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19/10/2024

ALAN MACLEOD
‘Beurk Rabid’ & Co.: ces espions israéliens qui écrivent les “news” aux USA

 Alan Macleod, MintPress News, 16/10/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

« Un an après les attentats du 7 octobre, Netanyahou est sur une lancée victorieuse » : tel est le titre d’un récent article d’ Axios décrivant le Premier ministre israélien sur une vague imbattable de triomphes. Ces « succès » militaires stupéfiants, note l’auteur Barak Ravid, comprennent le bombardement du Yémen, l’assassinat du chef du Hamas Ismail Haniyeh et du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, ainsi que les attentats aux bipeurs contre le Liban.


Le même auteur est récemment devenu viral pour un article affirmant que les attaques israéliennes contre le Hezbollah « n’ont pas pour but de mener à la guerre mais sont une tentative de “désescalade par l’escalade” ». Les utilisateurs des médias sociaux se sont moqués de Ravid pour ce raisonnement bizarre et orwellien. Mais ce qui a échappé à presque tout le monde, c’est que Barak Ravid est un espion israélien - ou du moins il l’était  jusqu’à récemment. Ravid [né en 1980] est un ancien analyste de l’agence d’espionnage israélienne Unité 8200. Jusqu’en mars 2023, il était réserviste des Forces de défense israéliennes.

L’Unité 8200 est l’organisation d’espionnage la plus importante et peut-être la plus controversée d’Israël. Elle est responsable de nombreuses opérations d’espionnage et de terreur très médiatisées, dont le récent attentat aux bipeurs qui a blessé des milliers de civils libanais. Comme le révélera cette enquête, Ravid est loin d’être le seul ancien espion israélien à travailler dans les principaux médias usaméricains, s’efforçant de susciter le soutien de l’Occident aux actions de son pays.

L’initié de la Maison Blanche

Ravid est rapidement devenu l’une des personnalités les plus influentes du corps de presse du Capitole. En avril, il a remporté le prestigieux prix des correspondants de presse de la Maison-Blanche « pour l’excellence globale de sa couverture de la Maison-Blanche », l’une des plus hautes distinctions du journalisme usaméricain. Les juges ont été impressionnés par ce qu’ils ont décrit comme « des niveaux profonds, presque intimes, d’approvisionnement en sources aux USA et à l’étranger » et ont sélectionné six articles comme étant des travaux journalistiques exemplaires.

La plupart de ces articles consistaient simplement à publier des sources anonymes de la Maison Blanche ou du gouvernement israélien, à les mettre en valeur et à distancier le président Biden des horreurs de l’attaque israélienne contre la Palestine. Ainsi, il n’y avait pratiquement aucune différence entre ces articles et les communiqués de presse de la Maison Blanche. Par exemple, l’un des articles retenus par les juges était intitulé « Scoop : Biden dit à Bibi qu’une pause de trois jours dans les combats pourrait aider à obtenir la libération de certains otages », et présentait le 46e président des USA comme un humanitaire dévoué, déterminé à réduire les souffrances. Un autre article décrivait la « frustration » de Biden à l’égard de Netanyahou et du gouvernement israélien.

Des protestataires avaient appelé les journalistes à bouder l’événement par solidarité avec leurs confrères tombés à Gaza (ce qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, représente au moins 128 journalistes). Non seulement l’événement n’a pas été boycotté, mais les organisateurs ont décerné leur prix le plus prestigieux à un fonctionnaire des services de renseignement israéliens devenu reporter, qui s’est forgé la réputation d’être peut-être le sténographe le plus consciencieux du pouvoir à Washington.

Ravid s’est vu remettre personnellement le prix par le président Biden, qui l’a embrassé comme un frère. Le fait qu’un (ancien) espion israélien connu puisse serrer Biden dans ses bras de cette manière en dit long non seulement sur les relations intimes entre les USA et Israël, mais aussi sur la mesure dans laquelle les médias de l’establishment sont redevables au pouvoir politique.


Ravid s’est fait un nom en publiant sans esprit critique des informations flatteuses qui lui sont communiquées par le gouvernement usaméricain ou israélien et en les faisant passer pour des scoops. En avril, il a écrit que « le président Biden a lancé un ultimatum au premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lors de leur conversation téléphonique de jeudi : Si Israël ne change pas de cap à Gaza, « nous ne serons pas en mesure de vous soutenir » », et qu’il “ exerçait sa plus forte pression pour mettre fin aux combats à Gaza après six mois de guerre, et avertissait pour la première fois que la politique américaine sur la guerre dépendrait de l’adhésion d’Israël à ses demandes”, qui incluaient “un cessez-le-feu immédiat”. En juillet, il a répété que des sources anonymes lui avaient dit que Netanyahou et Israël s’efforçaient de trouver « une solution diplomatique »,  une autre affirmation très douteuse.

D’autres articles de Ravid suivent le même schéma :

Cet acharnement à blanchir l’administration Biden a suscité de nombreuses moqueries en ligne.

« AXIOS EXCLUSIF : Après avoir vendu à Netanyahou des millions de dollars d’armes, Biden a joué - à haute voix – ‘Bad Blood’ de Taylor Swift. Tout le monde pouvait l’entendre, dit une source proche de Biden », a tweeté l’ utilisateur X David Grossman. « Je continue à donner des tas d’argent et d’armes, mais je secoue la tête pour que tout le monde sache que je ne suis pas d’accord », a écrit le comédien Hussein Kesvani, en réponse au dernier article de Ravid suggérant que Joe Biden est devenu “de plus en plus méfiant” à l’égard du gouvernement israélien.

Tout au long de cette prétendue rupture entre les USA et Israël, l’administration Biden a continué à soutenir avec enthousiasme les offensives israéliennes, à bloquer les résolutions de cessez-le-feu et la création d’un État palestinien à l’ONU, et a envoyé pour 18 milliards de dollars d’armes à Israël au cours des 12 derniers mois. Ainsi, aussi discutables que soient les rapports d’Axios, ils jouent un rôle vital pour Washington, en permettant à l’administration Biden de se distancier de ce que les organismes internationaux ont qualifié de génocide. La fonction de Ravid a été de fabriquer un consentement pour le gouvernement parmi les élites libérales qui lisent Axios, leur permettant de continuer à croire que les USA sont un honnête courtier pour la paix au Machrek plutôt qu’un complice clé d’Israël.

Ravid ne cache pas son mépris affiché pour les Palestiniens. En septembre, il a retweeté un message dans lequel on pouvait lire : « C’est le PaliNazi : C’est la méthode des PaliNazis... ils empochent des concessions sans rien donner en retour et utilisent ensuite ces concessions comme base de référence pour le prochain cycle de négociations. Les PaliNazis ne savent pas dire la vérité ».

Moins d’une semaine plus tard, il a fait la promotion de l’ affirmation très douteuse du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, selon laquelle les forces de défense israéliennes avaient trouvé une photo des enfants du chef des Brigades al-Qassam, Mohammed Sinwar, célébrant devant une immense photo d’avions frappant le World Trade Center. Gallant a déclaré qu’ils avaient trouvé cette photo - essayant clairement d’associer faussement les Palestiniens au 11 septembre - dans un tunnel « où les frères Sinwar se cachaient comme des rats ».

Une agence d’espionnage tristement célèbre

Fondée en 1952, l’Unité 8200 est la division la plus importante et la plus controversée de l’armée israélienne.

Responsable des opérations secrètes, de l’espionnage, de la surveillance et de la cyberguerre, le groupe est au centre de l’attention mondiale depuis le 7 octobre 2023. Il est largement identifié comme l’organisation à l’origine du tristement célèbre attentat aux bipeurs au Liban, qui a fait au moins neuf morts et environ 3 000 blessés. Alors que beaucoup en Israël (et Ravid lui-même) ont salué l’opération comme un succès, elle a été condamnée dans le monde entier comme un acte de terrorisme flagrant, y compris par l’ancien directeur de la CIA, Leon Panetta.

L’Unité 8200 a également établi une liste de personnes à abattre pour Gaza, alimentée par l’intelligence artificielle, suggérant des dizaines de milliers d’individus (y compris des femmes et des enfants) à assassiner. Ce logiciel a été le principal mécanisme de ciblage utilisé par les FDI au cours des premiers mois de leur attaque contre cette bande densément peuplée.

Décrite comme le Harvard israélien, l’Unité 8200 est l’une des institutions les plus prestigieuses du pays. Les parents dépensent des fortunes pour que leurs enfants suivent des cours de sciences et de mathématiques, dans l’espoir qu’ils soient choisis pour y servir, ce qui leur ouvrirait les portes d’une carrière lucrative dans le secteur florissant de la haute technologie en Israël.

L’unité sert également de pièce maîtresse à l’appareil d’État répressif futuriste d’Israël. En utilisant des quantités gigantesques de données compilées sur les Palestiniens en suivant leurs moindres mouvements grâce à des caméras de reconnaissance faciale, en surveillant leurs appels, leurs messages, leurs courriels et leurs données personnelles, l’Unité 8200 a créé un filet dystopique qu’elle utilise pour surveiller, harceler et réprimer les Palestiniens.

L’Unité 8200 constitue des dossiers sur chaque Palestinien, y compris ses antécédents médicaux, sa vie sexuelle et ses recherches, afin que ces informations puissent être utilisées ultérieurement à des fins d’extorsion ou de chantage. Si, par exemple, un individu trompe son conjoint, a désespérément besoin d’une opération médicale ou est secrètement homosexuel, ces informations peuvent être utilisées pour transformer des civils en informateurs et en espions pour le compte d’Israël. Un ancien agent de l’Unité 8200 a déclaré que, dans le cadre de sa formation, il devait mémoriser différents mots arabes pour « gay » afin de pouvoir les repérer dans les conversations.

Les agents de l’Unité 8200 ont ensuite créé certaines des applications les plus téléchargées au monde et un grand nombre des programmes d’espionnage les plus tristement célèbres, dont Pegasus. Pegasus a été utilisé pour surveiller des dizaines de dirigeants politiques dans le monde entier, dont Emmanuel Macron en France, Cyril Ramaphosa en Afrique du Sud et Imran Khan au Pakistan.

Le gouvernement israélien a autorisé la vente de Pegasus à la Central Intelligence Agency, ainsi qu’à certains des gouvernements les plus autoritaires de la planète. L’Arabie saoudite, notamment, a utilisé le logiciel pour surveiller le journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi avant qu’il ne soit assassiné par des agents saoudiens en Turquie.

Une récente enquête de MintPress News a révélé qu’une grande partie du marché mondial des VPN est détenue et exploitée par une société israélienne dirigée et cofondée par un ancien élève de l’Unité 8200.

En 2014, 43 réservistes de l’Unité 8200 ont rédigé une déclaration commune dans laquelle ils déclaraient ne plus vouloir servir dans cette unité en raison de ses pratiques contraires à l’éthique, qui consistaient notamment à ne pas faire de distinction entre les citoyens palestiniens ordinaires et les terroristes. La lettre indiquait également que leurs renseignements étaient transmis à des politiciens locaux puissants, qui les utilisaient comme bon leur semblait.

Cette déclaration publique a hérissé Ravid de colère à l’égard de ses collègues. À la suite de ce scandale, Ravid s’est rendu à la radio de l’armée israélienne pour attaquer les dénonciateurs. Il a déclaré que s’opposer à l’occupation de la Palestine revenait à s’opposer à Israël lui-même, l’occupation étant une « partie » fondamentale d’Israël. « Si le problème est vraiment l’occupation, a-t-il dit, alors vos impôts sont aussi un problème - ils financent le soldat au poste de contrôle, le système éducatif... et 8200 est une belle blague ».

Si l’on met de côté les commentaires de Ravid, une question se pose : est-il vraiment acceptable que des membres d’un groupe conçu pour infiltrer, surveiller et cibler des populations étrangères, qui a produit un grand nombre des technologies d’espionnage les plus dangereuses et les plus invasives de la planète, et qui est largement considéré comme étant à l’origine d’attaques terroristes internationales sophistiquées, écrivent les news des USAméricains sur Israël et la Palestine ? Quelle serait la réaction si des personnalités des médias usaméricains s’avéraient être des agents de renseignement du Hezbollah, du Hamas ou du FSB russe ?

Nouvelles d’Israël, livrées par Israël

Ravid est loin d’être le seul journaliste influent aux USA à entretenir des liens étroits avec l’État israélien. Shachar Peled a passé trois ans en tant qu’officier de l’unité 8200, à la tête d’une équipe d’analystes spécialisés dans la surveillance, le renseignement et la cyberguerre. Elle a également travaillé comme analyste technologique pour le Shin Bet, le service de renseignement israélien. En 2017, elle a été engagée comme productrice et rédactrice par CNN et a passé trois ans à préparer des segments pour les émissions de Fareed Zakaria et Christiane Amanpour. Google l’a ensuite engagée pour devenir sa spécialiste principale des médias.


L’ancienne espionne israélienne Shachar Peled a travaillé pour la chaîne israélienne i24 News avant d’être embauchée par CNN, puis par Google.

Tal Heinrich est un autre agent de l’Unité 8200 qui a travaillé pour CNN. Heinrich a passé trois ans en tant qu’agent de l’Unité 8200. Entre 2014 et 2017, elle a été productrice sur le terrain et à la rédaction du bureau de CNN à Jérusalem, notoirement pro-israélien, où elle a été l’une des principales journalistes à façonner la compréhension par l’USAmérique de l’opération « Bordure protectrice », le bombardement israélien de Gaza qui a tué plus de 2 000 personnes et laissé des centaines de milliers de personnes déplacées. Heinrich a ensuite quitté CNN et est aujourd’hui la porte-parole officielle du Premier ministre Benjamin Netanyahu.


La tendance de CNN à l’embauche de personnalités de l’État israélien se poursuit encore aujourd’hui. Tamar Michaelis, par exemple, travaille actuellement pour la chaîne et produit une grande partie de son contenu sur Israël et la Palestine. Elle a pourtant
été porte-parole officielle des Forces de défense israéliennes (FDI).

Anat Schwartz avait liké un gazouillis d'un autre sioniste appelant à "transformer la bande de Gaza en abattoir", exemple cité par l'Afrique du Sud dans sa plainte à la CIJ contre Israël pour génocide. Elle a finalement été virée par le New York Times

Le New York Times, quant à lui, a embauché Anat Schwartz, une ancienne officière de renseignement de l’armée de l’air israélienne sans aucune expérience journalistique. Schwartz a coécrit le fameux article« Screams Without Words », aujourd’hui discrédité, qui affirmait que des combattants du Hamas avaient systématiquement violé des Israéliennes le 7 octobre. Le personnel du Times lui-même s’est révolté devant l’absence de preuves et de vérification des faits dans l’article.

Plusieurs employés du New York Times, dont l’éditorialiste vedette David Brooks, ont des enfants qui servent dans les forces de défense israéliennes ; alors même qu’ils font des reportages ou émettent des opinions sur la région, le Times n’a jamais révélé ces conflits d’intérêts flagrants à ses lecteurs. Il n’a pas non plus révélé qu’il avait acheté pour sa cheffe de bureau Jodi Rudoren une maison à Jérusalem qui avait été volée à la famille de l’intellectuelle palestinienne Ghada Karmi en 1948.

"Comment réussir dans le journalisme sans vraiment prendre un diplôme" : BD à la gloire de Jeff Goldberg sur le site ouèbe de l'Université de Pennsylvanie

MintPress News a interviewé Ghada Karmi l’année dernière à propos de son dernier livre et des tentatives israéliennes de la faire taire. Jeffrey Goldberg (un USAméricain), ancien rédacteur du New York Times Magazine et actuel rédacteur en chef de The Atlantic, avait abandonné ses études à l’université de Pennsylvanie pour se porter volontaire en tant que gardien de prison des FDI pendant la première Intifada (soulèvement) palestinienne. Dans ses mémoires, Goldberg a révélé que, lorsqu’il servait dans les FDI, il a aidé à dissimuler les mauvais traitements infligés aux prisonniers palestiniens.

Les entreprises de médias sociaux sont elles aussi remplies d’anciens agents de l’Unité 8200. Une étude réalisée par MintPress en 2022 a révélé que pas moins de 99 anciens agents de l’Unité 8200 travaillaient pour Google.


Marine Le Pen jeune ? Non, Emi Palmor

Facebook emploie également des dizaines d’anciens espions de cette unité controversée. C’est le cas d’Emi Palmor, qui siège au conseil de surveillance de Meta. Ce comité de 21 personnes décide en dernier ressort de l’orientation de Facebook, d’Instagram et des autres offres de Meta, en se prononçant sur les contenus à autoriser, à promouvoir et à supprimer. Human Rights Watch a formellement condamné Meta pour sa suppression systématique des voix palestiniennes sur ses plateformes. L’organisation a recensé plus de 1 000 cas de censure ouvertement anti-palestinienne pour les seuls mois d’octobre et de novembre 2023. Une mesure de cette partialité est mise en évidence par le fait que, à un moment donné, Instagram a automatiquement inséré le mot « terroriste » dans les profils des utilisateurs qui se disaient palestiniens.


Malgré les affirmations répandues par des politiciens usaméricains selon lesquelles elle est un foyer de racisme anti-israélien et antisémite, TikTok emploie également de nombreux anciens agents de l’Unité 8200 à des postes clés de son organisation. Par exemple, en 2021, elle a embauché Asaf Hochman en tant que responsable mondial de la stratégie des produits et des opérations. Avant de rejoindre TikTok, Hochman a passé plus de cinq ans en tant qu’espion israélien. Il travaille aujourd’hui pour Meta.

Censure pro-israélienne de haut en bas

Lorsqu’il s’agit de l’attaque d’Israël contre ses voisins, les médias capitalistes ont toujours fait preuve d’un parti pris pro-israélien. Le New York Times, par exemple, s’abstient régulièrement d’identifier l’auteur des violences lorsqu’il s’agit de l’armée israélienne et décrit le génocide de 750 000 Palestiniens en 1948 comme une simple « migration ». Une étude de la couverture du journal a révélé que des mots tels que « massacre » et « horrible » apparaissent 22 fois plus souvent lorsqu’il est question des morts israéliens que des morts palestiniens, malgré la disparité gigantesque du nombre de personnes tuées dans les deux camps.

Pendant ce temps, dans un reportage sur la façon dont les soldats israéliens ont tiré 335 balles sur une voiture dans laquelle se trouvait une enfant palestinienne et ont ensuite tiré sur les secouristes venus la sauver, CNN a imprimé le titre « Five-year-old Palestinian girl found dead after being trapped in car with dead relatives » (une fillette palestinienne de cinq ans retrouvée morte après avoir été piégée dans une voiture avec des parents décédés) - un titre qui pourrait être interprété comme signifiant que sa mort était un accident tragique.

Ce type de reportage n’est pas le fruit du hasard. En fait, il vient directement du sommet de la hiérarchie. Une note de service du New York Times datant de novembre et ayant fait l’objet d’une fuite révèle que la direction de l’entreprise a explicitement demandé à ses journalistes de ne pas utiliser des mots tels que « génocide », « massacre » et « nettoyage ethnique » lorsqu’ils évoquent des actions d’Israël. Le personnel du Times doit s’abstenir d’utiliser des mots tels que « camp de réfugiés », « territoire occupé » ou même « Palestine » dans ses reportages, ce qui rend presque impossible la transmission de certains des faits les plus élémentaires à son public.

Le personnel de CNN est soumis à des pressions similaires. En octobre dernier, le nouveau directeur général Mark Thompson a envoyé une note de service à l’ensemble du personnel, lui demandant de veiller à ce que le Hamas (et non Israël) soit présenté comme responsable de la violence, de toujours utiliser l’expression « contrôlé par le Hamas » lorsqu’il est question du ministère de la santé de Gaza et de ses chiffres de mortalité civile, et lui interdisant de rendre compte du point de vue du Hamas, dont le directeur principal des normes et pratiques en matière d’information a déclaré au personnel qu’il n’était « pas digne d’intérêt » et qu’il s’agissait de « rhétorique incendiaire et de propagande ».

Le Times et CNN ont tous deux licencié de nombreux journalistes en raison de leur opposition aux actions israéliennes ou de leur soutien à la libération de la Palestine. En novembre, Jazmine Hughes, du Times, a été renvoyée après avoir signé une lettre ouverte s’opposant au génocide en Palestine. L’année précédente, le journal avait mis fin au contrat de Hosam Salem à la suite d’une campagne de pression menée par le groupe pro-israélien Honest Reporting. Et le présentateur de CNN Marc Lamont Hill a été brusquement licencié en 2018 pour avoir appelé à la libération de la Palestine dans un discours aux Nations unies.

Les grandes organisations comme Axios, CNN et le New York Times savent évidemment qui elles embauchent. Il s’agit de certains des emplois les plus recherchés dans le journalisme, et des centaines de candidats postulent probablement pour chaque poste. Le fait que ces organisations choisissent de sélectionner des espions israéliens avant tout autre candidat soulève de sérieuses questions quant à leur crédibilité journalistique et leur objectif.

Engager des agents de l’unité 8200 pour produire des news usaméricaines devrait être aussi impensable que d’employer des combattants du Hamas ou du Hezbollah comme reporters. Pourtant, d’anciens espions israéliens sont chargés d’informer le public usaméricain sur les offensives en cours de leur pays contre la Palestine, le Liban, le Yémen, l’Iran et la Syrie. Qu’en est-il de la crédibilité et de la partialité de nos médias ?

Étant donné qu’Israël ne pourrait pas poursuivre cette guerre sans l’aide des USA, la bataille pour le contrôle des cerveaux yankees est aussi importante que les actions sur le terrain. Et au fur et à mesure que la guerre de propagande se poursuit, la frontière entre journaliste et combattant s’estompe. Le fait que nombre des principaux journalistes qui nous fournissent des informations sur Israël et la Palestine soient littéralement d’anciens agents des services de renseignement israéliens ne fait que le souligner.


Le Prix Pulitzer au New York Times pour sa couverture du génocide de Gaza: une grosse farce

08/07/2023

OMER BENJAKOB
Les chasseurs de têtes et l’argent US recrutent à prix d’or des pirates israéliens pour la cyberguerre

Omer Benjakob est journaliste spécialisé dans la désinformation et la cybernétique pour Haaretz. Il a fait partie du consortium de journalisme d'investigation Project Pegasus et s'intéresse à l'intersection entre la technologie et la politique. Il écrit également sur Wikipédia. Benjakob est né à New York et a grandi à Tel Aviv. Il est titulaire d'une licence en sciences politiques et en philosophie, a obtenu une maîtrise en philosophie des sciences et est chargé de recherche au Learning Planet Institute à Paris. @omerbenj

 

Defense Prime, qui a recruté au moins quatre pirates informatiques israéliens, n’est que le dernier exemple en date des entreprises usaméricaines et européennes qui se lancent dans le cyberjeu offensif, alors qu’Israël met au pas le groupe NSO et ses semblables


L’offre d’emploi a été publiée il y a environ deux mois en hébreu sur la page LinkedIn du principal chasseur de têtes de hackers israéliens. Le poste : chercheur senior en vulnérabilités - terme industriel désignant un pirate informatique capable de trouver des failles dans les mécanismes de défense de différents systèmes technologiques. Lieu : Espagne. Employeur : Une nouvelle “startup israélo-américaine” qui opère actuellement “sous les radars”, comme l’indique l’annonce.

Le salaire, Haaretz l’a confirmé, est le double de celui versé par les entreprises israéliennes actives sur le marché déjà lucratif de la cybernétique offensive. Les candidats qui obtiennent le poste bénéficient également d’un déménagement entièrement financé pour eux et leur famille d’Israël à Barcelone.

L’annonce ne mentionne aucun nom, mais Haaretz peut confirmer que l’entreprise qui se cache derrière est Defense Prime, une nouvelle cyber-entreprise fondée par des Israéliens expatriés aux USA. Elle est enregistrée aux USA et ses opérations naissantes sont menées dans le cadre de la législation et de la réglementation usaméricaines - tout en essayant d’inciter les Israéliens à abandonner leur travail dans des entreprises telles que NSO et à choisir de travailler aux USA, ou du moins avec les USA.

Haaretz a appris qu’au cours des derniers mois, au moins quatre pirates informatiques chevronnés ont quitté leur emploi en Israël, dans des entreprises appartenant à des Israéliens ou même dans l’establishment de la défense israélienne pour rejoindre la nouvelle entreprise. Deux de ces chercheurs chevronnés ont en fait quitté deux entreprises locales de cyber-armes, qui ont également perdu un expert en sécurité des opérations qui a récemment rejoint Defense Prime. L’un des autres pirates informatiques chevronnés vient d’une entreprise israélienne de Singapour, et un autre a été recruté au sein d’un organisme de défense israélien. Selon l’une des nombreuses sources qui ont parlé à Haaretz pour cet article, le chercheur était considéré comme un grand talent et son départ vers la nouvelle entreprise est considéré comme un coup dur potentiel pour les capacités cybernétiques de l’État israélien.

Il ne s’agit pas seulement de talents : selon des sources, l’entreprise a également discuté de la possibilité d’acheter des actifs de Quadream, une entreprise israélienne de cyberoffensive qui a récemment fermé ses portes. Il s’agit de la dernière d’une série d’entreprises similaires qui ont cessé leurs activités après la crise dans ce domaine controversé, aujourd’hui au cœur d’une crise entre Israël et les USA, et leurs institutions de défense respectives. Contrairement à l’embauche de pirates informatiques, la vente de toute technologie provenant d’une entreprise comme Qaudream, spécialisée dans le piratage des iPhones, nécessite l’autorisation du ministère israélien de la défense.


L’école militaire de formation à la cyberguerre Ashalim, située au CyberSpark de Beer Sheva (inauguré en 2014), forme de 500 à 600 cyberguerriers par an, destinés à l’exercice de tâches dans tous les secteurs de l’armée israélienne et dans le secteur privé en Israël et dans le monde. Ce cyber-campus a servi de modèle au Cyber Campus de La Défense à Paris, voulu par Emmanuel Macron et inauguré en 2022


Crise des logiciels espions

Il n’est pas le seul : au cours des deux dernières années, depuis que la crise entre Israël et les USA a éclaté à la suite d’une série de révélations concernant l’utilisation abusive du logiciel espion Pegasus de NSO, des dizaines de pirates informatiques israéliens et d’autres personnes employées dans le domaine de la cybernétique offensive ont quitté le pays pour travailler à l’étranger. Certains sont partis travailler pour d’autres Israéliens qui opéraient déjà en dehors du pays et de ses mécanismes de contrôle. D’autres rejoignent des entreprises étrangères basées en Europe ou aux USA - des entreprises qui, selon certaines sources, bénéficient également du soutien de leurs services de renseignement locaux non israéliens. Elles notent l’augmentation du nombre de sociétés italiennes et espagnoles en particulier, mais il s’agit surtout de sociétés soutenues par l’establishment de la défense et la communauté du renseignement usaméricains.

Defense Prime n’est que la plus récente et la plus bruyante de ce que les sources disent être une nouvelle génération de cyber-entreprises non-israéliennes actuellement en pleine ascension et prenant une part du talent et de la part de marché de leurs concurrents israéliens. Selon des sources et une enquête menée par Haaretz, l’entreprise rejoint une liste croissante d’entreprises nouvelles ou existantes qui ont considérablement développé leurs activités au cours des deux dernières années, parallèlement aux tentatives visant à contrôler l’industrie cybernétique israélienne et à mettre un terme à la prolifération des logiciels d’espionnage commerciaux.

En Europe, des sources indiquent que des entreprises existantes comme Memento Labs ou Data Flow en Italie, Interrupt Labs au Royaume-Uni et Varistone en Espagne se sont développées au cours des 18 derniers mois, également avec l’aide de talents israéliens. Il existe également de nouvelles entreprises, en particulier aux USA, qui sont apparues parallèlement à la pression exercée par les USA sur Israël dans le sillage de l’affaire du NSO.

Eqlipse, très présent sur les médias sociaux, ne rate pas une occasion de faire sa pub : concerts, marathons, célébrations patriotiques en tous genres


Eqlipse Technologies, par exemple, a été créée l’année dernière pour offrir ce qu’elle appelle des capacités de cyberveille et de renseignement d’origine électromagnétique (“SIGINT”) à spectre complet pour des “clients clés en matière de sécurité nationale au sein du ministère de la défense et de la communauté du renseignement”, selon un communiqué de presse d’Arlington Capital, qui soutient l’entreprise. L’expression “spectre cybernétique complet” est un euphémisme utilisé dans l’industrie pour désigner les capacités défensives et offensives. Malgré son jeune âge, Eqlipse emploie déjà plus de 600 personnes et réalise un chiffre d’affaires annuel de 200 millions de dollars.

Une autre entreprise, Siege Technologies, également usaméricaine, a été créée en 2019 mais a intensifié ses activités au cours des deux dernières années. Elle se concentre exclusivement sur « la fourniture de capacités cybernétiques offensives et défensives essentielles au gouvernement américain », selon son site web.

Selon certaines sources, ces entreprises et leurs annonces publiques - rares dans le monde secret du renseignement cybernétique - s’inscrivent dans une tendance plus large : Les entreprises et les invesisseurs usaméricains pensent que, parallèlement à la critique publique de la cyber-offensive, l’establishment de la défense usaméricaine et la Maison Blanche sont intéressés par le développement de leur propre industrie - et sont prêts à payer pour cela.

Le chouchou de Netanyahou

Le marché cybernétique offensif d’Israël, qui était autrefois la coqueluche du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de l’establishment de la défense israélienne, traverse la pire crise qu’il ait connue depuis sa création, d’après certaines sources.

Après des années de “cyber-diplomatie” - une politique menée par Netanyahou dans le cadre de laquelle Israël utilise la vente de cyber-armes pour réchauffer les relations diplomatiques avec des pays qui lui sont historiquement hostiles - Israël a fait volte-face. Selon certaines sources, il est loin le temps où le ministère de la Défense autorisait la vente de logiciels espions de qualité militaire à des pays comme le Rwanda ou l’Arabie saoudite.

La raison : l’enquête Projet Pegasus, à laquelle Haaretz a également participé, a révélé l’utilisation abusive du logiciel espion par les États clients de NSO dans le monde entier, ainsi que la révélation que l’Ouganda a utilisé le logiciel espion pour pirater les téléphones des fonctionnaires du département d’État usaméricain en Afrique. Cette dernière affaire a provoqué une crise diplomatique entre Washington et Jérusalem, la Maison Blanche exhortant Israël à restreindre ses cyber-entreprises. La décision d’ajouter NSO et Candiru, une autre cyber-entreprise israélienne, à une liste noire du ministère usaméricain du commerce a indiqué à Israël que les USAméricains étaient sérieux.

Israël a réagi en inversant sa politique. Il a communiqué aux médias une liste tronquée des pays auxquels les entreprises de cybernétique peuvent désormais vendre leurs produits, liste qui ne comprend pratiquement plus que des États occidentaux.

Selon certaines sources, toutes les petites entreprises qui se sont développées dans l’ombre de NSO et qui vendaient des logiciels espions à des pays non occidentaux ont perdu leur capacité à faire des affaires presque du jour au lendemain. Au cours des 18 derniers mois, la plupart des entreprises n’ont pas pu obtenir de licence pour conclure ne serait-ce qu’un seul nouveau contrat ; dans certains cas, les contrats existants ont également été annulés.

En réaction, de plus en plus d’entreprises ont commencé à fermer leurs portes ou à se retirer du marché offensif, se concentrant plutôt sur des formes moins intrusives de surveillance “passive”, qui ne sont pas réglementées de manière aussi stricte. Cognyte a par exemple fermé Ace Labs, sa filiale spécialisée dans le piratage téléphonique. Bien que les leaders du marché, NSO et Paragon - qui se concentre presque exclusivement sur les marchés occidentaux et a réussi à garder sa réputation intacte - poursuivent leurs activités, ils sont également en difficulté. D’autres, comme Nemesis, Wintego, Kela, Magen et Quadream, ont complètement cessé leurs activités, selon certaines sources, ou ont au moins déclaré qu’elles les avaient arrêtées et transférées à l’étranger ou qu’elles les avaient rebaptisées.

Des sources industrielles de haut niveau ont passé l’année dernière à avertir que la nouvelle politique israélienne d’apaisement avec les USAméricains se retournerait contre eux. Elles affirment que la perte de talents et les dommages causés à l’industrie nuiront également à l’establishment de la défense israélienne et pourraient même faire perdre à Israël son avantage dans le cyberespace militaire. Sans la capacité de retenir les meilleurs talents en Israël, ces pirates ne seront plus disponibles pour servir dans des unités comme la 8200 - où ceux qui travaillent à l’étranger ne peuvent pas toujours revenir pour le service de réserve en raison de préoccupations liées au secret.

« Lorsque ces personnes travaillent à l’étranger, elles ne sont pas seulement en dehors de l’écosystème israélien, mais aussi dans un nouvel écosystème, et ces pays en profitent », explique une source industrielle. « Cela ne fait pas qu’affaiblir Israël, cela rend aussi les Européens et les Américains - et qui sait d’autres - plus forts ».

Selon des sources industrielles, la pression usaméricaine sur Israël n’est pas seulement le résultat de préoccupations en matière de droits humains, mais fait également partie de ce qu’elles considèrent comme une politique plus large visant à affaiblir l’industrie cybernétique d’Israël et à renforcer celle des USA à ses dépens. À titre d’exemple, ils citent la tentative de L3Harris, un géant usaméricain de la défense technologique, d’acheter NSO après qu’il a été placé sur la liste noire. L’opération n’a pas abouti en raison des objections des responsables israéliens, mais elle a bénéficié du soutien de l’establishment usaméricain de la défense et devait permettre à NSO d’être retiré de la liste noire, a-t-on laissé entendre à l’époque.

Des rapports ont également révélé que les organismes de défense usaméricains avaient eux-mêmes acheté une version de Pegasus, allant jusqu’à l’offrir à Djibouti dans le cadre du soutien US à ce pays. Le décret de la Maison Blanche interdisant aux organismes usaméricains d’utiliser des logiciels espions tels que Pegasus, ont noté les experts à l’époque, était formulé de manière à permettre aux USA de continuer à produire, à vendre et même à utiliser ces technologies eux-mêmes.

Complexe militaro-industriel cybernétique

En fait, L3Harris fait partie d’une poignée d’entreprises de défense usaméricaines qui disposent de leurs propres unités cybernétiques offensives, et des sources affirment qu’il s’agit là de la véritable toile de fond de la montée en puissance d’entreprises telles que Defense Prime.

Les origines de Defense Prime remontent à un fonds de capital-risque usaméricain et aux deux entrepreneurs israéliens - dont l’un est un ancien de l’appareil de défense israélien. Le fonds lui-même n’est pas lié à la nouvelle entreprise, mais cette dernière est née d’une tentative antérieure du fonds d’entrer sur le marché de la cybernétique, avec le soutien d’une liste de hauts responsables des services de renseignement et de la défense. Ces derniers allaient de l’ancien chef de la National Security Agency, Keith Alexander, un général quatre étoiles à la retraite, à des responsables de l’unité de renseignement militaire israélienne 8200 et du Mossad, ainsi que des services de renseignement allemands. Comme indiqué, le fonds n’est pas impliqué dans la nouvelle entreprise, et on ne sait pas combien de ces fonctionnaires, s’il y en a, ont quitté la société de capital-risque et se sont impliqués dans le projet.

Dans le même temps, des entreprises telles que L3Harris et Raytheon, comme l’a constaté Haaretz, recrutent activement pour des postes aux capacités clairement offensives. Qu’il s’agisse de “chercheurs en exploitation de failles” ou d’experts en recherche ou en criminalistique sur iOs ou Android, les travailleurs sont recherchés par les entreprises de défense usaméricaines, qui ont toutes deux conclu des contrats avec des organismes officiels US pour différentes formes de cybercriminalité. Il en va de même pour General Dynamics, l’une des cinq plus grandes entreprises de défense usaméricaines.

CACI, une autre entreprise usaméricaine spécialisée dans la sécurité intérieure et les drones, se targue également de “capacités cybernétiques offensives contre les plateformes adverses”. L’entreprise est actuellement à la recherche d’une personne ayant des compétences en « criminalistique informatique / criminalistique d’appareils mobiles... analyse et méthodologies d’intrusion par rétro-ingénierie, analyse des renseignements et évaluation des vulnérabilités ». Leidos et une autre société appelée ManTech sont également de plus en plus actives dans ce domaine, selon des sources et des offres d’emploi. Ensemble, ces entreprises permettent à l’USAmérique de bénéficier d’une cyberindustrie militaire en plein essor.

L’entreprise italienne Data Flow est un bon exemple de cette tendance. Elle s’occupe directement des exploitations de failles (et non des logiciels espions) et a récemment décidé d’ouvrir une boutique aux USA, signe de la nouvelle centralité du marché usaméricain. L’entreprise, qui, selon son site ouèbe, recrute actuellement un chercheur en exploitation de failles pour iPhone et Android, compte également un Israélien senior qui a quitté un poste similaire dans une entreprise israélienne l’année dernière.

Ce n’est pas la première fois que de grosses sommes d’argent tentent d’attirer les talents israéliens. Toutefois, selon certaines sources, lorsque la société Dark Matter, soutenue par les Émirats arabes unis, a tenté d’attirer des pirates informatiques israéliens et usaméricains en leur offrant des salaires mirobolants (jusqu’à 1 million de dollars par an, selon les rumeurs), les établissements de défense usaméricains et israéliens ont pu tirer la sonnette d’alarme. Lorsque des entreprises usaméricaines et européennes font de même, Israël est impuissant. En effet, pendant des années, Israël a évité d’appliquer ses lois sur les exportations de défense aux personnes et aux capacités techniques, se contentant de réglementer la vente de technologies défensives ou militaires.

« Nous ne sommes pas en Corée du Nord, vous ne pouvez pas dire aux gens où ils doivent vivre et avec qui ils doivent travailler », déclare un haut fonctionnaire du secteur qui a perdu du personnel au cours des derniers mois. « Si quelqu’un préfère vivre et travailler à Washington ou en Espagne, c’est son droit ».

Les sources des différentes entreprises indiquent qu’avec la crise - et le climat politique en Israël qui pousse de nombreux Israéliens à envisager de quitter le pays - elles ont du mal à retenir les talents. Outre la menace usaméricaine, elles notent également que les entreprises israéliennes qui opèrent depuis longtemps en dehors d’Israël en récoltent également les fruits, et pas seulement en termes de talents.

À titre d’exemple, ils citent la société Intellexa, détenue et dirigée par deux anciens hauts responsables des services de renseignement israéliens, qui a été impliquée dans une série de controverses au cours de l’année écoulée. Elle a remporté un certain nombre de contrats lucratifs que des entreprises israéliennes ont été contraintes de refuser pour des raisons de réglementation et de respect des droits humains. Ils notent également l’existence de deux nouvelles cyber-entreprises à Singapour, liées à Rami Ben Efraim, ancien haut commandant de l’armée de l’air israélienne, qui a été attaché militaire dans ce pays d’Asie du Sud-Est et qui travaille désormais dans le secteur privé.

« Israël et les entreprises israéliennes ont toujours pu concurrencer celles qui essayaient d’opérer dans le dos du ministère israélien de la Défense et en dehors de son champ de compétence réglementaire », a déclaré une source. « Mais c’était à l’époque où l’industrie locale était vivante et dynamique, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui ».

Defense Prime et le ministère de la Défense israélien, sollicités, n’ont pas répondu à cet article.


Seth - Hacker Rat, par TheLivingShadow