Affichage des articles dont le libellé est Gauche sioniste. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Gauche sioniste. Afficher tous les articles

04/08/2025

David Grossman : misère du sionisme de gauche
“Notre cœur est au bon endroit : il bat dans une réalité qui est sans cœur”

Le 1er août, le quotidien italien la Repubblica a publié un entretien avec l’écrivain David Grossman reconnaissant qu’Israël est en train de commettre un génocide à Gaza. Les médias francophones se sont contentés de publier une dépêche de l’Agence France-Presse résumant le contenu de l’entretien. Il nous a semblé utile de le traduire in extenso pour que tout un chacun comprenne l’état d’esprit lamentable dans lequel se trouve une grande partie de la vieille “gauche sioniste” censée être pacifiste. On lira, après l’entretien, le commentaire d’un blogueur militant italien.-FG, Tlaxcala


David Grossman : “À Gaza, c’est un génocide, ça me brise le cœur, mais je dois le dire maintenant”

Francesca Caferri, la Repubblica, 1/8/2025

« Pendant de nombreuses années, j’ai refusé d’utiliser ce mot. Mais aujourd’hui, après les images que j’ai vues, ce que j’ai lu et ce que j’ai entendu de la bouche de personnes qui étaient là-bas, je ne peux plus m’empêcher de l’utiliser », explique l’écrivain israélien.

Entre le moment où nous avons pris contact pour cette interview et le moment où elle a effectivement eu lieu, soit moins de 24 heures, 103 personnes sont mortes à Gaza : 47 alors qu’elles tentaient d’accéder à l’aide alimentaire, sept de faim, les autres lors de différentes opérations militaires israéliennes. David Grossman a lu, comme moi, les chiffres publiés dans Haaretz : c’est de là que part cette conversation. Elle est dictée, nous explique-t-il, par un sentiment d’« inévitabilité. Je ressens une urgence intérieure de faire ce qui est juste, et c’est le moment de le faire, explique-t-il. Parfois, on ne parvient à vraiment comprendre les choses qu’en en parlant ».

Commençons par les chiffres : quand vous lisez les chiffres des morts à Gaza, que pensez-vous ?

« Je me sens mal. Même si je sais que ces chiffres sont contrôlés par le Hamas et qu’Israël ne peut être le seul responsable de toutes les atrocités dont nous sommes témoins. Malgré ça, lire dans un journal ou entendre dans des conversations avec des amis en Europe l’association des mots « Israël » et « famine » ; le faire en partant de notre histoire, de notre prétendue sensibilité à la souffrance humaine, de la responsabilité morale que nous avons toujours dit avoir envers chaque être humain et pas seulement envers les Juifs... tout ça est dévastateur. Et ça me trouble : non pas d’un point de vue moral, mais personnel. Je me demande : comment avons-nous pu en arriver là ? À être accusés de génocide ? Le simple fait de prononcer ce mot, « génocide », en référence à Israël, au peuple juif : cela suffirait, le fait qu’il y ait cette association, pour dire qu’il se passe quelque chose de très grave. Un juge de la Cour suprême israélienne a dit un jour que le pouvoir corrompt, et que le pouvoir absolu corrompt absolument. Et voilà, c’est ce qui nous est arrivé : l’occupation nous a corrompus. Je suis absolument convaincu que la malédiction d’Israël est née avec l’occupation des territoires palestiniens en 1967. Les gens en ont peut-être assez d’en entendre parler, mais c’est ainsi. Nous sommes devenus très forts sur le plan militaire et nous avons succombé à la tentation générée par notre pouvoir absolu et l’idée que nous pouvons tout faire ».

Vous avez utilisé le mot interdit : « génocide ». Dans un article publié il y a quelques jours dans Haaretz, la juriste israélienne Orit Kamir a qualifié ce qui se passe à Gaza de « trahison des victimes de l’Holocauste ». Dans le New York Times, l’historien israélien Omer Bartov a écrit : «Je suis un spécialiste du génocide. Quand j’en vois un, je le reconnais Un génocide est en cours à Gaza ». Êtes-vous d’accord ?

« Pendant des années, j’ai refusé d’utiliser ce mot : « génocide ». Mais aujourd’hui, je ne peux plus m’empêcher de l’utiliser, après ce que j’ai lu dans les journaux, après les images que j’ai vues et après avoir parlé à des personnes qui étaient là-bas. Mais vous voyez, ce mot sert principalement à donner une définition ou à des fins juridiques : moi, je veux parler en tant qu’être humain né dans ce conflit et dont toute l’existence a été dévastée par l’occupation et la guerre. Je veux parler en tant que personne qui a fait tout ce qu’elle pouvait pour ne pas en arriver à qualifier Israël d’État génocidaire. Et maintenant, avec une immense douleur et le cœur brisé, je dois constater que cela se passe sous mes yeux. « Génocide ». C’est un mot qui fait l’effet d’une avalanche : une fois prononcé, il ne fait que grossir, comme une avalanche justement. Et il apporte encore plus de destruction et de souffrance.

Où allons-nous à partir de là ?

« Nous devons trouver un moyen de sortir de cette association entre Israël et le génocide. Tout d’abord, nous ne devons pas permettre à ceux qui ont des sentiments antisémites d’utiliser et de manipuler le mot « génocide ». Ensuite, nous devons nous poser la question suivante : sommes-nous capables, en tant que nation, sommes-nous assez forts pour résister aux germes du génocide, de la haine, des massacres ? Ou devons-nous nous abandonner au pouvoir que nous confère le fait d’être les plus forts ? J’entends des gens comme Smotrich et Ben Gvir (deux ministres israéliens d’extrême droite, ndlr) dire que nous devons reconstruire des colonies à Gaza : mais que disent-ils ? Ne se souviennent-ils pas de ce qui se passait quand nous étions là-bas, avec le Hamas qui tuait des centaines de civils israéliens, des femmes et des enfants, sans que nous puissions les protéger ? Nous n’avons pas quitté Gaza par générosité, mais parce que nous ne pouvions pas protéger notre peuple. La grande erreur des Palestiniens est qu’ils auraient pu en faire un endroit prospère : au lieu de cela, ils ont cédé au fanatisme et l’ont utilisé comme rampe de lancement pour des missiles contre Israël. S’ils avaient fait un autre choix, cela aurait peut-être poussé Israël à céder également la Cisjordanie et à mettre fin à l’occupation il y a des années. Au lieu de cela, les Palestiniens n’ont pas su résister à la tentation du pouvoir : ils nous ont tiré dessus, nous leur avons tiré dessus et nous nous sommes retrouvés dans la même situation. Si nous avions été plus mûrs politiquement, plus courageux, la réalité aurait pu être complètement différente. »

Pourquoi n’y a-t-il pas des millions de personnes dans les rues en Israël pour mettre fin à tout cela ? La faim, les massacres... Pourquoi n’y a-t-il toujours qu’une minorité du pays dans les rues ?

« Parce qu’il est plus facile de ne pas voir. Et il est très facile de céder à la peur et à la haine. Encore plus après le 7 octobre : vous étiez ici à cette époque, vous pouvez comprendre quand je dis que ça a été horrible, beaucoup de gens ne comprennent toujours pas ce que ça a signifié pour nous. Beaucoup de personnes que je connais ont abandonné depuis ce jour-là nos valeurs communes de gauche, ont cédé à la peur ; et soudain, leur vie est devenue plus facile, ils se sont sentis acceptés par la majorité, ils n’ont plus eu besoin de réfléchir. Sans comprendre que plus on cède à la peur, plus on est isolé et détesté en dehors d’Israël. La vie est l’histoire que nous nous racontons : ça vaut pour tout le monde. Mais quand on est Israël, entouré de voisins qui ne veulent pas de vous dans cette région, comme la Syrie, et qu’on commence à perdre le soutien de l’Europe, l’isolement s’accroît et on se retrouve dans un piège de plus en plus profond, dont il est difficile de sortir. Au contraire, vous risquez de ne pas pouvoir en sortir ».

Le silence de la majorité risque d’emporter tout le monde sans distinction, Israéliens et Juifs, y compris ceux qui ne sont pas d’accord. Vous savez ce qui s’est passé ces derniers jours dans un restaurant Autogrill près de Milan [un touriste français juif y aurait été agressé, NdT], puis il y a eu le navire qui n’a pas été autorisé à accoster en Grèce. Des artistes et des écrivains israéliens ont vu leurs invitations à l’étranger annulées pour avoir critiqué le gouvernement : pensez-vous que cela puisse vous arriver aussi ?

« Bien sûr que j’y pense : ce serait le signe des temps dans lesquels nous vivons. Ce serait regrettable. Mais cela ne m’empêchera pas de dire ce que je pense : je crois qu’il est essentiel d’écouter des idées comme les miennes en ce moment. Pour Israël et pour ceux qui aiment Israël ».

Vous avez dit que tout a commencé avec l’occupation. Vous l’avez écrit dans « Le Vent jaune », en 1987. Parlons de la Cisjordanie à l’époque : en Europe, on parle encore de deux États, mais il suffit de sortir de Jérusalem pour voir qu’il n’y a plus, physiquement, de place pour deux États. Les colonies sont en train de manger la terre des Palestiniens...

« Je reste désespérément fidèle à l’idée de deux États, principalement parce que je ne vois pas d’alternative. Ce sera complexe et nous devrons, tout comme les Palestiniens, faire preuve de maturité politique face aux attaques qui ne manqueront pas de se produire. Mais il n’y a pas d’autre plan ».

Que pensez-vous de la reconnaissance de l’État palestinien proposée par Macron ?

« Je pense que c’est une bonne idée et je ne comprends pas l’hystérie qui l’a accueillie ici en Israël. Peut-être qu’avoir affaire à un véritable État, avec des obligations réelles, et non à une entité ambiguë comme l’Autorité palestinienne, aura ses avantages. Il est clair qu’il devra y avoir des conditions très précises : pas d’armes. Et la garantie d’élections transparentes dont seront exclus tous ceux qui envisagent d’utiliser la violence contre Israël ».

À la fin de cette conversation, j’aimerais vous demander de répondre à ceux – et ils sont nombreux – qui disent que vous, les intellectuels israéliens, n’avez pas dit ou fait assez pour mettre fin à ce qui se passe à Gaza.

« Je pense qu’il est injuste de s’en prendre à ceux qui ont combattu l’occupation pendant 70 ans, qui ont consacré la majeure partie de leur vie et de leur carrière à cette lutte. Lorsque cette guerre a commencé, nous étions dans un état de désespoir total, car nous avions perdu tout ce en quoi nous avions cru et tout ce que nous aimions : je pense que notre réaction lente était naturelle et compréhensible. Il nous a fallu du temps pour comprendre ce que nous ressentions et ce que nous pensions, puis pour trouver les mots pour le dire. Ceux qui cherchaient une réaction en temps réel devaient la chercher ailleurs : je parle pour moi et pour ceux que je vois chaque semaine dans les manifestations, depuis des années maintenant. Notre cœur est au bon endroit : il bat dans une réalité qui est sans cœur ».

L’aveu de Grossman sur le génocide commis par Israël est la preuve qu’Israël ne rendra jamais justice

Alessandro Ferretti, 1/8/2025

Chercheur en physique à l’Université de Turin et blogueur

L’interview de David Grossman dans laquelle le gourou du sionisme de gauche se décide enfin à admettre qu’Israël est en train de commettre un génocide n’est pas un repentir dicté par l’empathie pour les horreurs indescriptibles que sa patrie a infligées et continue d’infliger aux Palestiniens, mais un condensé d’autoréférentialité absolue, une tentative pathétique et cynique de sauver Israël des conséquences de ses crimes.

Bien qu’il avoue savoir qu’Israël commet des crimes innommables, il n’exprime jamais de douleur pour les victimes, mais seulement de l’inquiétude pour Israël et pour l’impasse dans laquelle il s’est fourré, en essayant de sauver tout ce qui peut être sauvé de l’entreprise sioniste. Cette priorité est évidente dans tous les points de l’interview : « Je veux parler comme quelqu’un qui a fait tout ce qu’il pouvait pour ne pas en arriver à qualifier Israël d’État génocidaire ». À la question « que faire », sa réponse n’est pas « arrêter le génocide et rendre liberté et justice aux victimes », mais « nous devons trouver un moyen de sortir de cette association entre Israël et le génocide. Avant tout, nous ne devons pas permettre à ceux qui ont des sentiments antisémites d’utiliser et de manipuler le mot « génocide » ».

En outre, il réitère sans vergogne des récits totalement faux et tendancieux, comme celui selon lequel le Hamas aurait eu la possibilité de transformer Gaza en un jardin des délices, et tout en se déclarant à contrecœur favorable à la solution à deux États comme « seule possibilité », il a l’arrogance d’ajouter : « Il est clair qu’il devra y avoir des conditions très précises : pas d’armes. Et la garantie d’élections transparentes dont seront exclus tous ceux qui envisagent d’utiliser la violence contre Israël ». En pratique, sa solution est un bantoustan sans défense, sous tutelle et à souveraineté limitée, présenté de surcroît comme un cadeau généreux.

En somme, si l’on pouvait auparavant justifier son attitude par le doute qu’il n’ait pas compris ce qui se passait, il est désormais malheureusement incontestable que Grossman est une personne émotionnellement lobotomisée, dépourvue d’empathie, horrible et corrompu jusqu’à la moelle, et si Grossman est représentatif de la grande majorité de l’opposition à Netanyahu, alors nous avons une nouvelle confirmation qu’il n’y a aucun espoir à court terme qu’Israël reconnaisse de lui-même ses crimes et rende leur dignité et leur indépendance aux Palestiniens. Au lieu de démontrer qu’Israël comprendra et reviendra sur ses pas, cette interview prouve le contraire : seules des sanctions politiques, diplomatiques et économiques pourront mettre fin au massacre et rétablir la justice, et le seul moyen d’y parvenir est d’agir à la base contre les gouvernements (comme celui de l’Italie) qui continuent de rendre possible l’horreur.

21/09/2023

GIDEON LEVY
Shira Eting, une tueuse bien sous tous rapports
La réserviste israélienne “parfaite” de l’émission “60 Minutes” a du sang d’enfants palestiniens sur les mains

Gideon Levy, Haaretz, 20/9/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

C’est la plus belle Israélienne que l’on puisse imaginer, tout ce que la Terre d’Israël a de bon et de beau en une seule personne. Élevée à Maccabim par un père pilote et une mère psychologue, elle est pilote d’hélicoptère de combat. Elle a étudié à Oxford et est directrice de Vintage Investment Partners [un fonds d’investissement gérant 3,5 milliards de dollars]. Elle a dirigé l’académie prémilitaire de Bnei Zion après la tragédie de 2018 au cours de laquelle neuf étudiants ont trouvé la mort dans une crue soudaine, et elle a été consultante stratégique chez McKinsey.

Shira en action (de protestation). Capture d’écran de 60 Minutes

C’est le non-sionisme le plus sioniste qui soit. Elle a 36 ans, une femme et une fille [et un chien]. Si l’on demandait à l’intelligence artificielle de trouver une femme israélienne belle et “de qualité”, on obtiendrait Shira Eting. Aujourd’hui, elle est aussi le beau visage de la protestation - une pilote et une directrice. Dans la rue Kaplan, elle a enflammé les masses : « Au moment où ils ont essayé de nous voler nos valeurs les plus importantes, nous nous sommes lancés dans la lutte de notre vie. Notre caddie est plein de liberté et d’égalité des droits », a-t-elle lancé sous les applaudissements. Comme ce public aime entendre de si belles choses sur lui-même, sur les combattants de la liberté et de l’égalité, et ce de la bouche d’une séduisante pilote de combat.

La semaine dernière, toute cette beauté a également été exposée au monde. Vêtue du T-shirt kaki de Frères et Sœurs d’armes, une organisation qui lutte pour la démocratie en Israël, la major réserviste Eting a expliqué dans un anglais soigné et avec des mots mesurés à Lesley Stahl, lors de l’émission e CBS 60 Minutes, la raison d’être de la protestation : « Si vous voulez que les pilotes puissent voler et tirer des bombes et des missiles sur des maisons en sachant qu’ils risquent de tuer des enfants, il faut qu’ils aient la plus grande confiance dans les personnes qui prennent ces décisions ».

Allez à 9:19 pour entendre la phrase fatale de la major

Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu un moment aussi succinct, l’essence de la gauche sioniste distillée en une seule phrase. Nous continuerons à tuer des enfants, mais seulement sous les ordres de gens à nous. Nous continuerons à tuer des enfants, mais seulement si Benny Gantz et Yair Lapid nous l’ordonnent. Ce sont des personnes en qui nous avons confiance, sous leur autorité, il sera moral et conforme aux principes de tuer des enfants. Il est impensable de tuer des enfants sous Benjamin Netanyahou, qui est, après tout, opposé à notre caddie qui regorge de tant de valeurs. Si Gantz-Lapid nous ordonnent de tuer des enfants, comme ils l’ont fait auparavant, alors les pilotes se présenteront au travail et le refus courageux et fondé sur des principes de servir si la norme de raisonnabilité est révoquée sera oublié comme s’il n’avait jamais existé.

Haut du formulaire

Bas du formulaiLa major Eting enfilera sa combinaison de vol, mettra son casque, montera dans son hélicoptère de combat perfectionné, qui peut diriger une bombe sur un lit superposé dans une chambre d’enfant, et bombardera entre la ville de Gaza et Rafah. Ce n’est pas seulement du sionisme, c’est aussi du féminisme israélien, bientôt dans l’unité d’opérations spéciales Sayeret Matkal, sur ordre de la Cour suprême et du chef d’état-major.

La prochaine fois qu’Eting tuera des enfants, elle le fera involontairement, bien sûr. C’est une pilote qui a une conscience. Certains seront tués par erreur et d’autres parce qu’elle n’avait pas d’autre choix. L’unité du porte-parole des forces de défense israéliennes publiera une vidéo montrant qu’Eting s’est abstenue de bombarder une maison en raison de la présence d’enfants.

Lorsque la prochaine guerre sera terminée, la major Eting viendra à nouveau sur la place de la ville et parlera avec passion de valeurs, de liberté et d’égalité. Elle sera alors à nouveau interviewée par Stahl, qui a été émue aux larmes par cette pilote pleine de principes, et lui dira combien il est plus facile de tuer des enfants sous un gouvernement de centre-gauche. Lorsqu’il ordonne aux pilotes de bombarder, ils le font sans sourciller, comme ils l’ont fait lors de l’opération "Plomb durci" (344 enfants tués) et de l’opération "Bordure protectrice" (518 enfants, dont 180 âgés de 5 ans ou moins).

Qui a tué les 180 jeunes enfants ? Eting et ses camarades. Ils l’ont fait lors de l’opération Bordure protectrice, sous la direction du Premier ministre Benjamin Netanyahu, du ministre de la Défense Moshe Ya’alon et du chef d’État-major Benny Gantz, et lors de l’opération Plomb durci, sous la direction du Premier ministre Ehud Olmert, du ministre de la Défense Ehud Barak et du chef d’État-major Gabi Ashkenazi. Cinq des six commandants de ces deux infamies, qui comptent parmi les attaques les plus barbares d’Israël, sont aujourd’hui à la tête de la protestation démocratique d’Eting. Sur leurs ordres, uniquement sur les leurs, elle tuera à nouveau des enfants. C’est ce qu’elle a dit aux téléspectateurs de “60 Minutes”, et elle est la plus belle incarnation d’Israël.

 

17/03/2023

GIDEON LEVY
Les disciples de Kahane* vivent le rêve de la droite israélienne

Gideon Levy, Haaretz, 16/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il est impossible de ne pas envier la droite israélienne pour sa fuite en avant. Voici un rêve : le centre-gauche remporte les prochaines élections et forme un gouvernement qui inclut la gauche radicale, qui donne le ton. Le nouveau Premier ministre laisse ses partenaires extrémistes dicter sa politique : sans eux, il n'a pas de gouvernement. Le nouveau gouvernement entreprend immédiatement de changer le visage d'Israël, selon des plans élaborés à l'avance. Les lois du coup d'État judiciaire sont abrogées. Rien ne peut arrêter le train en marche si ce n'est la protestation de la droite, qui est incapable de l'arrêter.

Marchandises en vente en 2016 portant le visage du rabbin Meir Kahane et les mots “Kahane avait raison”. Photo Lior Mizrahi

La Knesset adopte des lois visant à séparer la religion de l'État. En l'espace de quelques semaines, les transports publics le jour du shabbat et les mariages civils sont rendus possibles. Les lois sur la cacheroute sont annulées, de même que les allocations spéciales aux yeshivas [écoles religieuses], qui sont désormais financées comme les écoles publiques. La question des demandeurs d'asile est examinée dans le but de naturaliser la plupart d'entre eux : invoquant leur importante contribution économique et sociétale, le gouvernement fixe un quota pour l'admission des réfugiés.

Dans le même temps, le gouvernement annonce qu'il lève le blocus de la bande de Gaza. Le premier ministre se dit prêt à rencontrer les dirigeants du Hamas. Marwan Barghouti est libéré de prison et Israël autorise l'Autorité palestinienne à organiser des élections présidentielles et législatives. La droite proteste, mais le gouvernement est déterminé. La phase 2, encore plus extrême et ambitieuse, commence.

Israël annonce que, dans cinq ans, de véritables élections générales seront organisées, pour la première fois de son histoire. Toute personne possédant des papiers israéliens, qu'ils soient bleus, oranges ou verts, peut participer : une personne, une voix, du Jourdain à la Méditerranée. La ligne verte disparaît, tout comme la loi du retour. Israël adopte une politique d'immigration comme celle de la plupart des pays, basée sur des quotas et des critères transparents et égaux. La construction des colonies est complètement arrêtée jusqu'à ce qu'une politique équitable de planification et de construction soit formulée pour la Cisjordanie.

Le nouveau gouvernement déclare la libération de milliers de prisonniers palestiniens et examine la possibilité de renouer des relations diplomatiques avec l'Iran en échange de la suspension du programme nucléaire. Israël change, sous les applaudissements du monde entier. La protestation de la droite retombe lentement, après avoir compris que le gouvernement n'a pas l'intention de reculer.

Il est inutile de continuer à rêver, puisque tout cela n'arrivera pas. La gauche et le centre ne seront jamais aussi déterminés : ils n'ont jamais su ce qu'ils voulaient, et surtout ils se sont toujours déplacés vers la droite avant chaque mesure qu'ils prenaient. Leur langage était toujours celui du compromis et du maintien du statu quo. La révolution était au-delà de leurs capacités et surtout de leurs réserves de courage. “Compromis territorial” ou “compromis fonctionnel” qui n'ont jamais abouti, ou “maintien du statu quo” vis-à-vis des Haredim [juifs orthodxes]. Des petits pas mesurés qui ne visaient qu'à maintenir la situation existante qui ne cessait de se dégrader.

03/11/2022

GIDEON LEVY
Après avoir soutenu l'occupation des territoires palestiniens pendant 55 [ou 75] ans, à quoi donc la “gauche” israélienne s’attendait-elle exactement ?

Gideon Levy, Haaretz, 3/11/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

01/09/2022

GIDEON LEVY
Meretz ne doit pas faire liste commune avec le parti travailliste, aveugle à l'occupation

Gideon Levy, Haaretz, 1/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice

Avec la formation de deux listes sionistes de gauche à la Knesset, l'une pour le parti travailliste et l'autre pour le parti Meretz, il n'est plus possible de prétendre qu'il n'y a pas de différence entre eux.

Meretz a présenté une liste dans laquelle se distinguent les opposants à l'occupation, ceux pour qui la lutte est la première bannière, au-dessus de toute autre. Les travaillistes ont présenté une liste qui ne compte pas un seul opposant actif à l'occupation. Ce n'est pas une question insignifiante.

Conclusion : Les deux partis ne doivent pas se présenter ensemble, sinon la différence idéologique qui les sépare pourrait bien être occultée.

Zehava Galon (g.), Meretz et  Merav Michaeli (travaillistes)

Le prix de la dilution est plus élevé que le risque, qui n'existe presque pas, que l'un ou l'autre parti ne passe pas le seuil électoral. Les sionistes qui ne peuvent pas dormir à cause de l'occupation plus qu'autre chose, et qui croient encore au mensonge des deux États, ont voté pour Meretz. Ceux qui se considèrent de gauche, pour qui l'occupation est une question épuisante, importante mais pas cruciale, « on-veut-bien-deux-États-mais-yapadepartenaire », ont voté pour le parti travailliste. Ces deux approches ne doivent pas être combinées. Il n'y a pas de place dans le petit camp mourant de la gauche sioniste pour plus de goulasch, même si le désir du cœur est l'existence d’une gauche non sioniste en Israël.

Il est difficile de comprendre pourquoi c'est Meretz qui appelle à l'unité. Il serait plus approprié pour les travaillistes de faire tout leur possible pour s'unir, comme ils l'ont toujours fait. De mélanger le Mapai avec Ahdut Ha'avoda, les deux avec Rafi, les travaillistes avec le Mapam, malgré toutes les différences. On peut dire à la décharge de la lideure travailliste Merav Michaeli qu'elle voit les différences. À son détriment, on peut dire qu'elle fuit ces différences comme le feu. L'aspiration de Meretz à une fusion découle de la peur de l'échec et de l'impression de faire passer les intérêts du parti avant les intérêts nationaux, mais c'était censé être l'héritage du Meretz précédent. Avec Zehava Galon à sa tête, Mossi Raz en deuxième position et Gaby Lasky en sixième position - trois personnes qui ont passé leur carrière d'une manière qui suscite l'admiration pour la lutte contre l'occupation - Meretz n'a pas à rougir de son caractère unique, et il doit le préserver par tous les moyens. S'il s'associe aux travaillistes, Meretz perdra son image, qui a finalement été rajeunie. 

En revanche, les travaillistes présentent une liste de personnes aveugles à l'occupation. Aucun de ses candidats ayant une chance réaliste d'être élu à la Knesset ne sait quoi que ce soit de l'occupation, de son aspect de près et de son caractère criminel et maléfique. L'occupation ne les intéresse même pas. Il se peut que la dernière visite de Michaeli en Cisjordanie remonte à l'époque où nous sommes allés ensemble dîner dans le village de Ramin en l'honneur du plus ancien détenu administratif de l'époque, Osama Barham. Un quart de siècle s'est écoulé depuis lors. Aujourd'hui, elle et son parti n'ont pas un mot à dire sur la détention administrative - l'emprisonnement sans charges - même lorsque l'une de ses victimes les plus courageuses est en train d’agoniser.

Meretz ne peut pas se présenter sur la même liste que ceux qui ignorent l'occupation. Il y en a plus qu'assez à la Knesset, presque tous ses membres juifs. Un Meretz qui s'unit à de tels politiciens trahira sa voie. Il l'a fait ces dernières années, et c'est une bonne chose qu'il se soit, dans une certaine mesure, remis de cela. « Naama Lazimi [travailliste, militante LGBTQ+, NdT] et ses collègues sont plus à gauche que Meretz », a écrit Nehemia Shtrasler (Haaretz, mardi), menaçant de permettre la montée de l'extrême droite au pouvoir en raison du refus de Michaeli de s'unir à Meretz. Pour Shtrasler, la gauche, c'est d'abord et avant tout le mouvement syndical, pas l'occupation. Même l'éditorial du Haaretz de lundi encourageait Michaeli à accepter la fusion, mettant en garde contre une "tragédie politique" - le retour de Benjamin Netanyahou au pouvoir.

Pour les amateurs du genre horreur, ce sont des considérations qui ne doivent pas être prises à la légère. Mais il y a aussi des considérations plus importantes, d'ordre idéologique. Si un parti sioniste qui combat l'occupation n'a pas sa place, même la plus petite, à la Knesset, alors il n'y a plus de gauche sioniste en Israël, elle aura été mise à mort.

Il est très difficile, voire impossible, de s'opposer à l'occupation et de rester sioniste. Il est très difficile, voire impossible, d'être un Juif non sioniste en Israël. Nous devons donner à Meretz l'infime chance de prouver que c'est possible. Si Meretz est dilué dans le parti travailliste, seuls les Arabes s'opposeront à l'apartheid - et cela montrera qu'Israël est pire que l'Afrique du Sud. Là-bas, au moins, des Blancs, dont beaucoup de Juifs, se sont battus contre le régime.    

 

14/08/2022

GIDEON LEVY
La condescendance de la gauche israélienne

 

Gideon Levy, Haaretz, 13/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Quiconque a une alternative idéologique à offrir doit combattre la droite jusqu'au bout. Quiconque a un meilleur leadership à offrir doit faire tout son possible pour se retrouver au pouvoir. Le centre-gauche israélien, malheureusement, n'a ni l'une ni l'autre. Et pourtant, il mène une guerre contre la droite dirigée par le Likoud. Cette guerre est légitime, mais elle est en grande partie fondée sur la condescendance. C'est la seule munition qui reste lorsque le carquois est vide. C'est comme ça quand il n'y a pas d'alternative idéologique ou de leadership. La condescendance est l'arme des bidonneur·ses.

Les députés du parti travailliste entourent la cheffe du parti, Merav Michaeli, après les élections primaires du parti, mardi 9 août. Photo : Moti Milrod

 Le bloc de centre-gauche n'a aucune raison, et aucune justification, pour faire preuve de condescendance envers le Likoud, de se moquer de ses représentants et de ridiculiser ses électeurs. La qualité de la liste du Likoud à la Knesset, en moyenne, n'est pas inférieure à la qualité moyenne des listes de la plupart des autres partis. Le mécanisme qui sélectionne la composition de la liste est certainement le plus impressionnant de tous les partis par son ampleur et son caractère démocratique.

La condescendance envers le Likoud est non seulement infondée, mais elle contribue également à unir et à renforcer la droite. Il n'y a rien de tel que des sentiments d'infériorité et un sentiment d'humiliation pour remplir tout un camp politique d'une juste colère contre ceux qui suscitent ces émotions.

Les insultes ouvertes et cachées qu'une grande partie des médias continue de proférer à l'encontre des Bibi-istes, des babouins ou des Likoudniks de jardin sont un combustible dont le feu ne s'éteindra pas facilement. Ils n'oublieront pas ces humiliations, tout comme ils n'ont pas oublié les humiliations du Mapai dans les années 50 et 60. La droite est au pouvoir depuis une génération, mais la lutte contre elle est toujours celle de ceux qui se considèrent supérieurs à leurs propres yeux et des gens qu'ils considèrent inférieurs à eux.

Le Likoud a organisé une primaire. Elle a été aussi correcte, populaire et démocratique qu'il est possible de le faire dans un État d'apartheid et compte tenu des marchandages politiques qui ont cours en Israël. Avant même que les votes ne soient comptés, le refrain a commencé : le parti d'un seul homme, une mauvaise liste remplie de béni-oui-oui. Il est inutile de mentionner comment les candidats sont choisis à Yesh Atid, Nouvel Espoir, Blanc-Bleu ou Yisrael Beiteinu. On peut d’ailleurs se demander comment il se fait que la règle du règne d'une seule personne de ces partis, qui a également des éléments d'un culte de la personnalité, ne suscite guère de critiques de la part des fervents de la démocratie vantée d'Israël.

Il y a autant de béni-oui-oui dans ces partis que dans le Likoud, et toute personne qui sort du rang est renvoyée sommairement. Le régime du Mapai, avec ses infâmes comités d'arrangements, était un modèle de démocratie comparé à la méthode soi-disant démocratique de sélection des candidats de Yair Lapid, Avigdor Liberman, Benny Gantz ou Gideon Sa'ar, ces guerriers déterminés contre Benjamin Netanyahou au nom du souci de la démocratie.

Le centre-gauche n'a pas non plus matière à condescendance envers le Likoud en termes d'élus. La qualité des politiciens israéliens est faible, et souvent honteuse, mais le Likoud n'a pas à rougir de la comparaison avec les autres listes. Amir Ohana est-il une figure moins impressionnante que Nitzan Horowitz ? Galit Distal Atbaryan est-elle vraiment une députée aussi ridicule qu'elle est souvent dépeinte ? En quoi est-elle pire qu'Efrat Rayten ? Et David Amsalem, en quoi est-il pire que Mickey Levy ? Et Danny Danon que Meir Cohen ? Merav Ben Ari est-elle meilleure, à tous points de vue, que Gila Gamliel ?

Si seulement nous avions des candidats plus impressionnants, sérieux et courageux sur les listes - tel est le visage de la politique israélienne - mais penser que nous avons une liste de Bibi-istes face à une liste de réformateurs, de babouins contre des démocrates, d'invertébrés contre des vertébrés est ridicule et exaspérant.

Les prochaines élections ne sont porteuses d'aucune promesse, quels que soient leurs résultats. Israël continuera sur sa lancée. Il n'y a pas lieu de prêter beaucoup d'attention aux campagnes d'épouvante anti-Likoud. Le ciel ne tombera pas. Il n'y a pas non plus de raison d'aspirer à un régime centriste. Aucune nouvelle aube ne se lèvera. Mais lorsqu'un camp est condescendant envers un autre, sans raison apparente, il dit en fait : je n'ai rien à t'offrir, à part de la condescendance. 

 

 

11/07/2022

GIDEON LEVY
Le parti de gauche sioniste Meretz a une chose ou deux à apprendre du député kahaniste Ben-Gvir

Gideon Levy, Haaretz, 10/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

C’était une soirée froide, brumeuse, silencieuse et pluvieuse à l'entrée sud de Bethléem, le 20 mars 2019. Un conducteur palestinien s'est arrêté et est sorti pour vérifier sa voiture tandis que sa femme et ses deux filles en bas âge sont restées à l'intérieur. Un soldat qui les observait du haut de son mirador protégé au bout de la route a tiré et grièvement blessé l'homme devant sa femme et ses enfants.

Une voiture avec quatre jeunes hommes revenant d'un mariage s'est arrêtée pour les aider. Trois d'entre eux ont transporté l'homme à l'hôpital tandis que le quatrième, Ahmad Manasra, un étudiant, est resté sur place pour calmer la mère et les filles terrifiées et tenter de les éloigner de la scène infernale. Le soldat a continué à tirer, visant plusieurs fois Manasra et le blessant. L'étudiant a tenté de s'enfuir, se réfugiant derrière un bloc de béton sur le bord de la route. Le soldat a continué à tirer et a touché Manasra à la poitrine à 60 mètres de distance, le tuant.


Ahmed Jamal Manasra

Au cours de l’enquête, le soldat, instructeur de tir, a admis avoir visé la poitrine de Manasra : tirer pour tuer. Une femme soldat de son unité a témoigné qu' « il avait l'air de vouloir utiliser son arme. Si quelqu'un arrivait, il lui tirait dessus et lui faisait sauter la tête. Il parlait beaucoup de vouloir tuer des Arabes ».

L'avocat Shlomo Lecker a écrit dans Haaretz (28 juin) que le soldat, T.A., a été jugé pour meurtre, ce qui est rare pour un soldat des FDI qui tue un Palestinien. Dans le cadre d'une négociation de plaidoyer, l'accusé a été condamné à trois mois de travaux d'intérêt général. Il a échappé à toute sanction réelle, en partie parce que 12 officiers supérieurs de l'armée sont venus à son secours.

L'un d'entre eux était le général major à la retraite Yair Golan, qui, par le passé, a mis en garde contre certains « processus » se déroulant dans ce pays et rappelant d'autres scènes de la mémoire juive. Dans son mémoire au tribunal, Golan a écrit que le soldat n'était pas un criminel et ne devait être accusé d'aucun crime. Lorsque Lecker a tenté de montrer à Golan qu'il se trompait, en lui présentant les preuves contre le prévenu, Golan n'a pas pris la peine de lui répondre. Golan est maintenant candidat à la direction du Meretz.

21/10/2021

GIDEON LEVY
Les deux obsessions de la gauche israélienne, et leurs conséquences

Gideon Levy, Haaretz, 20/10/2021

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L'assassinat d'Yitzhak Rabin et la haine pour Benjamin Netanyahou. Rien d'autre au monde n'occupe l'attention du centre-gauche israélien, ne le dynamise et ne l'unit, ne l'excite et ne le stimule comme le meurtre du père et la haine du successeur. Les deux obsessions majeures du camp se sont rejointes cette semaine pour n'en faire qu'une.

Le Premier ministre israélien Naftali Bennett prend la parole lors de la cérémonie de commémoration d'Yitzhak Rabin au cimetière du Mont Herzl à Jérusalem, lundi. Photo : Debbie Hill/ Pool/ Reuters

Netanyahou a choisi de ne pas assister à la cérémonie commémorative au Mont Herzl, où il a été proclamé que le "pouvoir du peuple" avait vaincu "le pouvoir d'un seul". Le peuple étant le centre-gauche et le seul, bien sûr, Netanyahou. Les éclairés et les beaux esprits ont compris la situation. Nous sommes passés de l'obscurité à la lumière, comme la famille Rabin s'en est réjouie avec les autres Israéliens. Il vaut mieux que Netanyahou ne soit pas là pour gâcher la fête.

Cela a commencé par l'allumage massif de bougies le lendemain de l'assassinat de Rabin par les jeunes, les jeunes qui ont proclamé la laideur de l'autre camp, qui marche dans l'obscurité. Ils ont sangloté sur les places de la ville.

Les bougies se sont vite éteintes, mais ceux qui les ont allumées se sont dispersés dans toutes les directions avec toute une génération qui réclamait la paix. C'est ainsi que commença le rituel qui se poursuit depuis un quart de siècle : deux fois par an, une fois à la date hébraïque et une fois à la date grégorienne, ils se réunissent, se lamentent, chantent, jurent "plus jamais ça", parlent d'un héritage dont personne n'est sûr de la signification, méprisent les droitiers et pleurent un pays qui a pourri. Ce faisant, ils se purifient et s'épurent. 

Ces cérémonies de purification sont essentielles pour le centre-gauche, qui a été écarté du pouvoir pendant la plupart des années qui ont suivi l'assassinat et qui, même lorsqu'il a été au pouvoir, n'a pas été en mesure d'apporter des changements. Pire encore, le camp de centre-gauche a perdu son chemin et en est venu à utiliser le meurtre de Rabin comme son refuge spirituel. Vous pouvez toujours être contre la violence, la haine et le meurtre - qui est pour ? Vous pouvez toujours être pour l'unité et la paix - qui s'y oppose ? Vous pouvez toujours déclarer que la mort de Rabin était la "mort de la paix". Mais quelle paix ? Où est-elle ? Pourquoi la paix est-elle morte quand Rabin est mort ?

25/07/2021

GIDEON LEVY
« Espoir ? » Le mouvement de protestation anti-Netanyahou ne s'est jamais soucié du jour d'après


Gideon Levy, Haaretz, 24/7/2021

Traduit par Fausto Giudice

Au début, j'ai cru qu'il s'agissait d'une blague : un énorme panneau a été installé sur la place Rabin : « Nous sommes l'espoir ». Sous le panneau se trouvait une « exposition de protestation », dont le titre était aussi modeste que le reste de l'affichage : « Un peuple libre sur sa propre terre ». Des piliers dorés, comme aux Oscars, mènent à une exposition de photos et de panneaux qui documentent les protestations de la rue Balfour. Au centre, la statue d'une personne et un drapeau israélien. Pas un seul cliché ne manquait, y compris des citations du Mahatma Gandhi, de l'auteur-compositeur Shalom Hanoch, du poète Natan Yonatan et d'Yitzhak Rabin. On pourrait croire qu'il s'agit d'une exposition sur la liberté tant attendue du peuple tibétain après une lutte sanglante.

Lors d'une manifestation anti-Netanyahou, une femme brandit une pancarte sur laquelle on peut lire : " Nous sommes l'espoir ". Photo Tomer Appelbaum

Et les slogans : « Nous sommes venus pour purifier » ; « Vous avez ruiné et nous réparerons » ; « Vous êtes le désespoir et nous sommes l'espoir » ; « Pas de pardon » ; « Notre heure de gloire ». La maquette d'un sous-marin portait les mots « le sous-marin de la corruption », sur une autre figuraient les mots « Navire Liberté de la Marine d’Israël », avec une litote typique. Des T-shirts de protestation étaient exposés en évidence, comme des souvenirs du débarquement en Normandie ou de la chute du mur de Berlin.