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22/02/2024

De Gaza à Malmö : la bataille de l’Eurovision Horror Show

Fausto Giudice, Tlaxcala, 22/2/2024
Versão portuguesa

Elle s’appelle Eden Golan – tout un programme – et risque d’entrer dans l’histoire comme Gaza Hell. Elle a 20 ans et a deux passeports : russe et israélien. Née à Kfar Saba, une ville israélienne édifiée sur les ruines du village palestinien du même nom, d’un père letton et d’une mère ukrainienne, elle a passé 13 ans de sa courte vie en Russie, où elle a commencé une carrière de chanteuse de variété. Elle vient d’être sélectionnée pour représenter Israël à l’Eurovision 2024, qui aura lieu en mai prochain à Malmö en Suède. Il y a de fortes chances qu’elle n’y mette jamais les pieds. Explication.

Ce sont les Islandais qui ont lancé le mouvement : en décembre dernier, la Société des Auteurs et Compositeurs (FTT), représentant 440 artistes islandais (l’Islande compte 375 000 habitants) ont lancé un appel à la RÚV, la Radiodiffusion nationale, pour qu’elle ne participe pas à lEurovision tant qu’Israël en ferait partie. Les Finlandais ont suivi : 1400 artistes ont demandé la même chose à leur chaîne publique. Les musiciens et artistes norvégiens (350), suédois (1005) et danois (300) ont lancé des appels similaires dans le courant du mois de janvier, imités par les Irlandais, dont 15 000 personnes ont signé l’appel.

C’est qu’Israël est considérée comme faisant partie de l’Europe dans divers domaines : football et autres sports, musique et autres arts. Il ne manque que le domaine politique : l’UE n’a jamais examiné la demande faite il une quarantaine d’années par le charismatique leader radical italien Marco Pannella d’accueillir Israël.

Israël a participé au concours Eurovision depuis 1973 ; elle en a été l’hôte en 1979, 1999 et 2019 et a remporté quatre fois la première place, en 1978, 1979, 1998 et 2018.

L’Union européenne de radio-télévision (UER/EBU), qui organise ce concours, a répondu la même chose à toutes demandes d’exclusion d’Israël : « LEurovision n’est pas un concours entre gouvernements, mais entre artistes. Il ne fait pas de politique ». C’est au nom de cet argument qu’elle a exclu la Russie en 2022, quelques jours après le déclenchement de l’invasion (ou de l’opération militaire spéciale, selon les goûts) de l’Ukraine. Commentant cette décision, Martin Österdahl, superviseur exécutif de lEurovision, avait déclaré : « Lorsque nous disons que nous ne sommes pas politiques, ce que nous devrions toujours défendre, ce sont les valeurs fondamentales et suprêmes de la démocratie ».

Eden Golan a été sélectionnée au cours d’un événement organisé par la Société publique de radiodiffusion israélienne (KAN), où elle a chanté I Don't Want To Miss A Thing” du groupe Aerosmith, sur une scène remplie de chaises vides représentant les Israéliens captifs à Gaza, les fameux otages qui sont au centre de la dramaturgie mise en scène par Israël. KAN a ensuite annoncé que la chanson qu’elle présenterait à Malmö avait pour titre « October Rain » [Pluie d’Octobre]. La direction de l’UER a aussitôt fait savoir qu’elle examinerait le texte de la chanson pour voir s’il avait un contenu politique, auquel cas celle-ci serait rejetée. Le ministre israélien de la Culture Miki Zohar a aussitôt qualifié cette annonce de « scandaleuse » et KAN a fait savoir qu’en cas de rejet, elle ne proposerait pas d’autre texte. De plus, Eden Golan ne participera pas à la cérémonie d’inauguration de Malmö, pour des « raisons de sécurité » et parce qu’elle coïncidera avec Yom Hachoa, le Jour de la Shoah.

Il y a donc de fortes chances qu’Israël se retrouve de fait exclu de ce grand moment de spectacle marchand qui est un véritable horror show.

Questions : si jamais Eden Golan était retenue et devait se produire sur la scène de de l’Arena de Malmö, arborant le ruban jaune de la campagne israélienne « Bring Them Home », qu’en penseraient les organisateurs de ce concours « apolitique » ? Et que pensent ces mêmes organisateurs du fait que la chanteuse s’est produite dans plusieurs grands événements en Russie, dont l’un en Crimée après son annexion (ou sa libération selon les goûts) par la Russie ? Ne devrait-elle pas être frappée par les mesures d’exclusion de la Russie de l’Eurovision ?

En attendant, la guerre des images et des discours sur tous les médias en ligne bat son plein. Et les valeureux Scandinaves continuent leur combat. Ci-dessous, des photos de deux actions devant le siège de la NRK, la radio-télévision publique norvégienne à Marienlyst (Oslo) en janvier. Les activistes ont annoncé qu’ils et elles feraient des sit-in tous les jours pour exiger de la NRK qu’elle ne diffuse pas le concours si Israël y participe.


27 janvier 2024


                                                31 janvier 2024 : “Oui à une fête populaire”

 

“Non au génocide”

 

17/07/2023

YOSSI MELMAN
Dan Arbel, l’agent du Mossad qui a essuyé les plâtres du fiasco de Lillehammer, brise le silence
Retour sur l’assassinat d’Ahmed Bouchikhi le 21 juillet 1973

Yossi Melman, Haaretz, 15/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Agent du Mossad, il a risqué sa vie au cours de multiples missions secrètes, mais il est associé à une opération qui a été très médiatisée - et très mal menée. À 85 ans, Dan Arbel n’est plus disposé à garder le silence sur l’histoire mensongère que nous avons entendue à propos du fiasco de Lillehammer, il y a exactement 50 ans.

 

Dan Arbel : « On a dit que l’opération était digne d’amateurs parce que “les agents ont rendu les voitures de location”. Mais j’avais reçu l’ordre clair de les rendre. Parfois, on ne voit pas les choses dans leur ensemble, mais on comprend que quelqu’un les voit, alors on exécute [les ordres] ». Photo : Tomer Appelbaum

Il s’agissait d’une mission vraiment bizarre, même selon les critères du Mossad. À la fin des années 1960, le Danemark, considéré comme un pionnier dans le domaine de la promiscuité sexuelle, a autorisé la publication et la diffusion de magazines pornographiques, mais en a interdit l’exportation. La demande était énorme, il y avait du fric à se faire. L’agence d’espionnage israélienne y a vu une opportunité.

Il s’agissait d’un plan créatif : faire sortir clandestinement les publications du Danemark et les vendre aux marins des navires marchands arabes, ce qui permettrait aux agents de terrain de l’agence de recruter et de collecter des informations sur les marins, leurs navires et les marchandises qu’ils achetaient et vendaient.

A l’époque, le Mossad disposait à Copenhague d’un agent capable de mettre en œuvre le plan. Il s’appelait Dan Arbel. Il avait été recruté par l’organisation en 1965. Il a été chargé de créer dans la capitale une entreprise d’import-export qui fournirait des services à travers l’Europe et le Moyen-Orient. Baptisée Viking, ce serait une société écran pour le Mossad, permettant à ses agents de pénétrer dans les pays arabes afin d’y recueillir des informations et d’y mener des opérations spéciales.

Arbel demande à un ami de jeunesse de s’associer à l’exportation des magazines. C’était illégal, mais les bénéfices étaient intéressants et l’ami  accepte. Cependant, avant que les articles ne soient expédiés du Danemark vers l’Allemagne, puis vers l’Italie, les douaniers ont eu vent de l’opération et l’ami a été arrêté. Néanmoins, Arbel lui-même réussit : des milliers de magazines sont sortis clandestinement du pays et vendus pour quelques sous aux marins et aux officiers des navires commerciaux arabes qui accostent dans les ports italiens. Au cours de l’opération, entièrement financée par le Mossad, de nombreuses informations ont été recueillies, qui ont facilité le recrutement d’agents et se sont révélées précieuses pour Israël.

Ce n’est qu’une des nombreuses opérations audacieuses auxquelles Arbel a participé au cours de ses huit années au sein du Mossad. Il a infiltré la Libye, a été détenu en Syrie, a photographié des sites d’armes chimiques en Égypte, a acheté un navire qui transportait clandestinement de l’uranium destiné au réacteur nucléaire israélien de Dimona, et bien d’autres choses encore. Cependant, aucune de ces missions n’a été rendue publique ; elles ont tout au plus été mentionnées en passant. Le nom d’Arbel n’a été lié explicitement qu’à l’affaire de Lillehammer - la mission ratée dans la ville de villégiature norvégienne qui a eu lieu il y a 50 ans ce mois-ci. L’objectif était d’assassiner Ali Hassan Salameh, une figure de proue de Septembre noir, une organisation palestinienne militante. Mais, à la suite d’une erreur d’identité, les agents du Mossad ont tué un serveur d’origine marocaine, nommé Ahmed Bouchikhi, qui résidait dans la ville. Certains membres de l’équipe israélienne ont été arrêtés et jugés en Norvège.

Arbel, un homme doux et gentil, est un héros tragique. Il a été perçu comme le responsable de l’opération ratée, parce qu’il a parlé lors de son interrogatoire par la police danoise. Aujourd’hui, à 85 ans, il veut réparer ce qu’il considère comme une erreur historique et accepte pour la première fois de donner sa version des faits.

« Pendant des années, j’ai été stigmatisé et sali parce qu’on me rendait responsable de l’échec de l’opération », explique-t-il à Haaretz. Arbel, qui a également été interviewé dans le cadre d’un nouveau documentaire israélien, Mossad and the Curse of Lillehammer [Le Mossad et la malédiction de Lillehammer], créé par Gidi Maron, Emmanuel Nakash et Noam Tepper, et récemment diffusé sur la chaîne israélienne Channel 8, ajoute : « Ma famille et moi n’avons pas réagi aux rumeurs abusives, nous avons gardé le silence ».

Suite à une erreur d’identité, les agents du Mossad ont tué Ahmed Bouchikhi, un serveur d’origine marocaine. Photo : NTB SCANPIX MAG via AFP

01/02/2023

Minéraux des fonds marins : les grandes ressources du plateau continental norvégien

Oljedirektoratet, 27/1/2023

La Direction norvégienne du pétrole (NPD) a préparé une évaluation des ressources en minéraux des fonds marins sur le plateau norvégien. Le rapport conclut que d'importantes ressources sont en place.

Pour plusieurs des métaux, les ressources minérales correspondent à de nombreuses années de consommation mondiale.

Le ministère du Pétrole et de l'Énergie (MPE) a chargé le NPD d'évaluer les minéraux des fonds marins lorsque le processus d'ouverture des activités minières a débuté en 2020.

Le MPE a la responsabilité administrative des minéraux des fonds marins, et dirige les travaux sur le processus d'ouverture. Le rapport s'inscrit dans le cadre du processus d'ouverture [voir note ci-dessous] de l'exploitation des minéraux des fonds marins.

«  Le NPD a développé une expertise depuis de nombreuses années, notamment par le biais de plusieurs expéditions. Nous avons cartographié les zones concernées, collecté des données et prélevé de grandes quantités d'échantillons de minéraux » commente Kjersti Dahle, directrice du service Technologie, analyses et coexistence.

« Dans l'évaluation des ressources, nous avons fait des estimations de la quantité des différents minéraux présents dans les fonds marins de la zone d'étude. À l'avenir, nous continuerons à renforcer la base de données et la manière dont nous évaluons ces ressources ».

Kjersti Dahle montre un échantillon de sulfure, prélevé lors de l'expédition 2020 du NPD sur la dorsale de Mohns, en mer de Norvège. Photo : Arne Bjørøen/OD

Important dans la transition énergétique

La transition vers une société à faible taux d'émission accroît le besoin de certains éléments. Ces éléments se trouvent, par exemple, dans des dépôts au fond de la mer. Ce sont des matières premières importantes pour la transition énergétique, et elles sont demandées par l'industrie.

Mme Dahle souligne que le développement technologique, associé à des données plus nombreuses et de meilleure qualité, permettra de mieux comprendre le potentiel des ressources.  

« La quantité de ressources récupérables dépend de la technologie et de l'économie. Il reste à voir si les zones s'ouvriront et si l'extraction peut être économiquement rentable ».

La collecte, la gestion et la mise à disposition des données du plateau continental norvégien est l'une des tâches les plus importantes du NPD.

Depuis 2011, le NPD collecte des données dans les zones d'eau profonde des mers de Norvège et du Groenland en collaboration avec l'Université de Bergen (UiB), et à partir de 2020 également avec l'Université de Tromsø (UiT).

Au cours de la période 2018-2021, le NPD a mené quatre expéditions pour collecter des données haute résolution sur les fonds marins des gisements minéraux les plus intéressants, en plus des opérations de forage et de la collecte d'échantillons de minéraux.

Les données de ces expéditions, complétées par les données des institutions scientifiques, constituent la base de cette évaluation des ressources.

« Nous avons une longue expérience de la cartographie du sous-sol et de l'évaluation des ressources pétrolières. Je suis heureux que nous puissions, grâce à notre expertise, contribuer à l'identification des ressources qui peuvent être importantes pour la transition énergétique », a déclaré Mme Dahle.

Sulfures et encroûtements de manganèse

Les gisements minéraux des fonds marins sont divisés en trois types : les nodules de manganèse, les encroûtements de manganèse et les sulfures [voir notes ci-dessous]. Ces trois types contiennent plusieurs métaux et se trouvent à de grandes profondeurs, principalement entre 1500 et 6000 mètres. Sur le plateau continental norvégien, des encroûtements et des sulfures de manganèse ont été découverts à des profondeurs d'environ 3000 mètres.

03/11/2022

AMIR BARNEA
Le pétrole norvégien, gros mensonge d’État

Amir Barnea, Haaretz, 20/10/2022
Traduit par Jacques Boutard, édité par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Né à Tel Aviv, Amir Barnea est professeur agrégé de finance à HEC Montréal depuis 2011 et chroniqueur indépendant pour le Toronto Star et Haaretz. Il a obtenu son doctorat de l'Université de Colomvie britannique en 2005 avec une thèse sur la responsabilité sociale des entreprises. @abarnea1

L’industrie pétrolière et gazière de la Norvège a généré une richesse inimaginable pour sa population. Est-ce vraiment de l’argent sale ? Et que peut en apprendre Israël ?

 OSLO - Au n°2, Bankplassen (Place de la Banque), dans le centre de la ville, deux portes métalliques de couleur cuivre s'ouvrent sur un hall qui n'a manifestement pas été rénové depuis des décennies. Des pétunias en pot, à la réception un employé courtois   Pas le moindre soupçon de la puissance économique gigantesque que recèle ce vieux bâtiment.

Mais je sais qu'en cet endroit même, peut-être à l’étage au-dessus, se cache une richesse d'une taille inconcevable. Pas moins d’1,4 billion - soit mille quatre cents milliards - de dollars sont gérés à partir d’ici.

Ceci est le siège [de la Banque de Norvège et] du fonds pétrolier norvégien, officiellement connu sous le nom de Government Pension Fund Global, qui est devenu, sur une période relativement courte – environ 25 ans -- le plus grand organisme d'investissement public du monde. La Norvège a une population assez faible de quelque 5,5 millions d'habitants, alors que celle des USA est 60 fois supérieure, mais le fonds norvégien représente trois fois la valeur de CalPERS (California Public Employees' Retirement System), le plus grand fonds de pension des USA.

Une plate-forme gazière offshore appartenant à une entreprise publique norvégienne. « Nous sommes tellement heureux d'avoir ce fonds pétrolier - d'où vient l'argent, personne ne veut en parler », dit la professeure Marianne Takle. Photo : Olaf Nagelhus / Equinor

La puissance du fonds norvégien peut être mieux décrite par le fait stupéfiant que cet organisme, qui investit la majeure partie de son argent dans les actions de quelque 9 000 entreprises publiques de 70 pays différents, détient près de 1,5 % des sociétés cotées dans le monde

Pour comprendre l'origine de ces incroyables richesses, il faut remonter à la veille de Noël 1969. Après trois ans d'exploration, la Norvège découvre Ekofisk, la plus grande réserve maritime de pétrole et de gaz jamais trouvée - et pour la plus grande chance du pays, ce gisement est situé juste à la limite intérieure de ses eaux territoriales, en mer du Nord. S'il se trouvait à quelques dizaines de kilomètres de là, dans quelque direction que ce soit, il appartiendrait à la Grande-Bretagne, au Danemark, à la Hollande ou à l'Allemagne. Un peu de chance n'a jamais fait de mal à personne.

Le gouvernement norvégien en 2021.
Photo : HAAKON MOSVOLD LARSEN / NTB / AF

La production de pétrole a commencé dans les années 1970. Au départ, les bénéfices étaient directement transférés à l'État, mais lorsque d'autres gisements ont été découverts, il a été décidé de créer un organisme chargé de gérer l'argent généré par les revenus de la production de pétrole et de gaz, ainsi que par les royalties et taxes qui y sont associées. Les gestionnaires du fonds ont reçu le mandat d'adopter une vision à long terme en termes d'investissements, afin de percevoir les bénéfices les plus élevés pour un risque raisonnable. Ainsi, la génération actuelle et celles à venir pourront bénéficier des richesses pétrolières de la Norvège. Le fonds souverain d'Israël, appelé “Israeli Citizens' Fund”, qui a commencé à fonctionner en juin, a été créé sur la base de principes similaires.

L'argent a commencé à affluer dans le fonds norvégien en 1996 et a été initialement investi dans de solides obligations d'État. Depuis lors, cependant, dans un processus qui a mis des années à évoluer, une proportion croissante a été canalisée vers des actions de sociétés cotées en bourse, et a généré un rendement confortable. Une structure de gestion légère, des salaires nettement inférieurs à ceux habituellement pratiqués dans ce domaine et une transparence totale ont également contribué à l'énorme succès du fonds.

Les pays scandinaves sont souvent considérés comme un seul bloc, et ils ont en effet beaucoup en commun. Mais lorsqu'il s'agit de richesse, et depuis que l'argent des plateformes pétrolières a commencé à affluer, la Norvège a fait un bond en avant, laissant ses sœurs nordiques derrière elle. Selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international, à la fin de 2022, le produit intérieur brut par habitant en Norvège s'élèvera à 99 000 dollars, soit près de 50 % de plus qu'au Danemark et 70 % de plus qu'en Suède. En fait, si l'on ne tient pas compte de petits pays comme le Liechtenstein, Monaco et le Luxembourg, la Norvège est aujourd'hui l'un des trois pays les plus riches du monde, en termes de PIB par habitant (les autres sont la Suisse et l'Irlande, qui a attiré des entreprises internationales grâce à des incitations fiscales, même si une grande partie des richesses qui en résultent ne restent pas dans le pays).

L'une des clauses concernant le Government Pension Fund Global, alias le fonds pétrolier, stipule que 3 % de sa valeur totale sont transférés annuellement au budget de l'État. En 2021, ce montant ne représentait pas moins de 20 % de ce budget. Les effets de la manne pétrolière et gazière sont partout perceptibles dans le pays.

Vous pensez que l'opéra de Sydney est luxueux ? Si vous voulez vraiment voir du luxe, montez sur le toit du grandiose opéra d'Oslo. Non loin de là, un immense musée consacré à la vie et à l'œuvre du peintre Edvard Munch a ouvert il y a un an. L'expression du visage du sujet de l'œuvre emblématique de Munch, Le Cri, traduit le choc que représente le coût de la construction du musée : 314 millions de dollars. Et comme si cela ne suffisait pas, à quelques minutes de là se trouve la nouvelle bibliothèque municipale de la capitale – construite pour un montant d'environ 250 millions de dollars –  qui a ouvert ses portes il y a deux ans. La structure est d'une beauté à couper le souffle ; son rez-de-chaussée est entièrement transparent. Selon l'un des directeurs de la bibliothèque, « en plus des 450 000 livres, vous pouvez y regarder des films avec vos amis, enregistrer des podcasts, apprendre à jouer du piano, coudre une robe et utiliser les imprimantes 3D, ou simplement jouir de la vue sur le fjord d'Oslo et de l'architecture. »

16/06/2022

AKIVA ELDAR
La Norvège va étiqueter les produits des colonies israéliennes

 

Akiva Eldar, Haaretz, 16/6/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le gouvernement norvégien a décidé de faire une distinction entre les produits originaires des territoires palestiniens occupés depuis 1967 et ceux qui se trouvent à l'intérieur des frontières de 1967, la fameuse Ligne verte. Le moment de cette décision est apparemment sans rapport avec la crise autour de l'extension de l'ordonnance réglementant le statut des colons israéliens dans ces territoires, crise qui menace désormais l'existence du gouvernement de coalition. Cependant, il existe un lien étroit entre cette ordonnance d'apartheid, dont le renouvellement de l'approbation est devenu une question de routine pour le corps législatif israélien, et la décision prise par la Norvège.


L'ordonnance israélienne en question soumet un colon juif à un système judiciaire et son voisin palestinien à un autre système, inférieur. L'ordonnance norvégienne accorde un traitement préférentiel à un agriculteur (juif et palestinien)  vivant en Israël proprement dit, qui cultive des poivrons pour gagner sa vie, tout en refusant ces avantages à son homologue israélien qui gagne sa vie en cultivant des poivrons sur un territoire occupé - ou sur une « terre d'État/publique » {« state land »] qui ne fait pas partie de l'État d'Israël.

La nouvelle loi norvégienne, comme celles déjà en vigueur dans plusieurs pays de l'Union européenne, touche à une loi qui n'est pas moins raciste et corrompue - et peut-être même plus - que l'ordonnance qui a fait la une des journaux récemment. Cette loi légitime la prise de contrôle de terres de Cisjordanie par des agriculteurs, des industriels et des entrepreneurs israéliens, leur permettant de saper une solution diplomatique tout en réalisant des profits.

La Knesset est absoute d'avoir à plusieurs reprises reconduit la loi qui régit ce vol de terres. Le sultan turc l'a fait dans une loi foncière de 1858, qu'Israël sanctifie maintenant. Pour être plus précis, Israël a donné à certaines des clauses clés de la loi une interprétation qui profite à l'occupant au détriment des résidents palestiniens.

À la différence de l'ordonnance sur la Cisjordanie, qui doit être renouvelée tous les cinq ans, l'ancienne loi n'a pas de date d'expiration. Les mots magiques de la loi, « terres publiques », passent de génération en génération, de gouvernement en gouvernement. Selon cette loi, sont « terres publiques » sont toutes les parcelles de terre dont les « indigènes » ne peuvent prouver qu'ils sont propriétaires. Comme il n'y a pas eu d'autre État en Cisjordanie au cours des 55 dernières années, l'occupant israélien s'empare de tout.

Combien de fois avez-vous entendu l'argument de réfutation : « Que voulez-vous de nous, nous n'avons rien pris à aucun Arabe ? Notre colonie se trouve sur une terre publique ». Mais Israël n'a pas annexé ces terres, et pas à cause d'un quelconque scrupule moral. Il s'est abstenu de le faire pour ne pas incorporer des centaines de milliers d'Arabes à ce territoire et pour éviter de se chamailler avec les USA. Il préfère détenir ces terres en tant que syndic et en faire ce qu'il veut.

Dans leur pure impudence, les colons de droite s'appuient sur les Accords d'Oslo pour soutenir leur affirmation selon laquelle Israël est minutieux en s'appropriant « seulement » la zone C, telle que désignée dans ces accords, qui, notons-le, comprend 60 % de la Cisjordanie. Qui se souvient que la validité du concept des zones A et B était censée expirer au cours du millénaire précédent, pour faire place à un accord permanent ?

Le droit international et la décence commune obligent le syndic - le commandant militaire dans ce cas - à préserver les « terres publiques » et à les développer au profit de la population palestinienne locale. La Cour suprême israélienne a même jugé qu'une administration militaire doit s'occuper des résidents protégés dans un territoire occupé.

Dans la pratique, la quasi-totalité des « terres publiques » sont désormais entre les mains des conseils régionaux de colons, incluses dans leur zone de compétence. Cela signifie que les Palestiniens, qui représentent 88 % des résidents de Cisjordanie, ont été empêchés a priori d'utiliser ces terres avant même qu'elles ne soient attribuées à quelqu'un d'autre pour une quelconque utilisation.

Selon les chiffres fournis par l'administration civile à La Paix Maintenant, plus d'un million de dunams, soit 100 000 hectares, ont été déclarés « terres d'État » au fil des ans. De plus, 99,76 % des terres d'État allouées pour être utilisées dans ces territoires ont été données aux colons. Les Palestiniens ont reçu 0,24 %, tout au plus. Ainsi, à l'aide d'une loi conçue à des fins impérialistes, Israël s'est emparé de la plupart des terres de Cisjordanie. Cela s'ajoute aux milliers de dunams de Jérusalem-Est, qu'Israël a expropriés des Palestiniens en utilisant la loi sur les absents. 

Après tout cela, le ministère israélien des Affaires étrangères ose réprimander les pays qui, de temps à autre, nous rappellent les méfaits de l'occupation, qui est mise en œuvre à l'aide de lois qui sembleraient naturelles dans le régime d'apartheid d'Afrique du Sud. Quelqu'un a déjà proposé de démanteler la conférence des États donateurs, que la Norvège préside, un mécanisme qui a été créé dans les années 1990 afin de soutenir le processus de paix et qui est ensuite devenu un sous-traitant de l'occupation. Une punition appropriée. Il est temps que nous commencions à payer pour notre contrôle sur des millions de personnes et pour le vol de leurs terres.