Gianfranco
Laccone, climateaid.it, 8/6/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
L’imperméabilisation des sols (leur recouvrement permanent par des couches imperméables de bâtiments, de routes asphaltées, de parkings, etc.) entraîne une perte irréversible de leurs fonctions écologiques. Les villes sont de plus en plus touchées par des vagues de chaleur dues au manque d’évaporation en été.
Des études ont montré, il y a déjà une dizaine d’années, que l’équilibre entre l’environnement naturel et l’agriculture polluante était compromis, prédisant que dans notre pays, il y avait un risque de désertification à hauteur de 21,3 % du sol italien et de 41,1 % du sol dans les régions centrales et méridionales. Au cours des 50 dernières années, les phénomènes de dégradation des sols ont entraîné une réduction de plus de 30 % de leur capacité à retenir et à réguler l’eau, amplifiant encore le risque hydrogéologique et l’occurrence d’événements catastrophiques.
Cette tendance non durable menace la disponibilité de sols fertiles et de réservoirs d’eau souterraine pour les générations futures. L'imperméabilisation des sols (leur recouvrement permanent par des couches imperméables de bâtiments, de routes asphaltées, de parkings, etc.) entraîne une perte irréversible de leurs fonctions écologiques. L'eau ne pouvant ni s'infiltrer ni s'évaporer, cela augmente le ruissellement, entraînant des inondations catastrophiques.
Les villes sont de plus en plus touchées par des vagues de chaleur, en raison du manque d’évaporation en été. Les paysages sont fragmentés et les habitats deviennent trop petits ou trop isolés pour accueillir certaines espèces. En outre, le potentiel de production alimentaire des terres est perdu à jamais. Le Centre commun de recherche de la Commission européenne estime que quatre millions de tonnes de céréales sont potentiellement perdues chaque année à cause de l’imperméabilisation des sols. Or, contrairement à d’autres ressources telles que l’air et l’eau, il n’existe toujours pas de législation spécifique au niveau de l’UE pour protéger les sols.
Je pense que nous devons nous demander pourquoi les appels à la protection des sols tombent dans l’oreille d’un sourd et pourquoi, comme d’autres biens que tout le monde aurait intérêt à maintenir en bon état, les sols font eux aussi l’objet d’une négligence inexplicable d’un point de vue rationnel et apparemment incompatible avec les objectifs que toute activité productive reposant sur les sols est censée atteindre.
La réponse à ces questions doit être recherchée dans les mécanismes déclenchés par une société fondée sur les règles du marché financier appliquées à toutes les relations et transactions possibles. Le vivant, dont la caractéristique est d’être cyclique, s’adapte mal à ces systèmes rectifiés, aux relations très simplifiées ; ce qui en souffre en premier lieu, c’est l’agriculture, système créé par l’humain pour augmenter la quantité de nourriture disponible, et qui repose sur l’utilisation de deux facteurs : la terre et l’eau et la circularité des relations créées entre eux, avec la formation de vapeur, de nuages, de vents, par la rotation de la terre.
Le sol agricole est donc un bien primordial qu’il faut toujours protéger, et d’innombrables études ont identifié les points critiques des transformations qui se sont produites dans les sols agricoles de la planète : l’érosion, la salinisation des sols et la désertification de vastes zones de la planète causée par l’action de l’homme représentent des effets qui doivent être combattus par le biais de plates-formes internationales d’accord entre les États. Tout le monde converge sur la nécessité de restaurer certains aspects de l’efficacité et de la fertilité des sols agricoles que leur utilisation excessive a dissipés, et la protection des sols apparaît donc comme un objectif largement partagé.
Il convient d’ajouter qu’au cours des 70 dernières années, la prise de conscience scientifique du lien essentiel entre la terre et l’eau et, par conséquent, la nécessité de défendre les sols non utilisés à des fins “humaines” (forêts naturelles, habitats, cours d’eau) se sont ajoutées, rendant de plus en plus évident le fait que tout ce qui se trouve sur la planète ne peut pas être plié à des fins économiques. Au contraire, les recettes économiques propagées pendant longtemps tendaient à considérer la terre, et donc le sol, comme un élément susceptible d’être valorisé de manière productive par le biais d’une utilisation plus intensive. Ces recettes ne sont plus gérables car les dommages qui en résultent sont de moins en moins importants dans le temps : les bénéfices sont réduits à la fois en ampleur et en durée.
Les investissements productifs initiés dans cette perspective et soutenus pendant longtemps, bien représentés en Italie par la bonification intégrale, ont subi le sort de toutes les politiques d’investissement de marché : ils sont devenus secondaires, considérés comme moins valables que d’autres ayant des rendements plus élevés et susceptibles d’avoir un impact immédiat sur les budgets de l’État. Dans les années de récession, les politiques de réduction des postes financiers non prioritaires, c’est-à-dire les investissements, surtout ceux à faible rendement, sont généralement privilégiées ; dans les années d’expansion, ce sont les investissements à haut rendement, souvent à haut risque, liés aux marchés financiers, qui sont favorisés. Cet abandon ne concerne plus seulement les investissements liés aux productions agricoles incluses dans les marchés de matières premières, mais aussi les activités et productions liées à un engagement de “développement durable”, qui jusqu’à présent avaient réussi à gagner un espace d’intérêt, capable de “soutenir” les activités de service liées au développement de la consommation foncière immatérielle. Il faut noter que dans les deux cas, cependant, le sol est considéré comme un support, à modeler et à modifier, et sa protection est une fonction liée à la correction des défaillances produites par son utilisation intensive.
Un premier élément de la théorie économique appliquée au domaine agricole est que la protection du sol n’est pas considérée comme une activité normale liée au cycle d’utilisation du bien, comme cela pourrait être le cas pour tout autre bien économique, dont la réintégration est normalement prise en compte par des quotas d’amortissement. Dans ce cas, la fonction de remise en état est décomposée en diverses autres fonctions, considérées non pas comme des fonctions de remise en état, mais comme des fonctions d’activité, productives ou sociales, et donc susceptibles d’une utilisation économique ou d’une utilisation pour l’intérêt collectif. Les fonctions de défense du sol sont directement liées à la valeur des productions qui y sont implantées, comme dans le cas de la fertilisation ou de la défense contre les ravageurs ; même dans le cas des investissements, le sol est valorisé pour l’amélioration de sa structure, ou pour une éventuelle dépollution ou valorisation. Dans tous ces cas, le sol n’a pas une valeur “unique” et peut même être valorisé différemment selon l’intervention envisagée.
Contrairement à ce que l’on prétend, à savoir que la division des sols ruraux et urbains permet une protection plus efficace des sols, la protection des sols se heurte avant tout à la parcellisation et à la privatisation qu’ils ont subies, ainsi qu’à la division culturelle entre ville et campagne, qui a considéré les sols existant dans une même zone géographique, voire contigus, de manière très différente selon qu’ils appartiennent à la catégorie des sols urbains ou ruraux.
L’assainissement et la protection des sols sont principalement destinés aux populations urbaines (actuellement la majorité de la population du continent européen), qui ne semblent pas se rendre compte de cet intérêt et se déchargent de tous les aspects du problème sur l’agriculture, le secteur qui occupe la plus grande partie des sols avec son activité économique.
Mais même dans le domaine de l’agriculture, la protection des sols suscite peu d’intérêt, pour de nombreuses raisons ; pour nous limiter au domaine strictement économique, l’une des principales raisons réside dans le fait que la production ne rentabilise pas un investissement dans ce sens, outre le fait que la division de la propriété rend encore moins attrayant pour les particuliers ce qui a manifestement un coût considérable non lié à un profit à court terme.
Du moins tant qu’il n’est pas question de réparer les dégâts d’une quelconque catastrophe.