Juan Pablo Cárdenas S., Politika,
4/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le presidente
del gobierno de España, le social-démocrate Pedro Sánchez, rend visite à la presidente
del Consiglio en Italie, la très néofasciste Giorgia Meloni. Le titre du
quotidien madrilène El País en dit long : « Le président et Meloni
font preuve de “syntonie” et évitent toute distanciation ». Hier, Fausto
m'a appelé. J'ai trouvé son commentaire pertinent : « Ils veulent lutter
contre le fascisme en adoptant son programme ». Pourquoi Boric devrait-il
nous surprendre ? [Luis Casado, Politika]
Santiago , 25 octobre 2019 :
« C’est pas pour 30 pesos [l’augmentation du ticket de métro], c’est pour
30 ans [de post-pinochétisme] »
L'histoire
semble nous montrer que les gens n'ont pas toujours, ou plutôt rarement,
raison. Sinon, les guerres et autres graves aberrations commises contre
l'humanité n'auraient pas pu avoir lieu. Au XXe siècle, considéré
comme le plus cruel et le plus violent de tous, des millions d'êtres humains
ont été condamnés à la mort, à l'esclavage, à la torture et aux camps
d'extermination, au gré des dictateurs les plus sombres, souvent au nom de
leurs propres sujets ou même sous le prétexte de la volonté de Dieu.
Des
pratiques telles que l'Inquisition, la discrimination raciale et tant d'autres
aberrations ont été encouragées et acclamées par les peuples. Le nazisme, sans
aller plus loin, est connu pour avoir bénéficié d'un soutien massif de
l'opinion publique, de même que divers tyrans de notre continent [Abya Yala,
alias l’Amérique latine, NdT] se sont levés et ont régné avec l'appui de masses
en liesse. Les exemples sont nombreux et il n'est pas utile de les rappeler.
C'est
pourquoi il nous semble anormal que les gouvernants et les hommes politiques en
général se débarrassent de leurs idéaux politiques pour “obéir à la volonté de
leur peuple”. Le pire est que, ce faisant, ils prétendent toujours adopter un
comportement démocratique, comme si celui-ci consistait à se dédire et à renier
ses promesses devant des majorités de circonstance, comme si les grandes
transformations n'avaient pas toujours été le fruit de la vision prophétique et
même du volontarisme des leaders politiques et sociaux.
Nos Pères
fondateurs sont même morts dans l'incompréhension et la répudiation de leurs
nations. Un Martin Luther King a été répudié même par la population noire des USA,
tout comme les reconstructeurs de l'Europe d'après-guerre ont dû s'exiler et
lutter pendant de nombreuses années pour obtenir le soutien de leurs peuples, saoulés
pendant de nombreuses années par les triomphes et les crimes d'Hitler, de
Mussolini et Staline.
Dans les
différents médias chiliens aujourd'hui, le changement entre le Boric candidat et
le Boric président est critiqué autant qu'il est loué. Le fait qu'hier il
prônait le contrôle des cochoncetés commises par la police et qu'aujourd'hui il
s'assume comme son grand protecteur depuis sa position à la tête de l'État. Le
fait qu'il ait réussi à gracier, comme il l'avait promis, certains prisonniers
de l’explosion sociale et que son gouvernement convienne maintenant qu'il ne
continuera pas à exercer ce privilège présidentiel. Le fait que ses proches
collaborateurs aient proclamé leur supériorité morale par rapport aux
dirigeants de la Concertación et de la Nueva Mayoría, et que des représentants
des gouvernements précédents aient été incorporés aux postes les plus élevés de
l'exécutif, remplaçant ceux qui font partie des secteurs de gauche qui ont
remporté les dernières élections présidentielles.
C'est
peut-être dans la concordance entre ce qui est promis et ce qui est fait par la
suite que réside le véritable leadership et l'esprit d'État des gouvernants.
Dans la capacité à convaincre leurs nations, à les empêcher de se rendre aux
secteurs rétrogrades, à se laisser intimider par leurs campagnes de terreur et
leurs projets de coup d'État. De s'imposer face aux mauvaises intentions de la
presse accrochée à ceux qui s'opposent sans vergogne à la justice sociale, à la
possibilité d'une réforme fiscale efficace, à une redistribution exacte du
revenu national, et de mettre en œuvre une économie et des relations
internationales qui veillent aux intérêts du pays, sans s'agenouiller devant
les puissances hégémoniques et les compagnies transnationales.
En ce sens,
notre propre évolution politique et institutionnelle peut éclairer un président
comme Gabriel
González Videla [1946-1952], qui est arrivé à La Moneda dans les bras du
peuple et des partis de gauche pour finir par servir les secteurs les plus
riches et les plus réactionnaires, confinant les communistes et d'autres dans
des camps de concentration. Ses pairs qui ont promu des réformes telles que
l'éducation et le développement d'une entreprise publique aussi importante que
la Corporación
de Fomento de la Producción [1939] ne sont-ils pas bien plus méritants que
lui ?
Il se peut
que ce qui est arrivé à Salvador Allende ait inhibé ceux qui ont gouverné après
Pinochet, dans la crainte constante que les militaires ne fassent avorter leur
administration, en ne respectant pas un grand nombre d'engagements qu'ils
avaient pris envers le peuple. Il ne fait aucun doute que l'échec du
gouvernement de l'Unidad Popular a semé des idées et des espoirs qui sont
encore bien vivants dans la conscience populaire aujourd'hui. Malgré le fait
qu'aujourd'hui notre population est en proie à la peur, à la criminalité et à
des phénomènes tels que le trafic de drogue, qui ont précisément été initiés
par les gouvernements timorés et la décomposition morale de la post-dictature.
Si, après
l'administration actuelle, la droite la plus extrême triomphe, ce sera
fondamentalement dû à la faiblesse et aux zigzags de ceux qui nous gouvernent.
De leur manque de cohérence et de conséquence. La démocratie ne consiste
certainement pas à se plier aux humeurs circonstancielles, aux mensonges et à
la propagande multimillionnaire de ceux qui sont réfractaires au changement et
toujours encouragés de l'extérieur. La chose démocratique à faire est de
respecter la volonté électorale, mais ensuite de se conformer à ce qui a été
promis.
La défaite vaut mieux que la
défec[a]tion.
NdT
Le Sénat chilien vient d’adopter, par 40
voix contre 5, le projet de loi dite Naín-Retamal, du nom de deux carabineros
morts dans l’exercice de leur devoir, et populairement appelée « loi gâchette
facile » qui instaure un droit de légitime défense aux membres des toutes
forces dites de sécurité : carabineros, gendarmes, PJ et tutti quanti.
Lire Chili :
le projet de loi sur la légitime défense pourrait augmenter les violences
policières et l’impunité pour ces crimes, par Amnesty
International, 30/3/2023
PS : Je dédie cette traduction à la mémoire
de l’immortel Marmaduke Grove Vallejo (1978-1954), ministre de la Défense de la plus brève
République socialiste de l’histoire mondiale (4-16 juin 1932), plus connu comme
l’“homme de l’avion rouge”, à bord duquel il débarqua à Concepción en septembre
1930 pour tenter de prendre le pouvoir avec ses camarades, mais subit une
trahison des militaires sur lesquels il comptait. Fondateur du Parti socialiste, qu'il quitta pour sa dérive droitière, fondant l'éphémère Parti Socialiste Authentique en 1943. Parmi ses héritiers politiques
tragiques : Salvador Allende et Hugo Chávez. Parmi ses héritiers
biologiques tragicomiques : Camila Vallejo
Dowling, ministre secrétaire générale du gouvernement Boric, que j’ai appelée
ailleurs la
Madone des sleepings de gôche. Marmaduke, réveille-toi, ils sont devenus mous du cerveau et durs de la feuille, et envoie-leur quelques escadrilles de drones rouges !