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22/09/2025

AMEER MAKHOUL
Les reconnaissances internationales de l’État de Palestine ébranlent la politique israélienne

Ameer Makhoul, Progress Center for Policies, 22/9/2025

الاعترافات الدولية بدولة فلسطين تهز السياسة الاسرائيلية

Traduit par Tlaxcala

 

Un état d’anxiété et de choc s’empare à la fois des courants politiques au pouvoir et de l’opposition en Israël, à la suite des reconnaissances simultanées de l’État de Palestine par les plus proches alliés d’Israël — le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie — bientôt rejoints par le Portugal. D’autres États se préparent à reconnaître la Palestine et à promouvoir la sauvegarde de la solution à deux États.

Ahmad Rahma, Turquie
 

Contrairement aux attentes d’une réaction immédiate et préparée à l’avance, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a annoncé qu’il discuterait de la réponse d’Israël avec Donald Trump lors de leur rencontre le 29 de ce mois, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.

Détails :
Les réponses israéliennes possibles oscillent entre l’option extrême de déclarer l’annexion de la Cisjordanie (peu probable), et l’imposition de la souveraineté sur la vallée du Jourdain — déjà sous occupation militaire israélienne — ce qui rendrait une telle déclaration largement symbolique et politique. Une autre option consisterait à étendre la souveraineté sur d’autres parties de la Cisjordanie, y compris le nord et la zone de Khan al-Ahmar, fragmentant ainsi le territoire palestinien et empêchant sa continuité géographique. Une option plus extrême (mais improbable) serait de dissoudre ou de démanteler l’Autorité palestinienne, ce qui reste peu vraisemblable compte tenu des positions arabes, internationales et surtout européennes.

Netanyahou a déclaré qu’il « doublerait l’activité de colonisation, comme cela se passe déjà sur le terrain », tandis que des cadres du Likoud, proches idéologiquement du courant sioniste religieux, ont appelé à intensifier la construction de colonies et à établir un millier de nouvelles « fermes-colonies ». Celles-ci consistent à attribuer des milliers de dunams de terres palestiniennes à une seule famille ou à un petit groupe, protégés par l’armée israélienne et les milices de colons. Cela intervient dans un contexte de crise du projet colonial, qui — à l’exception de Jérusalem — souffre d’une stagnation du nombre de colons et des transferts de population depuis l’intérieur de la Ligne verte vers la Cisjordanie, ainsi que d’une émigration croissante des Israéliens vers l’étranger.

Les reconnaissances simultanées de la Palestine — et les profonds changements qu’elles représentent dans le comportement international sur la question palestinienne — marquent un moment de vérité pour tous les acteurs palestiniens, arabes, israéliens et internationaux. Un tournant qui semble irréversible.

La décision de Netanyahou de retarder sa réponse jusqu’à sa rencontre avec Trump découle d’une reconnaissance implicite de deux choses : premièrement, qu’Israël, seul, ne peut arrêter la trajectoire des reconnaissances et des changements internationaux en faveur d’un État palestinien ; deuxièmement, que les USA eux-mêmes ne peuvent contrer ces évolutions parmi leurs alliés occidentaux les plus proches. Washington reconnaît aussi que les politiques de Netanyahou divergent de plus en plus des priorités de l’administration Trump, malgré son engagement absolu pour la sécurité et la supériorité d’Israël. Sur le plan interne, la décision de Netanyahou montre qu’il détient seul les clés de la décision, marginalisant Smotrich et Ben Gvir.

Malgré un large consensus sioniste — englobant coalition et opposition — contre ces reconnaissances (même le Parti démocrate, né de la fusion de Meretz et du Parti travailliste, les a qualifiées de destructrices pour la sécurité d’Israël), ce consensus reste fragile. Les divisions politiques et les accusations mutuelles sont vite apparues, comme lors de chaque échec majeur israélien. La plupart des partis d’opposition ont blâmé Netanyahou et son gouvernement pour des politiques ayant conduit à ce revers diplomatique majeur.

Les échecs se sont accumulés en peu de temps. Après l’échec de l’opération de Doha visant à éliminer la direction du Hamas — qui a coûté à Israël politiquement vis-à-vis de Washington et indirectement du Qatar — est survenu ce revers, sans doute le plus grand depuis 1967. Pour la première fois, une reconnaissance internationale massive de la Palestine a défié les menaces israéliennes et ses tentatives d’endiguement. La France et le Royaume-Uni ont même averti de mesures réciproques ou inattendues contre Israël en cas de représailles, y compris concernant le transfert de consulats de Jérusalem à Ramallah — un langage sans précédent dans la diplomatie israélienne ou internationale.

L’opinion publique israélienne perçoit ces changements comme une « révolte » internationale contre Israël, preuve que même une force écrasante a ses limites et ne produit plus de gains politiques — surtout quelques jours après le soi-disant « discours de Sparte » de Netanyahou. Cela pourrait éveiller une prise de conscience que la force militaire ne suffit pas à atteindre des objectifs. Ce qui retarde toutefois une telle réalisation est l’absence d’alternative politique viable au gouvernement Netanyahou, l’opposition restant fragmentée. Le camp de Gantz souhaite rejoindre Netanyahou au gouvernement si Smotrich et Ben Gvir en sont exclus, en échange de la fixation de dates électorales. Lapid et Lieberman appellent, eux, à renverser Netanyahou, mais n’en ont pas la force, d’autant que les tensions avec les ultra-orthodoxes (Haredim) demeurent fortes, ceux-ci soutenant Netanyahou malgré la méfiance, en raison d’accords sur les questions  de la conscription et de la guerre.

Pour les Palestiniens, la vitalité de leur cause est renforcée par ses dimensions arabes, régionales et internationales. La prochaine Assemblée générale de l’ONU et ses rencontres parallèles pourraient apporter un soutien supplémentaire à cette trajectoire. La chaîne 12 israélienne a rapporté que Trump a invité les dirigeants d’Égypte, d’Arabie saoudite, de Jordanie, du Qatar, des Émirats arabes unis et de Turquie à se réunir à New York pour discuter de la fin de la guerre à Gaza. Une telle rencontre inquiéterait encore davantage le gouvernement Netanyahou, en particulier les partis sionistes religieux et certaines factions du Likoud, et pourrait réduire le soutien inconditionnel des USA à des mesures d’annexion ou de souveraineté — surtout alors que la priorité immédiate est de mettre fin à la guerre de Gaza et d’avancer vers la reconstruction.

Conclusion
Ces changements internationaux apparaissent solides et irréversibles, créant une nouvelle réalité mondiale fondamentalement différente des décennies passées. Elle repose sur une solution globale, incluant l’établissement d’un État palestinien, et non plus sur les stratégies israéliennes d’« administration du conflit » ou de « réduction du conflit ».

Les évolutions actuelles — et l’incapacité d’Israël comme de l’administration Trump à les stopper — pourraient élargir les cercles en Israël qui considèrent qu’une solution politique avec les Palestiniens est la seule voie vers la sécurité. Les échecs répétés d’Israël pourraient aussi pousser davantage de citoyens à comprendre que sa position mondiale, sans le sauvetage des USA, montre les limites de la puissance militaire dans une région en profonde transformation qui contraint les politiques israéliennes de déplacement et d’éradication.

La reconnaissance de la Palestine ne crée pas immédiatement un État, mais elle peut en tracer la voie, indépendamment de la volonté officielle d’Israël. Elle réaffirme aussi — aux yeux des opinions publiques israélienne et internationale — que ce qui paraissait autrefois impossible, comme la fin de l’occupation et le démantèlement des colonies, peut bel et bien devenir possible dans ces conditions changeantes.

Pour les Palestiniens, ce moment porte un espoir : que leur destin ne soit ni l’extermination ni le déplacement, mais l’établissement de leur État sur leur terre natale.

MONA ALI KHALIL
Que peut faire l’Assemblée générale de l’ONU pour mettre fin à l’occupation israélienne ?

  Mona Ali Khalil, PassBlue, 14/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Mona Ali Khalil est une juriste de droit international public reconnue au niveau international, avec 30 ans d’expérience à l’ONU et ailleurs, notamment comme ancienne haute responsable juridique à l’ONU et à l’AIEA. Spécialiste du maintien et de l’imposition de la paix, du désarmement et de la lutte contre le terrorisme, elle est titulaire d’un B.A. et d’un M.A. en relations internationales de l’Université Harvard, ainsi que d’un master en relations internationales et d’un doctorat en droit de l’Université de Georgetown. Elle est fondatrice et directrice de MAK LAW INTERNATIONAL et collaboratrice du Harvard Law School Program on International Law and Armed Conflict. Elle est coauteure de plusieurs publications, dont Empowering the UN Security Council: Reforms to Address Modern Threats, the UN Security Council Conflict Management Handbook et Protection of Civilians.

 

Des visiteurs observent la mosaïque « La règle d’or », inspirée d’une peinture de l’artiste usaméricain Norman Rockwell, lors d’une visite guidée du siège de l’ONU. On y lit : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent ». Comme il apparaît improbable qu’Israël se conforme à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur le Territoire palestinien occupé avant la date butoir du 18 septembre, l’Assemblée générale peut néanmoins prendre des mesures spécifiques pour faire respecter cet avis consultatif. (PHOTO ONU)

Avec la multiplication des colonies illégales et l’explosion de la violence des colons en Cisjordanie, et avec la famine et les bombardements incessants ayant déjà causé la mort de plus de 64 000 Palestiniens à Gaza, en majorité des femmes et des enfants, le monde observe ce que l’Assemblée générale peut faire — ou non — pour garantir que des conséquences réelles soient appliquées aux violations flagrantes par Israël des Conventions de Genève et de la Convention sur le génocide.

Quelques jours avant l’échéance du 18 septembre fixée par l’Assemblée générale des Nations unies pour qu’Israël se conforme à l’avis consultatif rendu par la CIJ — avis qui a confirmé le caractère illégal de l’occupation, de l’annexion et de la colonisation du Territoire palestinien occupé (TPO) —, Israël n’a pas obéi. Il n’a ni mis fin à son occupation illégale, ni démantelé ses colonies illégales, ni évacué ses colons illégaux.

Au contraire, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et sa coalition d’extrême droite ont déclaré leur intention d’intensifier exponentiellement l’activité de colonisation et d’envisager l’annexion de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Ils ont également rendu publics des plans de recolonisation de Gaza et, à cette fin, ont accéléré l’anéantissement de la bande de Gaza, menant une campagne génocidaire de bombardements incessants, de déplacements forcés et de famine généralisée visant l’ensemble de la population palestinienne.

Il y a près d’un an, le 18 septembre 2024, la 10e session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, agissant dans le cadre de la résolution « Unis pour la paix », a adopté à une écrasante majorité une résolution visant à mettre en œuvre l’avis consultatif de la CIJ du 19 juillet 2024. Dans cette résolution, l’AG a réaffirmé la conclusion de la Cour selon laquelle Israël doit se retirer du TPO, démanteler ses colonies et évacuer ses colons aussi rapidement que possible. L’AG a fixé un délai de 12 mois pour qu’Israël s’y conforme, qui expire le 18 septembre 2025.

Pourquoi Israël est-il obligé de se conformer à un simple avis consultatif ?

Bien que les avis consultatifs de la CIJ n’aient pas, en règle générale, de force obligatoire, dans la mesure où l’avis de 2024 confirme des normes impératives (jus cogens) et identifie des obligations contraignantes (erga omnes), ces normes et obligations demeurent obligatoires pour tous les États, y compris Israël.

En réalité, la CIJ n’a pas seulement identifié des obligations contraignantes pesant sur Israël en tant que puissance occupante, elle a également identifié des obligations contraignantes pour tous les États et pour l’ONU elle-même. Il appartient désormais aux États et à l’ONU — y compris au Conseil de sécurité et, à défaut, à l’Assemblée générale — de garantir la mise en œuvre des éléments contraignants de l’avis consultatif.

Si l’AG ne peut imposer d’obligations contraignantes aux États membres réticents, la résolution « Unis pour la paix » codifie son autorité à recommander une action collective des États disposés et capables d’agir, et qui, selon la CIJ, sont tenus d’agir. Le principe de la Responsabilité de protéger rend cela encore plus crucial dans les situations impliquant un génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un nettoyage ethnique.

Lorsque le Conseil de sécurité est dans l’incapacité d’assumer sa responsabilité en raison d’un veto d’un ou plusieurs de ses membres permanents, l’Assemblée générale peut et doit intervenir pour défendre la Charte de l’ONU et le droit international. La 10e session extraordinaire d’urgence sur le TPO, comme la 11e sur l’Ukraine, démontre que l’AG peut agir quand le Conseil de sécurité en est empêché. Néanmoins, elle n’a pas encore exploité tout le potentiel de la résolution « Unis pour la paix ».

Un précédent riche et solide

Née de la crise coréenne en 1950, la résolution a été invoquée pour la première fois en 1956, quand Israël, avec le soutien de la France et du Royaume-Uni, a envahi l’Égypte. Lors de cette première session extraordinaire, l’AG a créé la première force de maintien de la paix de l’ONU — la Force d’urgence des Nations unies (FUNU) — pour superviser le retrait de toutes les troupes étrangères d’Égypte.

Lors de sa quatrième session extraordinaire, l’AG a adopté un embargo sur les armes concernant la situation en République démocratique du Congo. À sa cinquième session, elle a appelé les États membres à faciliter l’assistance humanitaire pour soulager la souffrance des civils et des prisonniers de guerre au Moyen-Orient, et a exhorté Israël à annuler toutes les mesures visant à modifier le statut de Jérusalem. Lors de sa huitième session extraordinaire, l’AG a appelé les États membres à fournir une assistance militaire aux États de première ligne ainsi qu’à l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO) afin de renforcer sa lutte pour la libération de la Namibie.

La 10e session extraordinaire a été convoquée pour la première fois en 1997 afin de traiter des « actions israéliennes illégales dans Jérusalem-Est occupée et le reste du TPO ». Elle a été reprise plus de 20 fois entre 1997 et aujourd’hui. Elle a adopté une série de résolutions, dont certaines visant à protéger les civils et à faire respecter les obligations juridiques et humanitaires. Elle a aussi affirmé sa détermination à envisager des moyens pratiques pour garantir le respect de ces obligations.

Que peut faire l’AG pour « garantir le plein respect » de l’avis consultatif de la CIJ ?

À compter du 18 septembre 2025, ou peu après, la 10e session extraordinaire d’urgence peut recommander une ou plusieurs des six mesures concrètes suivantes, sur la base de ses propres précédents :

  • Exhorter les États membres à fournir une assistance humanitaire à la population palestinienne de Gaza et des autres parties du TPO ;
  • Autoriser les États membres à imposer des mesures diplomatiques, financières ou autres, y compris un embargo sur les armes contre Israël ;
  • Déployer une mission de maintien de la paix de l’ONU ou une force de protection civile, à la demande ou avec le consentement de l’Autorité palestinienne ;
  • Nommer une Commission des Nations unies et/ou un Commissaire des Nations unies pour administrer Gaza, comme l’AG l’a fait en Namibie en attendant le retrait des forces sud-africaines (même si la Commission n’avait pas pu être présente physiquement en Namibie en raison du refus sud-africain) ;
  • Appeler les Hautes Parties contractantes de la 4e Convention de Genève à convoquer une conférence sur la situation dans le TPO, afin de remplir l’obligation de tous les États de mettre fin à la présence illégale d’Israël dans le TPO aussi rapidement que possible ; et/ou
  • Refuser d’accepter les lettres de créance du gouvernement Netanyahou lors de la 80e session ordinaire de l’AG, comme elle l’a fait avec le gouvernement d’apartheid d’Afrique du Sud, vidant ainsi son siège à l’AG sans préjudice pour son appartenance à l’ONU.
Pour ceux qui disent que l’AG ne peut pas le faire : son propre passé prouve le contraire.
Pour ceux qui disent que l’AG ne veut pas le faire : le droit international et la CIJ l’exigent.
Pour ceux qui disent que l’AG ne peut pas faire appliquer ses résolutions : le Conseil de sécurité ne les a pas appliquées non plus.

Baha Sa Luneta : une révolte logique des citoyens contre la corruption aux Philippines

 

Le drapeau des Pirates au Chapeau de Paille, du manga et anime japonais One Piece, est devenu le symbole de ralliement de la jeunesse asiatique, du Népal à l'Indonésie, contre l'autoritarisme et la corruption. Il a aussi flotté sur les manifestations qui ont eu lieu le dimanche 21 septembre à Manille, capitale des Philippines. Ci-desssous les compte-rendus de ces manifestations, traduits par Tlaxcala [ce drapeau est aussi apparu dans les manifestations du 18 septembre en France : lire ici]

“Impyerno !” : Des étudiants aux retraités, des milliers de personnes s’insurgent contre les projets fantômes lors du rassemblement à Luneta

Jean MangaluzThe Philippine Star , 21/9/2025
 Avec des informations de l’Agence France-Presse

MANILLE, Philippines (mis à jour à 12h00) — Des milliers de Philippins sont descendus dans la rue dimanche pour protester contre un scandale de plusieurs milliards de pesos lié à de faux projets de contrôle des inondations, tenant pour responsables à la fois les politiciens et les entrepreneurs de la perte de fonds publics. Les manifestations ont coïncidé avec le 53ᵉ anniversaire de la loi martiale.

Au moins 49 000 personnes s’étaient rassemblées à 10h25 au parc Rizal de Manille pour le rassemblement « Baha sa Luneta: Aksyon na Laban sa Korapsyon (litt.  “Inondation à Luneta : action contre la corruption ”)», organisé par des étudiants et des groupes militants, selon la municipalité. La chaleur n’a pas dissuadé les manifestants, qui brandissaient pancartes et banderoles appelant à mettre fin à la corruption endémique.


Vues aériennes de la foule à 10h25 au parc Rizal (Luneta). Au moins 49 000 personnes ont manifesté, selon les autorités municipales.— Bureau d’information de Manille


Divers groupes défilent au parc Luneta de Manille, dimanche 21 septembre 2025, lors de vastes manifestations anticorruption contre les révélations récentes d’une fraude aux projets de contrôle des inondations impliquant des centaines de milliards de pesos de fonds publics.— Philstar.com / Jean Mangaluz

Bien que la colère provienne du scandale des projets d’inondation, les revendications sont devenues multisectorielles. Certains manifestants ont réclamé une gestion budgétaire transparente, tandis que d’autres ont soulevé des préoccupations environnementales.


Les cris de protestation, dimanche 21 septembre 2025 au parc Luneta, sont devenus multisectoriels, soulignant comment une corruption massive, comme le récent scandale sur la fraude aux projets d’inondation, freine le développement dans divers domaines.— Philstar.com / Jean Mangaluz

Une grande pancarte demandait : « Comment pouvons-nous attendre des gens qui nous oppriment qu’ils nous servent ? »

Les fameux projets fantômes ont suscité l’indignation depuis que le président Ferdinand Marcos les a mentionnés dans son discours sur l’état de la nation en juillet, après plusieurs semaines d’inondations meurtrières. Lundi, il a déclaré qu’il ne blâmait « absolument pas » les gens de manifester, mais il a appelé à des rassemblements pacifiques. L’armée a été placée en alerte rouge par précaution.

Des voix dans la foule

« Il y a eu des fois où j’ai moi-même dû patauger dans les eaux des inondations, » raconte Aly Villahermosa, 23 ans, étudiante en soins infirmiers à Manille. « S’il y a un budget pour des projets fantômes, alors pourquoi n’y a-t-il pas de budget pour le secteur de la santé ? »

L’ancien député Teddy Casiño a déclaré à la foule que la corruption exigeait l’indignation publique. Il a provoqué rires et acclamations lorsqu’il a fait allusion à un vœu d’anniversaire viral d’un journaliste, souhaitant la mort de tous les responsables corrompus, en demandant au public où ces responsables devraient aller après leur mort.

« Impyerno ! » (En enfer), a répondu la foule en chœur.


De nombreux manifestants du parc Rizal se rendent à une plus grande assemblée menée par des groupes religieux au Monument du Pouvoir Populaire à Quezon City dans l’après-midi du dimanche 21 septembre 2025.— Philstar.com / Jean Mangaluz

« La corruption exige que les gens descendent dans la rue et expriment leur colère dans l’espoir de faire pression sur le gouvernement pour qu’il fasse enfin son travail, » a ajouté Casiño.

Répercussions politiques et coût économique

Le scandale a déjà provoqué des changements au Congrès, notamment la démission du président de la Chambre, Martin Romualdez, cousin de Marcos. Plus tôt ce mois-ci, les propriétaires d’une société de construction ont accusé près de 30 parlementaires et responsables du Département des travaux publics et des routes d’avoir reçu des pots-de-vin.

Le ministère des Finances estime que l’économie a perdu jusqu’à 118,5 milliards de pesos (2 milliards de dollars) entre 2023 et 2025 à cause de la corruption dans les projets de contrôle des inondations. Greenpeace affirme que la perte réelle pourrait avoisiner 18 milliards de dollars.

À Bulacan, province frappée par les inondations, Elizabeth Abanilla, retraitée de 81 ans, a déclaré que les entrepreneurs et les responsables étaient également coupables : « Ils n’auraient pas dû remettre l’argent avant que les travaux soient terminés. Ils sont tous les deux fautifs. »

D’autres manifestations attendues

Plusieurs policiers et garde-côtes ont été déployés pour surveiller les rassemblements. Des foules encore plus nombreuses étaient attendues plus tard dans la journée pour défiler le long de l’avenue EDSA [Epifanio de los Santos Avenue, boulevard périphérique de l’est de Manille, NdT], haut lieu du Mouvement du Pouvoir Populaire qui a renversé le père de Marcos en 1986.

Prières et protestations : Une marée humaine vêtue de blanc envahit EDSA pour la « Trillion Peso March »

Camille Diola, Jean Mangaluz - Philstar.com, 21/9/2025

MANILLE, Philippines (3ᵉ mise à jour, 16h01) — Une foule massive de milliers de personnes a marché dimanche 21 septembre jusqu’au Monument du Pouvoir Populaire pour une démonstration d’unité interreligieuse et multisectorielle contre le plus grand scandale de corruption du pays depuis des décennies.

Le rassemblement de l’après-midi, baptisé « Trillion Peso March », a coïncidé avec le 53ᵉ anniversaire de la loi martiale décrétée par le défunt dictateur Ferdinand Marcos père. Les organisateurs ont déclaré que la date avait été choisie délibérément, établissant un lien entre les abus du passé et la corruption actuelle.

Malgré la pluie, des individus et familles non affiliés se sont joints à des groupes chrétiens et musulmans, ainsi qu’à des organisations de jeunesse, syndicats et mouvements progressistes à Quezon City, débordant sur White Plains Avenue.

Les autorités ont dû fermer les routes à 14h00 alors que les manifestants occupaient les deux côtés de ce lieu historique d’EDSA .

 Des milliers de personnes se rassemblent à EDSA, de l’Autel du Pouvoir Populaire à EDSA jusqu’au Monument du Pouvoir Populaire, rejoignant les manifestations anticorruption dimanche. — The STAR / Mark Villeza

 Des manifestants vêtus de blanc affluent sur EDSA pour se réunir au Monument du Pouvoir Populaire lors du « Trillion Peso Rally », dimanche 21 septembre 2025. — Capture Philstar.com

Des prières aux slogans

Le programme a débuté par des prestations de Ben&Ben, Noel Cabangon, Jamie Rivera, Bayang Barrios et d’autres artistes, avant de laisser place à des prières interconfessionnelles dirigées par des leaders chrétiens et musulmans. Une cérémonie du ruban blanc a symbolisé l’unité contre la corruption.

Dans les rues, en milieu d’après-midi, les slogans « Ikulong na ’yan ! Mga korakot ! » (En prison les corrompus !) ont envahi la foule, tandis que les automobilistes klaxonnaient en solidarité malgré les embouteillages sur White Plains Avenue. Malgré la pluie intermittente, des milliers sont restés.

« Il ne s’agit pas seulement de politique. Il s’agit de dignité, de responsabilité, et des vies perdues à cause des inondations, » a déclaré un organisateur à la foule.

Les manifestants ont exprimé leur colère face aux révélations selon lesquelles des milliards de pesos de fonds destinés au contrôle des inondations ont été détournés au cours des 15 dernières années via des pots-de-vin et des projets fantômes.


Des manifestants portent des crocodiles gonflables, symbolisant les politiciens corrompus, lors du rassemblement « Baha sa Luneta » à Manille, dimanche 21 septembre 2025. — Philstar.com / Anjilica Andaya

La province de Bulacan est devenue l’épicentre du scandale après des allégations impliquant des responsables locaux du Département des travaux publics et deux sénateurs. Les entrepreneurs Curlee et Sarah Discaya ont reconnu avoir versé des pots-de-vin à des députés, tandis que d’autres entrepreneurs ont été liés à des projets inachevés ou inexistants.

Bien qu’amorcées par la fraude liée au contrôle des inondations, les manifestations se sont élargies à d’autres griefs. Les manifestants ont réclamé que la vice-présidente Sara Duterte rende des comptes sur l’utilisation des fonds confidentiels de son bureau, une controverse de longue date.

Sur scène, des victimes des anomalies dans les projets d’inondation ont livré leurs témoignages lors du segment intitulé « Sobra Na ! » (Ça suffit !).

Les célébrités deviennent militantes

La manifestation a attiré des visages familiers du monde du spectacle, dont l’humoriste Vice Ganda et l’actrice Anne Curtis, vus dans la foule. Les participants ont affirmé que leur présence montrait que la corruption « concerne tout le monde » et n’est pas seulement une affaire politique.

Par ailleurs, les actrices Angel Aquino, Jodi Sta. Maria et Maris Racal se sont adressées plus tôt aux manifestants. L’acteur Dingdong Dantes et l’animateur Kim Atienza ont mené un groupe de coureurs célèbres tôt le matin, arborant des t-shirts appelant à mettre fin à la corruption.


L’actrice Angel Aquino pose avec des manifestants au parc Rizal lors des protestations du dimanche matin 21 septembre 2025.— Philstar.com / Anjilica Andaya

Une indignation croissante

La « Trillion Peso March » a suivi le rassemblement du matin, « Baha sa Luneta », au parc Rizal de Manille, largement mené par des groupes étudiants.

Le scandale a déjà eu des retombées politiques, dont la démission du président de la Chambre, Martin Romualdez, cousin du président Ferdinand Marcos Jr., qui a lui-même déclaré soutenir les manifestations, auxquelles il a dit qu’il aimerait pouvoir participer.

Le ministère des Finances estime que l’économie a perdu jusqu’à 118,5 milliards de pesos (2 milliards de dollars) entre 2023 et 2025 en raison de la corruption dans les projets d’inondation. Des organisations environnementales comme Greenpeace situent ce chiffre bien plus haut.

Les leaders des protestations ont promis de maintenir la pression dans la rue jusqu’à ce que des mesures de responsabilisation soient appliquées.

 

20/09/2025

LYNA AL TABAL
Rapport sur le génocide à Gaza : lisez-le avec moi si vous voulez, ça ne changera rien !

Lyna Al Tabal, RaiAlYoum, 17/9/2025
Traduit par Tlaxcala



Chaque matin, le soleil explose au-dessus du Machrek, des missiles, du feu, des promesses internationales, chaque matin, le compte à rebours commence pour de nouvelles victimes.

Cet article ne tolère pas le silence prolongé, maudit soit le silence ! Se taire, c’est être complice du crime.

Puis, soudain, on réalise que le rouge dans le ciel n’est pas un coucher de soleil romantique : c’est du sang mêlé aux flammes des bombardements. La couleur qui était symbole de l’amour est devenue couleur de la mort, c’est exactement ce que vous voyez dans le ciel de Gaza… Gaza brûle, ses enfants sont enveloppés de couvertures trempées de sang, les mères vacillent entre les cris et les prières, les pères se frappent le visage et essayent de réveiller leurs enfants morts. Ce n’est pas le jour du Jugement dernier, c’est juste un autre jour ordinaire à Gaza.

Pour la première fois depuis soixante-dix ans de massacres, l’ONU a soudainement découvert qu’Israël commet à Gaza ce que le dictionnaire des humains appelle un « génocide ». Dans son rapport, la commission d’enquête internationale a déclaré que l’armée israélienne a commis quatre des cinq éléments constitutifs du génocide tels que définis dans la Convention de 1948 :

• Tuer des membres du groupe,
• Infliger des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale,
• Imposer des conditions de vie destinées à détruire, en tout ou en partie, le groupe,
• Créer des conditions visant à empêcher les naissances au sein du groupe.

Seul le cinquième élément, relatif à l’enlèvement d’enfants, n’a pas encore reçu l’« honneur » de la signature israélienne, peut-être par manque de temps, ou parce qu’ils préfèrent tout simplement tuer les enfants dans les bras de leurs mères.

Le rapport mentionne froidement que ces crimes ont été commis avec préméditation, estampillés par les déclarations de Netanyahou, Gallant et Herzog.

Lisez-le avec moi si vous voulez. ça ne changera rien.

Point un : élimination du groupe ciblé

Le rapport recense soixante mille martyrs à ce jour, et le nombre augmente, dont la moitié sont des femmes et des enfants. Le reste sont des civils. Leur seule faute : être vivants, c’est tout.

La revue The Lancet, qui parle habituellement de maladies du cancer ou du foie, se retrouve au cœur du génocide en documentant l’effondrement de l’espérance de vie à Gaza : de 75,5 à 40,5 ans. Israël ne se contente pas de tuer des gens, il vole la vie de ceux qui ne sont pas encore nés.

Les hôpitaux, des « infrastructures protégées » selon le droit international, sont devenus des cibles militaires… je sais que vous savez !
Le rapport enregistre 498 attaques documentées. Les façons de tuer sont nombreuses : maisons, abris, zones supposément sûres, et un siège qui empêche l’eau, le pain et les médicaments. La faim même est conçue par Israël aussi soigneusement que n’importe quelle bombe intelligente.

Point deux : infliger des atteintes graves

La mort ne suffisait pas, il fallait l’humiliation, la déportation sous les bombardements, la fuite des maisons vers rien, de là vers les tombes. Il faut ajouter la torture dans les prisons pour que le tableau soit complet. La commission internationale a tout documenté avec une froideur académique, debout au milieu d’un abattoir débordant de toutes les couleurs du sang et de toutes ses formes. Puis elle ajoute la phrase qu’elle répète dans chacun de ses rapports : « Cela pourrait être utilisé devant la Cour pénale internationale ».

Point trois : imposer des conditions de vie propices au génocide

L’ONU a mis deux ans pour dire qu’Israël utilise la famine comme arme. Deux années de faim, de soif, de bombardements, avant qu’ils écrivent cette phrase dans le rapport. Le pain, l’eau, les écoles, les hôpitaux, tout est devenu ruine et s’est évaporé, et la commission appelle ça des « crimes contre l’humanité ». Merci pour cette découverte !

Point quatre : empêcher les naissances

L’avenir lui-même a été mis sur la liste des cibles à Gaza, même la première idée de la vie a été exterminée. Le rapport de la commission documente le bombardement de la plus grande clinique de fertilité du secteur, la combustion de quatre mille fœtus, mille échantillons de sperme et ovules… Israël a décidé d’anéantir l’idée elle-même avant qu’elle ne devienne vie. Pas d’enfants, pas d’espoir, pas de nouvelles générations… tous brûlés. Imaginez ! C’est plus facile pour Israël que d’attendre pour qu’ils naissent.

Navi Pillay, présidente de la commission, a demandé l’interdiction de la fourniture d’armes à Israël, le procès des criminels et l’arrêt de ce génocide. Elle a crié : le silence est complice du crime. En mars dernier, la commission avait écrit : « les actes d’Israël pourraient relever du crime de génocide ». Aujourd’hui, « pourraient » a disparu, tout simplement. Rien n’a changé sauf le nombre des corps des martyrs.

Quant au communiqué du ministère des Affaires étrangères israélien, c’est une copie du communiqué de l’année dernière, de l’année précédente, et de l’année d’avant : « allégations mensongères, rapport falsifié, mensonges… » les mêmes allégations depuis un demi-siècle, reprises par les porte-parole officiels de Tel Aviv. Israël est innocent, encerclé par des civils, cerné par des enfants aux chaussures déchirées, une armée qui fait face, dans son récit, à une menace existentielle venant de mères cherchant les restes de leurs enfants sous les décombres.

Un demi-siècle du même discours, une armée bardée d’armes jusqu’aux dents qui tue des enfants et prétend être la victime. Au final pas de justice. Pas de honte. Le sang remplit les lieux, rien que du sang, beaucoup de sang qui noie la terre, et au-dessus duquel flottent des mots de solidarité ternes.

Le rapport (en anglais)



18/09/2025

ZVI BAR’EL
La survie d’une Sparte israélienne dépend d’un état de guerre permanent

Zvi Bar'el , Haaretz, 16/9/2025
Traduit par Tlaxcala

La conquête de la ville de Gaza est censée offrir à l’État d’Israël l’image de la victoire totale. Ce n’est pas l’Iran, ni la Syrie, ni le Liban et certainement pas les Houthis au Yémen qui sont l’ennemi ultime que Benjamin Netanyahou n’a pas réussi à vaincre, mais bien le Hamas, l’organisation qu’il a entretenue pendant des années comme un atout stratégique et idéologique. Le Hamas était censé être la charge explosive au bord de la route qui ferait disparaître la caractérisation de l’Organisation de libération de la Palestine et de l’Autorité palestinienne comme seuls représentants du peuple palestinien et, de ce fait, empêcher la reconnaissance internationale d’un État palestinien.

Ce fut un partenariat merveilleux qui a duré de nombreuses années, qui a conféré au Hamas un mini-État à Gaza et qui a remis à Netanyahou l’accomplissement du rêve d’un Grand Israël. Jusqu’au moment où le Hamas a trahi son partenaire et n’a pas rempli sa mission.


Une manifestation exigeant la libération immédiate des otages israéliens, près de la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahou à Jérusalem, mardi 16 septembre 2025. Photo Ammar Awad/REUTERS

Le Hamas a apparemment mis fin à son rôle de proxy de Netanyahou et doit maintenant être anéanti en punition pour avoir saboté la stratégie messianique qui combattait la solution à deux États. Mais prendre le contrôle de la ville de Gaza n’est pas seulement une histoire de vengeance de plus. Israël a depuis longtemps vengé le massacre que, par son abandon total, Netanyahou a permis que le Hamas commette le 7 octobre 2023. Les Palestiniens ont payé trente fois ou plus pour chaque Israélien tué, et pour chaque maison incendiée au kibboutz Nir Oz ou à Sderot, des quartiers entiers et des villes ont été effacés. La mort de 10 000 ou 20 000 Palestiniens supplémentaires dans la rafale actuelle de destruction n’ajoutera rien à la douceur de la vengeance.

Elle est remplacée par le besoin de rester au pouvoir, même si cela signifie la destruction du pays-mère, qui sera remplacé par un État de toutes ses colonies — à Gaza, en Cisjordanie, dans le sud du Liban et dans l’ouest de la Syrie.

Cette destruction n’apparaît pas seulement sur les champs de massacre de Gaza, qui ont anéanti toute valeur humaine et morale, qui ont poussé la puissance de l’armée israélienne à ses limites, qui imposent et continueront d’imposer un fardeau économique insupportable et ont transformé Israël en État paria. L’architecte de cette destruction nationale a eu la décence de la définir clairement lorsqu’il a comparé Israël à Sparte. Sparte n’est pas seulement un symbole de puissance militaire, de survie et de courage. Ce fut un modèle jugé digne d’imitation par Adolf Hitler et Benito Mussolini.

Dans le livre clandestin qu’Hitler a écrit en 1928, et qui a reçu le titre « Le deuxième livre d’Hitler », publié seulement après la Seconde Guerre mondiale, il a écrit : « Le contrôle de six mille Spartiates sur 350 000 Hilotes n’a été possible que grâce à leur supériorité raciale... Ils ont créé le premier État racial. »

Cette Sparte, qui fut détruite et ne laissa derrière elle qu’un héritage symbolique, est maintenant revenue à la vie en Israël. Si jusqu’à présent nous avions identifié le début de processus métamorphosant Israël en un État fasciste fondé sur la supériorité raciale, la guerre à Gaza achèvera le travail. Elle a déjà enregistré des succès idéologiques impressionnants.

Elle a sapé la plupart des mécanismes qui défendaient la démocratie israélienne. Elle a transformé le système judiciaire en paillasson intimidé et a enrôlé le système éducatif pour dispenser un endoctrinement national-religieux. Elle dicte le récit idéologique « approprié » aux médias, au cinéma et au théâtre, et a étiqueté comme traître quiconque ne rend pas hommage au chef. Elle a aussi fait de l’espoir de remplacer le gouvernement par des élections une perspective incertaine.

Et contrairement aux régimes dictatoriaux « traditionnels » qui persécutent et répriment leurs rivaux politiques, le gouvernement israélien peut même se servir de l’opposition comme d’un ornement qu’il exhibe pour préserver son image d’administration démocratique qui représente « la volonté du peuple ».

Le problème, c’est que lorsqu’une bande prend le contrôle d’un pays, ce n’est pas comme une opération militaire qui se termine par la défaite de l’ennemi. Le maintien du régime exige une lutte incessante contre des rivaux domestiques potentiels et, surtout, requiert une légitimation publique constante. C’est là que la nouvelle mission impliquant Gaza et le Hamas entre en jeu. Parce que la survie de la Sparte israélienne dépend d’un état de guerre permanent.

La bonne nouvelle, c’est que même si le dernier membre du Hamas est tué, il restera plus de 2 millions de Gazaouis qui feront en sorte que la conquête de Gaza soit seulement un avant-goût de la guerre éternelle qui perpétuera la soumission et l’obéissance du public israélien au régime de gangs qui le contrôle.

17/09/2025

MICHAEL TRACEY
La droite yankee a enfin son “moment George Floyd”
Charlie Kirk, saint et martyr

Michael Tracey, 17/9/2025
Traduit par Tlaxcala


Michael Tracey (1988) est un journaliste et commentateur politique usaméricain inclassable, qui a déclaré avoir été enregistré comme électeur démocrate toute sa vie, mais est très critique vis-à-vis de ce parti, notamment son volet “politique identitaire”.

 

JD Vance a généreusement rempli le vide lundi après-midi comme animateur invité de « The Charlie Kirk Show ». Comme à peu près tous les autres politiciens républicains du pays, le vice-président a affirmé à quel point il avait été un grand « ami » de Charlie. Du président de la Chambre au directeur du FBI, en passant par la procureure générale, chacun a proclamé que Charlie était un « cher ami » à lui, et il serait extrêmement impoli de se demander si ces « amitiés » n’étaient pas d’abord d’ordre politique et transactionnel, plutôt que fondées sur un véritable lien affectif. (Pour ne pas être en reste, RFK Jr. a déclaré que lui et Charlie étaient des « âmes sœurs ».)


Pendant les pauses publicitaires de l’émission de Vance, diffusée en radio, les spectateurs de la diffusion sur Rumble ont eu droit à des extraits vidéo de Charlie lors de ses nombreuses tournées de « débats » universitaires. Un extrait en particulier s’est démarqué. Non, ce n’était pas l’un de ces classiques devenus viraux dans lesquels il DÉTRUISAIT totalement une étudiante fluide de genre de 19 ans, alors qu’elle bégayait péniblement en parlant des trans dans le sport. C’était bien plus banal — mais en un sens, bien plus révélateur.

Charlie était engagé dans un échange avec un type à propos de l’histoire aujourd’hui largement oubliée du « Signalgate », qui s’est avérée être le premier scandale de la seconde administration Trump. Ou du moins, le premier quasi-scandale.

Pour ceux dont la mémoire est logiquement courte sur ce genre de choses : en mars 2025, Jeffrey Goldberg, du magazine The Atlantic, a révélé qu’il avait été ajouté par inadvertance à un groupe de discussion Signal — l’application de messagerie chiffrée — avec des membres haut placés de l’administration Trump, alors qu’ils chorégraphiaient le lancement d’une nouvelle campagne de bombardements au Yémen. Un échange mémorable montrait JD Vance répondre par un seul mot, « Excellent », dès qu’on lui annonçait — par Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale bientôt limogé — que la première salve de bombardements usaméricains avait fait s’effondrer un immeuble résidentiel yéménite entier. Apparemment, Vance n’avait besoin d’aucun détail pour s’exclamer que ce développement était « Excellent ». Waltz répondit avec des émojis drapeau US et « coup de poing ». Vance avait auparavant écrit par texto qu’il allait « dire une prière pour la victoire », et ses prières furent apparemment exaucées par la destruction d’un bâtiment civil.

Dans la mesure où cet épisode aurait dû constituer un vrai scandale, la partie réellement scandaleuse était que ces hauts responsables gouvernementaux, qui ne savaient pratiquement rien du Yémen et pouvaient à peine expliquer les objectifs de la mission militaire, se montraient si désinvoltes et légers dans le lancement inconsidéré d’une nouvelle guerre. La superficialité particulière d’un soi-disant « non-interventionniste » comme Vance, qui rejoignit très vite le chœur des va-t-en-guerre, était un aperçu utile. Mais bien sûr, ce n’est pas de ça que le « scandale » allait traiter. À la place, on eut droit au sempiternel recyclage sur la « bonne conservation et transmission d’informations classifiées » — le faux-scandale washingtonien classique.

Ramses, Cuba

Bref, c’est de ça que Charlie Kirk discutait avec ce gars à casquette, qui se disait très préoccupé par les protocoles d’information classifiée de l’administration Trump.

L’échange n’était évidemment pas aussi susceptible de devenir viral que des classiques du genre « Charlie Kirk détruit une gauchiste trans pleine de piercings » ou « Charlie Kirk ridiculise un hippie trans aux cheveux longs ». Il n’avait pas non plus la force argumentative de ses autres punchlines de « débat » électrisants, que nos enfants et petits-enfants apprendront sans doute un jour, en se rassemblant autour du souvenir du « diseur de vérité » assassiné. Par exemple : « Savez-vous qui est Richard Spencer, le suprémaciste blanc ? Savez-vous qu’il vient d’apporter son soutien à Kamala Harris ? David Duke, l’ancien chef du Ku Klux Klan, a aussi soutenu Kamala Harris. »

Mais le dialogue autour du « Signalgate » fut néanmoins instructif — car il révélait exactement qui était Charlie Kirk et quelle fonction il remplissait.

« Je suis sûr que vous avez déjà été ajouté à des groupes de discussion de 30 ou 40 personnes », dit Charlie à l’homme à casquette, très troublé par la mauvaise gestion d’informations classifiées. « Et vous avez confiance que chaque acronyme désigne vraiment un responsable gouvernemental. »

« Évidemment, cela ne se reproduira pas », assura Charlie. « Pour être clair, Signal avait été approuvé par l’administration Biden. C’était un canal sécurisé approuvé par le gouvernement fédéral. »

Pourquoi cet échange banal est-il notable ? Parce que si l’on remarque bien, il n’y avait là aucun principe réel en jeu — si ce n’est l’impératif suprême de Charlie : défendre l’administration Trump à tout prix. Le seul principe opératoire, pour Charlie, était que le gouvernement devait être défendu, et il s’en chargeait. Que l’application Signal ait été ou non un canal de communication approuvé n’avait intrinsèquement rien à voir avec le « conservatisme », le « nationalisme » ou la lutte contre l’agenda woke — toutes ces postures idéologiques que Charlie pouvait parfois adopter. C’était simplement ce qu’il fallait dire ce jour-là, par pur hasard, pour soutenir l’exécutif — dont Charlie était considéré comme un membre honoraire. C’est pourquoi il pouvait parler en son nom, comme un porte-parole. « Évidemment, ça ne se reproduira pas », dit-il — avec un apparent savoir de première main sur les ajustements internes de politique post-Signalgate. En jouant les porte-paroles du gouvernement sans en être officiellement un employé, Charlie avait une utilité particulière pour les puissants. Il pouvait passionnément défendre la cause du gouvernement, sans être limité par les contraintes qui pèsent sur un vrai fonctionnaire. Il est alors très clair pourquoi il était si adoré par chaque politicien républicain et chaque officiel de l’administration : il était leur relais de communication indéfectible. Bien sûr qu’il était considéré comme un « cher ami » par la classe politique républicaine — par gratitude pour ces services inestimables qu’il fournissait gratuitement.

Il est donc facile de comprendre pourquoi cette nouvelle flambée de « cancel culture » républicaine a éclaté en faveur de Charlie. Les puissants — ses « amis » — ont une motivation supplémentaire pour le venger. Il était considéré comme un membre indispensable de leur appareil de gouvernement et de communication. Lorsqu’il a été abattu, c’était comme si un haut responsable de l’administration Trump avait été abattu. « Je le voyais sans cesse à la Maison-Blanche », dit Todd Blanche, le procureur général adjoint. « Je pense qu’il a travaillé chaque jour à la transition, d’une façon ou d’une autre, à un endroit ou un autre. L’administration Trump porte sa marque », dit Susie Wiles, cheffe de cabinet. « Charlie Kirk a joué un rôle essentiel pour nous amener les bonnes personnes, pour constituer les équipes », dit JD Vance.

Encore une fois, dans une société libre, avec tant de largesses de milliardaires flottant un peu partout, Charlie Kirk avait parfaitement le droit d’être un fonctionnaire officieux de l’État, et de jouer ce rôle public de communicant pour ses « amis ». Mais quand JD Vance prend le micro et proclame, mélodramatiquement, que la meilleure manière d’honorer Charlie « est de faire briller la lumière de la vérité comme une torche dans les lieux les plus sombres… car que fut-il, sinon un homme qui disait la vérité ? » — là, nous sommes aspergés de seaux entiers de balivernes. Quiconque est rationnel, même s’il admirait Charlie à certains égards, devrait reconnaître que son aspiration suprême n’était pas la « vérité », mais de servir ses puissants « amis » dans l’administration Trump et le Parti républicain. Oui, il fut peut-être un habile opérateur partisan, mais un opérateur tout de même, et l’idéal de servir des intérêts politiques partisans est incompatible avec l’idéal de la recherche de la vérité. Pourtant, on nous ordonne désormais d’affirmer que Charlie faisait la deuxième chose, et qu’il est tombé martyr pour ça. Et si l’on ose trop dénigrer son héritage glorifié, « Vous serez tenus responsables, et nous vous humilierons publiquement aussi », dit la procureure générale Pam Bondi — qui a aussi confié qu’elle et Charlie « se parlaient beaucoup au téléphone ». La dernière fois qu’ils se sont vus, dit-elle, il lui a fait un « énorme câlin ».

Selon la plus haute responsable de l’application de la loi du pays, Pam Bondi : « Ce n’est pas de la liberté d’expression de dire : “C’est bien ce qui est arrivé à Charlie.” Nous renvoyons des gens. Nous voyons des gens en ligne publier des discours de haine — ils doivent être réduits au silence. Ils doivent être arrêtés. Et ils doivent savoir qu’il y a des conséquences à leurs actes. »

Tout d’abord, c’est bel et bien de la liberté d’expression de dire : « C’est bien ce qui est arrivé à Charlie. » Une telle déclaration peut être jugée grossière, répugnante, choquante, ou odieuse — mais c’est précisément pourquoi nous avons le Premier Amendement : pour protéger même les discours les plus répréhensibles. Rien, absolument rien, dans une telle déclaration hypothétique ne la placerait en dehors des précédents établis par la Cour suprême, qui protège même les discours politiques les plus honnis. Vous avez littéralement le droit de protester aux funérailles de soldats usaméricains morts avec des pancartes disant « Vous irez en enfer » et « Merci mon Dieu pour les soldats morts », selon la Cour suprême. Dire « C’est bien ce qui est arrivé à Charlie » n’approcherait même pas du seuil fixé dans Brandenburg v. Ohio (1969), qui interdit au gouvernement de punir un discours politique sauf s’il est « destiné à inciter ou à produire une action illégale imminente et susceptible de l’inciter ou de la produire ». Applaudir la mort de Charlie Kirk, si l’on voulait le faire, n’atteindrait jamais ce seuil d’« incitation ». Voilà pourquoi vous avez le droit d’appeler à la révolution violente aux USA. Donc oui, vous pouvez aussi célébrer la mort de Charlie Kirk. (Ce que vous ne pouvez pas faire, c’est dire : « Toi là-bas, va tuer ce type, comme ils ont tué Charlie Kirk. »)


En même temps, d’après tout ce que j’ai vu, ces arguties constitutionnelles sont pratiquement sans objet. Très peu — voire aucun — des individus punis jusqu’à présent pour leurs discours politiques au sujet de Charlie Kirk n’ont en réalité célébré son assassinat. Je suis sûr qu’il y a quelques illuminés et têtes brûlées qui l’ont peut-être fait — le pays est vaste — mais la quasi-totalité des exemples que j’ai vus ne contiennent aucune célébration explicite du meurtre, et relèvent plutôt d’un discours politique que les nouveaux censeurs de la droite ne supportent pas, ou veulent faire passer pour une incitation à la violence.

Peut-être le cas le plus scandaleux jusqu’ici est celui de Darren Michael, professeur à l’université Austin Peay State, au Tennessee. Quand j’ai entendu qu’il avait été renvoyé pour avoir dit quelque chose de négatif sur Charlie Kirk, j’ai supposé que cela devait être vraiment dingue. Après tout, il est professeur de théâtre, et les professeurs de théâtre peuvent être très extravagants. Mais en réalité, son geste ne pouvait pas être plus anodin : il a simplement publié une capture d’écran d’un titre d’article de Newsweek de 2023.

À ce moment-là, Marsha Blackburn, sénatrice républicaine du Tennessee (et candidate au poste de gouverneure, donc directement influente sur le système universitaire de l’État), a tweeté aux administrateurs d’Austin Peay pour exiger des mesures face à ce « crime » consistant à poster un titre d’article sur Facebook. En quelques heures, Darren Michael fut effectivement licencié du poste qu’il occupait depuis 2007, au motif que son post était « insensible, irrespectueux et interprété par beaucoup comme une justification d’une mort illégale ». Interprété ainsi par qui, exactement ? Marsha Blackburn ? C’est tout simplement scandaleux. Si ce n’est pas de la « cancel culture », qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ces revanchards de droite n’admettent-ils pas simplement qu’ils n’ont jamais eu de problème avec la « cancel culture » en tant que telle — ils voulaient juste être ceux qui l’exercent ?

En 2020, on risquait une « annulation » immédiate si l’on tweetait le mauvais mot sur George Floyd, ou sur la « suprématie blanche », ou sur les pronoms de genre, ou tout autre concept à la mode alors dans le complexe des médias et ONG de gauche/libéral. En 2025, JD Vance appelle tous les bons citoyens à traquer quiconque pourrait exprimer des opinions politiques jugées insuffisamment révérencieuses sur Charlie Kirk. « Dénoncez-les », implore Vance. « Et surtout, appelez leur employeur. »

C’est juste un copier-coller de la « cancel culture » de gauche/libérale qui faisait rage il y a quelques années, et que nous avions tous convenu d’avoir « poussée trop loin ». Mais apparemment, pas la droite aigrie et revancharde : elle voulait juste contrôler l’arme de l’annulation. Ce qu’elle fait désormais. Et elle est déchaînée.

Le gouverneur Gregg Abbott, du Texas, a exigé l’expulsion immédiate d’un étudiant de Texas State University qui avait été filmé en train de tenir des propos impolis sur Charlie Kirk. Il n’a pas fallu longtemps au président de l’université pour annoncer une chasse à l’homme urgente afin d’identifier le coupable — comme si un crime sensationnel avait été commis. L’université du Mississippi a licencié une employée pour avoir écrit qu’elle « n’avait pas de prières à offrir à Kirk », car elle n’aimait pas ses opinions politiques. L’auditrice d’État du Mississippi s’en est plaint sur Twitter — et aussitôt, elle fut renvoyée. Une neurologue de l’université de Miami fut rapidement virée après avoir tweeté : « Ce qui est arrivé à Charlie Kirk est arrivé à d’innombrables bébés, enfants, filles, garçons, femmes et hommes palestiniens, pas seulement ces deux dernières années de génocide en cours, mais depuis des décennies. » Un peu gênant, non ? Motif pour un licenciement immédiat et une condamnation publique ? Quoi ??? Les administrateurs de l’université de Miami ont même eu l’audace de publier un communiqué affirmant que « la liberté d’expression est un droit fondamental » — tout en annonçant que la femme était renvoyée pour son discours politique.

Ce qui semble se passer, c’est que des politiciens républicains, dans des États qui leur sont acquis, ont saisi l’occasion politique de se placer en première ligne pour venger Charlie Kirk, le héros de droite tombé — et quoi de mieux, pour ce faire, que de harceler avec rancune des employés publics de petites enclaves universitaires libérales. Marsha Blackburn a une primaire républicaine à remporter dans le Tennessee, donc bien sûr qu’elle va tout faire pour glorifier Charlie de façon tapageuse, et punir ses détracteurs. Même mort, Charlie continue de jouer son rôle de précieux fonctionnaire politique.

Parmi les personnes auxquelles Pam Bondi a juré de « demander des comptes » et de les « humilier publiquement » figurent des employés d’Office Depot filmés en train de peut-être mal gérer une demande d’impression d’affiches pour une veillée en hommage à Charlie Kirk — bien qu’il ne soit pas clair, comme d’habitude, ce qui s’est réellement passé d’après les bribes de vidéos publiées. Mais peu importe — vraiment ? Nous en sommes à détruire la vie de travailleurs de service qui n’ont pas respecté la bonne étiquette politique ? C’est comme la frénésie George Floyd / COVID qui recommence, sauf que cette fois, ceux qui appellent à « rendre des comptes » et à « l’humiliation publique » incluent la procureure générale, avec tout le poids de l’appareil fédéral derrière ses menaces délirantes. Au moins en 2020, on pouvait théoriquement ignorer les journalistes et activistes d’ONG émotifs exigeant la participation à leurs rituels absurdes d’épuration raciale. C’est un peu plus difficile d’ignorer le Département de la Justice.

Et avant que quelqu’un essaie de prétendre que je suis moi-même hypocrite, parce que j’aurais soi-disant soutenu ou jamais critiqué les précédentes vagues de « cancel culture », vous auriez tort de manière hilarante. Faites deux secondes de recherche avant de vous ridiculiser. J’ai littéralement été pris à partie par des manifestants de Portland pour avoir osé faire du journalisme de base. Des « antifa » encagoulés m’ont arraché mon téléphone, menacé de me casser la mâchoire, et m’ont chassé. J’étais peut-être le seul journaliste du pays à avoir passé des mois à parcourir tout le territoire pour couvrir les manifestations, émeutes et destructions. J’étais en guerre avec la moitié de l’industrie médiatique en ligne à cause de leurs tactiques de chantage émotionnel délirantes. Ils auraient absolument adoré me « cancel », mais ils ne le pouvaient pas, car je n’avais pas de patron à qui se plaindre. (Et je n’en ai toujours pas — tant pis, JD.)  “Why Media Liberals Have To Lie About “Cancel Culture”  [Pourquoi les libéraux des médias doivent mentir au sujet de la « culture de l'annulation » ] est le titre d’un article que j’ai écrit ici même en avril 2021. Voici un autre article, de juin 2020, pour Unherd, intitulé “How US journalism lost its spine: the media is petrified of showing even mild scepticism of woke orthodoxy” [Comment le journalisme usaméricain a perdu son échine dorsale : les médias ont peur de montrer le moindre scepticisme envers l'orthodoxie woke].

Je n’ai pas besoin d’une seule seconde de me justifier de mon opposition à la cancel culture. J’ai déjà risqué ma sécurité physique, ma réputation et ma carrière pour la critiquer, bien avant que JD Vance et Pam Bondi ne découvrent soudainement les joies d’annuler des gens à tour de bras.

Mais c’est exactement ce qui se passe maintenant : la droite a enfin trouvé son « moment George Floyd ». En 2020, toute l’élite institutionnelle s’est déchaînée pour imposer une orthodoxie idéologique autour de George Floyd, exigeant la révérence absolue et menaçant quiconque osait la remettre en question. En 2025, la même logique est recyclée, mais appliquée à Charlie Kirk.

La mort tragique et violente de George Floyd a été instrumentalisée pour justifier une expansion délirante du pouvoir social et politique de la gauche, alimentant une vague d’hystérie morale. Cinq ans plus tard, la mort tragique et violente de Charlie Kirk est instrumentalisée de la même manière par la droite — comme prétexte pour punir arbitrairement, imposer la révérence obligatoire, et renforcer son pouvoir politique.

La droite n’a jamais vraiment haï la cancel culture. Elle enviait simplement l’arme.
Et maintenant qu’elle la manie, on voit exactement à quoi elle sert : non pas à rendre la société plus juste, ni à défendre la « vérité », mais à écraser ses ennemis, récompenser ses amis et étouffer toute dissidence.

La boucle est bouclée.


Alors s’il vous plaît, épargnez-moi les leçons sur « l’hypocrisie ». Épargnez-moi les lamentations selon lesquelles je serais désormais mauvais parce que j’ai la capacité de me réajuster lorsque les circonstances politiques changent. Désolé de ne pas être intéressé par le fait de rester bloqué de façon permanente en 2021, ce qui, je le sais, est un truc qui a rapporté gros à beaucoup de gens. Pardonnez-moi de reconnaître que la droite a désormais pris le pouvoir et que, parmi ses toutes premières priorités, elle a lancé une croisade de censure à l’échelle gouvernementale — d’abord au nom d’Israël, maintenant au nom de Charlie Kirk. Désolé si cela vous contrarie d’entendre que la droite est actuellement la principale menace pour la liberté d’expression, malgré les foutaises totales qui vous ont été inlassablement déversées dans vos flux YouTube et X pendant la campagne de l’an dernier.

Et désolé si vous ne voulez pas entendre que le problème commence au sommet, malgré le grotesque décret que Trump a signé quelques heures après son investiture le 20 janvier, censé « restaurer la liberté d’expression » — alors que lui et ses sycophantes s’emploient obstinément à faire exactement le contraire. Ce matin, quand on lui a demandé ce qu’il pensait de Pam Bondi déclarant son intention de s’attaquer vigoureusement au « discours de haine », Trump s’est vanté d’avoir déjà poursuivi avec succès ABC News pour s’être livré à « une forme de discours de haine » — et d’avoir soutiré un règlement de 15 millions de dollars directement pour ses poches personnelles. Pour être clair, je suis d’accord sur le fait que George Stephanopoulos d’ABC a commis une faute journalistique lorsqu’il a déclaré faussement que Trump avait été « reconnu coupable de viol ». Néanmoins, la jubilation punitive de Trump laisse entrevoir un certain confort à utiliser le pouvoir gouvernemental pour infliger une punition à des propos politiques qui lui déplaisent, sous le prétexte fraîchement inventé que cela pourrait constituer un « discours de haine ». Bien que son commentaire d’aujourd’hui à propos d’ABC ait eu un ton semi-plaisantin, Trump n’a manifestement pas eu la moindre envie de réprimander Bondi pour son djihad contre le « discours de haine ». En réalité, il répète sans cesse à quel point il pense qu’elle fait un travail fantastique.

Rappelons-nous : la raison centrale pour laquelle Trump a nommé Bondi en premier lieu était sa volonté et son empressement à servir, avant tout, comme une fidèle marionnette. (Un peu comme Charlie Kirk, sauf qu’elle dispose du pouvoir de poursuite judiciaire.) Si cela sonne comme une attaque hystérique façon MSNBC aux oreilles de certains lecteurs, je comprends, mais qu’on me cite une seule autre raison pour laquelle Pam Bondi aurait été nommée par Trump comme second choix pour le poste de ministre de la Justice, après qu’un autre fidèle de Trump, Matt Gaetz, a dû se retirer. Bondi et Gaetz étaient deux personnes dont l’identité publique était entièrement dédiée à plaire et à cirer les bottes de Trump. Il est certain qu’il est douteux que Trump ait nommé l’un ou l’autre pour leur expertise juridique — Gaetz était à peine un avocat en exercice. Bondi, elle, n’était plus procureure générale de Floride depuis six ans, et avait entre-temps occupé son temps avec des activités aussi stimulantes que lobbyiste « contre la traite des êtres humains » financée par le Qatar et chroniqueuse pour Fox News.

Donc oui, en d’autres termes, il est juste de dire que tout ce que fait Bondi a l’enthousiaste appui de Trump. Y compris sa dernière vendetta contre le « discours de haine ». Souvenez-vous : Trump a publié l’un de ses messages les plus délirants sur les réseaux sociaux, ce qui est un exploit pour lui, le 12 juillet — dans le but précis de défendre Bondi, qui avait été critiquée par des soi-disant « influenceurs MAGA », ou comme Trump les appelait, ses « gars » et dans certains cas, ses « nanas ». Parmi ces dernières figurait Laura Loomer qui, après l’échec épique de Bondi sur les « dossiers Epstein », s’était amusée à surnommer la procureure générale « Scam Blondi ». De cette façon, Laura ne faisait qu’imiter le style de surnoms caractéristique de Trump, mais il n’a pas semblé apprécier la plaisanterie. À la place, il a publié un mur de texte maniaque sur Truth Social, fustigeant ses « gars et nanas » — ce qui incluait alors en bonne place Charlie Kirk — parce qu’ils ne soutenaient pas Bondi avec suffisamment de ferveur.

C’est parce que c’était lors du fameux rassemblement « Turning Point USA » de Charlie Kirk que des gens comme Dave Smith avaient pu monter sur scène et déclarer — comme s’il s’agissait d’un fait avéré — que Trump avait activement couvert « un vaste réseau de violeurs d’enfants ». Les participants à la conférence, qui idolâtrent Trump jusqu’à l’absurde, se sont néanmoins sentis obligés d’applaudir comme des phoques la déclaration ridicule de Dave Smith — accusant leur Président préféré d’être complice de viols d’enfants. Cela devait être une dissonance cognitive d’ampleur historique. Imaginez-vous huer et applaudir à l’idée que le Président couvre activement un immense réseau pédophile, tout en paradant joyeusement avec votre casquette rouge MAGA, sans percevoir la moindre contradiction.

Quoi qu’il en soit, Trump n’a pas hésité à dénoncer et désavouer de façon flamboyante ses partisans les plus acharnés au profit de Pam Bondi, parce qu’il pense qu’elle est tout simplement fantastique. « Elle restera dans l’histoire comme la meilleure procureure générale que nous ayons eue », a déclaré Trump le 21 août. « Et je le pense vraiment. »
« Pam Bondi — les gens ne savent pas quelle star elle est. Elle est incroyable », a dit Trump le 12 septembre.

Donc, si vous n’aimez pas le fait que Bondi promette de criminaliser agressivement le « discours de haine », ne nous insultez pas en essayant de suggérer une distance entre elle et Trump, car cette tentative d’absoudre Trump est désormais pathétique. Pathétique aussi est le fait de régurgiter sans réfléchir les propos de RFK Jr., ce tuyau d’incendie de propagande incessante, qui a eu l’impudence d’apparaître hier dans l’émission de JD Vance et d’y déclarer que ce qu’il partageait le plus avec son « âme sœur » Charlie, c’était leur « engagement total pour la liberté d’expression ». Cela, après que RFK a passé des mois à diriger un effort intergouvernemental visant à punir les propos politiques jugés trop critiques envers Israël. Et dans cette même émission, Vance a livré l’un des plaidoyers les plus enflammés pour la Cancel Culture de droite (autrement dit, la censure) que vous puissiez entendre — appelant à surveiller, dénoncer et punir les propos politiques de citoyens privés. L’audace du spectacle serait presque comique, si elle n’était pas si pernicieuse.

Aujourd’hui, dans tout l’Oklahoma, les écoles ont reçu l’ordre d’observer une minute de silence* en l’honneur de Charlie Kirk, au motif qu’il aurait promu le « débat constructif ». Mais après avoir regardé plusieurs de ces « débats » tant vantés, généralement accompagnés d’un titre suffisant et d’une vignette YouTube racoleuse, je peux dire qu’ils figurent parmi les exemples d’expression publique les moins « constructifs » que j’aie jamais vus. Ce que faisait Kirk était une pâle imitation de « débat », conçue pour humilier de pauvres étudiants de deuxième année, dont les mines déconcertées pouvaient ensuite être utilisées pour générer du contenu viral médiocre et des revenus. Personne d’authentiquement intéressé par la culture d’un débat substantiel ne se comporterait ainsi. En réalité, cela ternit le mot même de « débat ». Cela dit, oui : les participants étaient des adultes, même si on les appelle familièrement des « étudiants », et ils participaient volontairement. Donc, dans une société libre, chacun est en droit de prendre part à ces pseudo-exercices de « débat » s’il le souhaite vraiment.

Cependant, vivre dans une société libre signifie aussi que nous n’avons pas à rester les bras croisés pendant que des agents du gouvernement nous contraignent à obéir à leurs rituels de béatification artificiels — où nous sommes censés hocher la tête et convenir solennellement que Charlie Kirk a été intronisé au panthéon national des martyrs de la vérité. Si c’est si évident que Charlie mérite cette distinction, pourquoi ne pas honorer ce que l’on prétend être son héritage, et organiser un vrai débat ?

* Une grande partie des écoles publiques ont refusé d'obéir à cette injonction [NdT]

Lire
➤ 
Comment Charlie Kirk est devenu l’homme qui susurre l’air de la trumperie à l’oreille des jeunes aux USA (Robert Draper, février 2025)

➤ Un prix baptisé Charlie Kirk lancé à Jérusalem pour honorer la jeunesse engagée aux côtés d’Israël