Les
diamants du Congo, taillés à Tel Aviv, Anvers et New York, financent le
génocide de la Palestine, le coltan du Congo, récolté par des enfants, entre
dans la composition des puces Intel fabriquées en Palestine occupée, à Kiryat
Gat, sur le site d’un village nettoyé ethniquement et rasé par la Brigade
Alexandroni en 1948, Iraq Al Manshiyya, malgré l’engagement, signé par les
sionistes et validé par l’ONU, de ne pas toucher à la population autochtone,
après quoi les soldats égyptiens commandés par un certain commandant Gamal
Abdel Nasser acceptèrent de se retirer de la localité.
C’est ainsi qu’on
pourrait résumer cette histoire de sang, de sueur et de larmes qui remonte aux
années 1940. Ci-dessous 2 articles éclairants sur les liaisons dangereuses
entre les maîtres du Congo/Zaïre/RDC et les chefs de file sionistes depuis
trois quarts de siècle. Qu’y faire ? L’entretien avec Carney et Belhadi,
malgré quelques approximations et omissions, offre quelques pistes, à creuser.
L’article d’Eitay Mack nous relate l’historique des relations
israélo-congolaises durant l’ascension et le règne de Joseph-Désiré Mobutu Sese
Seko.-FG
Le District du diamant dans le quartier d'affaires de Ramat Gan, près de Tel Aviv, constitué de 4 tours interconnectées par des passerelles.
Comprendre
les liens entre les génocides du Congo et de la Palestine
Le
directeur exécutif des Amis du Congo (Friends of the Congo),
Maurice Carney, et la professeure Eman
Abdelhadi discutent des intersections entre les génocides du Congo et
de la Palestine.
Nylah Iqbal Muhammad, Mondoweiss, 3/8/2024
Traduit
par Fausto Giudice, Tlaxcala
Nylah Iqbal Muhammad est une journaliste indépendante usaméricaine écrivant sur
toutes sortes de thèmes, de l’ethnogastronomie et des styles de vie à la
Palestine. Instagram, Substack, Twitter/X.
Tout
comme la Palestine, le Congo a une longue histoire de colonisation et de
génocide. À la fin du XIXème et au début du XXème siècles,
jusqu’à 10 millions de Congolais ont été tués par les Belges, qui ont commencé
l’histoire moderne du Congo, exploité pour des ressources comme le caoutchouc,
l’uranium et maintenant le coltan, qui alimente presque toutes les
technologies. En fait, six millions de personnes ont été tuées dans le génocide
du Congo depuis 1996, un génocide commis entre autres par le Rwanda, avec le
soutien de puissances étrangères comme les USA et la Chine.
L’examen
des génocides au Congo et en Palestine montre clairement que notre libération
et nos oppressions sont toutes liées. Des milliardaires israéliens qui volent
les ressources du Congo et utilisent l’argent pour construire des colonies
israéliennes illégales, aux technologies de surveillance utilisant des matières
premières du Congo pour opprimer les Palestiniens.
Pour
discuter de ces intersections et de ce que les activistes peuvent faire pour
lutter pour le Congo, la Palestine et notre libération globale, Mondoweiss
et la journaliste Nylah Iqbal Muhammad ont organisé une discussion entre
Maurice Carney, directeur exécutif et cofondateur des Amis du Congo, et la
professeure de sociologie de l’Université de Chicago, Eman Abdelhadi.
Nylah :
Maurice, Eman, vous revenez tous deux de voyages au Congo, en Jordanie et dans
les Émirats arabes unis. Pouvez-vous nous parler un peu de ces expériences et
de ce qu’elles vous ont révélé ?
Maurice : Le
conflit, là où se trouvent les camps de déplacés, était choquant. Nous avons eu
l’occasion de nous rendre dans le sud du pays, sur le site de l’assassinat de
Lumumba, ce qui donne à réfléchir, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous
avons eu l’occasion de nous rendre dans les régions minières, la capitale
minière du monde, Kolwezi, où l’on trouve de grandes sociétés minières et des orpailleurs
artisanaux. Nous avons eu l’occasion de descendre dans les mines avec les orpailleurs.
Nous nous
sommes également rendus dans la capitale, Kinshasa, pour voir certains des
programmes mis en œuvre par nos partenaires. Nous avons eu l’occasion de
traverser le fleuve Congo vers Brazzaville (la République du Congo). Le
contraste entre le Congo-Brazzaville et le Congo-Kinshasa (la République
démocratique du Congo) était saisissant. Nous n’avons pas eu l’occasion d’aller
dans la forêt tropicale, car il y avait trop de violence à Kisangani et dans
ses environs.
Nous
avons vu des choses que nous aimerions pouvoir exprimer par des mots, des
images ou des vidéos, mais il faut aller sur place pour les voir. Les êtres
humains ne devraient pas vivre dans les conditions dans lesquelles ils vivent
dans ces camps. Ils vivent dans de petites tentes sur des roches volcaniques
[tranchantes], car à l’est de Goma, il y a un volcan actif. De temps en temps,
les milices lancent des bombes sur les camps de déplacés et tuent des gens. C’est
horrible.
Nous
essayons de trouver un moyen de faire comprendre l’urgence, la nécessité d’une
intervention humanitaire immédiate, tout en nous concentrant ou en essayant de
mobiliser les gens pour faire pression sur les USA, le Royaume-Uni et d’autres
gouvernements afin qu’ils cessent de soutenir le gouvernement rwandais.
Le Rwanda
a 4 000 soldats dans l’est du Congo, et c’est la principale source de la
catastrophe humanitaire. Nous essayons donc de trouver un moyen d’attirer l’attention
du monde entier sur la crise humanitaire. C’est difficile. [le génocide à l’origine
de la guerre civile dans l’Est du Congo est celui, commis par le régime hutu du
Rwanda du 7 avril au 17 juillet 1994 : une partie des génocidaires, noyés
dans la masse des civils hutus, se replièrent ensuite au Congo avec l’aide de l’armée
française et y installèrent des premiers camps, à partir desquels ils se sont
livrés pendant des années à des incursions armées au Rwanda, NdT]
Eman : Je
pense que la situation dans le monde arabe est extrêmement tendue. Je pense qu’il
y a une énorme tension entre la rage des gens qui assistent au génocide des
habitants de Gaza. Les gens sont très attentifs à ce qui se passe à Gaza. Ils
sont en deuil, ils pleurent, ils sont en colère.
En même
temps, ils sont confrontés à une répression énorme de la part de leurs
gouvernements, qui sont des États autocratiques clients des USA. Ils font le boulot
des USA et d’Israël en supprimant la dissidence et l’opposition. J’ai pu le
constater en Jordanie et dans les Émirats arabes unis. C’est également le cas
en Égypte.
Nylah : Il y a
des génocides partout dans le monde en ce moment. Ce n’est pas nécessairement
quelque chose de nouveau, mais je dirais que ce qui est nouveau, c’est l’éveil
de masse que les gens commencent à avoir et le rôle des médias sociaux dans la
mise en lumière de ces causes.
Eman :
Comparons cela avec, par exemple, la guerre en Irak. La plupart de nos
informations se limitaient aux grands médias [comme] CNN, MSNBC, et aux médias
dont nous savons qu’ils sont investis dans l’empire usaméricain et qu’ils ne
sont pas des pourvoyeurs objectifs d’informations. Ce sont des entreprises
liées aux intérêts de la classe dirigeante.
Au milieu
des années 2000, on a commencé à voir apparaître des médias plus indépendants,
en partie en réponse à ce récit hégémonique usaméricain, mais aussi grâce aux
médias sociaux. Aujourd’hui, tout le monde peut ouvrir un compte Instagram,
Twitter ou TikTok. Nous voyons beaucoup plus d’informations se propager de
cette manière.
C’est
aussi une période où les gens sortent de décennies de paupérisation, de baisse
du niveau de vie, de sentiment d’impuissance politique au sein des systèmes
officiels, et de plus grande force des protestations de rue.
Ce point
culminant se produit en Palestine et au Congo, où il y a une rencontre entre
les deux et une analyse politique croissante qui voit le monde comme étant
contrôlé par cette classe dirigeante, et qui voit ces institutions qui
gouvernent notre monde comme étant corrompues, mais qui a aussi plus d’outils
pour communiquer et partager cette analyse.
Nylah : Je
voudrais commencer à parler de la technologie, parce que les mêmes entreprises
impliquées dans le génocide au Congo sont impliquées dans le génocide en
Palestine, et vice versa. Cela semble être un point de collaboration tout à
fait naturel.
Eman : La
technologie est un emblème de cette structure plus large de pouvoir et de
contrôle. Nous avons tous été abreuvés des sornettes selon lesquelles l’histoire
selon lesquelles nous étions à la fin de l’ère coloniale, mais en réalité, l’ère
coloniale était en train de prendre une autre forme. Cette transition a été
facilitée par ces sociétés multinationales. Les États et les entreprises
travaillent main dans la main pour mettre en œuvre une nouvelle forme de
colonialisme, ou une version légèrement révisée du colonialisme.
Apple est
une multinationale qui a ses propres intérêts, presque comme un État, et qui
peut utiliser des États comme Israël ou l’instabilité d’un pays comme le Congo
pour coloniser le monde et s’approprier les ressources. Il peut décider que
certaines populations sont jetables ou exploitables pour le travail. Il est
important d’avoir une analyse large de la façon dont notre monde fonctionne,
parce que si ce n’est pas le Congo ou la Palestine, ce sera d’autres endroits.
Maurice : L’une
des idées avancées [pour organiser les gens] était le terme « génocide
technologique », parce que les entreprises technologiques profitent des
minerais du Congo et provoquent un génocide humain.
Pour moi,
c’était un peu exagéré. Le Congo a longtemps servi, depuis la fin du XIXème
siècle, d’avant-poste colonial pour l’extraction des ressources qui alimentent
les industries modernes. Le caoutchouc a servi à l’industrie automobile de
pointe. Le cuivre a servi à fabriquer les balles et les armes de la Première
Guerre mondiale. L’uranium du Congo a été [secrètement] utilisé [à l’insu du
Parlement belge, NdT] pour les armes atomiques larguées sur le Japon, et
ainsi de suite, jusqu’à aujourd’hui, jusqu’au coltan du Congo.
L’histoire
moderne du Congo, on peut l’affirmer à plusieurs égards, a été synchronisée
avec les progrès de la technologie. Cela s’est fait au détriment de la
population congolaise, parce qu’elle a vécu sur ces ressources qui sont
nécessaires pour alimenter un large éventail de technologies.
Mais je
ne parlerais pas de « génocide technologique ». Sans technologie, notre
organisation ne serait pas aussi efficace. Nous ne serions pas en mesure de
communiquer avec différentes personnes au Congo, en particulier dans l’est du
pays, parce qu’il manque d’infrastructures. Il n’y a pas d’infrastructures
routières, pas d’infrastructures ferroviaires, pas d’infrastructures
énergétiques, 20 % de la population ayant accès à l’électricité. Il manque d’infrastructures
technologiques, 23 % de la population ayant accès à l’internet.
Bien sûr,
les entreprises technologiques exploitent les ressources du Congo. Nous avons
collaboré avec des défenseurs des droits internationaux qui ont intenté une action
en justice contre cinq entreprises technologiques - Apple,
Alphabet, Dell Technologies, Microsoft et Tesla - pour s’être approvisionnées
en minerais contaminés par le travail des enfants.
Nylah : Je
crois que je comprends bien ce que vous dites. Bob Marley parlait du Congo,
Malcolm X parlait du Congo, Marcus Garvey parlait du Congo, et tout cela bien
avant que l’idée d’un iPhone existe, ne serait-ce qu’en rêvet. L’exploitation
de l’Afrique et des Africains de la diaspora prend des formes très diverses.
Ainsi, nous pourrions appeler l’esclavage génocide cotonnier ou génocide du
sucre. Aux USA, il n’y a plus de plantations de coton exploitant des esclaves
africains, mais l’esclavage existe toujours. C’est au-delà de la technologie ou
de la ressource qu’ils veulent à ce moment-là.
Maurice : Oui, c’est
le capitalisme. C’est le colonialisme.
Nylah : Et
comme nous l’avons vu avec les diamants de sang, cela donne aux gens un élément
tangible qui les incite à cesser d’acheter ou à acheter de manière plus
éthique. Ensuite, ils se disent : « OK, j’ai fini, je l’ai fait. Je l’ai fait.
»
Maurice : C’est
un point intéressant, parce que ce sont surtout les gens du Nord qui sont
concernés par le Congo. Si tout le monde arrêtait d’acheter un iPhone et
boycottait Apple et Samsung, cela ne mettrait pas fin à la crise au Congo. Il
est intéressant de noter que cela pourrait même l’aggraver. C’est un élément
qui n’est pas souvent exploré autour du Congo. Et c’est compréhensible.
En 2010,
les USA ont adopté la loi Dodd-Frank, un énorme projet de réforme financière
issu de la crise bancaire. Les activistes à Washington - nous étions d’accord
avec eux - ont réussi à joindre deux amendements à la loi Dodd-Frank. L’article
1502 est ce que l’on appelle la disposition sur les minéraux de conflit de la
loi Dodd-Frank. Elle stipule que les entreprises cotées en bourse qui s’approvisionnent
en étain, en tantale, en tungstène et en or doivent déclarer dans leurs
rapports à la SEC (Securities and Exchange Commission) la source de leurs
minerais. Le gouvernement congolais a réagi en partant du principe que si l’on
interrompait le financement des groupes rebelles qui se livraient au trafic de
ces minerais, cela mettrait fin au conflit ou, du moins, l’atténuerait dans une
certaine mesure. Le gouvernement congolais a donc fermé tout le secteur de l’exploitation
minière artisanale, comme s’il s’agissait d’une interdiction.
Parce que
le pays est encore prisonnier des affres du colonialisme, il est propice à l’extractivisme.
Cela crée un environnement d’extrême pauvreté où les options des gens sont
limitées. Cependant, l’une de ces options, aussi perfide et dangereuse
soit-elle, est l’exploitation minière artisanale, qui a deux traditions. La
première est une tradition de nécessité. L’autre est celle de milliers d’années
et de nombreuses générations de personnes qui pratiquent l’exploitation minière
artisanale au Congo. Mais aujourd’hui, il y a environ un demi-million de
mineurs artisanaux dans l’ensemble du pays, et ils ont un impact
socio-économique direct.
Lorsque
vous fermez ces mines, vous étouffez les personnes qui ont un minimum de
soutien pour payer leurs frais de scolarité, pour mettre de la nourriture sur
la table, pour payer les frais de scolarité des enfants ou pour obtenir des
soins de santé s’ils en ont besoin - tout cela est supprimé. Cela punit la
population locale, l’enfonce dans la pauvreté et peut même la pousser à se
tourner vers les milices.
C’est
pourquoi, lorsque je vois des gens faire des vidéos sur TikTok en disant « Je
vais arrêter de vaper, je vais utiliser des téléphones remis à neuf », c’est
plus pour satisfaire le désir ou le besoin de ceux d’entre nous qui sont à l’extérieur
de sentir qu’ils font quelque chose pour changer les choses.
Vous
devriez faire quelque chose pour changer les choses, mais comprenez quel est le
défi - c’est le capitalisme. Ne réduisez pas votre consommation pour la lier au
Congo. Réduisez votre consommation parce que vous voyez qu’elle fait partie de
la nature excessive du capitalisme et qu’elle fait partie intégrante d’un
système oppressif qui a un impact dévastateur sur les populations du Sud.
C’est
pourquoi j’ai apprécié le discours
du président colombien Gustavo Petro aux Nations unies. Il a expliqué
comment le consumérisme et les habitudes du Nord punissent le peuple colombien,
où la plante de coca est vitale pour la santé et d’autres raisons pour leur
société, mais à cause des excès du Nord, ils ont diabolisé la plante et mis la
responsabilité sur les gens qui sont en Colombie, et non sur les pratiques du
Nord.
Eman : Lutter
contre le capitalisme, c’est aussi lutter contre la structure et l’emprise de
ces entreprises et de la classe dirigeante sur nos vies et nos gouvernements.
Cela nous ramène à la question de l’action matérielle - descendre dans la rue,
développer l’organisation sur le lieu de travail, construire des syndicats.
Nous devons travailler sur tous les fronts. Je suis une radicale, mais je pense
que cela inclut le travail sur la réforme électorale, le divorce et la
réduction du contrôle que ces entreprises exercent sur le gouvernement le plus
puissant du monde. En particulier, en tant qu’USAméricains, c’est le travail, c’est
le travail - renforcer le travail comme une sorte de contrepoids à ces forces
capitalistes.
Pour
beaucoup de gens qui ont commencé à prendre au sérieux le boycott des
entreprises investies dans le génocide à Gaza et dans l’oppression
palestinienne en général, je pense qu’il y avait ce sentiment de « Oh mon Dieu,
tout est lié, n’est-ce pas ? Tout, Google, Amazon, Apple - chaque dimension de
notre vie. » Il y a eu cette sobre réalité de la différence frappante entre nos
vies dans le Nord global et les vies des gens à Gaza, au Congo et au Soudan. Qu’est-ce
que cela signifie d’investir autant dans nos maisons tout en voyant nos frères
et sœurs réduire leur vie à une dizaine de centimètres ? Et même cela n’est pas
sûr ? Je pense donc que beaucoup de gens reconsidèrent leurs choix.
Je pense
que Maurice a raison de dire que ces choix de consommation ne suffisent pas à
eux seuls à résoudre l’un ou l’autre de ces conflits. En fait, nous avons
constaté, en particulier dans le cas du changement climatique, un effort
concerté pour faire porter la responsabilité aux consommateurs en leur disant :
« Si vous recyclez vos bouteilles d’eau, si vous cherchez un vol plus neutre en
carbone... » Si nous faisions tous ces choses, le changement climatique serait
toujours d’actualité. Nous ne sommes pas le problème.
C’est eux
le problème. La classe dirigeante est le problème. Ils ont constamment essayé
de nous convaincre d’absorber leur culpabilité et de nous concentrer sur l’autodiscipline
et de nous discipliner les uns les autres de toutes ces petites manières, tout
en détournant notre attention du véritable ennemi.
Eman : Je
pense qu’avec le boycott, comme pour tout le reste, nous devons penser
collectivement plutôt qu’individuellement. Nous devrions changer nos habitudes
de consommation en partie grâce à la construction d’un moi éthique. Qu’est-ce
que cela signifie pour notre âme d’acheter, d’acheter, d’acheter, d’acheter, de
jeter, de jeter, de jeter ? Mais en général, nos politiques, y compris les
boycotts, doivent être déplacées vers le collectif.
Le
mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) en est la preuve.
Certaines de nos victoires les plus importantes dans le cadre du BDS ont été
obtenues grâce à une pression collective, en incitant vos entreprises ou vos
universités à se désinvestir. Nous nous dirigeons vers un modèle plus collectif
de construction du pouvoir avec les mêmes objectifs et, d’une certaine manière,
les mêmes tactiques, mais avec moins de prise de décision atomisée et plus de
construction du pouvoir entre nous, pour ensuite exercer un effet de levier sur
ces institutions qui ne peuvent exister que grâce à notre travail ou à notre
argent ?
Maurice : L’une
des mesures du succès du mouvement BDS est la réponse de l’État à travers les USA,
qui instaure des lois visant à réduire l’efficacité du mouvement BDS. Nous
avons vu la réaction des élites qui criminalisent ceux qui participent au
mouvement en empêchant les entreprises de soutenir le BDS ou en les obligeant à
déclarer d’emblée qu’elles n’en font pas partie pour obtenir des contrats avec
les gouvernements des États. Le Texas est probablement l’un des États les plus
prompts à punir les personnes liées d’une manière ou d’une autre au mouvement
BDS.
Nylah : Le
dégoût que j’éprouve pour le gouvernement texan ne peut être quantifié. Mais
oui, et nous avons également vu cela se produire au Congo. Ce n’est pas le même
niveau de criminalisation, mais par exemple, lorsqu’ils se sont battus pour
imposer des sanctions à Dan Gertler, Dan Gertler a obtenu que le président de
la RDC [Joseph Kabila] intervienne en son nom et dise : « Tout va bien ici ».
Le
milliardaire israélien Dan
Gertler visite les mines de la Kamoto Copper Company (KCC) à Kolwezi au
Katanga, en République démocratique du Congo, le 1er août 2012. Il a
été le grand corrupteur du régime de Joseph Kabila et de ses proches, ce qui a
conduit à des sanctions à son encontre de la part du Trésor US en 2017, une
affaire en voie de règlement moyennant une vente [fictive] de ses entreprises à
l’État congolais [lire ici]. Photo : Bloomberg
Lire Congo Files: Cash Was Deposited Into Dan Gertler's
Accounts, Then Millions Were Transferred to Top Israeli Figures [Dossiers
Congo : la ‘Bnei Brak-Kinshasa Connection’ ou la Grande Valse des
millions organisée par Dan Gertler, l’homme qui murmurait à l’oreille de
Joseph Kabila Kabange] (Haaretz, 2/7/2020)
Maurice : Cela
fait partie des intérêts stratégiques des USA d’avoir accès aux minerais
essentiels... pour cette transition vers l’énergie verte. Et l’Union européenne
et le G8 combinent l’initiative chinoise
Belt and
Road,
en particulier au Congo en termes d’acquisition de mines.
Nous
devons parler de la classe des compadres, des élites locales et du rôle
qu’elles jouent, et du fait qu’elles sont plus alignées sur le capital
financier international, plus alignées sur les Dan Gertler, plus alignées sur
les marchés occidentaux, que sur les intérêts de leur peuple. L’une des forces
qui s’opposent au peuple congolais est donc constituée par ses propres élites
locales.
Mais Dan
Gertler met clairement en évidence la bataille géostratégique entre la Chine et
les USA. C’est un élément important de la prise de décision de l’administration
Biden et du Congrès usaméricain.
Nylah : Et il
est évident qu’Israël bénéficie de ces exportations, même s’il ne possède
techniquement aucune mine.
Maurice : Il ne
fait aucun doute que les milliards que Gertler a gagnés au Congo sont rapatriés
en Israël. Beaucoup de ces fonds ont été utilisés pour construire des colonies
illégales et ont été donnés au gouvernement israélien pour financer la
poursuite du projet de colonisation. Et Gertler lui-même est le petit-fils du
fondateur de la bourse israélienne du diamant, Moshe Shnitzer.
Nylah : Pour
en revenir à cette conversation sur les gens qui travaillent contre les leurs,
cela me rappelle l’Autorité palestinienne. Il y a ce thème de l’empire qui
recrute les gens de ces identités marginalisées, leur promet des profits et des
avantages minimes, puis ces gens acceptent ce marché et suppriment la
résistance de leur propre peuple.
Eman : Après
la seconde Intifada, les Israéliens ont très vite réalisé qu’il était trop
coûteux et trop difficile de gouverner directement les Palestiniens en
Cisjordanie. L’Autorité palestinienne est venue jouer ce rôle pour eux. L’Autorité
palestinienne est comparable à d’autres États clients arabes de la région. Ils
gèrent leur propre population comme une sorte de couche, en fin de compte pour
les intérêts de l’élite de la classe dirigeante au sein de ce gouvernement et
de leurs alliés usaméricains et israéliens. L’Autorité palestinienne est donc
absolument répressive. Elle est absolument corrompue. Elle fait le sale boulot
d’Israël en première ligne depuis des années.
Nylah : J’ai
lu cet article dans Mondoweiss aujourd’hui sur les obstacles à un soulèvement
généralisé en Cisjordanie. L’Autorité palestinienne en fait partie.
Eman : Malgré
l’Autorité palestinienne, il y a eu beaucoup de résistance en Cisjordanie, et
nous voyons même des missiles lancés depuis la Cisjordanie maintenant. Des
centaines et des centaines de personnes ont été tuées, des milliers ont été
arrêtées. Cela témoigne de l’ampleur de la colère.
La
Cisjordanie est la prochaine cible. Nous le savons tous. L’objectif est de
procéder à un nettoyage ethnique du fleuve à la mer. La charte du Likoud est
très claire sur le fait qu’il pense avoir l’autorité et la souveraineté sur l’ensemble
de la Palestine historique. Et ils essaient systématiquement de déplacer et d’exterminer,
d’établir cette autorité.
Nylah : Oui,
nous devons constamment nous souvenir de la Cisjordanie dans notre action.
Maurice, j’entends des bruits similaires à propos du Congo. C’est de l’ignorance,
mais j’ai entendu des gens dire : « Vous réalisez que cette violence se produit
dans des régions isolées du pays, n’est-ce pas ? » C’est ridicule.
Maurice : Il
faut reconnaître la diversité du Congo et ce qui se passe dans les différents
endroits du pays. Mais même au sein de cette diversité, c’est tout le Congo qui
a un héritage colonial, pas seulement une partie du Congo. Tout le Congo a été
victime de l’intervention impériale et de l’héritage colonial. Le roi Léopold
II, les Belges. La plus grande action secrète des USA dans le monde a été
montée contre le peuple congolais pour destituer un premier ministre
démocratiquement élu, de la même manière que Mossadegh est tombé, victime de l’intervention
impériale en Iran ou d’Allende au Chili.
L’héritage
colonial de l’intervention impériale, qui se poursuit encore aujourd’hui, a
donc réellement piégé le peuple congolais dans ce système, ce système
capitaliste.
Et cette
conception initiale, en tant qu’avant-poste pour l’extraction des ressources
naturelles, perdure jusqu’à aujourd’hui et façonne les chances de vie, les
possibilités, les opportunités pour le peuple congolais dans son ensemble. C’est
donc dans ce contexte que s’inscrit l’intervention des voisins du Congo, des
dirigeants néocoloniaux, des agents du néocolonialisme, qui ne pourraient pas
faire ce qu’ils font sans le soutien de pays comme les USA et le Royaume-Uni.
Ainsi, la nature aiguë de la crise à l’Est, ou même aujourd’hui à Kisangani et
dans certaines parties de l’Ouest, ne peut être considérée indépendamment de l’héritage
colonial, de l’intervention impériale, de l’imposition des élites au peuple
congolais.
Face aux
preuves, aux preuves historiques, aux réalités contemporaines, il est difficile
de découper le Congo de cette manière et de dire que seul l’Est connaît une
violence aiguë. Je veux dire que la pauvreté est une violence.
Nylah : Je
voudrais parler du projet Nimbus et de la récente enquête de WIRED. Extrait de
l’article : « Google a conclu un contrat de 1,2 milliard de dollars avec le
gouvernement israélien dans le cadre du projet Nimbus. Les travailleurs de
Google et d’Amazon, parce qu’Amazon est également impliqué dans ce projet, ont
protesté.
Google
affirme qu’il ne s’agit pas d’un travail militaire et qu’il n’est pas «
pertinent pour les armes ou les services de renseignement », tandis qu’Amazon n’a
pas discuté publiquement du contrat. Mais Wired a examiné les documents publics
et les déclarations des fonctionnaires israéliens, des employés de Google et d’Amazon,
et a constaté que les FDI ou FOI ont été au cœur du projet Nimbus depuis sa
création. Et que les hauts fonctionnaires israéliens semblent penser que le
contrat de Google et d’Amazon fournit une infrastructure importante pour l’armée
israélienne ».
Eman : Pour
tous ceux qui étudient le capitalisme, la technologie est un moteur important
de la croissance et de la concurrence. Nous constatons que l’accent est mis sur
les technologies de l’information et de la surveillance. La technologie
représente environ 20 % de l’économie israélienne, ce qui est énorme. Il existe
un excellent livre que les gens devraient consulter, intitulé The
Palestine Laboratory, d’Antony Loewenstein, qui explique comment les
entreprises israéliennes utilisent l’apartheid, l’occupation et la gestion
réussie de la population palestinienne comme preuve de l’efficacité de leurs
armes et de leur technologie de surveillance. Une grande partie de la
normalisation avec le monde arabe s’est faite pour faciliter ces contrats, pour
faciliter la vente de technologies de surveillance à des pays autocratiques
comme les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, etc. Apparemment, il s’agit d’une
démocratie du Moyen-Orient dont l’économie repose sur la vente et la
facilitation de l’autocratie dans le reste de la région. Bien entendu, elle n’est
pas du tout démocratique sur le plan interne, ce que nous savons tous.
Mais cela
fait partie des entreprises qui considèrent que le monde est ouvert à l’exploitation
et que toute population qui s’y oppose est jetable et exterminable.
Maurice : Quand
vous parlez du projet Nimbus, je le vois comme une partie du complexe existant
de ce qu’Israël exporte, pas seulement des entreprises technologiques, mais
aussi des groupes d’investissement et des fonds de pension qui investissent
dans des entreprises de « sécurité » et de renseignement en Israël. Cela me
rappelle le logiciel Pegasus développé par le groupe NSO, utilisé par la
plupart des gouvernements autoritaires dans le monde. Le Rwanda est au centre
de cette équation, car il utilise le logiciel Pegasus de NSO Group pour
espionner les dissidents congolais et s’introduire dans leurs téléphones.
Je pense
qu’à l’époque, le gouvernement rwandais avait kidnappé Paul Rusesabagina. C’est
la figure héroïque d’Hôtel Rwanda, et il l’a ramené. Il s’agit d’une
restitution illégale, de la même manière que les USA capturaient des gens et
les emmenaient à Guantanamo.
Le
gouvernement rwandais a capturé Paul Rusesabagina et l’a ramené, l’a mis en
prison au Rwanda et l’a accusé de toutes sortes de crimes. Et ils ont utilisé
le logiciel Pegasus pour mettre sur écoute le téléphone de sa fille, qui s’est
battue très activement pour sa libération, qui s’est exprimée, qui a critiqué
et qui a obtenu des tribunes dans le monde entier pour parler de son père et de
la nature autoritaire du gouvernement rwandais. Je l’ai donc placé dans ce
contexte comme l’une des exportations d’Israël, au même titre que la vente d’armes,
au même titre que l’exportation des forces offensives israéliennes.
Et juste
avant le mois d’octobre, des forces offensives israéliennes se trouvaient au
Congo pour former des soldats. Et une fois que le génocide a commencé en
Palestine, elles ont dû y retourner. Cela n’implique pas seulement les
entreprises technologiques, comme je l’ai dit, mais aussi les banques d’investissement,
Wall Street. Les fonds de pension sont, vous savez, le citoyen usaméricain ou
le citoyen britannique lambda, leurs fonds de pension sont investis dans ces
entreprises qui travaillent à faire des ravages sur les communautés et les
organisateurs, les militants de base, les dissidents dans différentes parties
du monde.
Quant à
la surveillance israélienne, la plupart de ces caméras et de ces équipements
sont utilisés aux points de contrôle, et encore une fois, les Palestiniens sont
les seuls à devoir utiliser ces points de contrôle. Vous avez donc un
gouvernement qui collecte des quantités massives de données sur un groupe
ethnique. Et le monde reste là à dire que c’est très bien.
Eman : Vous
savez, c’est tellement moche. Le monde se dit littéralement : « Oh, comment vous
faites ça ? Laissez-moi en profiter. »
Maurice : Et
nous le voyons de manière très frappante dans l’État sécuritaire des USA, où
les forces de police sont formées par des Israéliens. Alors s’il y a une
raison, comme nous l’avons vu à Ferguson, pour que les Noirs des villes usaméricaines
soient solidaires des Palestiniens, c’est certainement pour s’insurger contre l’État
sécuritaire US qui a collaboré avec l’État sécuritaire israélien.
Nylah : Et ce
concept de laboratoires existe depuis le début de la colonisation. Ils ont
testé la stérilisation sur des femmes noires en Afrique, sur des femmes noires
et d’autres femmes indigènes à Porto Rico. Nous les avons vus tester, vous
savez, des médicaments ici.
Eman : Et
Israël a testé la stérilisation sur des femmes palestiniennes.
Nylah :
Exactement. Et je dis toujours qu’en ce moment, nous sommes séparés de Gaza par
notre complicité et, pour certains d’entre nous, par un privilège temporaire.
Penser qu’ils testent toutes ces armes et qu’ils ne vont jamais les utiliser
sur qui que ce soit d’autre que les Palestiniens, c’est perdre le sens et l’âme.
Les chiens policiers dont ils disposent ont déjà été utilisés à la frontière
entre les USA et le Mexique. Les gens regardent donc toute cette dévastation et
éprouvent de la pitié. Mais ce sont des gens avec lesquels il faut être
solidaire, surtout si l’on est marginalisé, car, comme nous l’avons dit, il s’agit
d’un laboratoire. Ils ne se rendent pas compte que ces armes, ces tactiques,
tout ce qu’ils font ici, ils pensent à vous le faire, ils prévoient de vous le
faire ou ils le feront. Tout cela devrait vous terrifier. Personne n’est à l’abri.
Le cœur
israélien des ténèbres au Congo
Eitay Mack, ISCI,26/11/2023
(Traduit de l’hébreu par Tal Haran)
Traduit
par Fausto Giudice, Tlaxcala
Eitay
Mack est un avocat israélien défendant les droits des Palestiniens, engagé
dans un combat pour dénoncer et stopper la collaboration du
complexe-militaro-industriel israélien avec des dictatures et des régimes
autoritaires à travers le monde, du Maroc et de la Guinée Équatoriale au
Myanmar.
Pendant
32 ans, le général Mobutu Sese Seko a dirigé le Congo (aujourd’hui officiellement
appelé République démocratique du Congo) comme l’une des dictatures les plus
corrompues et les plus oppressives au monde. Ses opposants ont été torturés et
anéantis, et il est devenu l’un des symboles de la guerre froide. Tout comme
après la fin du régime colonial belge, les USA et la CIA ont aidé Mobutu à
accéder au pouvoir et à éliminer les dirigeants les plus radicaux du mouvement
de libération nationale. Des documents contenus dans les dossiers et les
archives du ministère israélien des Affaires étrangères, qui ont été rendus
publics ces dernières années, attestent que l’État d’Israël a joué un rôle
important dans la survie militaire, économique et politique de Mobutu pendant
les trois premières décennies de son règne, dans la version néocolonialiste du
« Cœur des ténèbres » de Joseph Conrad .
Au fil
des ans, la presse israélienne, en particulier les journaux Haaretz et Ma’ariv,
a rendu compte des relations d’Israël avec le général Mobutu, mais elle était
soumise à la censure militaire israélienne. Des documents du ministère des
Affaires étrangères récemment révélés confirment certains détails rapportés par
la presse et démentis par les porte-parole des différents gouvernements
israéliens, de l’armée et du ministère de la Défense, et ajoutent d’autres
détails qui n’avaient pas été rapportés par la presse censurée.
Avant
même que le Congo ne devienne un État souverain indépendant, l’État d’Israël a
établi des liens avec des dirigeants congolais - dont certains se sont rendus
en Israël - et avait des représentants officieux dans la capitale, Léopoldville
(rebaptisée plus tard Kinshasa). Une ambassade israélienne a ensuite été
ouverte à Léopoldville immédiatement après l’indépendance du Congo, le 30 juin
1960. Le premier Premier ministre du Congo, Patrice Lumumba, était considéré
comme un gauchiste radical. Lors d’une réunion de la commission des affaires
étrangères et de la sécurité de la Knesset israélienne, le 23 août 1960, l’ambassadeur
israélien au Congo, Ehud Avriel, a refusé de prédire si le gouvernement de
Lumumba se maintiendrait, et a déclaré que les USA espéraient que Lumumba disparaîtrait,
et qu’« il n’était pas inévitable que de tels espoirs se réalisent d’une
manière mystérieuse ». [l’ancien chef d’antenne de la CIA à Léopoldville,
Larry Devlin, qui avait recruté Mobutu en janvier-février 1960 à Bruxelles, a raconté
dans un documentaire belge qu’il avait dans un tiroir de son bureau un tube de
dentifrice empoisonné destiné à Lumumba, NdT]
En effet,
deux semaines plus tard, l’éviction de Lumumba par le président Joseph Kasa-Vubu
et un coup d’État militaire mené par Mobutu et soutenu par la CIA ont donné
raison à Avriel. Après le coup d’État, Mobutu a tenu les rênes du pays pendant
environ 5 mois, au cours desquels il a fait arrêter Lumumba et l’a fait exécuter
le 17 janvier 1961, à l’âge de 35 ans. Le 15 septembre 1960, le lendemain du
coup d’État de Mobutu, la ministre des affaires étrangères Golda Meir a
critiqué Lumumba lors d’une réunion du cabinet du gouvernement israélien, le
qualifiant de « fou », et après l’assassinat de Lumumba, Israël a décidé de ne
pas se joindre aux appels mondiaux visant à traduire Mobutu en justice. Lors d’une
réunion du gouvernement israélien le 5 mars 1961, la ministre des Affaires
étrangères Meir s’est contentée d’indiquer que l’État d’Israël s’opposait à
tout assassinat politique et que « les Congolais n’ont pas de brevet en la
matière ». En contrepartie de son implication dans la disparition politique et
physique de Lumumba, le président Kasa-Vubu a nommé Mobutu chef d’état-major
militaire, bien qu’avant l’indépendance du Congo vis-à-vis de la Belgique,
Mobutu n’ait atteint que le grade de sergent de la Force Publique [structure militaire coloniale
faisant office de police, où il était secrétaire-comptable, NdT] et ait
servi en tant que correspondant militaire [du quotidien libéral L’Avenir,
NdT]. [Il est rapidement promu colonel, puis général, avant de s’autoproclamer
Maréchal en 1982]
Mobutu en formation de parachutiste à Tel Nof en Israël en 1963
Selon l’évaluation
du ministère israélien des Affaires étrangères de décembre 1963, le 29 avril de
la même année, le gouvernement congolais a demandé à Israël de l’aider à
réorganiser l’armée congolaise. Israël a été invité à former une unité de
parachutistes et, en juillet-août de la même année, plus de 200 soldats
congolais ont été formés par Israël dans le cadre d’un cours de parachutisme,
sous la direction du général Mobutu, chef d’état-major, qui a sauté deux fois.
Lors de la réunion du gouvernement du 30 août 1964, lorsque le ministre de l’intérieur
Shapira a fait remarquer que le Congo pendait des gens au moment même où Israël
travaillait avec l’armée, le Premier ministre Eshkol a répondu que « Damas
aussi a vu des gens pendus hier, et je n’ai remarqué personne de choqué. Même l’URSS
n’est pas choquée. C’est normal là-bas ».
Le 24
novembre 1965, Mobutu a mené un second coup d’État militaire contre Joseph
Kasa-Vubu et s’est autoproclamé président. Un profil préparé par le ministère
israélien des Affaires étrangères indique que « Mobutu a anéanti ou évincé tous
ses opposants, parfois cruellement, et prend soin d’évincer de temps à autre
des personnes occupant des postes clés afin qu’elles n’accumulent pas un
pouvoir qui pourrait le mettre en péril ».
Après la
guerre de 1967 et l’occupation des territoires palestiniens, syriens et
égyptiens, les relations de l’État d’Israël avec de nombreux États africains
sont devenues précaires, mais l’admiration pour Israël au Congo n’a fait que
croître. Selon une note préparée par le ministère des Affaires étrangères le 28
janvier 1968, le Congo avait une ambassade à Jérusalem et Israël y gardait une
délégation de 11 officiers de l’armée qui formaient des parachutistes. En 1971,
Mobutu change le nom du Congo en Zaïre
Les
parachutistes formés par les officiers de l’armée israélienne constituaient l’épine
dorsale du régime de Mobutu et l’aidaient à réprimer les rébellions et les
soulèvements séparatistes dans l’est et le sud, et à prévenir les tentatives de
coup d’État par d’autres forces de sécurité. Ainsi, le 12 avril 1972, lors d’une
réunion du « Forum Africa » au bureau du chef de la section Afrique du Mossad
israélien, Nahum Admoni, a déclaré qu’« au Zaïre, nous sommes présents dans la
force (parachutiste) qui est un point focal et un centre de pouvoir sur lequel
s’appuie le régime local ». Une enquête de l’époque indique que l’aide au Congo
est de nature militaire : une délégation d’officiers israéliens comprenait des
instructeurs parachutistes de l’école israélienne des parachutistes, des forces
parachutistes et de l’infanterie, et en 1969, 117 Congolais poursuivaient leur
formation militaire en Israël. « Le régime s’appuie surtout sur l’armée et
en premier lieu sur ses parachutistes. Ces derniers constituent « la colonne
vertébrale du régime », ce qui explique l’admiration et l’appréciation d’Israël
par Mobutu. L’enquête de janvier 1973 indique également que les parachutistes
sont « la colonne vertébrale du régime ».
Bien que
le régime du général Mobutu se soit appuyé sur la force parachutiste créée et
entraînée par des officiers israéliens, en raison de la pression constante
exercée par les pays arabes et pour renforcer sa position parmi les dirigeants
des nations africaines, le général Mobutu a profité du déclenchement de la
guerre du Kippour (1973) pour rompre ses liens diplomatiques avec Israël.
Mobutu l’a annoncé à l’ONU et a entamé la deuxième vague de déconnexion avec
Israël (la première vague s’était produite après la guerre de 1967).
L’aide
que le Zaïre a reçue des pays arabes pour mettre fin à ses liens diplomatiques
avec Israël était négligeable et n’a pas empêché l’État de ne pas pouvoir
rembourser ses énormes dettes et d’éviter la faillite. Outre la chute des cours
mondiaux des matières premières dont l’exportation constituait l’essentiel de l’économie
congolaise, la raison de la grave crise économique qui a caractérisé le régime
de Mobutu au cours de ces années était son extrême corruption. Celle-ci a
conduit le Congrès usaméricain à limiter l’aide US, a créé des obstacles pour
les prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, et a tenu
les investisseurs étrangers à distance.
Outre les
intérêts militaires et politiques, les relations entre Israël et le Zaïre
reposaient sur les idées profondément judéophobes du général Mobutu et leur
entretien constant par les représentants de l’État d’Israël. Des documents du
ministère des Affaires étrangères révèlent que le général Mobutu pensait qu’Israël
contrôlait les capitaux usaméricains et mondiaux, ainsi que les investisseurs,
les hommes politiques et les journalistes juifs du monde entier, qui, selon
lui, pouvaient sauver le Zaïre de ses crises politiques et économiques après
avoir reçu les instructions appropriées de Jérusalem. Des personnalités
israéliennes de haut rang ont répété au général Mobutu des promesses creuses
visant à motiver les Juifs des USA et du monde entier à le soutenir. Confronté
à la réalité, Mobutu n’a pas conclu que l’État d’Israël et le peuple juif ne
contrôlaient pas le monde, mais a plutôt grommelé, croyant que les Juifs ne l’aideraient
pas en raison du ressentiment et de la vengeance du gouvernement israélien.
Le
gouvernement israélien a décidé d’utiliser les opinions judéophobes du général
Mobutu pour le convaincre de renouer leurs relations mutuelles. Un document
préparé par le ministère des Affaires étrangères avant la visite de son
directeur au Zaïre, prévue pour mars 1980, indique que « l’aide usaméricaine au
Zaïre est fixée cette année à 40 millions de dollars. Le Congrès usaméricain a
sévèrement critiqué le Zaïre pour la corruption dans l’attribution des fonds
qui atterrissent dans des coffres privés, pour le gaspillage de la nourriture
et de ses ventes, pour l’utilisation privée des avions qui ont été donnés par
les USA au Zaïre en tant qu’aide économique, etc. On peut doucement suggérer
que grâce à nos relations spéciales avec le Congrès et le gouvernement, nous
pourrions contribuer à améliorer les relations entre le Zaïre et les USA ».
Dans le
cadre des négociations visant à renouer les relations entre les deux États,
Israël a accepté de prendre en charge l’administration et le développement
agricole du ranch privé (environ 100 000 dunams, 10 000 hectares) que le
général Mobutu s’était créé près de son village natal avec des fonds qu’il
avait volés dans les coffres de l’État. Selon un rapport préparé par le nouveau
directeur du ministère des Affaires étrangères, David Kimche, le 29 mars 1981,
lors de sa visite au Zaïre, il a été conduit dans l’avion privé de Mobutu jusqu’au
ranch et a rencontré cinq Israéliens qui le géraient. Le directeur Kimche a
écrit qu’il avait insisté auprès du général Mobutu sur le rôle d’Israël en tant
qu’allié loyal - fort et courageux - et qu’avec l’élection de Ronald Reagan à
la présidence des USA, Israël serait en mesure d’influencer ses amis usaméricains
plus que par le passé.
Le
directeur Kimche a informé Mobutu que le nouveau secrétaire d’État Alexander
Haig était sur le point de se rendre en Israël. Mobutu a demandé à Kimche de
transmettre ses salutations à Haig et a demandé à Israël de commencer à
réaliser ses intentions de rapprocher le Zaïre et les USA rapidement. Mobutu a
également demandé l’aide d’Israël pour faciliter sa propre visite aux USA en
septembre. Kimche a écrit dans son rapport au ministre qu’il pensait que « le
Zaïre pourrait devenir un centre de renouveau de l’activité israélienne dans
cette partie de l’Afrique, et que notre retour au Zaïre pourrait affecter notre
activité dans d’autres parties du continent noir ». Kimche a supposé que les
accords conclus avec Mobutu permettraient à Israël de « considérer les USAméricains
comme ayant un poids réel sur le sujet africain ».
Le
directeur Kimche et le général Mobutu décidèrent, dans un premier temps, d’établir
un bureau discret pour les intérêts israéliens à Kinshasa, parrainé par une
ambassade étrangère (après le refus du Danemark et de la Hollande, le
gouvernement canadien accepta d’apporter son aide).
En ce qui
concerne l’aide militaire, le général Mobutu a déclaré au directeur Kimche qu’il
faisait confiance à Israël plus qu’à tout autre pays et qu’il avait donc besoin
de l’aide israélienne sur « les sujets les plus délicats » - aide à l’organisation
d’une unité spéciale pour sa sécurité personnelle et aide au suivi des
activités des ambassades communistes à Kinshasa et en Libye. Le 13 avril 1981,
le directeur de la section Afrique du ministère, Avi Primor, s’adresse à Aharon
Sharf du Mossad, lui demandant de veiller à ce que le Mossad prenne en compte
les demandes de Mobutu. Un rapport envoyé par le représentant du Mossad en
Afrique au siège du Mossad en Israël indique que deux réunions avec le général
Mobutu ont eu lieu, ainsi qu’une série de réunions avec les chefs des services
de sécurité du Zaïre, et qu’« ils attendent de nous des conseils et une
consultation professionnelle afin de renouveler complètement les relations
entre les services, considérant cela comme un levier pour faire progresser nos
liens politiques ».
Le 1er
décembre 1981, le général Mobutu s’est rendu aux USA. L’ambassade d’Israël à
Washington DC a rapporté que le chef de la sous-commission des Affaires
étrangères de la Chambre des représentants sur l’Afrique, le membre du Congrès
Howard Wolpe, a fait pression sur Mobutu pour qu’il renouvelle ses relations
avec Israël et a demandé un calendrier opérationnel. Mobutu a demandé une aide
financière usaméricaine et a déclaré à Wolpe qu’il était prêt à renouer
immédiatement de telles relations et qu’il en faisait activement la promotion
auprès d’autres pays africains. La déclaration de Mobutu ne convainc pas la
commission d’attribution des fonds du Congrès US, qui décide de rejeter la
recommandation d’attribuer 20 millions de dollars au Zaïre au titre de l’aide
militaire, en raison de la corruption et de la possibilité que les fonds
aboutissent dans des poches privées. Au lieu de cela, seuls 4 millions de
dollars ont été approuvés. Mobutu, vexé, annonce qu’il renonce à l’aide usaméricaine.
Le 30
décembre 1981, un représentant du Mossad a rencontré le général Mobutu et ils
ont convenu d’une visite en Israël des chefs des services de sécurité du Zaïre
en janvier 1982. Mobutu a déclaré qu’il était en train de persuader le
président de la Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny de renouer les relations de son pays avec
Israël et qu’il avait demandé au représentant du Zaïre au Conseil de sécurité
des Nations unies de s’abstenir de voter sur l’annexion par Israël du plateau
du Golan.
En 1982,
le Zaïre a été nommé membre temporaire du Conseil de sécurité des Nations unies
(l’ambassadeur du Zaïre a ensuite été choisi pour présider le Conseil), et les
discussions du Conseil sur l’application de sanctions à l’encontre d’Israël à
la suite de sa législation sur l’annexion du Golan ont constitué le premier
test pour les relations qui se développaient entre les deux États.
Le 12
janvier 1982, le chef de la section Afrique du ministère israélien des Affaires
étrangères a envoyé un télégramme à la délégation israélienne à Kinshasa,
arguant que le général Mobutu devrait être encouragé à faire en sorte que son
ambassadeur à l’ONU échange des vues avec Yehuda Blum, l’ambassadeur israélien
en poste à Kinshasa. Les USA ont également fait pression sur Mobutu. L’ambassadeur
du Zaïre a d’abord procédé à diverses manipulations afin de retarder le vote et
d’adoucir les motions relatives aux sanctions contre Israël, à la fois pour
apaiser Israël et pour éviter que les USA n’aient à exercer leur droit de veto.
Finalement, l’ambassadeur du Zaïre a voté en faveur d’une motion pro-syrienne.
Alors qu’Israël et les USA ont d’abord supposé qu’il avait reçu des pots-de-vin
et qu’il avait agi contrairement aux instructions du général Mobutu, on a
compris par la suite que Mobutu lui-même avait cédé pour que le Zaïre ne soit
pas le seul État africain à s’opposer à la motion. Israël a été irrité et a
transmis au général Mobutu des messages précisant que la seule façon de l’apaiser,
ainsi que les USA, était de déclarer immédiatement la reprise des relations
diplomatiques. Mobutu répondit qu’il ne pouvait se permettre de reconnaître
Israël seul, mais fit savoir qu’il essaierait d’organiser une conférence
réunissant plusieurs chefs d’État afin de les convaincre de se joindre à lui
pour cette reprise.
Le 2 mai
1982, le ministère israélien des Affaires étrangères informe la délégation
israélienne à Kinshasa que le ministère de la Défense a décidé de prêter au
Zaïre 8 millions de dollars pour l’achat d’équipements militaires. Le 14 mai,
jour de l’indépendance d’Israël, lors de la convention du parti au pouvoir au
Zaïre, le général Mobutu annonce qu’il a décidé de renouer des relations
complètes avec Israël après que ce dernier a achevé son retrait du sol africain
(péninsule du Sinaï). Mobutu a expliqué qu’il avait pris cette décision seul,
en s’inspirant de Sadate qui avait décidé de se rendre à Jérusalem sans
consulter les dirigeants des autres États arabes. Ainsi, tout comme le Zaïre a
été le premier État africain à rompre ses liens avec Israël après la guerre de
1973, il a été le premier État de tout le continent africain à les renouer.
À la
suite de la déclaration publique de Mobutu sur le renouvellement des relations,
l’État d’Israël a lancé une « campagne de félicitations » mondiale qui a
alimenté les perceptions judéophobes de Mobutu et a gonflé ses fausses attentes
à l’égard des Juifs. Dans un télégramme daté du 21 mai, l’envoyé israélien à
Washington, Ya’akov Nehushtan, a informé le ministère des Affaires étrangères à
Jérusalem que l’ambassade israélienne avait contacté de nombreux membres du
Congrès et leur avait demandé de s’exprimer publiquement en faveur de la
décision du Zaïre, et qu’en conséquence, de nombreux membres du Congrès, y
compris le député Chuck Schumer, avaient envoyé leurs salutations à Mobutu et l’avaient
félicité pour cette démarche. Les ambassades et missions israéliennes dans le
monde entier ont demandé aux communautés juives, aux organisations nationales
(par exemple AIPAC, Anti-Defamation League et Bnai Brith) et aux organisations
locales des USA (Boston, Atlanta, Philadelphie, Miami, Chicago, Washington et
Los Angeles), du Canada, de l’Italie, de la Belgique, de la France, de l’Australie
et de la Grande-Bretagne d’envoyer des messages de félicitations et d’encouragements
à Mobutu.
Le 14
juin, le chef de l’Agence de renseignements du Zaïre se rend en Israël et remet
au Premier ministre Begin un mémorandum de 26 pages contenant des demandes d’aide
du général Mobutu ainsi que des affirmations antisémites, déclarant notamment
que « nous savons que le peuple juif et l’État d’Israël sont capables de servir
de médiateurs avec certains gouvernements et institutions financières
internationales, tant publiques que privées, qui jouissent souvent d’une
participation juive assez importante ». Ainsi, Mobutu demandait de l’aide pour
faire pression sur le Fonds monétaire international afin qu’il lui prête un
milliard de dollars pour 3 ans et pour convaincre ses créanciers des banques
européennes d’étaler le remboursement des prêts du Zaïre sur 25 ans.
En outre,
Mobutu a demandé que le peuple juif, les organisations et les institutions
juives investissent au Zaïre afin que cette aide juive massive convainque d’autres
Etats africains de renouer leurs relations avec l’Etat d’Israël. En ce qui
concerne l’aide militaire, Mobutu a déclaré : « Notre grand espoir est que l’État
d’Israël nous offre une aide pour la formation d’unités supplémentaires et l’achat
d’équipements pour nos forces terrestres, aériennes et navales. En ce qui
concerne la sécurité intérieure, il est urgent de disposer de renseignements
précis et rapides afin de prévenir les nombreuses incursions dans notre pays à
partir des pays voisins. Le Zaïre a besoin d’aide en matière d’orientation et d’équipement.
L’expérience d’Israël dans ce domaine est connue dans le monde entier ».
Le même
jour, le directeur adjoint Ben Horin écrit au directeur Kimche pour lui dire
que « le ton de ce mémorandum, tant dans la description des problèmes du Zaïre
que dans ses attentes à notre égard, est plutôt sévère », et qu’« il y a déjà
une présence militaire israélienne au Zaïre, à la fois comme instructeur
militaire et comme champ d’action du Mossad ».
Le 20
juin 1982, Kimche dit au délégué israélien à Washington que le Premier ministre
Begin a l’intention de rencontrer Wolpe au Congrès, car « même si le Premier
ministre ne persuade pas Wolpe, il est crucial que cette rencontre ait lieu car
nous devons montrer à Mobutu que nous avons fait tout ce que nous pouvions ».
Le 24 juin, le Premier ministre Begin a envoyé une lettre à Mobutu détaillant
ses entretiens à Washington DC, au Congrès et avec l’administration US. Puis,
lors de la prestation de serment de l’ambassadeur d’Israël au Zaïre, Michael
Michael, le 28 juin, selon l’ambassadeur Michael, le général Mobutu a demandé à
« son ami Arik Sharon un cadeau très sérieux et urgent - de l’artillerie de
plus de 120 mm, y compris des munitions provenant du butin d’Israël au Liban -
crucial pour ses besoins ».
La seule
personne au ministère des Affaires étrangères qui ait explicitement mis en
garde contre le danger de nourrir les idées judéophobes du général Mobutu était
l’ambassadeur d’Israël à Kinshasa, Michael Michael. Dans un télégramme adressé
au ministère à Jérusalem le 15 juillet 1982, l’ambassadeur Michael écrivait qu’il
était « convaincu que la véritable et principale raison qu’avait Mobutu de
renouer ses relations avec nous était sa volonté de voir les USA investir dans
l’aide, les prêts et surtout dans la légitimation de son propre pouvoir. Les
Protocoles des Sages de Sion dans leur version positive lui ont fait croire qu’il
pouvait le faire en utilisant Israël. Apparemment, toutes les autres
considérations (et elles sont, bien sûr, nombreuses) sont secondaires ou même
de simples excuses présentées aux autres et peut-être à lui-même ».
L’ambassadeur
Michael a averti que « puisque les attentes [de Mobutu] ne sont pas viables,
sauf dans leur version la plus censurée, il est probable que dans quelques
mois, il sera convaincu qu’il a échoué. Il est clair qu’il sera profondément
furieux contre nous. L’ampleur de ses attentes, de ses déceptions, de sa
personnalité et de ses traits de caractère pourrait l’amener à prendre des
décisions hâtives et lourdes de conséquences ». Plus précisément, l’ambassadeur
a averti qu’ « Israël devrait s’abstenir autant que possible de toute
visite de délégations pour examiner les possibilités. Nous savons qu’aucune
banque ne lui offrira de crédit, il le sait aussi bien que nous, et il
considère donc ces délégations comme des illusions. Cela rend également sa
situation interne plus difficile parce que chaque délégation de ce type est
présentée, malheureusement, comme un faux messie ». Par conséquent, l’ambassadeur
Michael a suggéré qu’« il semble favorable de le convaincre que ses raisons diffèrent
de celles mentionnées ci-dessus et de lui faire croire cela, ou alternativement
qu’il ne serait pas en mesure de battre en retraite ». Les documents du
ministère des Affaires étrangères montrent que Mobutu n’a pas changé ses idées judéophobes
et que l’État d’Israël a continué à les utiliser pour promouvoir ses propres
intérêts, mais comme l’avait prédit l’ambassadeur Michael, Mobutu ne pouvait
pas renoncer au renouvellement des relations car, outre la crainte de la
réaction usaméricaine, Israël était responsable de la formation et de l’équipement
de la brigade présidentielle au Zaïre et, en fait, de la sécurité physique de
Mobutu et de son cercle rapproché.
Le
Premier ministre Begin avait prévu de se rendre au Zaïre à l’été 1982. Cette
visite a été reportée à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’elle soit finalement
annulée en raison de la première guerre du Liban et de l’embourbement d’Israël
à Beyrouth. Le 1er décembre
1982, le ministre des Affaires étrangères Yitzhak Shamir a rencontré Mobutu et
a signé un accord d’assistance technique.
Les
efforts déployés par l’ambassade israélienne de Washington en faveur du Zaïre
sont une grave erreur.
Le 3
janvier 1983, le conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères,
Elyakim Rubinstein, rapporte au directeur du ministère, Kimche, que le
président du Congressional Black Caucus du Congrès américain lui a dit que «
selon lui, les efforts déployés par l’ambassade israélienne de Washington en
faveur du Zaïre étaient une grave erreur ». Le régime zaïrois est considéré
comme le plus corrompu, le plus rapace et le plus oppressif. Une délégation du
Congrès à Kinshasa a même vu les hommes de Mobutu battre des opposants après
que ces derniers eurent rencontré les invités usaméricains. Le soutien et la
pression de notre part en faveur du Zaïre servent d’arme à nos ennemis et aux
éléments hostiles aux USA ». Rubinstein a répondu au président que le soutien d’Israël
au Zaïre était dû au courage de Mobutu de « briser la glace » et ne devait en
aucun cas être considéré comme une identification d’Israël à sa politique
intérieure.
Mobutu et Haïm Herzog, 1984
En
janvier 1984, le président israélien Haïm Herzog s’est rendu au Zaïre. Le
résumé, préparé par le directeur de la section Afrique Avi Primor sur la visite
du président au Zaïre, indique que Herzog a entendu Mobutu exprimer « des
choses dures sur un ton amer ». Mobutu s’est plaint qu’Israël exigeait qu’il «
mette un dollar sur la table avant de recevoir une seule balle... », offensé
que « nous le tenions par la gorge », et déçu qu’aucune activité israélienne et
usaméricano-juive n’ait été notée au Zaïre malgré les nombreux messages
encourageants des USAméricains juifs. En ce qui concerne l’aide économique,
Primor écrit qu’Israël n’a pas encore réussi à convaincre les USAméricains
juifs et les entreprises israéliennes d’investir au Zaïre en raison des dangers
qu’il présente et parce que le gouvernement israélien n’est pas disposé à
garantir et à assurer le commerce extérieur avec ce pays.
Le 13
avril 1984, l’ambassadeur israélien à Kinshasa, Michael, qui avait été
ambassadeur en Ouganda en 1960-1965 et avait assisté à la montée au pouvoir d’Idi
Amin Dada, a envoyé un télégramme au ministère israélien des Affaires
étrangères à Jérusalem mettant en garde contre la répétition au Zaïre du
processus du « syndrome de l’Ouganda » dont les principaux ingrédients avaient
été « notre volonté de nous concentrer et d’investir davantage dans les unités
de formation destinées à préserver le régime, et moins dans celles destinées à
maintenir la sécurité de l’État. Voulant sincèrement faire un travail parfait,
nous avons renforcé les unités d’élite, ce qui était plus facile à faire
là-bas. Cela a impliqué de contenir de plus en plus d’unités dans la Garde
présidentielle, qui a gagné en moyens et en effectifs ».
L’ambassadeur
Michael a recommandé de ne pas élargir le cadre de la brigade présidentielle,
de créer plutôt une force d’artillerie et de s’impliquer de plus en plus dans
la formation de la division Kamanyola. Il a supposé que de cette façon, « des
points de pouvoir séparés, parallèles et indépendants apparaîtraient dans l’armée
zaïroise, et que nous transférerions de plus en plus nos efforts au service de
l’État du Zaïre et non exclusivement à la sécurité de son régime ». Il prévient
que le renforcement de la Garde présidentielle pourrait créer « un “golem” qui
finirait par se dresser contre le souverain », c’est-à-dire un coup d’État
militaire. Il conclut son télégramme en écrivant que « nous contribuons en fait
à faire exploser la Brigade présidentielle - une armée dans l’armée, un État
dans l’État ».
Dans un
rapport du 30 août 1984 sur sa réunion d’adieu avec le général Mobutu, l’ambassadeur
Michael parle de la plainte de Mobutu : « Lorsqu’il doit envoyer des
soldats suivre un cours en Israël, on lui dit qu’il doit d’abord déposer l’argent.
Le matériel militaire reste inutilisé parce que les Israéliens ne veulent pas
envoyer de pièces détachées avant d’avoir été payés quelques centaines de
dollars. Cela a également un impact sur la formation des unités. Aucun autre
État n’agit de la sorte, seul Israël le fait ».
Le 2
novembre 1984, le nouvel ambassadeur israélien au Zaïre, Yitzhak Sarfatti, a
prêté serment.
Selon un
télégramme, le 24 septembre 1984, Mobutu a rencontré le chef de la Conférence
des présidents des principales organisations juives usaméricaines aux USA et
Abe Foxman de l’Anti-Defamation League. Lors de cette réunion, Mobutu leur a
posé une question “protocolaire” : « Vous avez de l’influence sur la Colline
[le Capitole] et dans le gouvernement, dans les médias et dans les banques.
Peut-être allez-vous essayer de persuader Wolpe de changer son approche du
Zaïre ? ».
Le 6
février 1985, Mobutu a nommé l’ambassadeur du Zaïre en Israël, Negbanda Zambo
Ku Atumba (nommé ambassadeur en Israël en novembre 1983), chef de ses services
de sécurité. Il devait se rendre en Israël pour une visite d’adieu en avril.
Dans un télégramme adressé à l’ambassadeur d’Israël à Kinshasa, MSarfatti, le
19 avril 1985, le chef de la section Afrique du ministère des Affaires
étrangères a écrit que Negbanda était arrivé en Israël un jour plus tôt et que
le Mossad lui avait offert un « programme d’études denses ». Negbanda a
également rencontré le Premier ministre Shimon Peres.
“En signe
d’amitié et de coopération, Israël a donné au Zaïre divers équipements
militaires d’une valeur totale de 15 millions de dollars.”
Dans un
document daté du 14 avril 1985 et portant sur les activités de la délégation
militaire israélienne au Zaïre, Yitzchak Aviran, alors chef de la section
Afrique au ministère des Affaires étrangères, écrit qu’« en gage d’amitié et de
coopération, Israël a donné au Zaïre divers équipements militaires d’une valeur
totale de 15 millions de dollars » et que l’unité « Cobra » a été entraînée en
Israël.
En raison
des conditions de ses prêts auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international, le Zaïre était limité dans l’obtention de prêts supplémentaires
et avait donc des difficultés à financer l’aide militaire israélienne avec des
crédits israéliens. Dans un télégramme envoyé par Tzvi Reuter, chef de l’unité
d’exportation militaire du ministère de la Défense (SIBAT) au directeur adjoint
Avi Primor le 22 avril 1985, il avertit qu’une brigade supplémentaire à
Kamanyola ne serait pas opérationnelle sans l’achat d’équipements militaires
supplémentaires en Israël et que la délégation militaire israélienne au Zaïre
pourrait devoir être réduite, la plupart des officiers israéliens devant
peut-être être renvoyés au pays. Reuter demande qu’une résolution soit prise en
tenant compte des implications politiques.
Le 25
mars 1985, le général Mobutu décide d’accepter l’invitation du président Herzog
à se rendre à nouveau en Israël. Le 5 mai, Mobutu a rencontré l’ambassadeur
israélien Sarfatti à Kinshasa et s’est souvenu de ses rencontres avec les
anciens chefs d’état-major Mota Gur, Yitzhak Rabin et Shimon Peres lors de sa
précédente visite en 1963. Mobutu a déclaré qu’il était heureux d’entendre
parler de la possibilité de planter une forêt en Israël en son nom, et qu’il
serait ravi de visiter la base aérienne de Tel Nof. L’ambassadeur Sarfatti a
suggéré au ministère israélien des Affaires étrangères de faire rencontrer à
Mobutu des officiers israéliens qu’il avait rencontrés en 1963 et d’organiser «
un petit événement de souvenir (avec des diapositives) » pour le toucher au
cœur. En réponse, l’armée israélienne a suggéré que sa visite à Tel Nof
comprenne une rencontre avec des instructeurs de parachutistes, une visite des
installations d’entraînement et un spectacle de parachutisme. Le discours
préparé le 10 mai pour le président Herzog et destiné à être prononcé lors de
la cérémonie de réception de Mobutu contenait les mots suivants : "Le
peuple israélien est fier, Monsieur le Maréchal, de l’insigne de parachutiste
que vous avez reçu après avoir suivi l’entraînement et passé les examens comme
n’importe quel parachutiste israélien. C’est un honneur pour nous ».
Un
document intitulé « Sujets de conversation avec le président du Zaïre »,
préparé pour la prochaine visite de Mobutu en Israël, indique que « peu de mois
après avoir renoué les relations en mai 1982, Mobutu a commencé à manifester
des sentiments de frustration. Il a déclaré que nous ne répondions pas aux
attentes ni aux promesses. Cette frustration s’est exprimée dans des
discussions qui sont devenues de plus en plus difficiles avec les représentants
israéliens qui ont rencontré Mobutu en 1983-1984. Même notre président,
accueilli au Zaïre beaucoup plus chaleureusement que d’habitude, a entendu des
mots très durs de la part de Mobutu lors d’une conversation entre quatre-z-yeux
». En ce qui concerne la situation économique, le rapport indique que « le
Zaïre a du mal à se débarrasser de ses dettes qui s’élèvent à 5 milliards de
dollars, malgré les arrangements avec le Fonds Monétaire International et les groupes
de banques de Paris et de Londres pour le report des dettes ». En ce qui
concerne la coopération économique, le rapport indique qu’« il n’y a
pratiquement pas d’activité économique israélienne au Zaïre à l’heure actuelle
». Nous savons maintenant qu’aucune activité économique de ce genre ne pourrait
se développer sans que le gouvernement israélien ne change d’attitude et ne
donne à nos entreprises l’assurance d’agir au Zaïre » En ce qui concerne
la coopération militaire, il est dit que « Mobutu a du mal à financer les
unités dont l’entraînement a été laissé à notre personnel et surtout à leur
acheter du matériel. Il est également assez amer des sommes considérables que
lui coûtent nos officiers (environ 10.000 dollars chacun). Mobutu nous demande
donc de lui permettre d’avoir des crédits pour acheter du matériel en Israël,
de se faire offrir des cadeaux par l’armée israélienne et de nous faire couvrir
en partie les frais d’entretien de nos officiers au Zaïre ».
Au sujet
du lobby de Washington, le document indique que « Mobutu prétend que malgré nos
promesses, nous n’avons pas réussi à améliorer sa situation au Capitole, alors
que ses adversaires y sont tous des juifs amis d’Israël. Il a raison sur ce
point. Il se rend également compte que l’establishment juif usaméricain n’a pas
l’impression qu’il s’agit de notre priorité absolue, car les pressions exercées
sur cet establishment ne sont que des pressions de bas étage et ne sont donc
pas efficaces ». Quant à la sensibilité aux liens de l’État d’Israël avec le
régime d’apartheid, si le sujet est abordé lors de rencontres avec Mobutu, il
faut lui dire que « les Juifs ont joué un rôle important dans la lutte contre l’apartheid
sud-africain » et que « les efforts déployés par Israël pour faire venir des
Juifs éthiopiens en Israël contredisent la légende selon laquelle le sionisme
est du racisme ».
Selon un
résumé préparé par le chef de la délégation de l’armée israélienne au Zaïre, le
colonel Joseph Shevo, pour une discussion avec les directeurs des ministères
des Affaires étrangères et de la Défense le 3 mai 1985, au sujet de la
prochaine visite de Mobutu en Israël, la reprise des activités militaires au
Zaïre a commencé en 1982 avant même le renouvellement des relations
diplomatiques entre les deux États, puisqu’une délégation de conseillers a été
envoyée pour former la Brigade présidentielle et que du matériel militaire d’une
valeur de 8 millions de dollars a été acheté en Israël. Des conseillers ont été
envoyés pour fonder et former un régiment, former le régiment de cérémonie, et
pour l’entretien, l’armement et le renseignement, ainsi qu’un conseiller
personnel pour le commandant de la brigade.
Selon le
résumé de Shevo, le 20 janvier 1983, le ministre de la Défense Ariel Sharon a
signé un contrat d’aide militaire avec le ministre de la Défense du Zaïre. Le
contrat prévoyait l’envoi de 21 conseillers (en fait, 13 ont été envoyés en
raison du problème de paiement du Zaïre), la création et l’entraînement de la
brigade présidentielle, l’organisation et le rétablissement de la division
Kamanyola, l’aide à la réorganisation de la marine zaïroise et l’aide à l’équipement
de communication. Il a été décidé qu’Israël équiperait l’unité d’artillerie à
titre de don. Il a été convenu que l’ensemble des achats militaires pour 1984 s’élèverait
à 15 millions de dollars, pour lesquels l’Etat d’Israël s’est engagé à assurer
un crédit roulant d’un montant de 8 millions de dollars. Sur la liste des
achats et des conseillers prévus, le Zaïre a acheté du matériel pour un montant
de 3 millions de dollars pour la division Kamanyola et a payé 300.000 dollars
pour les conseillers. Un régiment de parachutistes a été créé et équipé au sein
de la Brigade présidentielle, le régiment de cérémonie a reçu une formation de
base et la compagnie d’élite « Cobra » a été formée, notamment à l’utilisation
des armes à feu et à la garde du corps. En outre, il y a eu la formation d’un
cadre de cours d’officiers, d’un cours de commandants d’escouade et de deux
compagnies de recrues. Le personnel « Cobra » a également été formé en Israël.
Le colonel Shevo a écrit que sans l’achat de l’équipement nécessaire à la
formation, il est inutile de maintenir certains conseillers militaires
israéliens sur place, et que dans le format actuel, ils termineraient leur
travail jusqu’à la fin de l’année 1985.
Le
général Mobutu s’est rendu en Israël entre Le 12 et le 17 mai. Il a visité Yad
Vashem (site et musée commémoratifs de l’Holocauste), et le chef d’état-major
israélien Moshe Levi l’a accompagné dans sa visite « nostalgique » à Tel Nof.
Les résumés du ministère des Affaires étrangères indiquent que lors d’un
déjeuner avec le Premier ministre Shimon Peres, Mobutu s’est plaint que, malgré
le renouement des relations avec Israël, le Congrès usaméricain, et en
particulier les membres juifs du Congrès, continuaient à lui manifester leur
hostilité, de même que les organisations internationales. Mobutu a mentionné
que lors de la visite du Président Herzog au Zaïre, l’avion du Président a
livré du matériel au Zaïre, soulignant que cela s’inscrivait dans le cadre de l’accord
sur la Brigade Présidentielle. Le Premier ministre Peres a dit à Mobutu qu’il
confirmait le crédit pour l’achat d’équipement militaire supplémentaire et qu’il
nommerait un comité pour vérifier les détails et les conclure. Le lendemain,
lors du petit-déjeuner avec Yitzhak Shamir, ministre des Affaires étrangères,
Mobutu s’est plaint que la presse israélienne écrivait des choses totalement
fausses sur lui et sur le Zaïre.
Un
rapport de la visite préparé par le chef de la section Afrique du ministère des
Affaires étrangères, Yitzhak Aviran, le 19 mai, mentionne que le ministre de la
Défense Rabin a remercié Mobutu d’avoir entièrement payé les salaires des
conseillers israéliens stationnés au Zaïre, et a annoncé qu’à l’avenir Israël
couvrirait 50 % de leur paiement, accorderait au Zaïre un crédit de 8 millions
de dollars pendant six ans pour l’achat de son équipement militaire, et
financerait toute la formation en Israël des soldats et des officiers de la
Brigade présidentielle et de la Division Kamanyola.
Le 20
août 1985, lors d’une réunion avec l’ambassadeur israélien Sarfatti à Kinshasa,
Mobutu s’est plaint qu’Israël intervenait dans la décision concernant la force
armée qui recevrait l’équipement acheté avec le prêt, et qu’il souhaitait le
diriger vers de nouvelles unités qu’il était sur le point de créer. Un rapport
préparé par le directeur adjoint du ministère des Affaires étrangères, Primor,
en octobre 1985, indique que le premier ministre Peres a rencontré Mobutu à New
York, mais aucun document ne fait état de leur entretien. Uri Savir, présent à
la réunion, a déclaré qu’il avait noté « à peine quatre lignes », Mobutu ayant
simplement répété les mêmes « plaintes et ressentiments » qu’il avait à l’égard
d’Israël.
Un
rapport de la réunion tenue à Kinshasa par le représentant du ministère
israélien de la Défense avec le ministre zaïrois de la Défense, le 29 octobre
1987, indique que le statut de Mobutu et sa domination absolue sur tous les
centres de pouvoir du pays se poursuivent, et que Mobutu s’est à nouveau tourné
vers Israël en lui demandant d’exercer son influence sur le Congrès usaméricain
par l’intermédiaire du lobby juif afin de changer le traitement qui lui était
réservé. Elle indique également que les documents de crédit d’un montant de 8
millions de dollars ont été signés par les ministres israéliens de la défense
et du trésor et qu’ils attendent la signature du procureur général. A l’issue
de cette procédure, Israël pourrait remettre cette somme au Zaïre. Une
délégation de l’armée israélienne composée de neuf officiers a formé la
division Kamanyola et la brigade présidentielle. L’ambassade suppose que « l’aggravation
de la crise économique amènera le président Mobutu à mettre à l’épreuve les
promesses qu’il a reçues des dirigeants israéliens d’agir en son nom aux USA,
et nos efforts à cet égard n’ont pas abouti en raison de l’image négative que
le Zaïre a au Congrès et dans les médias usaméricains, alors que les graves
problèmes dus à la nature de ce pays exigent un régime centralisateur et
autoritaire ».
Les
documents du ministère israélien des Affaires étrangères datant de la dernière
décennie du règne de Mobutu jusqu’à son éviction par les sécessionnistes et les
armées rwandaise et ougandaise le 14 mai 1997 n’ont pas encore été rendus
publics. Les armées rwandaise et ougandaise étaient elles aussi équipées d’armes
israéliennes. Le Zaïre a changé de nom pour devenir la République démocratique
du Congo, et l’État d’Israël a continué à soutenir les dictateurs de la famille
Kabila qui ont gouverné le pays et volé ses trésors jusqu’en 2019.