Fausto Giudice, Basta!, 24/11/2014
Dans le monde polarisé où nous nous débattons, la pensée
unique dominante est binaire : "où vous êtes avec nous, ou vous êtes contre
nous". Et dans le cas de la situation dans laquelle la pauvre Palestine
est engluée, cette pensée binaire est mise en œuvre avec de l'artillerie lourde,
au propre comme au figuré. Il est ainsi devenu d'usage de présenter les acteurs
palestiniens en les réduisant au duo de frères ennemis Fatah-Hamas, les
premiers étant devenus présentables et cooptables dans le concert des partis
"étatiques", car censés être laïcs, démocratiques et pacifiques, les
seconds restant enfermés dans leur ghetto de Gaza, régulièrement soumis à une
tempête de feu, d'acier et de sang, et presque hermétiquement clos depuis 8 ans,
en plus de figurer sur les listes officielles d'organisations terroristes dressées
par les puissances du "monde libre", lancées dans de nouvelles croisades.
Encore que même cette pensée binaire soit constamment remise en cause par
Netanyahou et ses acolytes, qui tentent de convaincre leurs alliés US et européens
que "tout ça" –l'ensemble des partis et mouvements palestiniens -
n'est qu'une seule et même bande d'exterminateurs de juifs.
Si l'on fait une recherche sur le moteur de recherche le
plus en vogue, les occurrences de quatre mots que l'on obtient sont les
suivantes :
Mot-clé
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Langues
en caractères latins
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Arabe
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Hamas
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6 330 000 résultats
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16 000 000 résultats
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Fatah
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42 600 000 résultats
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32 400 000 résultats
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OLP
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23 300 000
résultats
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1 120 000 résultats
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Jihad islamique
Palestine
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180 000 résultats
|
1 600 000
résultats
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Comme on le voit,
il n'y a pas photo : l'organisation du Jihad islamique palestinien est
pratiquement un fantôme médiatique. On ne peut donc que se réjouir du travail
de recherche mené par trois auteurs appartenant, pour d'eux d'entre eux, à la
nouvelle génération des "islamologues/orientalistes" français, et pour
le troisième, à la diaspora palestinienne. Ils réunissent donc les trois conditions
minimales requises pour une approche rationnelle/scientifique d'un mouvement
politique arabe : la connaissance de la langue arabe, la connaissance personnelle
des protagonistes, et une culture générale suffisamment vaste pour être en
mesure de replacer les actes et les discours des acteurs étudiés dans un
contexte historique, politique, culturel, social, militaire et religieux.
Pour tous ceux et toutes celles qui ne peuvent se satisfaire de ranger les mouvements de résistance "islamistes" dans le grand fourre-tout des "barbus-fous (à lier) de Dieu", bons pour la géhenne, le livre de Wissam Alhaj, Nicolas Dot-Pouillard et Eugénie Rébillard, "De la théologie à la libération –Histoire du Jihad islamique palestinien" (La Découverte, octobre 2014, 214 p., 18 €), permettra une plongée dans un monde et une histoire inconnus de 99% des Occidentaux, pro-Palestiniens compris, avec un dosage équilibré d'empathie et de distance critique. On ne peut donc qu'en recommander la lecture, notamment aux militants français de gauche, partisans inconditionnels du Fatah et que la simple existence du Hamas et du Hezbollah gêne aux entournures quand elle ne leur donne pas des boutons : ils verront que les choses ne sont pas si simples, et que le Fatah est et a été beaucoup plus "islamique" qu'ils veulent bien le croire.