, pourraient également se terminer très mal.

Lorsque le Hezbollah envoie un ballon, Israël hurle au monde entier à la violation de sa sacrosainte souveraineté. Pourtant, personne n'ose ouvrir la bouche devant la chutzpah des bombardements en Syrie et l'arrogance des vols dans le ciel du Liban. Peut-être la Russie mettra-t-elle un terme à tout cela. Cela ne nuira pas nécessairement à la sécurité d'Israël, comme le prétendent les marchands de peur, car ces attaques pourraient un jour entraîner une riposte. Cela pourrait conduire à une détérioration dont il est difficile de voir la fin. Si la Russie insiste pour fermer le ciel syrien, les meilleurs pilotes du monde seront un peu moins occupés, à leur grand regret, mais Israël sera un endroit plus sûr.

Aujourd'hui, certains appellent Israël à adopter une ligne politique plus morale dans son attitude vis-à-vis de la guerre en Ukraine, après que nous avons déjà perdu la Russie, semble-t-il. Cet appel est également problématique. Israël a-t-il le droit de prêcher la moralité à un autre pays qui ne respecte pas le droit international et ignore les appels de la communauté internationale ? Israël a-t-il le droit de s'élever contre les crimes de guerre et les actes d'occupation ? Avec quelle autorité morale ?

Israël est-il autorisé à participer à des sanctions contre une nation occupante à un moment où lui-même - un occupant - qualifie d'antisémitisme tout appel à des sanctions à son encontre ? Après tout, Lapid, qui a changé d'attitude concernant la guerre en Ukraine, est l'un des adeptes de la doctrine selon laquelle Israël peut tout faire et les autres nations ne peuvent pas le critiquer, car toute intervention de ce type relève de la haine des Juifs. Va-t-il maintenant prêcher à la Russie ? À propos de quoi ? De l'occupation et des crimes de guerre ?

Nous sommes maintenant au bord du précipice, et cela doit nous faire réfléchir. Israël a essayé de profiter de tous les mondes et a réussi à les perdre presque tous. L'Ukraine et la Russie sont furieuses contre Israël dans la même mesure. Alors que l'Europe et les USA ont montré leur meilleur côté, Israël s'est tenu à l'écart. Et la Russie, qui espérait qu'Israël la récompenserait pour le ciel ouvert en Syrie et la liberté de l'Agence juive de continuer ses petites affaires en Russie, a souffert d’une déception.

Mais la Russie a encore une consolation : Israël, le chouchou de l'Occident, ressemble beaucoup plus dans ses actions à la Russie qu'à ses admirateurs en Occident. La Russie est plus forte et plus brutale, et Vladimir Poutine est plus dictatorial, mais Israël sait très bien pourquoi il ne s'est pas prononcé contre la Russie : ils sont presque jumeaux.

25/07/2022

ANSHEL PFEFFER
Le problème de l'Agence juive en Russie a commencé bien avant la guerre en Ukraine

Anshel Pfeffer, Haaretz, 25/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Un président, Isaac Herzog, doit certainement porter une part de responsabilité dans l'expulsion potentielle de l'Agence de Moscou. La question est de savoir si un autre président, Vladimir Poutine, a été impliqué dans cette affaire.

Sur cette photo du 6 décembre 2012, un employé de l'usine de porcs Mizra pose avec une tête de porc dans un entrepôt réfrigéré du kibboutz Mizra, dans le nord d'Israël. La communauté d'immigrés de l'ex-URSS, forte d'un million de personnes, a augmenté la demande des clients pour le porc, un aliment non casher rarement consommé par les Juifs israéliens. Photo Oded Balilty/AP

Les médias israéliens se sont empressés de présenter la décision du gouvernement russe de fermer les opérations de l'Agence juive sur son territoire comme des représailles au soutien apporté par Israël à l'Ukraine. Cette interprétation pose un certain nombre de problèmes.

Premièrement, le soutien d'Israël à l'Ukraine a été au mieux tiède. Israël a refusé toutes les demandes ukrainiennes d'armes, interdisant même aux autres pays de lui fournir leurs propres armes de conception israélienne. Israël ne s'est pas non plus associé aux sanctions occidentales contre la Russie et n'a pas non plus, à quelques exceptions près, critiqué l'invasion de la Russie et ses crimes de guerre en Ukraine.

En outre, les problèmes de l'Agence juive avec la bureaucratie russe ont commencé bien avant l'invasion, il y a cinq mois, et il n'y a aucune raison de supposer qu'elle fait l'objet d'un traitement plus sévère que la plupart des organisations étrangères qui ont été soit fermées, soit sérieusement entravées dans leurs opérations en Russie.

En fait, l'Agence a eu la vie plus facile que la plupart des autres organismes étrangers. Il n'est guère surprenant que la Russie de Vladimir Poutine ne voie pas d’un bon œil toute organisation encourageant les citoyens russes à émigrer.

Dans le dédale des lois et règlements russes, et leur application inégale par les autorités, l'Agence a toujours eu la possibilité de se mettre à dos les fonctionnaires à différents niveaux. En fait, ces choses se sont produites plus d'une fois dans le passé, mais elles ont toujours été résolues discrètement en coulisses. Dans le cas présent, les choses ont échappé à tout contrôle et se sont aggravées en grande partie à cause de l'absence d'une direction professionnelle à l'Agence.

24/07/2022

GIDEON LEVY
Allez Israël, encore un effort pour devenir un pays normal !

Gideon Levy, Haaretz, 24/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le ministère russe de la Justice a demandé la liquidation de la branche russe de l'Agence juive pour Israël [ha-Sokhnut ha-Yehudit le-Eretz-Israel], une organisation à but non lucratif qui promeut l'immigration en Israël, selon un tribunal de Moscou. Le site Internet du tribunal de district de Basmanny indique que le ministère a déposé la demande le 15 juillet et qu'elle sera examinée le 28 juillet. Voici le commentaire de Gideon Levy sur ce sujet -Tlaxcala

Être un pays normal : ça aussi, c’est une option. Nous pourrions commencer, par exemple, par une politique d'immigration normale, comme il est d'usage dans tout pays normal. Les critiques à l'encontre du président russe Vladimir Poutine pour son intention de mettre un terme aux activités subversives d'Israël contre son pays - intentions qui sont incommensurablement justifiées - montrent que le chemin vers la normalité est encore long et ardu. Tant qu'Israël conservera la mentalité selon laquelle "tout nous est permis" et "nous ne sommes pas comme les autres pays", le chemin vers la normalité sera infiniment plus long.

Et voici une autre preuve qu'il n'y a pas de différence entre un gouvernement israélien et le suivant : une question qui est intouchable quel que soit le gouvernement au pouvoir est le caractère sacré de la politique d'immigration d'Israël. Et si l'on accorde à la Loi du retour la primauté parmi les lois, la politique d'immigration est la dernière des questions qui serait débattue.

En cherchant à mettre un terme aux opérations de l'Agence juive pour Israël dans son pays, Poutine a cherché à mettre un terme à l'intervention d'un pays étranger dans les affaires intérieures de la Russie. Il n'est pas difficile de deviner ce qui se serait passé si Varsovie avait ouvertement tenté d'envoyer des émissaires de l'establishment polonais en Israël pour encourager les anciens Juifs polonais et leurs descendants à retourner en Pologne. Mais lorsqu'il s'agit des efforts d'Israël, tout va bien.

Il est clair que Poutine devra revenir sur sa demande, car l'establishment juif est plus fort, mais nous n'avons pas besoin de Poutine pour demander non seulement de quel droit mais aussi dans quel but Israël poursuit ses activités là-bas. Pourquoi Israël doit-il s'ingérer dans d'autres pays pour tenter de recruter, d'amadouer, de soudoyer ou de convaincre des Juifs, des demi-Juifs ou des quarts de Juifs d'immigrer ici ?

Quel est le but de tout ce réseau hypertrophié d'émissaires dans le monde ? À quoi servent tous ces ridicules programmes Birthright et Masa alors qu'il est clair qu'il n'y a plus de place ici ?