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11/11/2024

GIANFRANCO LACCONE
Valence : la fin de la société industrielle

Gianfranco Laccone, Climateaid, 8/11/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Parmi les nombreuses images de la situation tragique de Valence, l’une d’entre elles m’a frappé par sa valeur symbolique. Il s’agit d’un amoncellement de voitures entre les immeubles, dans une étroite rue en pente de la ville espagnole ; empilées au hasard, comme si elles avaient été entassées dans une grande casse automobile, précédées et entremêlées de poubelles, elles sont regardées avec incrédulité, étonnement et résignation par les personnes qui se trouvent à sa base. Mais il s’agissait en fait de voitures neuves, garées le long des rues de la ville et entraînées vers le bas par la furie de l’eau qui s’était abattue pendant quelques heures et qui, en une seule journée, avait dépassé la quantité d’eau qui, en règle générale, tombe en un an.

Je dis « en règle générale », mais la règle n’est plus respectée désormais, sauf, approximativement, dans la quantité totale de précipitations qui, dans la zone méditerranéenne, arrivent sous des formes différentes que par le passé : peu de neige (mais quand elle arrive, elle est abondante), beaucoup de fortes pluies (qui mouillent souvent les gens plus par le bas que sur la tête en raison de la force avec laquelle elles tombent), beaucoup de grêle et de nombreux phénomènes divers tels que des tornades, des ouragans, des éclairs en quantités jamais vues auparavant.
Les images sont frappantes parce qu’elles concernent la destruction des signes de « notre » civilisation occidentale: voitures, autoroutes, supermarchés avec garages souterrains, villes couvertes de béton et d’asphalte, systèmes d’alerte électronique, la structure de la gouvernance. Tout ce qui a explosé en Espagne n’était pas « arriéré » et un vestige d’un système économique industriel obsolète ; au contraire, c’était le fruit de ce que notre civilisation a de mieux à offrir, y compris le mécanisme de consommation des services liés à notre vie. Progressivement, nos villes (l’Espagne n’est pas différente de l’Italie ou de l’Allemagne) ont abandonné la construction de services sociaux (hôpitaux, écoles, administrations) pour devenir des centres de repos (immenses quartiers dortoirs) et de tourisme de consommation rapide. Ce ne sont plus les vacances de la bourgeoisie naissante du XVIIIe siècle que Goldoni décrivait dans sa Trilogie de la villégiature, mais les vacances au pas de course que l’on prend le week-end, en dormant dans les chambres d’hôtes qui ont remplacé les maisons des centres historiques en provoquant la « gentrification » (transformation des quartiers populaires des centres historiques en structures haut de gamme ou commerciales) ou encore dans les bus verts phosphorescents qui sillonnent l’Europe de long en large.

Pour en revenir à la catastrophe espagnole, conséquence évidente du changement climatique, elle n’est pas très différente des catastrophes italiennes de ces dernières années, si ce n’est par l’ampleur des dégâts et des morts. En outre, la faible ampleur des catastrophes italiennes étaient dues au hasard, à la nature pédoclimatique des localités touchées, à la structure hydrographique et à la répartition de la population, et non aux structures socio-économiques existantes. En effet, il y a le paradoxe que les forces politiques de gouvernement - centrales et locales - des deux États, inversement réparties, ont accumulé le même échec et montré la même incapacité à « prévoir » et à « gouverner » le désastre. S’il n’était pas tragiquement criminel Si l’attitude des fascistes espagnols cassant des voitures et en tabassant des dirigeants n’était pas tragiquement criminelle, elle serait risible : qu’ont fait leurs petits copains du gouvernement central en Italie ? Ont-ils été beaucoup plus capables ? Ont-ils changé les choses maintenant qu’ils gouvernent ce pays ? En réalité, l’idéologie industrialiste qui guide nos élites (qu’elles soient de gauche ou de droite) est la même et elle est en faillite.
L’industrie et ses institutions : les associations professionnelles, les syndicats, les coopératives, les structures - étatiques ou privées - qui guident l’éducation, la santé, les secours et les urgences, ont toutes échoué, et en substance ce n’ était pas leur faute. Il est désormais clair que la catastrophe de 2005 USA - les inondations en Louisiane causées par l’ouragan Katrina, avec 1 392 morts et 125 milliards de dollars de dégâts - malgré la responsabilité considérable de l’administration Bush, n’était que partiellement due à l’incapacité administrative et à l’idéologie économique particulière qui croyait au progrès illimité fourni par le marché. La réalité d’aujourd’hui confirme l’incapacité de toute idéologie (socialiste ou capitaliste) à avoir une relation positive avec l’environnement, puisqu’elles placent l’industrie et le marché (social ou du capital) au-dessus de la relation de coopération entre les êtres vivants, du respect de leurs différents besoins, de la prise en compte des temps et des modes de relation avec la Nature. Nous avons déjà écrit que les eaux ont leur propre chemin et que leur respect est un impératif, indépendant de notre époque et de nos structures sociales. 


Ce n’est pas un hasard si l’une des vidéos sur la catastrophe espagnole montre la petite ville d’Almonacid de la Cuba sauvée des eaux par un barrage construit en bordure de la localité pendant l’empire romain, il y a deux mille ans (et qui, heureusement, n’a pas été démoli au cours des siècles suivants).

De plus, les connaissances que nous acquérons ne nous ouvrent pas les yeux sur situation réelle. Le phénomène de la DANA (Depresión Aislada en Niveles Altos - dépression isolée à niveau élevé, ou gouttefroide), que j’avais déjà mentionné en parlant des inondations en Romagne dans un article précédent (ici) est bien connu, à tel point qu’il est expliqué avec des mots simples, accessibles même aux administrateurs, dans un spectacle amusant de Giobbe Covatta « 6 degrés » qui présente ironiquement l’effet de l’augmentation future de la température de notre planète. L’Agenda 2030 a été créé dans le but d’éviter ou au moins de réduire tout ce qui est en train de se produire.
Il n’y a pas de solutions alternatives, les politiques foncières doivent être modifiées et nous devons dire adieu au symbole du progrès : la voiture alimentée par des combustibles fossiles. Comment construire cet avenir ? Il y a une image qui, au milieu de la douleur, nous redonne de l’optimisme : face à la situation d’abandon que tant de vivants (hommes et animaux) ont vécue en Espagne, en Italie, au Maroc, au Bangladesh, face au pillage auquel certains ont été tentés de se livrer, il y a des milliers d’hommes (et d’animaux) qui ont travaillé en coopération ; équipés d’outils rudimentaires, ils ont œuvré pour sauver et reconstruire. Les anges de la boue que nous avons vus à Florence après les inondations de 1966 ont été vus en Romagne et à Valence, et opèrent dans un esprit de coopération dans toutes les autres parties du monde, ridiculisant les énormes progrès technologiques qui sont censés changer nos vies, mais qui en réalité ne les améliorent en rien.
Soixante ans plus tard, ce sont toujours les mains, la pelle et l’esprit de solidarité qui donnent de l’espoir au monde.


 


04/06/2024

JAMIL CHADE
Le changement climatique double le risque d'inondations dans le Rio Grande do Sul

 Jamil Chade, UOL, 3/6/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Une étude internationale indique que le changement climatique a doublé le risque d'inondations dans le Rio Grande do Sul, confirmant le rôle de la transformation de la planète dans la survenue de l'événement extrême enregistré au Brésil.



Inondations à Porto Alegre, Rio Grande do Sul, le 5 mai 2024. Photo Ricardo Stuckert / PR

Ces conclusions interviennent à un moment où une vague de fake news commence à déferler, niant que le chaos climatique que connaît la planète ait un quelconque impact sur le volume des précipitations dans le Sud du Brésil.

L'étude confirme que le phénomène El Niño a joué un rôle important dans l'intensification des pluies et que le manque d'investissement a également augmenté l'ampleur du drame, mais elle prévient que c'est le réchauffement de la planète qui a permis à l'événement extrême d'avoir plus de chances de se produire.

L'étude a été menée par 13 chercheurs du groupe World Weather Attribution, dont des scientifiques d’universités, d'organismes de recherche et d'agences météorologiques du Brésil, des Pays-Bas, de Suède, du Royaume-Uni et des USA. Certains des participants au processus travaillent en collaboration avec le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies (GIEC).

Des représentants de l'Imperial College London, de l'Université fédérale de Santa Catarina, de l'Institut national de recherche spatiale (INPE), de l'Institut météorologique royal des Pays-Bas et de l'Université de Princeton, entre autres, ont participé à l'enquête.

Selon le rapport, « pour comprendre l'effet du réchauffement d'origine humaine sur les inondations, les scientifiques ont analysé les données météorologiques et les modèles climatiques afin de comparer l'évolution de ces types d'événements entre le climat actuel, avec un réchauffement global d'environ 1,2 °C, et le climat préindustriel plus froid, en suivant des méthodes évaluées par des pairs ».

« Entre le 26 avril et le 5 mai 2024, de fortes pluies dans le Rio Grande do Sul ont provoqué d'importantes inondations qui ont touché plus de 90 % de l'État », expliquent les chercheurs.

 

Aperçu des inondations dans le Rio Grande do Sul , pour la période du 10 au 16 mai 2024. Source : OCHA

Pour eux, les fortes pluies représentent un événement extrêmement rare, qui ne devrait se produire qu'une fois tous les cent à 250 ans dans le climat actuel.

« Cependant, sans l'effet de la combustion des énergies fossiles, cet événement aurait été encore plus rare. En combinant les observations météorologiques et les résultats des modèles climatiques, les chercheurs ont estimé que le changement climatique a rendu l'événement deux fois plus probable et environ 6 à 9 % plus intense ».

Rapport du groupe World Weather Attribution

Selon les chercheurs, ces phénomènes deviendront « plus fréquents et plus destructeurs » à mesure que le réchauffement s'accentuera.